Celui-là, Kevin Parker, j’aimerais pas être à sa place …
à peu près unanimement qualifié de génie uniquement sur la foi de ce disque (le
précédent, « Innerspeaker », était passé à peu près inaperçu), par
ceux qui sont payés pour donner leur avis sur des disques … et qui doivent à chaque fois trouver des
superlatifs dès que sort un disque, pour faire vendre du mag musical ou du Cd,
alors que la plupart de ces soi-disant surdoués se délitent aussi sûrement à
l’usage que du sucre en poudre dans du café bien chaud …
Kevin Parker est un Australien solitaire (d’où ce
néologisme qui sert de titre à l’album), sorte d’autiste bohème (il habiterait
maintenant à Paris pour des raisons sentimentales, voir la photo de pochette
prise dans les jardins du Luxembourg), timide et complexé. Le genre de gars qui
aime pas être mis en avant et qui se cache derrière un nom de groupe (Tame
Impala, à la géométrie très variable) qui l’accompagne sur scène.
Kevin Parker |
Car quelles que soient l’écriture et les idées de Parker
– Tame Impala, toute cette luxuriance et ce foisonnement d’arrangements de
Fridmann sont essentiels dans le rendu final. Parce que Parker avait placé la
barre très haut. Reprendre les choses là où les cerveaux désintégrés par
l’acide de gens comme Brian Wilson, Syd Barrettt, Arthur Lee les avaient laissé
il y a quarante cinq ans est un pari osé. Faire du revival au son de tambourin
près de cet univers psychédélique
explosé n’est déjà pas simple (les bacs à soldes sont pleins de Cds de gens qui
s’y sont essayé, et il s’en lève tous les jours de nouveaux), mais réussir à en
faire quelque chose qui ne soit pas daté et qui sonne actuel, contemporain, est
encore plus compliqué. Le tout avec trois bouts de ficelle (la plupart des
claviers et synthés utilisés datent du temps des dinosaures, certains étant
même construits-bricolés par Parker lui-même), et en assurant la quasi-totalité
des instruments.
Le résultat surprend, il flotte dans ce disque l’esprit
du Floyd de Barrett, des Boys de Brian Wilson, du Love de Lee, des Beatles de « Magical Mistery
Tour », du Harrison mystique de « Here comes the Sun »,
assaisonné à la sauce Parker-Fridman. C’est bien simple, la dernière galette
réussie dans ce genre, c’est pour moi « Around the world in a day ».
C’était en 1985, ça ne nous rajeunit pas, et c’était signé Prince, on parle pas
là du premier venu.
Tame Impala 2012 |
Maintenant, après cette indéniable réussite, Parker va se
retrouver confronté à une attente conséquente (de la part du public, et plus
difficile encore, de la part de la critique, prompte à brûler ce qu’elle vient
d’encenser). Il lui faudra aussi passer par l’épreuve de la scène, avec la
gageure de rendre intéressant, « rock », un disque dans lequel les
synthés tiennent tout de même une place primordiale, et quand on sait que la
vague electro des années 90 s’est dissoute dans son incapacité à assurer on
stage quand quelques-uns de ses représentants s’y sont risqués, là aussi c’est
pas gagné d’avance …
Et puis, et surtout, tant il apparaît évident que
Fridmann joue un rôle essentiel dans ce disque, Tame Impala réussira t-il à
renouveler la qualité de ce Cd sans son producteur, ou les deux vont-ils se
lancer dans une association à la Marley-Perry, U2-Eno, Sinatra-Riddle,
Cash-Rubin, …, pour poursuivre à ce niveau ? C’est tout le challenge proposé
à Kevin Parker après ce très bon « Lonerism » …
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