FUCK BUTTONS - TAROT SPORT (2009)


With God on my side ...

J’étais tranquille, j’étais peinard, chez moi, en train de chercher un gimmick pour mon prochain com, quand j’ai vu le Grand Véhicule se garer en face la porte. Un type est entré. Je l’ai toisé d’un œil torve :
- Eh, Dieu, te gêne pas, fais comme chez toi, entre sans frapper …
- Comment tu m’as reconnu, Lester ?
- Facile, Très-Haut, tu es coiffé comme Clapton à l’époque de Cream, et puis tu fumes le Havane.
- Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Et dis-moi, qu’est-ce que tu fous, là ?
- Ben, Votre Grandeur, j’essaye de trouver un plan pour ma 574ème chronique de Muddy Waters.
- T’en as pas marre de te faire chier avec cette musique de grabataires ? Pense à tes jeunes lecteurs de cinquante ans, parle d’un disque pour eux, d’un disque électronique …
- Mais j’y comprends rien moi, à la musique électronique, Tout Puissant. Vous voulez que je parle de David Guetta ?
- Et pourquoi pas des Boards of Canada, tant que tu y es ? La musique électronique, y’a rien à comprendre. Tiens, écoute ça, par exemple.
Par je ne sais quel prodige, du bruit se fit entendre…
- Euh, Mon Seigneur, c’est à la bonne vitesse, là ?
Dieu haussa les épaules.
- Et c’est qui, Votre Sainteté ?
- Les Fuck Buttons, ignare.
- Gloups, les Fuck quoi, Votre Altesse ?
- Les Fuck Buttons de Bristol. Tu connais Bristol au moins ?
- Oui, Majesté, bristol, c’est du papier pour les faire-part ou les invitations …
Dieu se regarda et donc, leva les yeux au ciel.
- Pfff … mais non, Bristol, la ville de Portishead et Massive Attack. Tu les connais eux, au moins ?
- Affirmatif, Mon Prince, les tristos qui font du dub au ralenti …
- N’importe quoi, enfin, passons … Les Fuck Buttons sont la dernière sensation de Bristol. Ce disque, c’est leur second, produit par Andy Weatherhall et …
- ‘Scuzez moi, Grand Timonier, mais Weatherhall, c’est un grabataire aussi, il remixait les Rita Mitsouko y’a vingt ans.
- Tu veux que je déclenche sur toi ma colère forcément divine ? Ferme-là et laisse moi t’expliquer … Les Fuck Buttons, c’est deux gars qui font de la musique électronique, l’un influencé par le post-rock de Mogwai, l’autre par la drone music, « Metal Music Machine » de Lou Reed, ce genre de choses …
Les Fuck Buttons en train de faire tapisserie ...
- Putain, ça craint tout ça, Votre Eminence …
- Espèce de chochotte, tu n’y comprends rien, c’est de l’avant-garde, c’est forcément bien … et tais-toi quand je parle. Donc « Tarot sport » jette un pont entre ces genres novateurs et est construit comme une longue odyssée sonore, avec tous les titres enchaînés et de longues séquences de transition entre eux. Note que la plupart des morceaux (exclusivement instrumentaux, aucune voix, même trafiquée, n’est décelable), durent pratiquement tous dix minutes, ce qui permet d’installer les ambiances hypnotiques et répétitives nécessaires. Et qu’on retrouve dans ces titres des choses qui renvoient à la plupart des courants de la musique électronique des vingt dernières années. Il y a de la house, du big beat, de la drum’n’bass, de la trance, de la jungle, plein de choses pour réveiller plein de souvenirs chez les connaisseurs. Note qu’on n’est pas dans l’ambient, ça bastonne au niveau des BPM, y’a des morceaux où on s’approche des 150. Et puis, c’est un disque qui fonctionne d’autant mieux qu’on l’écoute très fort. Tu suis ?
- Oui, mon Général. Un peu comme avec Ted Nugent, plus on monte le son, plus c’est bon …
- Mon Moi ! Mais que me suis-je fait pour mériter pareil obscurantisme …
- Non, je charrie, Votre Honneur, c’est pas si mauvais que ça en a l’air. Tiens, D’ailleurs y’a des morceaux qui ressemblent à Air. Enfin, Air repris par les Prodigy ou Orbital …
- Tu vois, quand tu veux, tu peux dire des choses à peu près sensées. Donc tu vas laisser tes vieux croûtons habituels, et tu vas dire du bien de ce disque des Fuck Buttons dans ton misérable blog … Et on discute pas, c’est un ordre …
- Comme il vous plaira, Sire … Mais euh, Votre Altesse, vous croyez que ça va intéresser quelqu’un les Fuck Buttons ?
- C’est l’avenir de la musique.
- Ah bon, si vous le dites, Excellence … Inch’Allah.
En me jetant un dernier regard courroucé et méprisant, Dieu me quitta …