Jackson Browne, c’est le type dont on ne peut
raisonnablement pas dire de mal. De toutes façons personne ne dit jamais de mal
de Jackson Browne, c’est pas moi qui vais commencer.
Jackson Browne, c’est le songwriter doué, le bon
chanteur, le type sympa, beau gosse et engagé dans plein de bonnes causes. Le
gendre idéal des années 70. Musicalement, c’est clean, bien foutu, du classic
rock américain (pléonasme) comme beaucoup l’aiment. Des influences et des
copains irréprochables (le country-rock, Gram Parsons, Dylan, les Eagles,
Springsteen, …). Des ventes de disques conséquentes également (chez lui aux
States, parce qu’ailleurs, c’est confidentiel).
« For everyman » est son second disque,
celui qui va l’installer pour des décennies au premier plan du paysage musical.
Browne n’est pas un inconnu pour autant. Les curieux qui lisaient les notes de
pochette de disques avaient déjà vu son nom dans le casting (pléthorique il
faut dire) du Nitty Gritty Dirt Band, et dans les crédits de quelques
compositions sur les disques des Eagles, des Byrds, ou Linda Ronstadt. Browne
avait commencé très jeune, la légende veut qu’il ait été remarqué (et dépucelé,
y’a pire pour débuter dans la vie sexuelle) par Nico dans le milieu des années
60. En tout cas, c’est sur le disque solo « Chelsea girl » de
l’éphémère chanteuse du Velvet qu’on le retrouvera un peu partout dans les
crédits.
Mais pour Browne, le premier jackpot viendra avec
« Take it easy » co-écrit avec Glenn Frey, et premier gros succès de
la carrière des Eagles en 1972. Et tout ce tissu d’amitiés occasionnera des
retours d’ascenseur sur ses disques à lui. Ainsi on retrouve impliqués sur ce
« For everyman » tout le gotha du rock West Coast (Frey et Henley des
Eagles, Crosby, Joni Mitchell, Bonnie Raitt,…), celui qui restera son
inamovible complice David Lindley (multi-instrumentiste avec prédisposition
particulière pour le violon, électrique ou pas), et même cette grande folle
d’Elton John au piano sur un titre et sous le pseudo (question de contrats)
Rockaday Johnny.
« For everyman » débute par « Take it
easy » qui va définir la couleur de l’album. Par rapport à la version des
Eagles, celle de Browne est un peu plus clinquante, un peu plus
« tape-à-l’oreille », avec un tempo un peu plus accéléré. Mais on
reste en territoire connu, du country-rock bien dans la ligne du parti. Le
reste est à l’avenant, musardant entre soft-rock, country rock, ballades pour
chialer dans sa bière, mise en place sérieuse, bonnes compos, bien jouées, bien
chantées, sans faute de goût. On bat plus vite la cadence quand arrive
« Red neck friend » et son piano boogie-woogie, on pense à Dylan
époque The Band (les inflexions de la voix, le souffle épique de ce titre le
plus long du disque, le Hammond B3) avec la chanson-titre. Quand le tempo se
ralentit au milieu d’arrangements de bon aloi, on se retrouve avec « These
days », succès dans les charts et un des classiques de son auteur.
A ce stade, il faut bien placer le mot qui peut
fâcher : centriste. Tout dans ce disque est bien joli, bien mignon, bien
gentil. « For everyman » s’écoute facilement, passe comme une lettre
à la poste. C’est bien fait, mais ça manque quand même de vie, de tripes … ça a
tendance à s’oublier facilement …
Curieux comme l’année 1977 aura engendré autant de
disques cités comme référence et dans des genres totalement opposés,
antinomiques et contradictoires. Et pas seulement une version binaire de la
querelles des Anciens et des Modernes … Damned vs Doobie Brothers, Clash vs
Fleetwood Mac, Pink Floyd vs Marley, Pistols vs Eagles…
Les Eagles justement. Le groupe typiquement américain,
typiquement West Coast. Déjà presque une caricature, lorsqu’ils sont en train
de fourbir cet « Hotel California ». En Europe et à plus forte raison
en France, le groupe bénéficie au mieux d’un petit capital sympathie, entretenu
par des hits comme « Take it easy », « Desperado »,
« Take it to the limit », « One of these nights », … Mais
rien qui mobilise vraiment les foules comme peuvent le faire des Led Zep ou les
funestes Yes, Genesis et consorts …
Les Eagles se « contentent » d’être
déraisonnablement énormes chez eux. Leur dernier disque, la compilation « Their
greatest hits 71-75 » est à la lutte avec le « Dark side of the
moon » du Floyd pour le titre de plus grosse vente de disques de tous les
temps. Des chiffres qui jonglent avec les dizaines de millions de copies
écoulées. Et tout ce qui entoure les Eagles participe aux « dérives »
du rock pointées du doigt par tous ceux qui veulent revenir à la simplicité
originelle de cette musique (les pub-rockeux, les punks). Les Eagles, ce sont
les liasses de billets verts cramés en coke, putes de luxe, bling-bling
attitude, … Les Eagles sont des milliardaires dépravés, totalement coupés de la
« vraie vie ».
Les Eagles, waiting for the sun
Conglomérat de déjà vieux de la vieille de la scène
californienne (ils ont commencé à faire leurs armes dans le country-rock de Poco ou des Flying Burrito
Brothers, le backing band de Linda Ronstadt, dans un vague groupe de hard pour
le nouveau venu, le guitariste Joe Walsh), les Eagles sont la descendance
dégénérée de Crosby, Stills, Nash & Young, la recherche de la mélodie qui
tue, le travail sur les harmonies vocales, la quête de la perfection sonore.
« Hotel California » sera par ces types perpétuellement sous coke
conçu comme un challenge insensé.
Cohabiter d’abord. Et ce n’est pas simple, car tous
composent. Des milliardaires défoncés à qui tout est permis ont tendance à
laisser l’ego prendre le dessus sur toute autre considération, et ça ils y
arriveront (la fameuse baston entre les membres du groupe lors d’un concert de
la tournée « The long run »), mais là, en 1976, lors des sessions de
« Hotel California », les Eagles, sans vraiment être soudés, sont
focalisés sur cet album qu’ils veulent parfait et oublient tout le reste.
Se dépasser ensuite. Pas facile quand on est tout en haut
de placer encore la barre un cran au-dessus. Les Eagles avaient deux-trois hits
sur chaque disque, leur Best of se vend par millions, et bien « Hotel
California » est à lui tout seul mieux qu’un Best of. Les moyens sont
colossaux. David Geffen, patron d’Asylum Records sur lequel sont signés les
Eagles, ne mégote pas. Le groupe et leur producteur attitré Bill Szymczyk
auront un budget illimité, les séances dureront plusieurs mois. Fin 1976, un
single est envoyé en éclaireur. « New kid in town », ballade
country-rock parfaite, et qui se positionne directement en haut des charts américains.
