L'arnaque indispensable
N’eût été le décès de l’ancien beau-fils de Presley,
le gros coup de l’été 2009 aurait été la commémoration des 40 ans de Woodstock.
Le genre de projet minutieusement préparé par Sony pour rajouter un peu de
toile aux parachutes dorés de ses actionnaires. « Take
the money and run » comme disait Steve Miller …
5 doubles Cds comprenant les rééditions d’un disque
studio de l’époque, plus l’intégralité de la performance de l’artiste à
Woodstock. Sont concernés les signatures maison Joplin, Airplane, Johnny
Winter, Santana, Sly & The Family Stone. Et si ce genre de machins vous
plaît, le coffret avec l’ensemble des 10 Cds.
Woodstock, ce barbecue géant de hippies… Dont on
connaît le son (les triple 33 T, les doubles Cds, et tous les titres qui
traînent sur des compilations, coffrets, bootlegs, …) et l’image (le film de
Wadleigh). Avec quand même quelques moments qui ont marqué leur époque et les
générations futures.
Hendrix à l’aube du quatrième jour, devant trente
mille rescapés hébétés, qui lacère l’hymne américain à grands coups de
Stratocaster. Santana qui se fend d’un « Soul Sacrifice » aussi chaud
que le soleil exceptionnellement présent cet après-midi là. Le plombier Joe
Cocker, les yeux exorbités, qui invente la air guitar sur « With a little
help from my friends ». Alvin Lee qui se fend d’un hallucinant solo sur
« I’m going home ».
Comment vouliez-vous qu'ils passent inaperçus ? |
Sly
& The Family Stone, justement. Essentiellement un groupe de Noirs. Et des Noirs, à
Woodstock, il n’y en avait pas beaucoup, sur scène, et encore moins dans le
public, d’après le film. Et j’étais curieux de voir si le show de la Family
était du niveau de ce que tout le monde connaissait.
Et bien oui. En cinquante minutes de folie furieuse,
Sly et son groupe envoient une grande leçon de musique totale, une scansion
rythmée hallucinante et hallucinée. Il me semble que les témoignages live de
Sly & The Family Stone ne sont pas très nombreux, et donc cette prestation
est indispensable.
Ce soir-là, le sieur Sylvester Stewart et sa famille
ont tutoyé les étoiles. Le buzz sera tel que Miles Davis lui-même poursuivra Sly de ses avances, le
suppliant de travailler avec lui. Lequel Sly, trop souvent (toujours ?)
« high », n’en aura rien à foutre et jettera même Davis des studios
quand il sera lassé de le voir dans ses pattes. Le jazzman, de dépit, se lancera à corps perdu avec
McLaughlin et consorts dans ce que l’on appelera jazz-rock, et que quelques
malentendants persistent à trouver génial. L’autre Maître de la black music,
James Brown, ruminera dans son coin avant de trouver la réponse à Sly qui
aligne en ce début des 70’s 45 T et 33 T majestueux. James Brown se sentira
tout à coup terriblement vieux et dépassé, il jouera son va-tout dans un
sublime coup de poker, virant ses antiques JB’s pour embaucher une troupe funky
d’ou émergeront les tignasses afro de Bootsy et Catfish Collins. Une des
premières séances de ce groupe donnera la moitié du faux live mais vrai
chef-d’oeuvre « Sex Machine ».
Mais il y a quand même quelques détails que le
chaland potentiel doit savoir.
Le
disque studio du package Sly & The Family Stone, c’est « Stand ! », au demeurant excellent. Mais pas de bol, je l’avais en 33 T
et racheté en Cd. Je me retrouve donc avec un joli petit frisbee au logo
Woodstock et à l’estampille Sony Music dont je n’ai que faire.
Autre détail, le son du concert est remastérisé. Ce
qui veut dire que l’on entend beaucoup moins l’énorme souffle de mammouth de la
sono qui faisait disparaître la moitié de la musique. Revers de la médaille,
les bandes ont été « retravaillées ». Si Sly Stone ne s’en tire pas
trop mal, le résultat pour d’autres est pour le moins curieux, avec notamment
l’Airplane, le plus mélodique des groupes psychédéliques qui sonne comme …
Steppenwolf. Au vu de la qualité du coffret Rhino « 3 Days of Peace & Music », on peut dire que les ingés de Sony ont sorti avec ces bandes un
boulot de gougnafiers.
Mais comme je suis de bonne humeur, je vous mets
pour le même prix mon avis sur les quatre autres.
L’Airplane renforcé de Nicky Hopkins au piano, sonne
comme un groupe de hard, avec Grace Slick et Balin qui hurlent, et balance une
interminable version (plus de vingt minutes) de leur emblématique mais fort
ennuyeux « Woodenships ». Disque studio :
« Volunteers ». A réserver au conseil d’administration du fan-club.
Santana est grandiose, tout est du niveau de
« Soul Sacrifice ». Disque studio « Santana » son 1er 33T avec la tête de lion sur la pochette. Mais tout le concert existait déjà
officiellement (coffret « Legacy » il me semble).
Johnny Winter fait ce qu’il a toujours fait et refera ad vitam eternam, son numéro de juke-box avec longs solo de guitare un peu partout se terminant par (quoi d’autre) « Johnny B Goode ». Doit bien exister 300 live de l’albinos texan aussi bons ou meilleurs que celui-là. Disque studio « Johnny Winter » de 1969 avec la pochette noire (lui par contre excellent).
Reste le cas Janis Joplin. Elle s’était opposée à ce que sa prestation apparaisse sur le triple 33 T de 1970. Et là on comprend pourquoi. Ce n’est pas elle qui est en cause, elle est même très correcte au chant, même si d'après les témoignages des "rescapés", elle était pourtant "ailleurs". Mais le groupe (le Kozmic Blues Band) est pitoyable avec mention spéciale à une section de cuivres imbécile passant du free-jazz à la soul et au rythm’n’blues à l’intérieur du même morceau et couvrant tout le reste de son affreux raffût. A fuir absolument. Disque studio « Kozmic Blues ».
There's A Riot Going On