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T.REX - ELECTRIC WARRIOR (1971)

Faire mouiller les petites filles ...
… et ramasser la monnaie. Une formule déjà bien rodée. Le dénommé Mark Feld, alias Marc Bolan, va la pousser à son paroxysme dans l’Angleterre du début des années 70.

Bolan, c’est le type qui veut absolument réussir. Depuis le milieu des années 60, il entend devenir une rock star. Une obsession qu’il partage avec une de ses connaissances, un certain David Jones, devenu à la scène David Bowie. Les deux hommes sont plus amis que rivaux (ils utilisent souvent le même producteur, Tony Visconti), épient leurs carrières respectives. Début 71, match nul. Bolan est à la tête d’un groupe (en fait un duo) de folk campagnard hippy (Tyrannosaurus Rex), sort des disques qui au mieux font un succès d’estime. Bowie y a goûté au succès, celui du single « Space Oddity » en 1969. Depuis, accueils critiques polis et c’est tout. C’est Bolan qui va trouver la formule magique. Exit les babacooleries folky (Devendra Banhart reprendra la formule des décennies plus tard), exit Tyrannosaurus Rex, et place à T.Rex. Si le nom se raccourcit, le personnel augmente. En plus de Bolan au chant et à la guitare, on y trouve Micky Finn (l’autre moitié de Tyrannosaurus Rex), aux backing vocaux et percussions, Steve Currie à la basse et Will Legend à la batterie. Deux titres classés, « Ride a white swan » et « Hot love », dans un nouveau registre. Plus rythmé, plus pop, plus rock … et on voit à la télé anglaise un Bolan aguicheur, en satin et  platform shoes … La mutation T.Rex est en marche, et Bowie dans les cordes compte les points …
Bolan cogite un projet global de domination des charts. Son physique elfique ne laisse pas les filles, surtout les plus jeunes, indifférentes. Il va soigner son apparence, ne pas mégoter sur les couleurs vives et les paillettes. Musicalement, il va s’inspirer de deux stars qui ont fasciné le public. La première du rock, Elvis Presley, et la plus magnétique qui vient de mourir, Jimi Hendrix. Il empruntera un peu aux deux, la lascivité des rock mid tempo au King, la flamboyance et dans la mesure de ses possibilités, recyclera quelques plans de six-cordes d’Hendrix.

A cet égard, rien que la pochette du disque « Electric warrior » qui doit concrétiser son triomphe est révélatrice. Bolan pose en guitar hero (Gibson Les Paul), devant un énorme ampli (de la confidentielle marque Vamp). Et au départ, « Electric warrior » était conçu comme un disque très rock. Il suffit d’écouter sur une de ses multiples rééditions les versions « work in progress » des titres pour s’en rendre compte. On  y entend le groupe répéter, grosse batterie, gros riffs de guitare, et chant souvent hurlé de Bolan. Lors de la parution du disque, il ne restera qu’un titre dans cet esprit, « Rip off », phrasé plus vomi que chanté (très punk, aussi ceux-ci citeront souvent Bolan comme une de leurs influences), guitare hurlante et final avec sax free gueulard sur un mur de feedback.
Pour le reste, nul doute que Tony Visconti a beaucoup aidé Bolan à enjoliver son propos. Les titres de « Electric warrior » font alterner ballades (« Cosmic dancer », « Monolith », la très suave « Life’s a gas ») avec titres plus énergiques (« Jeepster », « Get it on », « The motivator »). L’innovation est aussi de la partie, détournement de mambo (« Mambo sun »), blues à paillettes (« Lean woman blues »), percussions très en avant (« Planet Queen », quasiment un duo avec Micky Finn, cependant à mon sens le titre le plus faible du disque). « Girl » fait immédiatement penser à du Lennon solo, « Imagine » du binoclard sort à peu près en même temps et son titre éponyme et « Get it on » seront à la lutte pour être les deux succès de l’hiver 71-72.