Logique et classique, mais rien à côté de la déferlante qui va accompagner la
sortie du 33T et celle du single éponyme. Une durée folle (6’30) pour les
standards de passage radio, et un titre chanté par le batteur (autre
particularité du groupe, ils peuvent tous chanter lead, et donc question
harmonies vocales, y’a ce qu’il faut) qui va devenir un des titres de rock les
plus célèbres du siècle. Parce que, manière de couper court à tous les
ricanements sournois que j’entends, les Eagles de « Hotel
California », c’est toujours du rock (plus pour très longtemps peut-être,
mais c’est pas encore le sujet). Poussé dans ses derniers retranchements, à la
limite de toutes les compromissions. Du rock calibré pour les radios, les
stéréos, le disque idéal pour le cruising sur les freeways californiennes
ensoleillées. Le disque qu’écoutent, et ça c’est une première, les parents et
leurs enfants.
Forcément pareil œcuménisme et pareil succès feront
grincer des dents, s’agiter les jaloux de tous bords. « Hotel California »
est un hold-up à l’échelon planétaire. Le point de non-retour que cherchaient
également des Steely Dan, Fleetwood Mac, Doobie Brothers, … le disque américain
parfait selon les standards de l’époque. Parce qu’il n’y a pas que deux hits,
et pas que des ballades. « Life in the fast lane » se retrouvera aussi au
sommet des hit-parades, avec son riff aplatissant, sa voix hurlée et son court
solo de guitare d’anthologie, portant à jamais la signature du dernier arrivé
Joe Walsh. Car ce qu’on a souvent oublié, c’est que les Eagles ne produisent
pas que de la zique pour slowter et emballer de la meuf. « Victims of
love », c’est aussi du hard FM avant l’heure, avec ses riffs saturés en
intro, et c’est aussi bien que les intégrales de Toto et Foreigner réunis.
Même si c’est la ballade fin de race qui domine. Le
« concept » de l’album c’est un peu le désenchantement de la
prétendue vie facile à Los Angeles, les retours de manivelle de la décadence
friquée et désœuvrée, les petits matins cabossés genre « Very bad
trip », l’Hotel California est en fait un centre de rehab. Alors le disque
fait la part belle au country-rock pépère (« Try and love again »),
aux ballades déprimées pianotées et garnies de cordes, cette « Wasted
time » qui trouve son contrepoint dans le dépouillement qui sent la gueule
du bois de l’ultime « The last resort ». Seul maillon faible selon
moi, « Pretty maids all in a row », où là le groupe et la production
ont eu la main quelque peu lourde sur les arrangements de cordes et le côté
grandiloquent.
« Hotel California », c’est le disque qu’on
aimerait détester parce que c’est juste un rêve, un fantasme, celui d’une way
of life inaccessible. Un disque de winners, écœurant de facilité. Alors que,
par antithèse, on aura toujours un faible pour les losers qui se ramassent avec
des galettes foirées. « Hotel California », il fait un peu partie de
l’inconscient collectif d’une génération, c’est le témoin sonore d’une époque.
Curieusement, les Eagles qui sont parmi les groupes les plus vendeurs de l’Histoire,
sont un conglomérat quasi anonyme hors des Etas-Unis, et bien peu de gens sont
capables de citer les musiciens qui le composent.
« Hotel California », on l’a trop entendu,
c’est sûr … mais on s’est régalé à chaque fois …
Que voilà un disque qui a priori fait plaisir. Le premier
de Bowie depuis dix ans (l’oubliable « Reality »). Un Bowie, dont
hormis une chronique nécrologique (depuis des années, le Net bruissait de
rumeurs de fin prochaine, rumeurs se répandant encore plus vite que les
supposées métastases qui étaient censées l’emporter sous peu), je n’attendais
rien de bon, discographiquement parlant. Et donc ce disque est une bonne
nouvelle inattendue.
Mais à la réflexion, que peut-on attendre d’un type de
soixante-six ans, qui semblait avoir mis un terme à sa carrière depuis que son
cœur avait failli lâcher ? Qu’attendre en 2013 d’un gars qui n’a pas sorti
un bon disque depuis, allez, « Scary monsters » en 1980 ? Et que
des fans énamourés ne viennent pas me dire que Tin Machine était un concept
intéressant, qu’il y avait des choses à sauver dans « Tonight », ou
que ses disques « électro » traduisaient une remarquable ouverture
d’esprit caractéristique de ce grand artiste vers des sons nouveaux qui …
bla-bla bla, bla-bla-bla, … De la daube, toutes ces rondelles, qui merci à
tous, se sont très bien vendues (beaucoup mieux que ses vrais bons disques) et
l’ont mis, lui, sa jolie jeune femme et sa famille, à l’abri du besoin …
Parce que, je vais vous dire, Bowie, j’ai un peu écouté
(vite fait, des centaines de fois chacun) pas mal de ses skeuds, et il a été
fabuleux dans les rugissantes seventies quand il avait deux ou trois disques
d’avance sur toute la concurrence, quand « Ziggy Stardust » annonçait
le punk, quand « Young Americans » annonçait le disco, « Station
to station » la cold wave, « Low », « Heroes » et
« Lodger » l’avènement de l’ambient et de la musique faite par des
machines, et « Pin Ups »
toutes les nostalgia à venir. Tout ça en moins de dix ans, avec au moins deux
douzaines de titres officiels par an, dont la moitié dignes de figurer sur un
Best of. Et Bowie a fait comme les autres, a décliné, est peu à peu descendu de
son inaccessible Olympe. Dans les années 80, il a fait du fric avec de mauvais
disques, se contentant de coller à l’époque, ayant perdu toutes ses longueurs
d’avance sur la meute. La décennie suivante, on l’a vu courir après tous ces
djeunes et leurs drôles de machines qui inventaient chaque année une tendance
électronique nouvelle alors que lui essayait de copier celle de l’année
d’avant. Un Bowie artistiquement has-been, se contentant de son vieux
répertoire pour allumer l’étincelle dans les yeux du public lors de ses
concerts …
Bowie est un malin. Le premier de cette génération de
dinosaures grisonnants à avoir compris tout l’intérêt qu’il y avait dans
l’internet (Bowienet, son site perso, a été créé en 1998), et maîtrisant cet
outil de communication mieux que quiconque. Alors que tous les autres
s’acharnent à créer un buzz par définition éphémère, silence radio total de
Bowie depuis des années. Et puis, comme ça, sans prévenir, sans que le moindre
fouille-merde numérique ait vu venir quoi que ce soit, il sort le 8 Janvier, jour de son anniversaire, un
clip d’une nouvelle chanson et annonce la parution d’un nouvel album sous les
deux mois. Onde de choc médiatique, tout le monde y va de son couplet sur la
merveille à venir du dernier des géants du rock. Et arrive « The next
day », qui s’écoule instantanément comme des petits pains. De la belle ouvrage, plan marketing génial …
Bowie a toujours été un vampire, se délectant du sang de
prédécesseurs et précurseurs inconnus ou oubliés pour créer sa propre musique
et renaître artistiquement à chaque fois, Phénix musical sans équivalent.
