Mignonne, allons voir si la rose ...
M’en souviens … c’était vers le milieu des seventies, on
finissait quelques fois les soirées chez des babas cools, assis-écroulés par
terre, plafond tapissé de fumées aromatiques, et vinyles qui tournaient sur des
stéréo pourries … et avant les trucs qui déchiraient leur race (chez ces
gens-là, c’était Gong ou Yes, ceci expliquant de vieilles haines tenaces pour
ces guignols), on avait droit à tous ces fuckin’ poètes « engagés »
sur la platine, les Ferré, Ferrat, Béranger et consorts … et dans le lot, ce
zigoto au blaze improbable, Julos Beaucarne.
Un nom pareil, ça s’invente pas. Faut dire qu’il est
Belge, ça n’explique pas tout, mais ça donne des circonstances atténuantes. Il
paraît qu’au fil du temps, ce gonzo est devenu une institution dans son plat
pays, une sorte de gourou écolo-rustique. Et même si nous on est putain de mal
barrés, faut être sport et reconnaître que les Belges ont vraiment pas de
chance avec leurs chanteurs …
Cet illuminé a enregistré une palanquée de disques, dont
ce « Julos chante pour vous », très prisé chez les babs suscités.
Même avec les précautions d’usage (gaffe aux incidents diplomatiques, y’a des
Flamands et des Wallons qui me lisent parfois), il faut dire les choses, ce
type est un ringard perpétuel total. Un gus obnubilé par les poètes de la
Pléiade (Ronsard, Du Balai, tous ces
types morts y’a presque 500 ans), et la littérature courtoise (fin du
paléolithique supérieur, XIIIème siècle).
C’est tellement cliché dans le genre guitare en bois et
vocabulaire désuet que ça ferait passer ses semblables Guy Béart et Yves Duteil
pour de dangereux punks. Il y a dans ces odes à sa douce mie (prononcez comme
Julos « mi-euh », tous les « e » sont accentués chez les
poètes ringardos) plein de mots que même le fan-club de Julien Lepers (ou de
Sexxion d’Assaut) ne doit pas connaître.
D’ailleurs, à titre didactique, et pour épater ceux qui
dans le temps sont allés voir sur le Larousse ce que signifiait
« désinvolte » de Noir Désir ou « obsolète » de MC Solaar,
voici, piochée dans la poésie rance de ce skeud, un florilège de mots à éviter
sur vos prochains SMS : ingénu, déplaise, embruns, chanteur mécanique
(pour juke-box !), cahote, gavotte, barde, troubadour, mandoline, écu,
mijaurée, minauderie, ambroisie, enchanteresse, sollicitude, majordome,
patriarcale, électrolyse, ostensoir, sire, tromblon, gélatineux, picote,
frimas, zéphyr, mirer, … quant aux douces et tendres qu’il courtise, elles se
prénomment Aldegonde, Rose, Gertrude, Elyse …
Logiquement, à côté de pareilles choses, le premier Le
Forestier a fait figure de disque de folk révolutionnaire …