Dans l’industrie du divertissement
américaine, le nom de Minnelli est un de ceux qui comptent. Le Vincente Minnelli
donc, réalisateur multi-oscarisé, ancêtre de toute une lignée d’Italo-américains
versés dans le septième art (les Scorsese, De Palma, Cimino, Coppola, …), mais
aussi père de la Liza du même nom, reine des cabarets et revues de Broadway, et
mari de l’alcoolo dépressive, l’ex-enfant star Judy Garland.
Vincente Minnelli, c’est une filmographie assez conséquente, placée pour la majorité de ses œuvres les plus connues sous le sceau de la comédie musicale (« Le chant du Missouri », « Tous en scène », et son meilleur, « Un Américain à Paris »). Plus quelques films plutôt noirs, dont les excellents « Les ensorcelés » et « Comme un torrent ».
Vincente Minnelli |
« Gigi » est une
comédie musicale et son plus gros succès (huit statuettes, dont meilleur film
et meilleur réalisateur), et comme d’autres films avant lui (dont une « version
française » une dizaine d’années plus tôt), inspirée d’un bouquin de Colette.
Le film de Minnelli respecte globalement les grandes lignes du livre, tout en y
rajoutant quelques touches personnelles, la plus notable étant l’ajout d’un
personnage, vieux bourgeois grivois, et oncle du principal protagoniste
masculin.
Colette a situé l’action de « Gigi » à Paris vers 1900, au milieu d’une faune de riches et de « demi-mondaines » (gentille expression d’époque pour désigner des femmes dont l’outil de travail était situé un peu au-dessous du nombril) annonciatrice de la Belle-Epoque. Minnelli a donc fait un film parisien tourné à Paris. Un Paris qu’il connaissait peut-être, mais qu’il rend totalement fantasmatique, vision grotesque de carte postale, de la ville de La Tour Eiffel, la ville des allées du Bois de Boulogne (alors lieu de promenade et d’exposition de la haute bourgeoisie), la ville des soirées chez Maxim’s, la ville des amours romantiques…
Là où ça se complique, c’est
que Minnelli a décidé d’en faire une comédie musicale et confié les trois rôles
principaux à des Français. Deux plus ou moins expatriés, Louis Jourdan et
Leslie Caron (c’est elle qui serait l’instigatrice principale du projet qui a
fini en film), plus l’inénarrable Maurice Chevalier. Tous les trois jouent
comme des savates, en faisant des brouettes. Même si ce jeu outré est un peu
récurrent avec les comédies musicales, là c’est vraiment too much. D’autant
plus que la Caron et le Jourdan sont à la ramasse sur leurs parties chantées,
heureusement peu nombreuses. Minnelli aussi est en roue libre. Certes il sait
tenir une caméra, le cadrage est précis, le montage fluide, les costumes censés
être d’époque sophistiqués, malgré un traitement des couleurs bien pétaradant …
Ce qui ne masque pas la vacuité simplette de l’histoire (il me semble que le
bouquin lu il y a des décennies est moins neuneu). Tout ça fait un peu « Un
Américain à Paris » bis.
Minnelli a toujours eu le chic pour surexposer des ringards improbables. Dans « Un Américain … » c’était Georges Guétary dans un second rôle (et la première apparition de Leslie Caron qui allait en faire une vedette grâce au succès du film). Ici, on peut s’interroger sur la pertinence du choix Louis Jourdan, totalement inexpressif et transparent. Plus encore sur celui de Leslie Caron qui à 27 ans joue une gamine (15 ans dans le bouquin, 17 dans le film). Certes elle est toute petite, mais elle se force à minauder et à grimacer au-delà du raisonnable. Le pompon est attribué à Maurice Chevalier. Rarement vu dans un film un rôle principal aussi mauvais, figure cireuse rigide (à force de maquillage), perpétuel sourire benêt toutes dents blanches (refaites) en avant, … si on voulait être méchant (pas mon genre, hein, vous le savez), on dirait que pousser la chansonnette pour les officiers nazis pendant l’Occupation n’en a pas fait un grand acteur …
La première scène résume tout
ce qu’il y a de mauvais dans ce film. Alors que des équipages de calèches
luxueuses traversent au second plan les allées du Bois de Boulogne, Maurice
Chevalier dont le personnage se définit comme un libertin forcené, reluque des fillettes
qui jouent au cerceau (dont Leslie Caron, grotesque de puérilité) en entonnant
une des chansons à succès du film « Thanks heaven for little girls ».
