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THE STAX SESSIONS - 1000 VOLTS OF STAX (1991)

Bizarreries ...
Celui-ci, je l’avais acheté il y a très longtemps par correspondance. Une photo format timbre-poste au 1/10ème, un descriptif genre « compilation avec Otis Redding, Eddie Floyd, Booker T, … ». La bonne affaire, pour s’initier à la soul via un des plus grands labels du genre …
Déception au déballage, il s’agit de « rare & unreleased tracks », et comme c’était à peu près aussi simple pour retourner un Cd que pour un parkinsonien de gagner un tournoi de mikado, je l’ai gardée cette compil …
Qui n’est pas un mauvais disque, mais certainement pas non plus un disque pour « débutants » dans la soul. Un Cd pour complétiste maniaque plutôt. D’ailleurs, c’est pas seulement de la soul au sens strict, puisqu’on y trouve le rythm’n’blues d’Albert King ou Rufus Thomas, ou les plutôt doo-wop Astors. Cette compilation a été réalisée par un certain Roger Armstrong (employé chez Stax ?) qui a remonté des archives des bandes inédites, des alternate takes, des enregistrements live des artistes maisons …
Belle affiche (dans tous les sens du terme) pour les revues Stax
Exemple : les deux titres d’Otis Redding, l’inédit à l’époque « Cupid », et une version alternative de « I’ve got dreams to remember » ne font pas partie des « classiques » de son répertoire. Il y a bien « Dock of the bay », mais sous la forme d’une version instrumentale, certes par Booker T. & The MG’s, ce qui n’est pas rien, mais ça ne vaut pas la version chantée par Otis …
Mais Stax étant une « usine » à faire de la soul, et les mêmes « recettes » étant toujours appliquées quels que soient les artistes, il y a de quoi passer quelques bons moments et éventuellement découvrir des gens que l’Histoire  a relégués au second plan, mais qui auraient mérité la tête d’affiche (Bobby Marchan et William Bell sont deux grands chanteurs).
Il y a même deux titres exceptionnels, une version atomique live de « Knock on wood » d’Eddie Floyd, nettement mieux que « Aussi dur que du bois », son adaptation par Jojo Hallyday. Et surtout, une tornade vocale nommée Ruby Johnson, décrite une fois n’est pas coutume sans exagération par les notes du livret comme la Janis Joplin du label Stax, et dont le titre présent (« When my love comes down ») plane très haut au-dessus de tous les autres.

A noter qu’aussi étrange et improbable que puisse paraître ce disque, une dizaine d’autres du même genre ont suivi, qu’on peut (ou qu’on pouvait) se procurer séparément ou réunis dans un coffret …


THE BEATLES - THE BEATLES AGAIN (1970)

La bonne affaire ...
C’était pendant le premier règne de Chirac. Un coin de pochette de 33T aperçue dans une brocante entre  des 45T de Gilbert Bécaud et des 33T de Michèle Torr. Mais oui, c’était bien ça, un disque de Beatles que j’avais jamais vu. Je lâchais sans marchander dix francs, persuadé d’avoir fait une affaire, d’avoir récupéré à peu de frais une pièce rare, voire de collection.

Tu parles, aujourd’hui en état mint, ça vaut dix euros sur les sites d’occases, et le mien il craque de partout et est tout gondolé. « The Beatles again », c’est une compile sortie en 1970 partout dans le monde. Peu rééditée et jamais depuis 1973, année de parution du Rouge et du Bleu, nettement plus copieux et encore à ce jour définitifs résumés de l’œuvre du plus grand groupe etc … « The Beatles again » n’est pas sorti en Cd, mais comme tout ce qui touchait aux quatre garçons dans le vent se vendait comme des petits pains en plus avec cette foutue histoire de séparation, on doit la trouver dans plein de greniers.

« The Beatles again » c’est dix titres. Un assemblage de bric et de broc, conçu pour rendre accessible aux fans quelques morceaux « rares », autour de la locomotive du disque censée être la (elle bien connue) scie de McCartney « Hey Jude » (« Hey Jude » était le titre du disque envisagé dans un premier temps par Apple et EMI). Aujourd’hui que tout est disponible, et pour rien, l’intérêt de cette rondelle noire est maigre. A mon sens, elle ne vaut que pour sa pochette, une photo devant une modeste demeure que venait de s’offrir Lennon (un Lennon à droite des autres, enfin plutôt à l’Ouest dans ce cas, accoutré qu’il est en Rabbi Jacob).
Parce que le tracklisting, bon, faut être honnête, c’est vraiment n’importe quoi. « Can’t buy me love » (le prototype des hits des quatre jeunes de Liverpool dans leur période costard-cravate) et « I should have known better » sont sur le 33T « A hard day’s night » et pas rares pour deux sous. « Paperback writer » qui suit, sorti uniquement en 45T, est signé Macca (à l’attention des fans de Maé, quand les titres sont signés Lennon-McCartney, celui qui a en fait écrit seul le morceau, c’est celui qui fait la voix lead), est autrement plus consistant, les Beatles ne donnent plus de concerts, passent énormément de temps en studio, y’a une trouvaille sonore toutes les cinq secondes. « Rain » (signé Lennon), la face B de « Paperback … » a longtemps fait figure de titre rare des Beatles (on le trouvait pas sur le Rouge), à la réputation exagérée. C’est un bon titre issu des sessions de « Revolver », avec là aussi plein d’expérimentations sonores de George Martin (les voix passées à l’envers entre autres), mais pour moi il est pas dans le Top 50 des Beatles, même si c’est un peu la tarte à la crème des pédants in Fab Four connoissance …
« Lady Madonna », c’est du Macca qui s’amuse, entre rag et Fats Domino style, avec une énorme pulsation de basse et une voix qui semble sortie d’un vieux phono des années 20. Titre archi-connu, un des 27 numéro un aux hit-parades des Beatles. Suit ensuite la chanson « politique » de Lennon « Revolution ». Il s’agit de la version dite « saturée » avec ses grosses guitares fuzz, sortie en 45T. L’autre face de ce 45T (les Beatles pouvaient se permettre de sortir des 45T avec deux faces A), c’est donc « Hey Jude », d’une simplicité et d’une facilité mélodique (une suite d'une poignée de notes répétées pendant cinq minutes) telles qu’on se demande pourquoi personne y avait pensé avant (réponse : c’est simple, tous les autres n’étaient pas les Beatles).
Les trois derniers titres sont les plus récents, issus des séances de « Let it be » et « Abbey Road ». On y trouve le « Old brown shoe » de Harrison, face B de la « Ballad of John & Yoko » de Macca, également présente, ainsi que « Dont let me down » signée Lennon et face B de « Get back ». Trois titres enregistrés alors que l’affaire Beatles commençait à sentir le sapin, et ma foi, ça s’entend, c’est juste le minimum syndical …

Bon, c’est les Beatles, ouais, mais finalement, même à dix balles, c’était pas une si bonne affaire que ça, ce « The Beatles again ».