Maintenant, malgré son âge avancé, au lieu de s’inspirer des autres, il veut
prouver qu’il bande encore, et se livre à un grand numéro d’auto-fellation contorsionniste en recrachant au final (il avale pas, c’est so vulgaire) ses
propres idées. Ça commence avec la pochette, caviardage de celle de
« Heroes », la réunion en studio de vieux potes (Tony Visconti, Earl
Slick, Gail Ann Dorsey, …) obligés par contrat de garder le secret le plus
absolu jusqu’à la sortie du disque. Bowie, lui, comme dans le sketch des
Guignols il parle pas à toi, et a juste fait savoir qu’il ne défendrait pas ce
disque sur scène. Ne parlons même pas d’envie, le pourrait-il d’ailleurs ?
Il suffit de voir les rares photos récentes de lui pour s’apercevoir qu’il est
encore plus maquillé que du temps de la pochette de « Aladdin Sane »,
mais maintenant juste pour avoir apparence humaine. C’est pas Dorian Gray,
juste un sexagénaire bien abîmé par ses excès passés … La voix, on s’en rend
vite compte, a morflé. Certes Bowie est resté un grand interprète, chante bien
et juste, mais se cantonne dans un registre medium, évitant les descentes dans
les graves, et s’interdisant toute montée dans les aigus.
Passe encore, mais le plus grave, c’est qu’il n’a pas été
foutu de composer en une décennie de quoi remplir dignement un disque. Les
titres à sauver, maintenant que le vinyle devient so branché, rempliraient tout
juste un maxi 45T, c’est dire l’ampleur des dégâts.
« The next day » commence pourtant plutôt pas
mal. La chanson-titre, intéressant pop-rock, renvoie instantanément au son de
« Scary monsters », et peut passer pour un exercice de style amusant.
Les deux singles éclaireurs « Where are we now » et « The stars
(are out tonight) », bénéficiant de clips chiadés renvoient pour le
premier à ses antiques ballades crépusculaires (« Word on a wing »,
ce genre), le second à ses années 80 (son film de vampires « The
hunger », sa musique indigente période « Never let me down »).
Sans les images, ces morceaux sont tout à fait anodins.
Le tour du proprio est vite fait. A sauver de cette
auto-parodie, des choses comme « Valentine’s day » furieusement
réminiscent « Aladdin Sane – Diamond dogs » avec son solo de guitare
calqué sur celui de « Panic in Detroit ». Ou l’amusant « Dancing
out in space » (clin d’oeil à une époque où il dansait dans les rues avec
Mick Jagger), titre reposant sur une rythmique Motown revisitée electro façon
Kraftwerk meets Aphex Twin.
Les titres restants, une bonne dizaine tout de même, sans
compter les trois « bonus » de la DeLuxe Edition (DeLuxe pour trois
titres, faut pas déconner, à une époque ce label DeLuxe voulait dire que l’on
doublait voire triplait la durée du disque initial), faudra beaucoup de pouvoir
de persuasion au fan-club pour me convaincre qu’ils présentent le moindre
intérêt. Et comme y’a vraiment pas grand-chose à sauver, Bowie et Visconti qui
sont pas tombés de la dernière pluie, ont mis la batterie et les
claviers-synthés très en avant, pour masquer un assortiment de rengaines
fadasses, d’arrangements centristes, de mélodies bancales, enrobés d’effets
sonores BCBG. Et qui toutes renvoient à des choses déjà entendues chez lui, et
pas celles qu’il a faites de mieux. Le funeste « Never let me down »
est souvent évoqué, des sonorités très « Lodger » (pas de bol, c’est
le moins bon de la trilogie berlinoise) apparaissent ici où là, on n’évite pas
la chanson pompeuse à la Scott Walker « You feel so lonely … »,
assortie de chœurs à la « Rock’n’roll suicide » …
« The next day » a rempli à merveille son
office, faire parler de son auteur alors qu’il n’a plus rien à dire (ni à
prouver d’ailleurs). Peut-être pour préparer le terrain à d’autres sorties de
disques (des rééditions, des inédits, des machins remastérisés, remixés ou que
sais-je encore, …). On se retrouve avec l’équivalent du tapage médiatique qui
avait entouré la sortie du dernier disque des Stones (« A bigger
band » en 2005), lui aussi présenté comme un retour à ce que les Stones
avaient fait de meilleur, et dont je mets quiconque au défi de me citer un seul
titre… Et rendez-vous dans un lustre pour discuter des chansons de ce « Next
day » qui auront marqué leur époque … j’ai bien peur que le compte soit
vite fait …
Non, on ne jette pas les disques de Bowie à la poubelle.
Il y a des choses qui ne se font pas … Mais c’est pas l’envie qui manque …
Du même sur ce blog : The Man Who Sold The World
Plus de deux ans se sont écoulés entre la sortie de
« Born to run », maîtresse pièce de Springsteen et la parution de
« Darkness … ». Jon Landau justifie ses appointements de manager par
des querelles et bisbilles avec la Columbia, label de toujours (et qui le
restera) de Springsteen. Lequel tourne sans relâche, et en attendant que sa
situation se décante, peaufine son disque. Méticuleusement, remettant sans
cesse sur le métier ses titres. Il faut enfoncer le clou, confirmer, tout çà …
Springsteen & The E Street Band 1978
« Darkness … », c’est pas un mauvais disque.
