DR. JOHN - IN THE RIGHT PLACE (1973)


Le sorcier ...

A l’instar de Robert Johnson, Malcolm John Rebennack, alias Dr. John, aurait-il pactisé avec quelque force maléfique ? Parce que ça a l’air tellement facile pour lui … même dans ses disques mineurs (« In the right place » n’est pas celui qui revient le plus souvent quand on cite ses meilleurs), il y a de quoi rester béat devant quelques-unes de ses trouvailles.
Dr John c’est un peu le savant fou, le type qui dans son laboratoire assemble une formule connue de lui seul, touillant sans relâche sa recette pour arriver à cette macédoine sonore unique, dont on reconnaît tous les ingrédients. On se dit que c’est bête comme chou, et on s’étonne que personne ne l’ait fait avant lui, de picorer dans un siècle de musiques populaires américaines pour y trouver les épices dont il va assaisonner ses titres.
John, John, et John en 1973. Un seul est Dr. (un indice, c'est celui qui a l'air malade)
En plus, pour ce disque, Dr John a réuni en studio rien moins que ceux qui sont souvent considérés comme ses concurrents es groove from New Orleans, les fantastiques Meters, alors au sommet de leur gloire. Et le liant de tous ces titres montre qu’entre ces musiciens ayant bien des choses en commun, il n’y a pas de compétition, mais bien une saine émulation pour tirer les morceaux vers le haut.
Même si l’ensemble fait un peu trop scolaire à mon sens, restant dans des sentiers relativement balisés, alors que Dr John ou les Meters, séparément, ont fait plus fort, plus fou, plus … enfin mieux quoi. Il serait quand même assez vain de chipoter, de chercher l’erreur de cette fine équipe, renforcée par l’omniprésence d’Allen Toussaint, multi-instrumentiste en studio et co-producteur du disque. C’est joué parfaitement, et c’est peut-être bien ça le problème …
N’empêche « Right place wrong time » qui ouvre de façon funky le disque est un classique du bon Dr., que l’on retrouve sur toutes ses compilations dignes de ce nom. Tout comme le suivant, « Same old same old », qui ravive le son de l’indépassable « Gris-gris », premier et meilleur disque de Dr. John. Deux titres de moins de trois minutes. Alors que l’on sait que tous ces types peuvent dérouler du groove beaucoup plus longtemps. Il y a un parti pris dans « In the right place » de faire dans la concision (onze titres en à peine plus de demi-heure), dans l’exercice de style. Quasiment tous les genres de musique noire en vogue dans les années 60-70 sont abordés, le rhythm’n’blues et la soul sont omniprésents, faisant la part belle à des cuivres additionnels (« Travelling mood »), à des chœurs féminins (« Peace brother peace », avec sur cette dernière des accords qui ressemblent étrangement à ceux de « Hard to handle » d’Otis Redding). Dr. John fait des efforts au niveau vocal, rendant presque compréhensible le grognement d’ours qui lui tient lieu de voix, même si quand la mélodie est difficile, il montre ses lacunes (« Just the same »).
C’est bien fait, normal y’a quand même de sacrés clients, mais ça ronronne quand même un petit peu, le « boulot » donne parfois l’impression d’être un peu bâclé (la pochade jazzy et chaloupée de « Such a night »), tout ce beau monde s’amuse bien (le très blaxploitation « Shoo fly marches on » fait très Curtis Mayfield période « Superfly »), poussant même la joke jusqu’à imiter les Stones de « Exile … » (Dr. John et les Meters ont ouvert des concerts pour eux), le titre s’appelle « Cold cold cold » et c’est assez bluffant …
Il y a tellement de talent chez ces gens, que là où beaucoup se seraient vautrés, eux réussissent à faire un disque très correct, et peut-être une des portes d’entrée les plus faciles pour l’œuvre tentaculaire de Dr. John …

Du même sur ce blog :
Gris-Gris
The Very Best Of Dr John 
Locked Down