Des mêmes sur ce blog :
The Beatles 

THE HARDER THEY COME - SOUNDTRACK (1972)

Le reggae pour les nuls ...
Cette notule pédagogique s’adresse à tous ceux dont les conduits auditifs ont été sérieusement malmenés par une écoute prolongée de choses aussi insignifiantes que la country, le blues, la pop, le rock, le trash-doom metal, le drum’n’glitch ou autres sonorités bruyantes affligeantes …
Pour ceux dont la morne existence a été rythmée ( ? ) par du jazz, du classique, du prog-rock, Christophe Obispo ou Pascal Maé, … une prophylaxie éradicante de type vangoghien reste malheureusement la seule solution connue à ce jour.
Bienvenue donc pour une introduction aux merveilles chaloupées et ensoleillées du reggae…
Cette compilation est idéale pour débuter. Et pour plusieurs raisons…
Jimmy Cliff
C’est la première qui a mis la Jamaïque sur la carte du monde musical. Bande sonore d’un nanar de série B de Perry Henzel, (« The harder they come »,  « Tout, tout de suite » en France) version caraïbe des films US de blackploitation, relatant les tribulations d’un paysan jamaïcain confronté au milieu gangstérisé de la production musicale locale. Jimmy Cliff y tient le rôle principal d’une manière assez comique (voire tragique), démontrant que pour faire une carrière d’acteur, l’Actor’s Studio peut s’avérer utile.
Cette compilation est parue en 1972, qui est aussi la fin de l’âge de l’or du reggae. La révélation l’année suivante de la comète Marley signée par un label à vocation internationale, Island de Chris Blackwell, Jamaïcain exilé en Angleterre, marquera la fin de la créativité musicale inouïe locale, le formatage (de qualité, certes, mais formatage quand même) devenant dès lors de mise…
On voit sur cette B.O. toute l’évolution, qui s’effectuait alors à une vitesse prodigieuse, menant du rocksteady et du ska de la fin des 60’s, au reggae tel qu’il a été popularisé par la suite…
Sur les douze morceaux (deux sont en deux versions, « You can get it if you really want » et « The harder they come ») neuf font partie du patrimoine incontournable du reggae, dans cette compilation où surtout Jimmy Cliff est à l’honneur (la moitié des titres).
Toots & The Maytals
« You can’t get if you really want » est un reggae de Cliff de facture très pop, sous influence américaine du genre, avec durant le pont, l’apparition d’une section de cuivres très Stax. C’est en poursuivant dans cette voie-là que Jimmy Cliff obtiendra de gros succès populaires, délaissant au passage la qualité artistique de ses débuts.
« Draw your breaks » (comprendre brakes (freins), les Jamaïcains entretenant de curieux rapports avec l’anglais, tant parlé qu’écrit …) est un des classiques du reggae, par l’oublié 3ème couteau Scotty. Ce morceau contient une mélodie et une phrase récurrentes (« Stop that train », le train représentant le progrès, la civilisation occidentale, Babylone, …) que l’on retrouvera dans des centaines d’enregistrements par la suite.
« Rivers of Babylon », par les Melodians (et non les Melodions comme écrit sur le livret et la jaquette du Cd), est lui aussi très connu … dans la version Boney M. Evidemment, la version originale, beaucoup plus lente, est mille fois fois supérieure à la scie disco… Ce titre représente un des sommets d’un genre à part entière, celui du groupe vocal (généralement un trio) dans le reggae. Tous ces groupes vocaux sont fortement influencés par la musique noire américaine avec comme noms qui reviennent le plus souvent dans leurs références, les Drifters et les Impressions de Curtis Mayfield.
The Melodians
Avec « Many rivers to cross », coup de bol, vous récupérez sur une compilation de reggae une ballade soul définitive, l’égale des « It’s a man man’s world » ou « When a man loves a woman ». Un classique indémodable.
« Sweet and dandy » des Maytals , est typique du rocksteady, combinant un phrasé lent sur  un rythme rapide issu du rock américain fifties. Les Maytals ont pour leader Toots Hibbert, qui deviendra un des quatre ou cinq plus grands noms du reggae dans les 70’s (Toots & The Maytals).
« The harder they come », à nouveau Jimmy Cliff, avec un reggae toujours agrémenté d’une mélodie pop. Un des titres dont raffoleront les punks anglais (Joe Strummer & The Mescaleros), ou américains (Rancid), qui le reprendront. A noter une reprise risible par Eddy Mitchell (« Le maître du monde »), que Schmoll est allé enregistrer au milieu des 70’s à Memphis ( ? )…
Autre merveille d’un groupe vocal oublié, le « Johnny too bad » des Slickers. Repris lui aussi par les anciens punks reconvertis gothique-synthés Lors of the New Church (Cd « Is nothing sacred ? ») qui avaient « oublié » de créditer les vrais auteurs, s’appropriant sans vergogne la paternité du titre …
Desmond Dekker
« Shanty town », sur un rythme rocksteady, a fait de son interprète Desmond Dekker l’archétype du « rude boy », le stéréotype du rasta dur-à-cuire (cf le titre du film des Clash)…
« Pressure drop » est un autre titre des Maytals, un des plus connus du reggae en général, lui aussi énormément repris (Clash bien sûr, mais aussi Robert Palmer, Izzy Stradlin, Specials, …).
Il fallait sur cette compilation un titre pas terrible, c’est Jimmy Cliff qui s’y colle avec l’anecdotique morceau influencé par la soul « Sitting in limbo » …


Bon, vous avez à portée de conduit auditif la meilleure compilation reggae en un Cd. Avant d’aller plus loin dans l’apprentissage, il est conseillé de se laisser pousser les dreadlocks, les ongles du pouce et de l’index, se munir de quelques barrettes (non, non, pas pour se coiffer), de papier fin (non, non, pas pour prendre des notes)… Vous serez dès lors prêts pour appréhender le plus grand groupe reggae de tous les temps, Sting & The Police … euh non, pardon, Bob Marley & The Wailers… 


MADNESS - COMPLETE MADNESS (1982)

Juste un petit grain de folie ...
Pour quasiment tout le monde, Madness se résume à un titre, « One step beyond ». Rabâché, et même encore de nos jours, jusqu’à l’écœurement. Symbole du ska dit festif, avec en filigrane la vision de ces horribles multitudes de groupes du genre qui squattent les après-midi de festivals provinciaux, aussi vite chiants que les fuckin’ bandas du Sud-Ouest …
Madness, c’est pas que « One step beyond ». Le groupe, après quelques années de mise en sommeil s’est reformé quasiment dans son line-up original et demeure une institution. En Angleterre uniquement. Parce que Madness est un groupe typiquement anglais, autant qu’avait pu l’être à la même époque de leurs débuts le trépassé Ian Dury et ses Blockheads. Madness viennent d’un quartier populaire de Londres (Camden Town), et ont savamment entretenu cet aspect cockney-potache-loufoque inné chez eux.