Tout un tas de titres qui font partie du patrimoine des springsteenophiles, pas
de (mauvaise) surprise, l’œuvre reconnue classique d’un gars qui l’est tout
autant, etc, etc ... Mais moi, y’a des trucs qui me chiffonnent, qui m’agacent
un peu sur ce disque, et c’est cette accumulation de petits pas grand-choses
qui fait qu’au final cette rondelle me gonfle …
Tout est trop calculé, on sent là-dedans aucune
étincelle, aucun dérapage, aucune vie… un truc direct pour le musée (ou le
panthéon, c’est pareil) du binaire. Le skeud à faire écouter dans les lycées, pendant
les TP de twist’n’rock … c’est scolaire, le doigt sur la couture du pantalon,
les cheveux bien au carré, rien qui dépasse … on sent les prises interminables
des instruments, de la voix pour que tout soit parfait…
Et justement, l’axiome de base du rock depuis qu’il
existe, c’est que plus on fait n’importe quoi, plus on a des chances de faire
avancer le schmilblick. « Born to run », à part le morceau-titre,
n’est pas parfait, il y a un côté jeune chien fou qui fonce, on verra bien ce
qui arrive, ça sonne bien, y’a du feeling, on la garde … Sur « Darkness
… » rien de tout ça. Cette voix forcée, toujours en surchauffe de
Springsteen m’exaspère. Hey man, tu seras jamais Otis Redding, et tes potes qui
moulinent derrière, ce seront jamais les MG’s. Pourquoi ces gueulantes vocales et
instrumentales sur « Abel raised a Cain » ou « Streets of
fire », pour moi l’exemple type des morceaux surjoués. Dis, Mr le Boss, tu
crois que si vous vous étiez lâchés un peu, ils auraient été plus mauvais ces
titres ? Parce qu’au final la barrière entre lyrique (et supportable) et
pompier (et insupportable) elle est mince, ça se joue à rien. Et pour moi, sur
« Darkness … », ça bascule trop souvent du mauvais côté …
Alors je garderai « Badlands », « Candy’s
room » et « The promised land » sur un iPod de survie pour la
fin du monde, et tous les autres, je m’en passerai facilement …
De quelque côté qu’on l’envisage, ce live est un
pavé. Et un pavé, que tu le prennes sur les pieds ou en pleine poire, ça fait
mal …
Par où commencer ? Des chiffres ? 40
titres, 3 heures et demie … aujourd’hui trois Cds bien pleins. Lors de sa
parution fin 86, cinq vinyles. Personne n’avait été aussi loin dans la
démesure, les funestes live de Santana, Yes et Wings s’étaient arrêtés à trois
rondelles de plastique noir, ce qui faisait déjà beaucoup (trop). Idem en studio pour les
Clash, George Harrison ou le Nitty Gritty Dirt Band (le Nitty qui ? ... pfff, c'est bon, laissez tomber ...). Argument entendu à l’époque : c’est pour être conforme à
la durée des concerts du Boss. Soit …
Derrière tout ça, un plan marketing mégalo de
Columbia-Sony, relayé par le management (l’ambitieux et omnipotent Landau), et
in fine cautionné par un Springsteen pas très bien dans ses baskets à cette
époque-là : un mariage qui part en vrille, et la sortie de sa période
dents refaites – bodybuilding et look Rambo-Stallone-Rocky.
Objectif de ce « Live » : être vendu
à au moins dix millions d’exemplaires sur la lancée du multiplatiné « Born
in the USA ». Pour l’anecdote, il y eut un petit problème de timing. Un
autre label distribué par Sony, Epic, voulait sortir à la même époque le
nouveau disque de Michael Jackson (« Bad »), et comptait, en ces
temps de show-biz triomphant en écouler cent millions de copies. Sollicitées,
les usines de pressage américaines déclarèrent impossible de faire face à une
telle demande, et l’enregistrement de Jackson fut décalé de plus de six mois.
Pour la morale, aucun des deux disques n’atteint ces objectifs …
Par quoi continuer ? Springsteen ? Dont je
ne suis pas fan. Que j’apprécie mais sans plus. Et dont l’essentiel de la
discographie me passe par-dessus la tête. Bon, touchez pas (ou dites pas de
mal) à « Nebraska » et aux deux « Born … », ces trois-là je
les défendrai. Mais comment, entends-je, et …, sans parler de …, ou encore …,
ils sont pas géniaux peut-être ? Si vous voulez, mais moi ils me gavent…
Et l’homme Springsteen me gave aussi, ce centriste perclus de bonnes manières,
de bons sentiments, de bons engagements, défenseur de toutes les causes
validées par l’ONU, l’Unesco et Bono… Je veux bien le soupçonner d’être tout à
fait sincère, mais il y a quand même un monde entre ce pur produit du music
entertainment et le Chevalier Blanc du combat social que certains le voient incarner.
Finalement aussi crédible qu’un diététicien qui mangerait matin et soir chez
MacDo (reproche valable également pour l’immense majorité de ses semblables).
Son succès ? Ben, on peut ni le nier ni le lui
retirer. Phénomène typiquement américain par de nombreux aspects (le fan de
folk, de country, de old rock’n’roll, des films des années 40 en général et de John Ford en particulier, de Woody
Guthrie, Dylan et Steinbeck, le troubadour des classes populaires, plus
américain que tout ça, tu peux pas …) qui a réussi à s’exporter all around the
world, tandis que des contemporains pas plus mauvais et guère différents par
leurs références sont restés beaucoup plus confidentiels hors de chez eux
(Seger, Petty, Southside Johnny, Graham Parker et tant d’autres …) A l’écoute
de ce « Live », il m’est venu un questionnement : le public du
Boss (tout a été enregistré aux States) comprend-il de quoi il retourne dans
ses chansons ? Sans parler du « malentendu républicain » du
morceau « Born in the USA », il y a dans ce « Live » un
titre qui par l’écho qu’il reçoit fait froid dans le dos. C’est la reprise du
classique de Woodie Guthrie « This land is your land ». Springsteen
présente le morceau, sans citer ni le titre ni Guthrie. Silence glacial (alors
qu’absolument tous les autres titres du shows sont couverts par les hurlements
du public au début et à la fin). Version acoustique du titre. Personne ne
réagit aux premiers vers. Timides chuchotements au début du refrain. Fin du titre et applaudissements
très très clairsemés. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut, mais il me
semble qu’en France, où les trois-quarts de ses spectateurs ne comprennent pas
les paroles, ils savent qui est Woody Guthrie et la filiation idéologique que
représente Springsteen.
Et ce tas de skeuds ? T’en causeras un
jour ? Enervez-vous pas, ça vient … Qui dit musique, dit musiciens. Et là,
surprise … autant on sait que Springsteen bâcle pas le boulot en studio, que
ses prestations live ravissent forcément les fans, autant un concert ou des
bribes de shows différents accolées les unes aux autres comme c’est ici le cas,
on est vite amené à se gratter l’occiput. Le son d’abord. Très correct, voire
excellent, rien à dire, et l’on sait Springsteen particulièrement méticuleux de
ce côté-là. Sauf que je subodore que tout a été remixé avec le fameux
« Born in the USA sound », à savoir claviers très présents et
batterie très très en avant de Weinberg. Et là, comment dire, misère … Weinberg
est un batteur d’une médiocrité étonnante, inattendue à ce niveau … et on
n’entend que lui. Un autre qu’on est obligé d’entendre, c’est le « Big
Man », le pote de base du Boss dans le groupe, Clarence Clemons. Qui ne
joue pas du saxophone, mais souffle dedans, ce qui n’est pas exactement la même
chose … Reste le cas Miami Steve Van Zandt. Auquel, plutôt que son look assez
souvent consternant, on peut reprocher d’être un guitariste effacé, bon
accompagnateur rythmique, mais manquant de « présence, d’attaque ».
Pas un hasard si sur certaines tournées, Nils Lofgren, pourtant pas un
guitar-hero au sens seventies du terme, vient renforcer le E-Street Band. Qui
reste un gang soudé (les types jouent ensemble depuis des siècles), mais techniquement
assez limité …
La grosse bonne surprise, elle vient de Springsteen
… qui en tant que chanteur me laisse assez froid et sceptique en studio, où je
trouve qu’il a souvent tendance à en faire trop, à « surchanter ».
