GOGOL - LE RETOUR DE LA HORDE (1986)


Un peu de poésie ...

S’il y a bien un retour que pas grand-monde attendait, ou au choix, dont tout le monde se foutait, c’est bien celui du Sire Gogol Ier et de sa Horde. Gogol (Jacques Dezandre pour l’état-civil) n’a jamais vraiment mobilisé les foules derrière son auguste personne et sa musique. La musique, c’est du primaire, peu ou prou un gros bordel punky. Le personnage suscitait au début des années 80 des réactions diverses, entretenues par des shows destroy, porno-scato et provocateurs. Gogol Ier ne laissait pas indifférent, mais était loin de faire l’unanimité, surtout si l’on ne dépassait pas l’approche au premier degré… Auto-proclamé gourou-pape de son propre culte, Gogol se présentait sur scène en soutane, portée comme les Ecossais portent le kilt, offrant donc à ses fidèles ouailles la contemplation de sa virilité…
Gogol et la Horde, c’est pas vraiment l’imagination élégante au pouvoir, c’est violent, vulgaire, bête et méchant. Dans le style Hara-Kiri – Charlie Hebdo, version binaire. Farouchement indépendant, forcément loin de tout « pacte » avec une major, à tel point que les disques de Gogol ne sont aujourd’hui trouvables (tout de même au prix fort) que sur le site du groupe, et témoignent d’une « carrière » en pointillés mais qui semble t-il perdure encore.
Ce « Retour de la Horde » comme son nom l’indique succédait à une période plutôt silencieuse au début des années 80. Le titre éponyme est une introduction martiale à grosses guitares tendance Hendrix (à la place du « Star spangled banner », il y a quelques notes saturées de « La Marseillaise »). On « pénètre » dans le vif du sujet (hum …) avec « Voilà des paroles faciles à comprendre », porte d'entrée sur fond de punk-rock primaire à chœurs hooliganesques, à l’univers tout en rimes riches de Gogol.
Ensuite, ça part un peu dans tous les sens, on quitte souvent le domaine musical pour de courts spoken words tout en délicatesse, « Je pisse » et son bruit de bidet final, « Dernière prière du soir » imprécation de prêtre pédophile, le confus règlement de compte « Vengeance anonyme ». Musicalement, ça casse pas toujours des briques (« Je bois et je suis le Roi » rock lent et lourd plutôt commun, « Moi » pénible electro-punk comme en faisait le B.A.D. de Mick Jones ), il y a vers le final un parti pris de punk crétin, « On se calme », ou « Mais qui va nous faire marrer » en hommage à Coluche fraîchement encamionné. En gros, Gogol délire bien, et se fout totalement de ce qu’on peut bien en penser.
Parfois ce délire égomaniaque frappe juste et fort, comme le rageur « J’encule » sur fond de piano-bar Rive Gauche ou encore le disco-punk pétainiste « Travail Famille Patrie » qui aurait été encore plus amusant s’il avait réussi à faire un hit.
Evidemment, tous les moralisateurs (ou les mélomanes) qui prennent tout çà au premier degré vont être offusqués par tant de vulgarité. Les autres souriront souvent devant cette rabelaisienne crétinerie, qui s’avèrera sans limite quand Gogol, à l’instar de Coluche annoncera sa candidature à une élection présidentielle (en 1988 il me semble). Il n’ira pas plus loin que la déclaration d’intention …
Bonne vanne pour la pochette qui pastiche la première page du Libé de l’époque avec édito de « Philippe Grandes Manœuvres » que Gogol n’a pas vraiment l’air d’apprécier …