Madness, c’est en 79 la tête d’affiche commerciale du ska, ceux qui ont fait exploser la reconnaissance commerciale du mouvement (« One step … » donc, leur second 45T). Laissant aux Specials le meilleur disque du genre, mais entamant pour leur part à coups de singles malins la conquête régulière des charts. Au bout de deux ans, le ska revival aura fait long feu, faute de combattants (l’essentiel des groupes de la mouvance, y compris les Specials, ont disparu), et la mode est passée à autre chose (les gothiques, la synth-pop, le post-tout-ce-qu’on-veut, …). Madness vont perdurer, en gros une décennie, grâce à un virage pop. Sans se « vendre ». Le groupe a eu la chance de compter en son sein trois, voire quatre auteurs capables de pondre des rengaines putes juste ce qu’il faut pour avoir du succès, mais sacrément efficaces.
Ce « Complete Madness » est paru en 1982, soit trois ans et trois disques après leurs débuts. Ce qui est un timing rapide, mais il faut battre le fer etc …, n’est-ce pas Messieurs les comptables de chez Warner ? Pas de bol, mais personne pouvait savoir, juste avant leur meilleur disque « The rise and fall ». Pas malin non plus, le tracklisting, qui mêle les titres sans tenir compte de la chronologie, et vu que Madness est un groupe qui a évolué dans le bon sens du terme, c’est vraiment pas une bonne idée. Démago, le sous-titre d’origine « 16 hit tracks » (judicieusement supprimé des rééditions) est bien évidemment plus qu’optimiste par rapport à la réalité, d’ailleurs certains titres sont même pas sortis en single.
On trouve donc du ska. Plus exactement ce qu’on appelait du ska en Angleterre et par extension ailleurs dans le monde civilisé, à savoir des choses s’inspirant certes du ska jamaïcain fin 60’s – début 70’s, mais couplé à du reggae, du dub, du toasting, de l’accélération du tempo liée à l’énergie plus ou moins punk de l’époque, le tout dans un format concis (3 minutes maxi). Sont donc de la revue outre l’incontournable « One step beyond », des choses comme « Baggy trousers », « Night boat to Cairo », « The Prince », « Madness », ce qui permet de noter que les Madness sont vraiment des fans ultimes d’une des grandes figures du ska jamaïcain, Prince Buster, puisqu’un titre lui est dédié (« The Prince ») et qu’ils en reprennent deux autres ( « Madness », qui leur donnera leur nom de scène, et « One step beyond », ben oui, c’est pas d’eux).
Ensuite, c’est un peu tout, et aussi n’importe quoi. Du plus ou moins second degré (« The return of the Las Palmas 7 », improbable hybride instrumental entre merengue et calypso), de l’humour macabre (« Cardiac arrest », un des titres les plus enjoués, parle d’un type en train de claquer d’un infarctus), de la pochade fainéante (« In the city » est extrapolé à partir d’un jingle de pub qu’ils avaient écrit pour une bagnole japonaise), de l’hommage certainement sincère à un méconnu poète et musicien anglais d’origine nigériane Labbi Siffre à travers la reprise de son « It must be love » (bonne cover, truffée d’arrangements intéressants de classique et de big band jazz). Cette compile montre aussi la lucidité de gars qui se sentent enfermés dans un style qu’ils pressentent éphémères et qui se retournent vers les bases de la musique anglaise, la pop de qualité. Même si le propos est parfois encore un peu gauche quand ils créent eux-mêmes (« Embarassment », « Shut up »), les choses sont bien meilleures quand ils « s’inspirent » pour pas dire plus (ils sont honnêtes les gars de Madness, ils le reconnaissent dans les courtes mais intéressantes notes du livret) de choses existantes. Ainsi le meilleur titre du disque, « My girl » doit beaucoup au « Watching the detectives » d’Elvis Costello et « Grey day » au schéma rythmique du « Bogus man » de Roxy Music.

On l’aura compris, cette compile d’époque n’a qu’un intérêt somme toute limité, présentant un bon point de vue de leurs premières années, qui sans être à renier ou à rejeter, ne sont pas forcément leurs meilleures. Leurs masterpieces sont encore à venir, même si leur discographie des années 80 est à envisager avec circonspection, beaucoup de choses étant sacrifiées à l’air sonore du temps pour pérenniser un succès qui ne se démentira pas chez leurs compatriotes …


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BUDDY HOLLY AND THE CRICKETS - THE VERY BEST OF (1999)

La meilleure compilation ?
Et évidemment, Universal l’ont pas rééditée depuis sa parution en 1999. Ils préfèrent sortir des machins re-remastérisés qui sonnent comme Metallica plutôt que de remettre celle-ci sur le marché …
Parce que Buddy Holly, qui en tout et pour tout, n’aura enregistré que pendant un an et demi, il n’y a pas de quoi remplir des coffrets de quinze Cds. Même si pendant ce court laps de temps, il a laissé un certain nombre de pépites inusables.
Buddy Holly
Toutes sont présentes ici, que ce soit sous son nom, ou au sein des Crickets … pas dans un ordre chronologique, ce qui au vu de la brièveté de la carrière, n’a cependant pas grande importance.
Buddy Holly, pour faire simple, on va dire qu’on s’en fout un peu aujourd’hui, qu’il fait partie de cette longue litanie d’anciennes gloires quelque peu oubliées. Et pourtant, il connut un succès phénoménal, bien aidé par Elvis parti se faire lobotomiser à l’armée, devint l’idole d’une jeunesse (blanche) américaine, et de pas mal de leurs parents…
Tout en faisant du rock’n’roll ce qu’il y a de plus irréprochable, mais en ayant soin de rechercher une profondeur mélodique restée à cette époque-là sans équivalent. Qui d’autre peut se prévaloir de (ré)concilier fans des Beatles (Lennon était son plus grand admirateur et baptisa ainsi son groupe à cause des Crickets) et des Stones (« Not fade away » était la face A de leur 1er 45T américain) ?
Il faut toujours avoir à portée d’oreille des merveilles d’insouciance pop comme « That’ll be the day », « Peggy Sue », « Rave on », « Look at me », « Everyday », « Wishing » (plus Beatles que ces deux-là, on peut pas), « It’s so easy » et « Maybe baby » (la quintessence du style Buddy Holly), l’incroyable « Fools paradise ». S’il faut être roots, Buddy Holly sait piocher dans le catalogue des classiques (« Blue suede shoes », « Shake, rattle & roll »), faire du rockabilly (« I’m gonna love you too »), du Diddley beat (« la reprise de « Bo Diddley », « Not fade away »). Il peut parfois, même s’il est beaucoup plus limité vocalement, donner dans le pathos romantique orbisonien (« Raining in my heart », « Valley of tears »)…
Buddy Holly & The Crickets
Comme Elvis, Buddy Holly a eu son Colonel Parker. Et son mentor, Norman Pettty, n’était pas un vulgaire escroc hollandais, mais un musicien, arrangeur et producteur, et co-auteur de la plupart des titres de son protégé. La mort dans un crash d’avion de Holly fut vécue comme un traumatisme par toute une génération de jeunes américains (voir la chanson, gros succès en son temps de Don McLean « American  pie » où la funeste date du 3 Février 1959 devient « the day the music died ») …
C’est bien connu, l’Histoire ne repasse jamais les plats, surtout quand la mort est au bout du chemin… mais Buddy Holly, s’il avait vécu, avait tous les atouts pour être au moins aussi grand qu’Elvis …
A perpétuellement redécouvrir …