Là, dans le cadre de concerts de plus de trois heures, il peut pas se
permettre de gueuler tout le temps, il faut tenir la distance, et donc y aller
plus au feeling qu’au physique, suivre la mélodie et pas brailler. Les titres
essentiellement acoustiques sont pour moi les meilleurs. « Thunder
Road », juste piano guitare et voix en entrée est fabuleux, de même que le
« Jersey girl » repris à Tom Waits qui conclue symétriquement le
tracklisting. Et entre, tous les titres sur lesquels le E Street Band reste
discret, (tous ceux issus de « Nebraska », plus « Racing in the
streets », « Independence day », « I’m on fire », et
mentions particulières à un excellent « My hometown » et un
fantastique « No surrender »), surnagent nettement du reste.
Le reste, justement … il y a des classiques springsteeniens
(je suis beau joueur, il en a quand même écrit queqlues uns) qui s’en
sortent mieux que d’autres, comme «Hungry hearts » (grande chanson pop,
une des rares du Boss dans ce domaine) ou « Born to run » pour moi à
jamais son meilleur titre. A l’inverse, ça fait mal aux oreilles de voir
successivement sabotés « Badlands » par une intro calamiteuse et des
arrangements catastrophiques, « Because the night » par un solo de
guitare affligeant, et sur la lancée « Candy’s room » malmenée par un
E Street Band à la ramasse … Curieusement, alors qu’avec quarante titre son
répertoire est largement balayé, on n’a pas droit à « Glory days »,
un de ses plus gros succès en simple et ... et ces sagouins ils ont aussi oublié « Jungleland », faut pas déconner, « Jungleland » quand même ...
On a par contre droit à tous ces twists étriqués et
ces rocks centristes plus ou moins entraînants, tous ces « Paradise by the C »,
« Cadillac ranch », « You can look … »,
« Darlington County », « Working on the highway », mais qui
manquent tellement de substance, de tripes, d’adrénaline … et j’aurais préféré
que sur un « Rosalita » de dix minutes, au lieu de la présentation
interminable du Band, on ait droit à un medley de classiques rock’n’roll ou de
Mitch Ryder, comme en contenaient parfois certaines versions live de ce titre …
Ce « Live 1975 / 85 », c’est un peu une
version DeLuxe d’un « Greatest hits live ». Et du côté des fans, on a
pu lire plus souvent que prévu des réserves ou de la déception par rapport à ce
pavé. Et quand on cause grands disques en public, peu de téméraires se hasardent
à le citer. L’occasion était bonne, Springsteen était au sommet de sa
popularité, encore plus au sommet au niveau artistique (il n’a pas sorti depuis
cette date un disque qu’on puisse qualifier de majeur). Mais bon, là, pour le
coup, c’est un peu trop … un truc beaucoup plus concis aurait certainement
eu une autre allure ...
Battre le fer pendant qu’il est encore chaud … c’est
ce qu’ont du se dire les Franz Ferdinand et leurs conseillers financiers
(pardon, les gens de leur maison de disques). Parce qu’avec leur première
galette, ils avaient fait fort, devenant par la magie de quelques hits assez
bien troussés un groupe qui comptait, dont les chiffres de vente se chiffraient
en millions, chose prodigieuse en ces années 2000 où une connexion ADSL et
MegaUpload suffisaient pour avoir de la musique.
Alors, pas téméraires pour deux sous, les Franz
Ferdinand se sont appliqués à sortir fissa un skeud qui passerait comme lettre
à la poste chez leurs fans. Comme y’avait les moyens, ils ont truffé leurs
morceaux de petits gris-gris sonores gentiment centristes, mais sans prendre le
moindre risque. Un follow-up, on appelle çà, à tel point qu’il faudrait être
bien malin (ou bien fan) pour reconnaître lors d’un blindtest de quel disque
provient le titre qu’on écoute. Alors c’est plutôt sympa, totalement dans l’air
du temps consensuel, il n’y a plus aucun effet de surprise, tout est under
control, totalement prévisible. Tout ce que les jeunes filles qui avaient acheté en
masse le premier devaient attendre.
Bon, moi je suis plutôt client, avec toute ma
blasitude et toute ma mauvaise foi. En fait, ce doit être mon côté pédo-pervers
qui ressort, je trouverais toujours plus intéressant de voir un concert de
Franz Ferdinand à la O2 Arena avec aux premiers rangs de jeunes nymphettes
hurlantes miniskirtées que des hordes de graisseux fortement houblonnés index
et auriculaire dressés ovationnant la reformation de Manowar ou Accept à une
quelconque Hellfest …
Quelques titres surnagent du lot « The
fallen », « Walk away » (comme si les Smiths avaient enregistré
sous amphets), la gentiment mélodique « You’re the reason », le
morceau-titre, le plus franchement rock du Cd … Il y a pas mal d’auto-citations
(« Well that was easy », « Outsiders », « I’m your
villain »), ce qui à force laisse à croire à un certain manque de
renouvellement, de fraîcheur et d’inspiration … Quelques trucs piqués chez les
autres : du piano en avant genre Coldplay (« Elanor … »,
« Fade together »), des choses qui tentent de sonner comme les
Beatles en 65 repris par le Knack de « My Sharona » (« Do you
want to »), une sorte de ska centriste énervé à la No Doubt (« This
boy »), et aussi une poignée de titres aussi vite oubliés qu’écoutés …
Résultat des courses : un disque tellement
prévisible que ça en devient embarrassant, plus arrangé que le premier, mais
sans aucune surprise, sans la moindre trace d’évolution, sans le moindre
risque. Le noyau dur des fans a adoré, ceux qui n’aimaient pas ont détesté, la
routine quoi …
Il aurait tout de même peut-être fallu dire à ces
jeunes gens qu’ils sont certes bien gentils, mais que bon, il serait temps de
passer à autre chose. Apparemment, personne n’y a songé, leur troisième disque
était comme les deux premiers, il a fini par lasser quelque peu et a pas très
bien vendu. Bien fait …
Des mêmes sur ce blog : Franz Ferdinand Right Thoughts, Right
Words, Right Action
Comme je suis un type bien, faut pas compter sur moi
pour dire du mal des mort(e)s …
Bon, puisque vous insistez, juste un peu, alors …
En France, ce qu’on retiendra surtout, voire
uniquement de Whitney Houston, c’est que Gainsbarre voulait la fucker dans une
émission de Michel « Tout le monde il est beau, tout le monde il est
gentil » Drucker. Parce que par ici à l’époque, Whitney Houston, c’était
juste une jeune chanteuse de variété à la voix de cristal, mais au physique un
peu plus avantageux que, au hasard ( ? ) Nana Mouskouri … Et là, elle
apparaissait comme la jeune fille modèle aux prises avec un vieux pervers
alcoolo… sauf que finalement, la Houston s’est révélée être au moins aussi
déglingo que le pochetron de la Rue de Verneuil, cumulant mari imbécile (le
junkie tabasseur Bobby Brown), consommation effrénée de coke et de junk food,
et une fois la gloire venue et repartie syndrome de réclusion continue bien
connu des fans d’Elvis le Bouffi …
Tandis que chez elle, là-bas, au pays de Michael
Jordan, qui aime bien célébrer les nègres qui réussissent à condition qu’ils restent
polis et fassent là où on leur dit de faire, elle était entrée avec ce premier
disque dans le cercle très fermé des divas de la musique populaire, (genre
particulier quasi séculaire dont l’archétype peut se définir par la tante à Whitney, Dionne Warwick) … à savoir une
technique vocale irréprochable au service de musiques et de textes incolores,
inodores et sans saveur (le mot « love » est dans la moitié des
titres de chansons de ce « Whitney Houston »), et l’entretien d’une
image lisse et souriante genre la une de Cosmopolitan ou Vogue … Mais voilà, là
où Warwick pouvait compter sur des joyaux ciselés par Burt Bacharach et Hal
David, Houston doit se contenter de compositions fadasses vite torchées par les
laborieux scribouillards recrutés par Clive Davis, le PDG d’Arista qui avait
fait de Whitney Houston sa « priorité ».
