Rage Against The Machine ?
Un disque atypique de son temps et de la
discographie de Curtis Mayfied … Mayfield qui est déjà un peu à part dans la
musique noire avec sa soul soyeuse s’aventurant dans les contrées jazzy. Quand
paraît ce « There’s no place like America today » en 1975, l’heure
est au funk discoïde, et Mayfield quelque peu au creux de la vague. Les succès
de ses premiers disques solos, avec mention particulière à « Curtis »
et le très successful « Superfly », commencent à s’estomper, et
forcément plus encore ses hits des 60’s avec les Impressions …
Et alors que les Blacks cultivent l’hédonisme
dansant et insouciant, Mayfield va donner dans le revendicatif et le social. La
pochette est sans équivoque. On y voit des Noirs dans une file menant à quelque
soupe populaire sous une affiche représentant une famille blanche dodue et
souriante en voiture. Contraste des clivages sociaux accentué par l’ironie
quelque peu amère du titre de l’album. Même si Curtis Mayfield ne se prend pas
pour Luther King, et encore moins pour Malcolm X ou les Black Panthers. Pas de
revendications, pas de militantisme guerrier dans les textes, juste
quelques-uns ont une portée « sociale » marquée (« Billy
Jack », « Hard times », « Blue Monday people »), mais
l’espoir reste présent à travers l’amour (« So in love », « Love
to the people »), ou la foi (« Jesus ») …
Musicalement, c’est épuré à l’extrême, basé sur des
tempos lents, la voix de fausset immédiatement reconnaissable et la Telecaster
aigrelette de Mayfield. Il y a pourtant pléthore d’instruments présents, des
plus classiques (rythmiques, claviers, cordes, cuivres) aux plus inattendus
(quelques accords de harpe)… Mais chacune de leurs interventions est dosée avec
parcimonie, quelques notes des uns ou des autres suffisant à emplir l’espace
sonore. Un travail d’orfèvre au niveau de la production et des arrangements,
particulièrement en évidence sur le gospel futuriste « Jesus », la
classique roucoulade soul « So in love », le « Billy Jack »
inaugural et son ambiance soft jazz. Seul « Hard times » est plus
allegro, avec sa guitare folle qui égrène des notes aiguës …
Le seul reproche que l’on peut faire à ce disque,
c’est son côté monolithique, on aurait aimé trouver quelque mélodie up tempo,
quelque rengaine un peu plus « facile » au milieu de toutes ces
suites d’accords tarabiscotés …
Ne pas faire le difficile pour autant. Si un Prince
(qui s’est énormément inspiré de Mayfield) venait à sortir un disque de cette
qualité, tout le monde s’esbaudirait sur le talent et le génie retrouvés du
nabot de Minneapolis… Avec « There’s no place like America today »,
on est juste en présence d’un des derniers (le dernier ?) grands éclats de
la discographie de Curtis Mayfield …
Du même sur ce blog :
Superfly
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Superfly