Du même sur ce blog :
Buddy Holly


MOTT THE HOOPLE - ROCK'N'ROLL QUEEN (1972)

Echec et Mott ...
Qu’en serait-il advenu des Mott The Hoople si Bowie ne s’était pas entiché d’eux et ne leur avait offert « All the young dudes » qui les a fait passer à la postérité et relancé leur carrière ?
Parce que là, quand paraît ce « Rock’n’roll Queen » début 72, ça sent le sapin, la fin de contrat. Une compilation de sept titres, dont un morceau live de dix minutes, le tout n’atteignant même pas les quarante de rigueur des temps vinyliques. Autant dire que la matière à Best of est assez rare chez Mott.
Derrière l’affaire Mott, il y a deux hommes. Ian Hunter, fan de Dylan. Pas exactement la meilleure idée à la fin des sixties, Dylan pour un tas de raisons (le retrait dû au prétendu accident de moto, les disques parus ensuite assez moyens, le son général du rock qui s’est considérablement durci, …) est à peu près oublié. La « chance » de Hunter sera de croiser la route de Guy Stevens, un des agitateurs les plus en vue du swingin’ London finissant. C’est lui qui a trouvé le nom des successful Procol Harum, qui enregistre dans son studio tout un tas de revivalistes et nostalgiques mod, … Et qui décide de prendre en main la carrière de Hunter. Stevens aide Hunter à monter un groupe (autre figure forte de Mott, le guitariste Mick Ralphs, héros de seconde zone de la six-cordes, qui fondera plus tard Bad Company), et lui conseille le look qui ne le quittera plus : cheveux mi-longs frisés, et inamovibles lunettes noires (plus un accessoire médical qu’autre chose au départ, Hunter est très myope).
Mott The Hoople 1970
Stevens produit les premiers pas discographiques. Accueil glacial. Le groupe s’entête sans lui. Même résultat. Il est prévu que le groupe assure la promotion de cette compilation (si tant est que quelqu’un soit demandeur), et se sépare, chacun s’en ira vaquer vers d’autres aventures.
Evidemment, cette compile sera un bide supplémentaire pour Mott. Et quoi qu’il se soit passé après « All the young dudes », et les disques intéressants qui ont suivi, la première partie de la carrière de Mott The Hoople ne peut être réhabilitée.
C’est indigent, voire limite grotesque. Le groupe anglais laborieux de seconde zone qui mouline sans imagination des trucs dans l’air du temps. Rien qui ressemble au Dylan chéri par Hunter (ça viendra en solo des années plus tard), mais plutôt tout qui navigue dans le sillage des Stones – Faces. Sans le talent des uns ou des autres.
Les boogie stoniens sont de la revue. « Rock’n’roll Queen » le titre, « Death may be your Santa Claus » ( ??), « Walkin’ with a mountain ». Plutôt tendance boogie bien gras et lourds que tendance stonienne d’ailleurs, sans imagination. A tel point l’anecdote fameuse concernant « Walkin’ … ». Mott enregistrait dans la cabine de studio voisine de celle des Stones, et leur parvenait le son de « Jumpin’ Jack flash ». Ces lourdauds n’ont rien trouvé de mieux que de plagier le titre qui allait devenir mythique, y compris dans les paroles, le « Jumpin’ Jack flash it’s a gas » répété ad lib par Ian Hunter …
Mais si Mott a plagié les autres, certains de ses titres n’ont pas été perdus pour tout le monde. Leur version instrumentale (mais pourquoi instrumentale ?) plutôt heavy du classique des Kinks « You really got me » a été littéralement photocopiée par Van Halen quand ils reprendront ce même titre sur leur premier disque.
Un morceau (« Midnight lady ») lorgne vers le glam lorsque T.Rex commence à squatter les ondes. Plus original est « Thunderbuck ram », qui après avoir frôlé le pire avec son intro classico-prog évolue en tournerie sauvage proche du space rock énervé que feront le Blue Oyster Cult, les Pink Fairies ou Hawkwind. Quand au titre live, un exercice dans lequel Mott a toujours eu bonne réputation, il ne la sert pas vraiment leur réputation, basé sur un medley laborieux («  Whole lotta shakin’ goin’ on » de Jerry Lee Lewis, « What I’d say » de Ray Charles) construit autour du « Keep a knockin’ » de Little Richard. Et faut faire très attention quand on touche au répertoire de Petit Richard, il a placé la barre tellement haut qu’on est souvent voire toujours ridicule, et Mott n’échappe évidemment pas à la règle.
Belle pochette … Qui évite de justesse à ce « Rock’n’roll Queen » la poubelle …

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All The Young Dudes

DIANA ROSS - ONE WOMAN THE ULTIMATE COLLECTION (1993)

Dirty Diana ?