Il y a dans ce disque des ballades gluantes servis
par une armée de requins de studio très côtés (Phillinganes, East, Buchanan, …,
ils étaient sur « Thriller » de Michou Jackson), une débauche
d’arrangements (les faux violons, les fausses cordes, les empilages de synthés)
qui se voulaient tellement à la mode que là, plus de vingt cinq ans après, ils
ne sonnent pas sympathiquement vieillot ou vintage, ils sont juste totalement
ringards. Clive Davis ressort toutes les recettes éculées pour faire vendre du
disque, à commencer par les duos avec les noms ronflants à la mode : un
Jackson pour deux duos (pas Michael, sans doute trop cher, mais le frérot
Jermaine, qui bien que sans aucun talent, réussit à faire écouler des millions
de rondelles pourvu que son nom y figure), le centriste chantant Teddy
Pendergrass …
Ce disque est une grosse daube écoulée par dizaines
de millions all around the world. La seule chose à conserver est bel et bien la
voix de Whitney Houston qui évite d’en faire des tonnes (c’est-à-dire à
l’inverse d’une quelconque québecquoise braillarde), mais sans réussir à sauver
par une forme épurée un fond d’une médiocrité repoussante …
Tiens, elle aurait dégotté quelqu’un du calibre de
Gainsbourg comme Pygmalion, elle aurait certainement fait une carrière autre
que celle de gentille bimbo nunuche qui a été la sienne …
J’ai du rater un épisode, une mode, quelque chose …
parce que là, je comprends pas trop …
Comment des choses aussi quelconques que ce disque,
peuvent être perçues comme des révélations, des jalons qui comptent dans cette
décennie ? Certes, il m’arrive parfois aux oreilles, voire plus souvent
que ça encore, des choses infiniment plus mauvaises que Mickey 3D.
Mais comment se fait-il que ce machin, plein de
« bons sentiments » à deux euros, d’une qualité musicale famélique,
avec un type qui chante à faire passer Gainsbourg pour Placido Domingo ses
textes écolos-centristes pour collégiens concernés, comment se fait-il donc
qu’il s’en soit vendu des camions ?
Comme tout le monde, j’avais entendu cette scie
« Respire », appris que le gars qui avait écrit ça, c’était celui de
la semblable scie « J’ai demandé à la Lune » des vieux ados gothiques
Indochine (les Cure bleu-blanc-rouge, les bonnes chansons et les bons disques
en moins). J’avais trouvé « Respire » aussi vite fatigant que les
machins de Louise Attaque, le putain de
violon en moins, et les synthés façon electro en plus, ce qui n’est pas
forcément mieux.
Et bien, après écoute plus ou moins attentive du
skeud, je suis en mesure d’affirmer que « Respire » est de loin le
meilleur titre de cet album, c’est dire si avec tout le reste on s’emmerde
ferme. Le gars derrière tout çà (Mickael Furnon, c’est en fait quasiment Mickey
3D à lui tout seul), ne sait effectivement pas chanter (bonjour la monotonie),
et en gros écrit toujours la même chanson accompagnée des mêmes textes de
flippé désabusé. Il n’y a rien ici d’original, on a même quelques fois
l’impression, au gré des arrangements (c’est le seul truc qui différencie les
morceaux, selon que ça donne dans l’ethnique-world, l’acoustique, l’électrique,
l’électronique) que l’on a entendu tout ça en beaucoup mieux chez d’autres.
Chez Louise Attaque, et donc chez leurs pères
électriques Noir Désir, particulièrement flagrant sur le titre
caché (« Avance » ?), chez Miossec aussi (qui même à jeun
pulvériserait le pauvre Mickey niveau textes), voire au détour de quelque
sonorité arabisante chez les Négresses Vertes.
Niveau écoutable si on a vraiment rien de mieux à
foutre, j’ai noté « Ca ne m’étonne pas », chanson yéyé avec chanteuse
à voix acidulée, « La mort n’existe pas » malgré des paroles putain
de simplettes, et « Beauseigne » avec ses arpèges à la Byrds-REM …
Il semblerait que le groupe n’existe plus … C’est
con, j’avais oublié d’en écraser une larme …
Plus que dans tous les autres genres musicaux pour
les djeunes, le rap a toujours été celui où les carrières se font et se défont
le plus vite. LL Cool J est un cas d’école. Un des premiers à rapper en solo et
non pas dans un « collectif », et de fait un des premiers rappeurs
tout court (premier disque, « Radio », en 1985). Cinq ans plus tard, LL
Cool J n’a que vingt-deux ans et se traîne une réputation de terrible has-been,
de ringard total.
Ce jeune con ( ? ) a totalement zappé l’aspect
qui commence à devenir essentiel dans le rap, la surenchère verbale s’appuyant
sur la fameuse et fumeuse street credibility. Un « bon » rappeur se
doit d’être une grande gueule, et avoir un lourd passé indiscutable de caïd de
cage d’escalier, voire de dealer ou de pimp. Ceux qui cumulent tout ça (ou le
prétendent) deviennent les héros d’une jeunesse américaine quelque peu lobotomisée,
ayant oublié d’où venait le rap (de la rue certes), et à quoi il servait (à
faire passer des messages comme le disait Grandmaster Flash, à s’exprimer, à
revendiquer).
En quelques années, les petits loulous machos et
bling-bling ont zappé tout ça, seuls ne comptent plus que la réputation et le
paraître. Et pendant ce temps, le LL Cool J sortait des slows rap romantiques,
et prenait position contre la drogue, et notamment le crack qui commençait à
remplir les cimetières des ghettos urbains. Tout le « milieu » du rap
s’esclaffait et rimaillait sur le pauvre James Todd Smith (son vrai blaze).
Aujourd’hui, LL Cool J est toujours là (certes pas au sommet de son art), et
ses détracteurs oubliés par à peu près tous (MC Hammer quelqu’un l’écoute
encore ?).