Dont les paroles sont encore pires que ce que laisse présager le titre, ça
donne en français des choses à haute allusion pédophile comme « c’est une veine
qu’il y ait des fillettes ». A l’heure où pour beaucoup moins que ça,
certains ont généré contre eux des hashtags incendiaires associés à des
campagnes d’opprobre et de destruction massives pour de très vieilles histoires,
il est étonnant que ce film n’ait pas été montré du doigt …
Remarquez, qui peut bien se
fader des niaiseries pareilles ?
Celui-ci, ça fait un baille que je ne l'ai pas revu. Mais à te lire, mieux vaut pas s'infliger cette peine. Je ne veux pas dire de bêtise, mais mon premier visionnage de ce film remonte à au moins trois décennies (cinéma de minuit) et je ne suis même pas sûr de l'avoir vu jusqu'au bout ! Comme toi, j'apprécie surtout le cinéaste pour son diptyque autour de l'industrie du cinéma (Les Ensorcelés que tu signales, mais aussi Quinze jours ailleurs, tout aussi bon, et même beaucoup plus audacieux que le premier, avec toujours Kirk Douglas à l'affiche...). Pour les comédies musicales, je suis toujours passé à côté (Un Américain à Paris, je ne suis même pas sûr de l'avoir vu !). Singin' in the rain de Stanley Donen est le film que je place sans doute au-dessus de la mêlée avec ceux de Busby Berkeley et Lloyd Bacon ===> revu tout récemment : 42nd Street et Footlight Parade, sortis respectivement en 1932 et 1933, deux films joyeusement insolents, mais ça a tendance à prendre un p'tit coup de vieux. A replacer dans leur contexte. Le Cabaret de Bob Fosse avec Liza Minnelli, toujours pas vu par contre. Et le New-York New-York de Martin Scorsese fut une immense déception. Pour revenir au cinéaste : Comme un torrent, je n'ai pas du tout aimé. Faudrait que je le revoie sans doute (ça tombe bien, j'ai le film à ma disposition). Quant au Paris de la Belle époque, traité par Hollywood, ça a toujours été de gros fiascos cinématographiques. Le plus grand cirque du monde de Henry Hathaway et Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. De Mille sont détestables de par cette saturation de couleurs, leurs scénario débile et ces acteurs et actrices ultra-brite qui en font des tonnes. C'est d'un kitsch insupportable. Bon, maintenant, pour ce qui est de censurer ces oeuvres parce qu'elle sont hyper ambigües question pédophilie, ça sera sans moi. Mais comme tu dis, c'est étonnant qu'il n'y ait pas eu de remarques de la part des producteurs. Tu me diras, dans le blues, parfois, ça n'est guère mieux tu sais... Little Girl Blue par exemple et d'autres titres du même acabit sans doute. + Cf. Les proies (de Don Siegel) : hyper dérangeant. Clint se paye quand même une ou deux adolescentes ! Hum... Bon, tu me diras, il crève à la fin (désolé pour le spoil).
RépondreSupprimerfreddie
Je reconnais bien là notre Freddy qui dans une chronique sur Minnelli passe allègrement à Don Siegel... Bon, "Gigi" je l'ai vu y'a longtemps, et ça m'avait fait chier. Rose bonbon. Barbe à papa écœurante. Trop de sucre. C'est une production MGM, chez eux il fallait que les couleurs éclatent, les décors scintillent, qu'il y ait du fric sur l'écran, peu importe le reste. Maurice Chevalier est très mauvais acteur (un bon chanteur ?) même chez Wilder dans le joli "Ariane" (comment le Billy l'a-t-il supporté ?) avec la délicieuse Audrey Hepburn et Gary Cooper. Cooper dont le jeu est tout de même assez monolithique aussi, j'ai toujours eu du mal avec lui. J'ai revu hier soir "Les aventures du capitaine Wyatt" de Walsh. Un de ses meilleurs ?
