ANTOINE - ANTOINE RENCONTRE LES PROBLEMES (1966)

ANTOINE RENCONTRE LES PROBLEMES (1966)







Problématique

Antoine avec ses « Elucubrations » a eu au début 1966 un énorme succès au goût de scandales en tous genres. Durant ses galas (en France, on ne dit pas concerts, on a du vocabulaire) comme sur ses premiers enregistrements, ils est accompagné par un groupe, les Problèmes. C’est là qu’intervient leur manager commun, Christian Fechner, qui par la suite fera fortune en produisant de mauvais films (ceux des Charlots, les derniers De Funès, ce genre de choses, …).
Fechner veut capitaliser sur le succès d’Antoine et lancer les Problèmes. La carambouille est simple, faire un disque avec les deux. Ainsi naît le concept foireux de ce « Antoine rencontre Les Problèmes ». Une arnaque, Antoine n’est présent que sur deux titres. Les Problèmes se voient pour tout le reste adjoindre un chanteur (Gérard Rinaldi) à voix de ténor (le genre de voix qui fera le succès et la fortune de Lama ou Sardou), et que vogue la galère.
La « ligne » musicale est inconsistante. Les Problèmes singent ce qui marche Outre-Manche, peu importe qu’il s’agisse de soul, de rythm’n’blues, de rock garage, de pop. Le tout produit « à la française », les musiciens au fond du mix, le chanteur très en avant, avec des textes assez souvent navrants …
Même s’il y a dans le lot des titres intéressants, dont quelques-uns renvoient à la sauvagerie des Pretty Things (« Dodécaphonie »), reposent sur de gros riffs fuzzy (« Pop jerk », « Je ne vois rien »), ou mettent en avant de jolies mélodies au service de textes forts (« Ballade à Luis Rego, prisonnier politique », meilleur titre du disque et dénonciation de l’incarcération de leur guitariste rythmique dans les geôles de son Portugal d’origine). Le reste se perd entre titres anodins, pseudo-révolte dans l’air du temps (« On s’en fou »), ou reprise-pastiche du « I feel good » de James Brown (« S’il boude »).
Les deux titres d’Antoine ne relèvent guère le niveau. Un duo avec Rinaldi (« Contre-élucubrations problématiques ») reprend sans saveur les recettes des « Elucubrations ». Seul le titre de clôture du 33 T original (« Je dis ce que je pense ») voit Antoine se lâcher dans un pamphlet assez incendiaire conclu par un « Et merde ! » parfaitement audible. Very shocking dans la France de De Gaulle …
Si la réédition s’arrêtait aux 14 titres originaux, ce Cd serait musicalement passable. Six titres bonus montrent l’évolution des protagonistes, enfin, surtout les Problèmes, Antoine s’en allant enregistrer quelques rengaines à succès (« Pietre » notamment) en Italie. Ce « Antoine rencontre les Problèmes » va faire un four. Très rapidement sous l’impulsion de Fechner, les Problèmes vont devenir les Charlots, se lançant dans des pastiches de succès internationaux (« Hey Max », parodie de « Hey Joe » avec l’accent paysan berrichon), ou du comique ( ? ) franchouillard de la pire espèce (l’inénarrable « Paulette tu es la reine des paupiettes »).
De groupe de rock, les Problèmes étaient devenus en quelques semaines groupe à beaufs. Ne faisant par là que suivre une tradition entamée par tous les jazzeux Rive Gauche des années 50, faux anars mais vrais réacs (Vian, Yanne, le pathétique Henri Salvador), fans des soupes à l’oignon jazzy de Sydney Bechet, et se croyant cultivés, malins et comiques avec leurs « Blues du dentiste » et autres « J’aime pas le rock ». Comme eux, les Charlots allaient confirmer que décidément, le rock est une chose bien trop drôle pour être confiée à des clowns …