LL Cool J a fait la seule chose qui vaille vraiment
quand on fait de la musique, il a sorti un bon disque qui s’est vendu par
pleins camions. Raide dans ses baskets, réglant juste de ci de là quelques
comptes avec la concurrence, Cool J a démontré tout un tas de choses. Qu’il a
un flow énervant de facilité, assorti d’une diction parfaite (en gros, il rappe
pas façon Uzi en bouffant la moitié des syllabes), qu’avec son producteur
Marley Marl (un des cadors aux manettes de la fin des années 80, précurseur
innovant qui a déblayé le terrain pour tous les Dr Dre à venir) il a l’air et l'art de
faire passer du rap pour des chansons, ou vice-versa. Il y a sur ce « Mama
… » des mélodies qu’on pourra qualifier de « faciles », derrière
chaque couplet, chaque refrain, chaque break … un son qui cherche pas
l’agression systématique (même si accessoirement on peut penser au terrorisme
sonore de Terminator X chez Public Enemy comme sur « Murdergram »),
cherchant plutôt à synthétiser sur un seul disque tout ce qui a été entendu dans le
rap depuis qu’il existe.
Ici plus de breakbeats colossaux comme à ses débuts,
mais des rythmiques soyeuses, tout en souplesse (le morceau-titre), drivées par
des basses souples, rondes, élastiques, tirant parfois vers le jazzy (« To
da break of dawn »). LL Cool J n’hésite pas à balancer des cuivres
rhythm’n’blues ou disco (« Jingling baby »), des ambiances envapées et
guillerettes qui montrent que le premier disque de De La Soul a été assimilé.
LL Cool J était accusé de faire des trucs mollassons, voire des slows ? qu’à
cela ne tienne, il récidive ave « 6 minutes of pleasure » et ce titre
évoque autant le Curtis Myfield des 70’s que les Fun Lovin’ Criminals à venir …
Et puis, manière d’aggraver encore plus son cas, il chique au dur sur la
pochette tout en biscotos saillants, chaîne en or de quinze kilos, bagouzes en
poing américain pour balancer dès le second titre une chanson (y’a pas d’autre
mot) très pop, avec un sample du hit bubblegum oublié des Mary Jane Girls.
En fait, avec ce disque, LL Cool J peut tout se permettre,
c’est le genre de choses que l’on doit sentir dès le studio promues au succès.
Les moqueurs se sont moqués, LL Cool J a raflé la mise et est devenu une
institution de rap.
« Mama … » est un disque de rap qui
pourrait plaire à tout le monde, et surtout à ceux qui n’aiment pas le rap.
Avec « Chicago VIII » retour aux années
Giscard. Chicago, cette fanfare émigrée à L.A., commence à passer de mode, mais
paradoxalement à vendre de plus en plus de disques. Et à s’éloigner de plus en
plus des influences musicales de ses débuts.
Et ce « VIII » est au premier abord un
machin hétéroclite, fait à la va-vite entre deux tournées (il y a des morceaux
sans la section de cuivres, chose inimaginable jusque là, de quoi hérisser le (forcément)
vieux fan de base du groupe).
Et souvent, ce disque sonne comme du déjà entendu
ailleurs. Il faut lire le livret de cette superbe (comme toujours avec eux)
réédition Rhino pour comprendre un peu mieux où Lam , Cetera, Katz et
consorts ont voulu en venir.
En fait, dans l’esprit du groupe cet album est une
sorte de disque « tribute ». Fourmillant de références à leurs
références à eux.
Si la dédicace de Katz à Hendrix (« Oh, thank
you Great Spirit ») est connue et évidente, les morceaux-hommage à Randy
Newman (« Harry Truman »), aux Beach Boys (« Never been in love
before »), à Mountain (« Hideway » reprend le riff de
« Mississippi Queen » de la bande à Leslie West, autre
guitariste admiré par Katz), à Ray Charles (« Brand new love
affair ») montrent une ouverture d’esprit étonnante et en ce qui me
concerne insoupçonnée.
Et du coup ce « VIII » qui pour les
aficionados marque vraiment le début de la fin, se retrouve un peu comme le
disque « à part » dans la carrière de Chicago.
Il a eu l’immense mérite de faire perdurer avec ses Stray
Cats toute l’innocence originelle du rock’n’roll, s’escrimant à recréer toute
la magie perdue de choses aussi simples et évidentes que le Johnny Burnette
Trio et d’une façon générale l’ensemble des pionniers de l’écurie Sun. Oui,
mais voilà, pour éviter que ça tourne à la formule convenue, il fallait qu’il
aille voir ailleurs, en tout cas plus loin que le revival rockabilly dont il
était la jolie frimousse de proue. Et pour cela, crève-cœur obligatoire, se
séparer de ses copains d’enfance, Phantom et Rocker, gentils garçons mais tout
de même techniquement limités pour mener à destination tous les voyages
musicaux dont rêvait Setzer.
Ce « Knife feels like justice » sera son
premier album solo. En rupture par rapport à ceux des Stray Cats. Mais sans
grosse surprise, il ne fallait pas non plus s’attendre à voir Setzer se muer en
sorcier des synthés ou faire un disque avec des bonzes tibétains. Non, Setzer
est profondément américain (pire, new-yorkais) et viscéralement attaché à la
culture US, d’autant plus qu’elle aura une couleur 50’s vintage.
« Knife feels like justice » est donc un disque
tout ce qu’il peut y avoir d’américain dans ce mitan des 80’s. Setzer commence
à bénéficier, Stray Cats oblige, d’une bonne renommée de guitariste et
chanteur, il vend du disque, a le soutien d’une major et une bonne bouille … Il
se retrouve dès lors avec quelques moyens en studio, quelques requins, (la
doublette Aronson – Aronoff à la rythmique, c’est du sérieux), quelques
choristes réputés, et quelques « people » venus faire un tour pendant
les séances… Campbell et Tench, Briseurs de Cœurs chez Tom Petty, Miami
« Steve Bandana Futur Soprano » Van Zant, du backing-band du
Jean-Patrick Capdevielle américain Springsteen. Et le moins qu’on puisse dire,
c’est que Setzer a écouté les disque du Boss, notamment « Darkness »
et « The River », tant une grosse moitié des titres sonne comme des
chutes de studio de ces rondelles-là. On se retrouve donc avec pas mal de rock
lyriques, classiques, centristes, bien chantés, bien joués, avec quelques
bonnes parties de guitare (la Gretsch, c’est pas seulement pour faire joli sur
les photos, Setzer en joue plus que bien), mais qu’on a comme l’impression
d’avoir déjà entendus bien souvent (tous ces « Bobby’s back »,
« Chains around your heart », « The knife feels like
justice », « Maria » co-écrit avec Van Zant forcément…).