Ah que non, ce serait trop facile de dézinguer la vieille mémére, la sophisticated diva des années 60 et suivantes. Parce que je vais vous avouer quelque chose, Diana Ross, elle a un truc (le même que Chrissie Hynde ou à un degré moindre Alison Mosshart) : une voix qui fait bander. Ça s’explique pas, … c’est comme ça, la la la …
Et y’a pas qu’à moi qu’elle a du faire cet effet. Dans le lot, il doit y en avoir quelques autres, parce que la Ross, sous son seul nom et avec les Supremes est la recordwoman de ventes de disques dans le monde. Ce qui n’est certes pas un gage de production discographique de qualité … Parce que comme tous les autres, la Ross a assis sa légende sur quelques années de son interminable carrière. En gros, les premières et sa période dite « disco ».
Pourtant ça n’avait pas débuté du feu de Dieu pour la Diana. Un petit groupe chantant, les Primettes, remarqué par Berry Gordy (enfin, il avait surtout remarqué Diana, on y reviendra) et signé sur son label Motown. Et quelques 45T qui se ramassent. Pas glop, l’organisation quasi militaire que Gordy met en place n’aime pas ça, et nombreux sont ceux qui n’auront pas de seconde chance. Faut dire que dans un répertoire « classique », Diana, chanteuse lead du trio rebaptisé Supremes, n’est pas très à son aise, et comme la concurrence est rude, chez Motown et ailleurs, il faut être plus que correct pour grimper dans les charts.
Diana Ross & The Supremes
Berry Gordy, que le minois de Diana Ross ne laisse pas indifférent, s’entête, réquisitionne ses meilleurs auteurs (Holland/Dozier/Holland) au service des Supremes. Deux essais du trio pour régler le tir, et bingo avec le troisième titre « Where did our love go » en 1964, qui deviendra le premier N°1 des filles et un peu la quintessence du son Tamla-Motown. Le monde entier succombe et les Supremes vont alors enchaîner les hits pendant trois ans. Jusqu’à ce que le groupe, sous l’instigation de … Berry Gordy, soit rebaptisé Diana Ross & The Supremes. Sur la lancée, nouveaux hits, mais la belle mécanique commence à s’enrayer, les changements de personnel autour de l’inamovible Ross surviennent, et la formule Motown commence à lasser. De cette période Supremes, on ne trouve sur cette compilation que quatre titres, et encore, le tardif « Reflections » ne fait pas pour moi partie des titres légendaires du groupe.
Diana Ross devient alors en quelque sorte l’ambassadrice de la Motown, la Dionne Warwick de Berry Gordy. Elle participe pleinement au rêve américain, son histoire tient de la success story (quelque peu romancée), et elle qui est issue d’une famille nombreuse, s’entiche d’une troupe de gosses chantants, plus particulièrement du plus jeune, un certain Michael Jackson. C’est elle qui assure leur promotion sur leur tout premier disque « Diana Ross presents the Jackson 5 ».
Pause Closer. Deux questions essentielles reviennent au sujet de Diana Ross. Un : Berry Gordy l’a t-elle pécho ? Oui, elle a eu un enfant de lui (alors qu’elle était mariée avec un autre). Deux : Diana Ross a t-elle dépucelé Michael Jackson ? Rien n’est officiel, il y a de fortes présomptions … Fin de l’épisode presse people …
Diana Ross époque "Diana"
Revenons à cette compile. Les seize titres restants couvrent la période 1970-1993. Evacuons d’emblée les trois derniers des années 90, très mauvais. Le reste rassemble ses morceaux les plus connus, plus ou moins chronologiquement. Dès les débuts de sa carrière solo (comme toutes les autres stars de la Motown, Marvin Gaye ou Stevie Wonder, Diana Ross aura des velléités d’indépendance, mais c’est celle qui renâclera le moins pour rester sur le label, ses liens particuliers avec Gordy expliquant cela), Diana Ross devient une chanteuse centriste, au répertoire très middle of the road, invitée vedette de tous les shows de variété familiaux. Meilleur titre de l’époque, « Ain’t no mountain high enough », grosse pièce montée pop avec orchestration démesurée et quelque peu dégoulinante …
Lentement mais sûrement au cours des seventies, l’étoile de la Ross commence à pâlir. Sont convoqués à la rescousse Bernard Edwards et Nile Rodgers, les rois du disco Chic, chargés d’écrire et produire un disque. Ce sera « Diana » en 1980. Les choses ne se passent pas très bien, la Diana fait ses numéros de diva, et gonfle passablement Edwards et Rodgers. Qui font leur boulot, tout en truffant les lyrics du disque de paroles à double sens. Et si Diana Ross chante maintenant très bien, si elle sait prendre des poses avantageuses sur ses photos, elle … comment dire, ne brille pas forcément par son esprit. Elle piquera une légendaire colère quand elle comprendra des mois après l’avoir enregistré ce que signifie le titre et les paroles de la chanson « I’m coming out » qui feront forcément d’elle une icône de la culture disco gay. Ce titre ne se trouve évidemment pas sur la compilation, mais il y a de cette collaboration avec les leaders de Chic l’imparable « Upside down » qui fera de Diana Ross la rivale et l’égale en terme de succès de toutes les divas disco de l’époque.
Diana Ross 1989
La revoici donc au top, se piquant de gérer au plus près sa carrière, quittant Motown (avant d’y revenir quelques années plus tard), duotant avec Lionel Richie (titre calamiteux mais qui se vendra très bien). Elle n’en poursuivra pas moins son déclin artistique, non sans avoir tenté en 1985 un génial coup de poker avec les frangins Gibb à l’écriture (oui, oui, ceux des Bee Gees). Ce conglomérat de vieilles gloires disco sur le retour va accoucher d’un titre fabuleux, « Chain reaction », mix discoïde insensé du son des Supremes, mélangeant plus particulièrement dans ses influences « Baby love » et « You keep me hangin’ on ».
Evidemment aujourd’hui, vu l’âge de la dame, il n’y a plus rien de bon, même pas de moyen à attendre de sa part. Et on ne fait pas  sur plusieurs décennies une carrière dans la variété haut de gamme, mais la variété tout de même, sans enregistrer des choses très dispensables. Cette compilation le démontre. Les titres avec les Supremes font bien de l’ombre,  c’est le moins que l’on puisse dire, au reste de sa carrière, malgré une poignée de hits disco très recommandables …

JOHNNY CASH - AT HIS MIGHTY BEST VOL. 3 (1992)


De bric et de broc ...