RépondreSupprimer"Un américain à Paris" c'est fabuleux, carton pâte à gogo, mais des plans de caméra incroyables, très graphique, une vraie création visuelle. "Singing in the rain" quelque soit le sujet de conversation sera toujours hors concours. Un ovni.
PS : ce n'est pas Clint qui se tape des ados, ce sont elles (et la reine mère, directrice des lieux) qui se jettent sur lui, profitant de sa faiblesse passagère. Nuance.
PS bis : je n'ai jamais compris pourquoi les cinéastes américains filmaient Paris de cette façon épouvantable. Une si belle ville... Photogénique. Jaloux peut être ? Je me souviens de "Paris Blues" de Martin Ritt, avec Newman et Sidney Poitier, qui relève la moyenne, mais on reste sur la carte postale. Ou John Frankenheimer, mais lui vivait chez nous.
Footlight parade, yes, avec l'immense James Cagney, le meilleur acteur du monde d'avant 1950, ...
RépondreSupprimerUn américain à Paris, c'est bien voire plus, et Singin' in the rain est totalement hors-concours ...
Un bon film musical sur Paris : facile, Moulin Rouge ...
Moulin Rouge de Huston ? J'ai pas vu. Ni celui de Baz Lurhmann. J'aime trop le French Cancan de Renoir pour regarder les versions américaines !
RépondreSupprimerTiens, Huston, je parle de "Sierra Madre" vendredi prochain...
Pareil que Luc : jamais vu les deux Moulin Rouge. La bande-annonce du dernier m'avait fait craindre le pire...
RépondreSupprimerPour revenir à la Belle époque : les films de Renoir sont sans doute les plus beaux
(je pense notamment à Une partie à la campagne, film sorti après la guerre). Là, c'est pareil, faudrait que je laisse une petite chronik.
James Cagney : vu il y a quelque temps le film de Milos Forman, Ragtime (1981). Hénaurme. Un grand film sur le racisme et le KKK. Petit rôle pour l'acteur, mais comme d'habitude il y est excellent. Tu l'as vu celui-ci Lester ? Luc ?
Sierra Madre, ça fait un baille que je ne l'ai pas revu. Je n'avais pas trop accroché il y a trente ans... Trop jeune.. Faudrait que je le revoie tiens..
freddie
J'avais vu "Ragtime" au cinéma et je pense être passé à côté, long, lent, j'ai le souvenir de m'y être ennuyé, je pensais voir un film de gangsters... mais en 81 j'étais sans doute trop jeune. Il est peu rediffusé, mais j'aimerais beaucoup le revoir, car entre temps j'ai découvert Forman, qui est tout de même un réalisateur formidable.
RépondreSupprimerJ'avais en tête le Moulin Rouge de Baz Luhrman ... totalement iconoclaste et speedé (film sous coke ?). Pas vu celui de Huston ...
RépondreSupprimerForman, il a fait des bons trucs, voire plus ... je pense pas avoir vu "ragtime", j'ai vu "hair" mais aucun souvenir de ce film musical hippie, mais j'ai de bons souvenirs d'un de ses premiers "au feu les pompiers" comédie kafkaienne des années tchéques, d'"amadeus" ... et puis of course "vol au-dessus d'un nid de coucous" et "man on the moon" (ses deux meilleurs ?) avec des prestations ahurissantes de Nicholson dans le premier et Jim Carrey dans le second ...
Je n'ai pas vu "Hair".
RépondreSupprimer"Les amours du blonde" c'est formidable, j'aime bien "Larry Flynt" mais pas certain de me souvenir de "Valmont".
Il a peu tourné cet homme là, et n'en a pas raté beaucoup.
Idem : pas vu Hair et pas encore Amadeus. Valmont, c'est lui aussi, non ? Par contre, vu Les amour d'une blonde, mais ça remonte au temps du Ciné Club de Claude-Jean Philippe (début des années 90). Vol au dessus d'un nid de coucou : magnifique et inoubliable. Vu quand je traînais mes culottes au lycée. Une claque. A revoir sans doute. D'ailleurs, j'ai trouvé le bouquin qui a inspiré le film à un vide grenier. Mais je ne l'ai pas terminé. Bon, avant de partir au taf', un petit coup de Steppenwolf, après Screaming Night Hog... yep, j'adore moi aussi les hérissons. ;)
RépondreSupprimerfreddie