Quelques morceaux donnent eux dans le son FM, limite
variété (« Boulevard of broken dreams »), celui avec Campbell
ressemble étrangement à du Tom Petty, tout ceci finissant par traduire une
légère incapacité de Setzer à se démarquer, à innover par des compositions
vraiment originales. Finalement, il n’y a que quand il se lâche, sous
l’influence de ses premières amours rockab, que l’on a droit à trois titres
furieux et échevelés (« Radiation ranch », « Three guys »,
« Barbwire fence ») d’assez loin les trois meilleurs du disque.
En résumé, parce qu’on va pas y passer la nuit sur ce
disque en plus à peu près introuvable aujourd’hui (grosse gamelle commerciale
lors de sa sortie), ceux qui aimaient le rockabilly des Stray Cats n’y
trouveront pas leur compte, ceux qui n’en démordent pas du fantastique
jumpbilly du Brian Setzer Orchestra encore moins. Juste un disque ni vraiment
mauvais mais pas non plus franchement captivant de rock US 80’s … Pour amateurs
exclusifs du genre, tendance complétistes …
Radiohead est sans conteste un des groupes majeurs
des quinze dernières années, plus par faute de concurrence que par réel talent.
Des superstars par défaut, en somme. Reconnaissance critique et populaire,
groupe composé de types bien, charismatiques, et ayant des choses intéressantes
et intelligentes à dire en dehors du strict cadre musical, bla-bla-bla,
bla-bla-bla ...
La famille Tristos du rock ...
Mais moi, leur musique ne me « parle »
pas. J’ai la plupart de leurs Cds, et le moins que l’on puisse dire, c’est
qu’ils ne squattent pas le lecteur. Et ce « In Rainbows » ne déroge
pas à la règle. La plainte modulée de Thom Yorke qui lui tient lieu de voix me
les brise vite menu, et à mon goût, l’épure musicale va trop loin. Ne reste plus
que le squelette de ce qu’auraient dû être les titres de ce Cd.
Bon, tout n’est pas à jeter (deux-trois bons titres
à la fin du disque) et tient quand même beaucoup mieux la route que le piètre
essai solo de Yorke sorti peu auparavant (« The Eraser »), et toutes
les purges déprimées et déprimantes dont ils nous abreuvent depuis. Et si ce
« In Rainbows » restera dans l’Histoire du rock, ce sera plutôt à
cause de son lancement (Radiohead a inventé le téléchargement pirate légal, les
gens allaient sur le site internet du groupe, téléchargeaient les morceaux, et
payaient ce qu’ils voulaient, ou ne payaient rien, au choix), que pour sa
qualité strictement musicale. Le groupe se gagnant au passage une crédibilité
un peu facile de rebelles au système (ils avaient suffisamment vendu de disques
depuis leurs débuts pour être définitivement à l’abri du besoin, et de toutes
façons, que ce soit eux qui le mettent en ligne ou pas, il se serait quand même téléchargé
illégalement )
Moi, comme je suis vieux et con, j’ai commandé un Cd
(du moins je croyais) physique quand il est sorti (un mois après la mise en
ligne, j’ai pas eu trop à souffrir de cette attente). J’ai reçu une
pochette-surprise avec à l’intérieur un Cd en kit à monter soi-même, sans le
boîtier. Heu, Mr Yorke, on pouvait le télécharger où, ce fuckin’ boîtier ?
Des mêmes sur ce blog : OK Computer
Cette compilation concerne la période 1963 – 1966 et
n’est en aucune façon un Best of du groupe.
1963. Quelques mois plus tôt, les Shadows étaient
les maîtres incontestés des hit-parades anglais, proposant au public des
instrumentaux devenus légendaires dont aucun n’est présent ici
(« Apache », « FBI », « Kon Tiki », …) portés par
le jeu de guitare immédiatement reconnaissable de Hank Marvin. Et puis, un
groupe de jeunes de Liverpool a débarqué, trustant le haut des charts et
révolutionnant totalement la musique populaire.
Les Shadows entamèrent dès lors un lent mais sûr
déclin, que cette compilation saisit bien. Non pas que les titres qui la
composent soient mauvais. On ne change pas une formule qui a fait ses preuves,
et les dernières pépites du groupe (le sophistiqué « Atlantis », les
plus classiques « Shazam » et « Shinding ») n’ont pas grand
chose à envier à leurs illustres prédécesseurs. Mais les Shadows n’étaient plus
à la « mode » tout simplement et ces titres de « More
Hits » sont aujourd’hui à peu près ignorés par tous.
Les Shadows ont bien essayé de s’adapter, allant
même jusqu’à chanter sur quelques titres, eux le prototype même du groupe
instrumental. Du coup le résultat devient involontairement comique, car ils
n’ont pas le talent vocal des Beatles, c’est le moins que l’on puisse dire.
Superbe réédition avec section bonus gargantuesque,
puisque à tous les titres à l’origine en mono est rajouté ici la version
stéréo. Stéréo qui n’était pas la préoccupation majeure de l’époque (au moins
en 1963), car une écoute au casque met en valeur (?) une mise en place quelquefois
surprenante des pistes stéréo. Beau témoignage cependant (son remastérisé)
d’une période relativement peu connue du groupe.
Et de toutes façons resteront toujours de superbes
parties de six cordes de Hank Marvin, de loin le meilleur guitariste anglais du
tout début des 60’s.
J'avais un ami, ... mais il est parti ... Piste 1 de « Amigos », « Dance Sister
dance », rythme latino assez mou … Au bout d’une minute et vingt-deux
secondes, Carlos Santana part en solo. Pause…
Flashback.
Woodstock, 16 Août 1969. Sous un soleil de plomb,
Santana (le groupe) qui n’a pas encore publié le moindre album, livre une
prestation torride, un des deux ou trois meilleurs concerts du festival. Avec
un Carlos Santana, rétamé au mescal, machoire crispée, veines du cou prêtes à
exploser, et sa Gibson SG rouge sang qui déchiquette tout … Soul sacrifice …
Triomphe … Excellents disques dans la foulée … « Abraxas » … Le quasi
new age « Caravanserai » … « Lotus », triple live au Japon
… Et Carlos Santana, devenu leader irascible de son band, qui jette un à un
tous ses premiers complices … Jusqu’à ce « Amigos » de 1976, un
disque solo avec des accompagnateurs (ne reste que le bassiste David Brown du
Santana band originel) …
« Amigos » … Play.
« Take me with you », « Let me », les deux
titres que je sauve … ah, et puis « Europa » avec son sustain
indossociable de la guitare de Santana, morceau tellement connu qu’il serait
inconvenant d’en dire tout le mal qu’il conviendrait … Par contre, le reste …
l’espagnolade molle de « Gitano », on dirait une face B d’un simple
des Gypsy Kings, « Tell me … » et « Let it shine » sont des
funkeries qui rappellent de mauvais souvenirs de cette époque (Earth, Wind
& Fire pour le premier, Kool & The Gang pour le second …).
On l’a connu beaucoup plus inspiré, Santana … Du même sur ce blog :