Une compilation française, oui Monsieur … et comme tout ce qui touche au rock au sens large dans ce pays, un truc étrange et assez mal foutu … Sorti à une époque, où des épiciers du disque, auto-proclamés « agitateurs culturels » avaient monté un label, originalement nommé FNAC Music, sortant des compilations de vieux trucs dont plus personne voulait, distribuant  également quelques labels indés français, tout ça pour surfer sur la vague d’un support Cd en pleine croissance.
Et parmi tous ces machins antiques un peu ringardisés à l’époque, Johnny Cash. Totalement out, l’Homme en Noir, au début des années 90. Pas encore pacsé avec Rick Rubin, Cash enregistrait au jour le jour des disques chez qui voulait bien le signer. C’est sans doute sans trop de difficultés et à bon prix que la FNAC a récupéré les autorisations sur son fonds de catalogue. Et sorti trois compilations « At his mighty best » de vingt titres chacune.
Mighty best si on veut. Des titres piochés certes dans sa bonne période des débuts chez Sun de 58 à 64 (mais Cash sortait aussi en même temps des disques chez Columbia à partir de 1960), jetés sur des rondelles brillantes en dépit de tout ordre chronologique ou de toute thématique, avec un livret qui assure tout juste l’essentiel des informations légales. Alors on se retrouve avec quelques morceaux connus et puis d’autres titres beaucoup plus anecdotiques, même si les ingrédients de base sont là : la structure rythmique quasi inamovible, la voix de baryton à tendance sépulcrale, l’atmosphère austère et dépouillée typique de l’époque Sun. Au fil des ans, l’accompagnement s’étoffe un peu, des chœurs sont présents (Les Tennessee Riders ou la Carter Family).
Le matériau essentiel de cette compilation est de la good old country, sous forte influence Hank Williams (de toutes façons, de tous ceux de l’écurie Sun, Cash est celui qui a le moins donné dans le rock’n’roll). L’ensemble des vingt titres est correct, rien de rare ou d’inédit tant les compilations ou rééditions avec bonus des disques de l’Homme en Noir sont innombrables. Meilleurs titres du lot : les plus ou moins « classiques » « Rock island line », « I love you because », « I could never be ashamed of you », « Next in line », « It’s just about time ».
Le label Fnac Music n’ayant duré que quelques années, ces Cds n’ont jamais été réédités, mais se trouvent encore d’occase pour quelques euros (ça vaut pas plus) sur les sites spécialisés.

Du même sur ce blog :
American IV The Man Comes Around


CHESS PIECES - THE VERY BEST OF CHESS (2005)


Echec et mat ...

Quand on remonte aux origines de ce qu’on appellera plus tard d’une façon générique le rock, on cite quelques poignées d’artistes, blancs ou noirs, qui ont tout déclenché au milieu des années 50 par leurs premiers disques. Si on affine encore plus, il ne reste que trois noms à l’origine de tout : ceux de Sam Philips et des frères Chess, Leonard et Phil. Pas des chanteurs, pas des musiciens, pas des compositeurs. Juste les propriétaires de minuscules studios d’enregistrement qui créeront des labels pour sortir leurs disques.
John Lee Hooker
Pour le premier, ce sera Sun Records à Memphis (Presley, Cash, Perkins, Orbison, Lewis, …), pour les frères Chess ce sera Chess Records à Chicago. Et là la liste de leurs signatures est encore plus imposante.
Cette compilation en deux Cds et 48 titres propose un aperçu de leurs artistes à travers quelques-unes de leurs œuvres marquantes. Partie émergée de l’iceberg, tant le gens signés chez Chess se sont révélés prolixes. Les deux frangins émigrés de Pologne à la fin des années 20 vont par leurs premières signatures à partir de 1947 représenter un nom magique pour tous les bluesmen. Lesquels sont généralement issus du Mississippi (le Delta blues) et vont dès lors se lancer dans une transhumance vers l’Illinois. Un mouvement déjà entamé depuis le début du siècle, Chicago et ses établissements tenus par la mafia étant à peu près le seul endroit des States où ils pouvaient se produire. Avec les frères Chess, il y avait en plus le mirage de l’enregistrement, du fameux contrat, et de la fortune supposée qui va avec.
Howlin' Wolf
Si j’ai parlé de mirage, c’est que les frères Chess étaient tout sauf des philanthropes, mais beaucoup plus les prototypes des requins de la finance qui plus tard ont jeté leur dévolu sur le milieu musical. D’ailleurs la plupart de leurs artistes majeurs n’ont eu d’autre choix que de leur coller des avocats aux fesses pour pouvoir se défaire de contrats léonins et espérer toucher de l’argent et vivre de leur art sous d’autres cieux … Phil et Leonard Chess étaient gosso modo des escrocs, mais qui ont eu un flair assez impressionnant pour dénicher au milieu des cohortes de va-nu-pieds qui les sollicitaient les futures légendes de la musique noire. Car à l’opposé de Philips et de l’écurie Sun, les frères Chess n’ont pratiquement signé que des artistes noirs.
Chuck Berry
Les bluesmen dans un premier temps. Howlin’ Wolf d’abord à travers une licence de distribution, son premier disque étant estampillé … Sun Records (le monde musical était alors tout petit), mais Sam Philips, avec ses artistes et son public quasi exclusivement blancs, ne savait trop que faire de ce nègre à la grosse voix sépulcrale. Très vite, le catalogue s’enrichira de noms aussi importants que John Lee Hooker, Little Walter, Elmore James, Lowell Fulsom, Sonny Boy Williamson, Jimmy Whiterspoon, et, cerise sur le gateau de Muddy Waters et de son alter ego de l’ombre, l’immense Willie Dixon (peut-être le moins connu du lot, mais de fait l’homme essentiel de cette scène blues de Chicago, auteur de l’essentiel du répertoire de Waters, d’une bonne partie du répertoire de quelques autres, producteur, et chef d’orchestre des musiciens du studio Chess). Soit la plus belle brochette de métèques dont se réclameront tous ceux qui depuis 50 ans font des choses avec du rythme et du blues.
Bo Diddley
Mais c’est pas tout. Chez Chess à la fin des années 50, y’a un autre nom qui clignote, et pas qu’un peu. Celui de Chuck Berry. Le pervers pépère du rock’n’roll, celui qui a défini l’usage et le rôle de la guitare électrique dans cette drôle de musique syncopée, et auteur à lui tout seul, allez je vous le fais à la louche, de la moitié des hymnes les plus connus de ce nouveau genre. Et pas très loin du Chuck, on trouve sur l’échiquier artistique du label d’autres adeptes des rythmes chaloupés, comme Bo Diddley et dans une moindre mesure Dale Hawkins (celui de « Susie Q », titre tant de fois repris). Et certains historiens vont même jusqu’à trouver dans le catalogue Chess le premier morceau de rock’n’roll jamais gravé, le « Rocket 88 » de Jackie Breston, dans le groupe duquel on trouvait à la guitare un certain Ike Turner …

Tous ces gens ont écrit suffisamment de classiques pour remplir plusieurs Cds. Ils ont présents sur le premier disque de cette compile avec un ou deux morceaux parmi leurs plus connus. Et si les frères Chess exploitaient sans vergogne leurs artistes, ils prenaient soin de leur (plus très) petite entreprise, et sentant bien que cet engouement pour les formes de musique qu’ils produisaient ne durerait pas, se sont « diversifiés ». Tout en restant cohérents sur la « ligne » du label, ils se sont tournés vers du rhythm’n’blues canaille et festif (Clarence « Frogman » Henry), le doo-wop avec l’approche originale qu’en faisaient Harvey & The Moonglows ou les Jaynetts (« Sally go ‘round the roses », dont l’oubliée Carmel se souviendra pour son gros hit « Sally » du début des 80’s), voire le son tex-mex à base d’orgue (Dave « Baby » Cortez).

Laura Lee
La roue de l’Histoire tournant vite à cette époque-là, Chess s’en remettra dès le début des années 60 au rhythm’n’blues, toutes les figures blues du label étant soit parties sous d’autres cieux présumés plus hospitaliers, soit en net déclin artistique. Ce sont essentiellement ces nouveaux noms que l’on trouve  sur le second Cd, et il faut bien reconnaître, que sans être totalement anecdotique, il y a une sacrée baisse de régime. Les machos diront que c’est logique, le tracklisting étant majoritairement féminin … sauf que ce sont elles qui s’en sortent le mieux. Il y a de sacrées clientes chez Chess dans les 60’s : Etta James, Mitty Collier, Sugar Pie DeSanto, Fontella Bass, Koko Taylor, Laura Lee. Le label s’oriente vers ce que font toutes les maisons de disques de l’époque en matière de black music, exit le blues et place au rhythm’n’blues, à la soul (d’abord orchestrée puis plus dépouillée), et finalement vers des sonorités plus pop et vers la fin de la décennie plus funky.
Petite parenthèse. Il y deux titres sur cette compilation qui font partie de ceux cités comme étant à l’origine du rap. Le « Say man » de Bo Diddley, dont une de ses amies, Sylvia Robinson, qui avec son duo rhythm’n’blues, Mickey & Sylvia (Mickey, c'est Mickey Baker, guitariste de légende tout récemment disparu) reprendra un de ses titres, avant de devenir au tout début des années 80 la patronne de Sugarhill Gang, premier label rap del’Histoire. L’autre titre est encore plus étonnant, c’est carrémént du rap old school. Il s’appelle « Here comes the judge » et est l’œuvre en 1968  d’un comique de télévision, Dewey « Pigmeat » Markham signé par les frangins Chess.
Mais l’âge d’or de Chess est terminé, ce n’est plus le label qui régnait sans partage, et il a dans les années 60, malgré d’indéniables réussites, fort à faire avec des concurrents comme Tamla-Motown, Stax, Atlantic. Lesquels, en plus d’avoir un catalogue d’artistes beaucoup plus étoffé, ont les hits et l’argent qui va avec pour entretenir la machine. Et plutôt qu’artistique, la chute de Chess sera financière, le label sera vendu une première fois en 1972, et à la suite de rachats successifs, fait aujourd’hui partie de la major Universal. Seul le fonds de catalogue est exploité, Chess n’a plus sorti un disque sous son étiquette depuis quarante ans … 

JACKIE WILSON - Mr EXCITEMENT ! (1992)


Jackie Wilson said ...

J’ai des disques dont je ne sais pas ou je ne sais plus pourquoi je les ai achetés. Celui-là, j’ai la traçabilité totale …
Ça a commencé en 82 avec une chanson sur « Too-Rye-Ay » des Dexys Midnight Runners qui s’appelait « Jackie Wilson said », festive et entraînante, que j’écoutais souvent. Et comme y’avait pas Google, je me demandais si ce Jackie Wilson était quelqu’un de réel. J’ai tout juste réussi à atterrir sur Van Morrison qui avait écrit ce titre, et à claquer des billets de cent balles pour acheter ses disques, parce que Van the Man quand on prend ça en pleine poire sans être averti, c’est quand même quelque chose … Puis j’ai appris que Jackie Wilson, c’était un truc phénoménal, mais pas moyen de foutre la main sur un de ses disques dans ma cambrousse …
Et puis, le Jackie Wilson, il a claqué, un de ses titres avec un clip tout en pâte à modeler passait partout, et il sortait des compiles vite faites et mal foutues, tout juste assez bonnes pour se faire une idée du bonhomme. Et je me suis promis, tant les listes de disques à acquérir en priorité devenaient exponentielles, qu’une fois fortune faite, j’achèterais des trucs qui tiennent la route de lui …
Et donc, une fois fortune faite (rire grinçant), j’ai un jour craqué sur un coffret de trois Cds du Jackie Wilson. Et euh, comment dire … j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de faire chauffer la carte bleue … Pour des raisons communes à tous, d’abord. Un coffret qui se veut rétrospectif et exhaustif, ça laisse forcément passer des choses plus ou moins anodines. Et pour une raison particulière à Jackie Wilson, c’est que plus qu’un autre, il a fait n’importe quoi plus souvent qu’à son tour.
Pas forcément sa faute. Dans la grande tradition des artistes noirs truandés par des managers et un show-biz véreux, il peut viser le podium. A tel point que quand il sera fusillé sur scène par un AVC ou un truc de ce genre en 1975, qui le laissera pendant dix ans dans un état végétatif, sa famille n’aura pas les moyens de payer les soins, alors que sans être quelqu’un qui avait monopolisé les sommets des charts, il avait eu des hits significatifs aux States. Ses soins, c’est Elvis (et ensuite Priscilla, parce que Elvis va mourir avant Wilson) qui les payera. Et pourquoi le King, qui n’est pas vraiment considéré comme un des philanthropes du rock a raqué ? Ben, parce que le King, que certains considèrent un peu trop facilement comme le plus grand chanteur de rock de tous les temps, il avait un jour vu Jackie Wilson sur scène, et comment dire, ne s’en était jamais remis …
Jackie Wilson et un fan de Graceland, Memphis, Tennessee
Parce que techniquement parlant, Jackie Wilson, ce doit être la voix la plus impressionnante à s’être aventurée dans le monde, au sens large, du rock. A tel point qu’il a envisagé à plusieurs reprises durant sa carrière de se réorienter vers le chant lyrique ou l’opéra (figurent sur cette compile quelques titres, airs de classique revisités soul, sur lesquels la démonstration en est faite, mais ce sont loin d’être les plus intéressants). Et quand on sait qu’au début des années 60, James Brown a été poussé sur scène dans ses derniers retranchements et a vu sa suprématie menacée par un Jackie Wilson explosif, grand adepte aussi d’agenouillements, génuflexions et déchiquetant devant des fans transis sa veste trempée de sueur, il faut reconnaître, qu’en plus de la meilleure voix, Jackie Wilson, c’est aussi le meilleur gâchis de carrière jamais vu …
Une carrière entamée adolescent comme lead singer du band jazzy et doo-wop des Dominos de Billy Ward, puis une carrière solo débutée sur les chapeaux de roue avec « Reet petite » (1957), petit hit franchement orienté vers le rock’n’roll, sur lequel il rivalise, juste avec sa technique pure avec l’hystérie d’un Little Richard. Wilson gravite alors dans le sillage de Berry Gordy, co-auteur du titre, un Gordy dont Wilson s’éloignera alors que celui-ci commence à monter Motown, inaugurant par là une série de mauvais choix qui s’avèreront chroniques tout du long de sa carrière.
Wilson cherchera le hit, il en obtiendra bien un sans suite (« Lonely teardrop »), avant de se laisser trimballer, au gré de managers roublards et incompétents, vers du doo-wop lourdement orchestré, des ballades lacrymales pré-soul, du rhythm’n’blues aux orchestrations pharaoniques, tentant de se raccrocher à toutes les tendances, tous les sons à la mode, faisant des duos avec d’éphémères chartbusters ou des gloires sur le retour (Linda Hopkins, LaVern Baker, …), incendiant le temps de quelques titres avec un  orchestre de Count Basie sur la pente descendante des classiques soul (« Chain gang » mais la version de Wilson ne vaut pas l’originale de Sam Cooke), se contentant de prestations vocales irréprochables servies par un cadre musical ultra-prévisible et sans originalité.
Alors que dans le même temps (les années 60) un James Brown radicalisait à chaque disque un peu plus son propos musical, Jackie Wilson se laissait imposer un cadre sonore centriste.
Donc forcément, sur les 72 titres de cette compilation, y’a à boire et à manger, et aussi beaucoup de choses à pousser sur le côté de l’assiette. Ne surnage que la voix de Wilson, comme on n’en trouve qu’une petite poignée par siècle, capable de chanter n’importe quoi. Ce qu’il ne s’est malheureusement pas privé de faire …

GRAND FUNK (RAILROAD) - GREAT ! (1992)


Du grand bruit ... pour pas grand-chose ?

Difficile de s’imaginer en écoutant cette compile foireuse que Grand Funk (initialement Grand Funk Railroad) fut un groupe qui mettait l’Amérique du début des 70’s à genoux à coups d’incessantes tournées triomphales. Difficile de croire, et c’est pourtant vrai, qu’en 1970, ils furent ceux qui vendirent le plus de disques, plus par exemple que la formidable machine à singles qu’était Creedence Clearwater Revival.
Grand Funk, c’est le groupe quelconque de tous les excès. Il me semble qu’ils furent un jour désignés par le Guiness Book comme le groupe le plus bruyant de tous les temps, avant que d’autres fassent mieux, ou tout au moins plus fort. Dans un monde où le rock de plus en plus heavy convertissait chaque jour des cohortes de nouveaux adeptes, Grand Funk a poussé le volume des amplis à onze, devenant à lui seul le Spinal Tap band originel.
Une carrière commencée sous les auspices des Marshall bourdonnants, dans le sillage de Blue Cheer, Vanilla Fudge et autres Iron Butterfly. Et là où tous les ancêtres du métal hurlant se sont cramés dans la drogue et son corollaire (les interminables jams bluesy auto-complaisantes), les Grand Funk, certes d’une hygiène de vie qui sans être irréprochable était moins destroy, sont devenus une redoutable machine à enquiller des morceaux de trois minutes avec un « gros son ». Méprisés par tous ceux qui voulaient d’un rock « engagé » ou du moins signifiant, ils ont rempli toutes les arènes du Midwest, en agitant tous les plus gros colifichets d’un patriotisme assez rance mais populairement (très) porteur.
Face aux Anglais, qu’ils soient maquillés glam (T.Rex, Bowie, Roxy), ou oeuvrant dans un registre beaucoup plus heavy (Led Zep, qui tournait triomphalement et sans relâche aux States), les Grand Funk se sont posés en héros, le groupe de « vrais américains » qui font du rock. Pas un hasard si leur titre le plus connu est « (We’re an) American band »), scandaleusement absent de cette compile, tout comme leur bonne reprise du « Locomotion » de Little Eva.
Parce que justement, cette compile, elle est très moche. Parue en 1992, à l’heure où le Cd commençait à dépasser le vinyle en termes de ventes, elle est dotée d’un son catastrophique, d’un visuel comment dire … ignoble (insistant sur le fait qu’il y a sur cette curieuse galette aux reflets d’argent 2 fois plus, oui vous avez bien lu, Mesdames et messieurs, 2 fois plus de musique que sur un 33T) ; elle est dotée également de pas de livret, et oublie des titres essentiels, tout en alignant les autres dans un joyeux bordel non chronologique.
Bon, il faut quand même reconnaître que dans le lot il y a des choses très écoutables. Même si Grand Funk, c’est pas l’imagination au pouvoir, c’est tout juste plus imaginatif que Canned Heat ou Status Quo (oui, je sais, je place pas la barre très haut), et le groupe (au départ un trio basique, maintenant ils sont cinq ou six) a pu s’appuyer un temps sur le gros boulot du guitariste-claviers-chanteur-compositeur Mark Farner, capable de trousser quelques hymnes de heavy boogie bien foutus (« Upsetter », « High on a horse », « Are you ready »). Pas toujours très nuancés, les gaillards, quand ils mettent au bout de quelques disques des claviers (« Footstompin’ music »), ils en tartinent carrément leurs titres. Et puis, quand l’inspiration manque, reste toujours les reprises (des Anglais), avec des résultats variables (« Feelin’ alright », déjà entendu chez Traffic et Joe Cocker, ne vaut pas tripette chez Grand Funk) … Ces lourdauds se sont même aventurés dans une version « bizarre » de « Gimme shelter », un des « intouchables » des Stones, et ça sonne comme si Steppenwolf reprenait du gospel. C’est assez déstabilisant, pour le moins curieux et étrange, sans être pour autant à fuir. Le meilleur titre de ce skeud restant quand même la ballade seventies qui s’énerve, et dans ce genre moultes fois célébré, c’est « Mean mistreater » qui s’y colle et ça le fait bien … très bien même.
Le succès énorme de Grand Funk aux Etats-Unis, alors que le groupe était pratiquement inconnu ailleurs a perduré toute la première moitié des seventies, passant de la rusticité sauvage des débuts à une sorte de power rock technique et bruyant, défrichant le terrain pour toutes ces horreurs qui ont vendu par la suite des camions de disques dans le Midwest, tous ces Rush, Nazareth, Kansas, …
Le départ de Farner que l’on croyait l’âme de Grand Funk, ne sera finalement qu’un épisode dans la carrière de ce groupe, qui tourne encore épisodiquement aujourd’hui, seulement la batteur original Don Brewer faisant partie (et encore pas toujours il me semble) du trio originel …