Visconti concocte pour « Electric warrior » un son très soyeux, fait swinguer la section rythmique, multiplie les arrangements agréables à l’oreille. Mais surtout il recadre Bolan au chant et à la guitare. Et c’est ce qui fera toute la différence. Bolan, même s’il ne fait pas partie des ténors de l’instrument se concentre sur les riffs, joue peu souvent rythmique. Sa guitare n’est pas toujours présente, et donc se remarque d’autant plus lorsqu’elle intervient. Rajoutez des efforts sur la trituration et la distorsion du son (l’influence hendrixienne), et ça donne tout son cachet à des titres qui au niveau composition, n’ont cependant pas inventé la foudre … C’est pourtant au niveau du chant que se fera la différence. Bolan murmure, susurre (l’Elvis des débuts), ronronne avant de rugir, multipliant râles, soupirs, hoquètements. Une voix et un chant très sexués, qui agira très directement sur son public. Le cœur de cible de Bolan-T.Rex, c’est la midinette collégienne, et on verra se reproduire à chacune de ses apparitions des scènes d’hystérie collective pas vues en Angleterre depuis la beatlemania. Les deux singles issus de « Electric warrior », « Jeepster » et « Get it on » connaîtront un succès considérable, lançant la mode glam qui verra des légions de groupes plus ou moins suiveurs envahir le pays. Bolan surfera tout en haut de cette énorme vague (deux concerts à Wembley au printemps 72, avec la fameuse mise en scène du culte de sa propre personnalité alors inédite, Bolan y apparaissant en tee-shirt … Bolan), trustant les sommets des hit-parades avec les singles « Metal guru » et « Telegram Sam », ainsi que l’album suivant, « The slider » …

Et Bowie dans tout çà ? Il va retenir les leçons qui ont fait l’énorme succès de Bolan. Et pousser le bouchon encore plus loin. Bolan plaît au filles ? Il va plaire aux filles ET aux garçons, mettant en scène son équivoque ambiguïté sexuelle, à grands renforts d’interviews malines, de trousses de maquillage et de tenues encore plus extravagantes … Le vaisseau de Ziggy Stardust est en route pour la Terre …


THE SPECIALS - THE SPECIALS (1979)

Punky reggae party ...
Le punk, c’est bien … on a vite fait le tour, mais c’est bien quand même. Il y avait dans l’Angleterre de la fin des 70’s une alternative aux mastodontes du rock, tous ces types qui approchaient le quarantaine et qui, en plus, étaient pas au mieux artistiquement. La jeunesse prenait le pouvoir (enfin, elle le croyait). Retour au sain boucan, à l’approximation bordélique, aux fondamentaux du rock’n’roll, à la simplicité, à l’esprit de démerde (do it yourself) …
Y’avait juste un petit problème : tu fais quoi, quand t’as vingt ans en province, et que les Pistols, le pub-rock, Eddie Cochran, te gavent autant que Yes, Clapton et les Stones ? Tu fais quoi, quand t’es une bande de potes dont quelques-uns sont pas blancs ? Tu fais quoi quand les trucs que t’écoutes c’est des trucs jamaïcains de la décennie passée ? Si tu te bouges pas le cul, t’es mort, personne entendra jamais causer de toi …
Ce postulat, Jerry Dammers, leader de cette bande de potes un peu paumés et en tout cas hors sujet musicalement, l’avait parfaitement compris. Les majors s’en foutent des Specials ? On va monter un label. Comment se faire connaître ? En étant rigoureux (en bossant sur sa musique, quoi), et en étant originaux. Dammers a fait tout çà. En créant 2 Tone Records, en écrivant au moins la moitié des titres, en trouvant ce gimmick (le 2 tone) exploité à fond. Les vieilles fringues en noir et blanc, idem le logo du label, les flyers, tout à base de damiers … Quasiment à lui seul, Dammers est responsable du ska revival … L’Histoire, cruelle, fera la fortune de Madness. Pour les Specials, ne resteront que la légende (mais ça remplit pas l’assiette, la légende), et les emmerdes …

Le ska, c’est la Jamaïque, on sait … en Angleterre dès le début des années 60, les skinheads vont s’approprier la musique jamaïcaine, en faire leur chasse gardée. Les skins, au début, c’était de braves gars, prolos et de gauche. A la fin des années 70, les skins c’est des fachos proches du National Front, mais qui continuent d’écouter du ska. Ces sinistres connards se pointeront en nombre à tous les concerts ska avec leurs conséquences prévisibles (passage à tabac de tout ce qui n’est pas blanc, bastons systématiques avec les punks, etc … ). Les Specials sont à des lieues de cette idéologie nauséeuse, mais l’ambiance délétère de leurs concerts leur coûtera cher, leur carrière en fait.
Parce que le premier disque des Specials, il enfonce toute la concurrence (Madness, Selecter, Bad Manners, The (English) Beat). Parce qu’en plus d’avoir écrit trois poignées de titres sans points faibles, les Specials vont bénéficier à la production des services d’un type alors en état de grâce, le sieur Elvis Costello. « The Specials » est un régal. Pour chaque titre, il y a toujours une trouvaille sonore. Sans toutefois dénaturer le propos, la base et l’essence des titres. Déjà, sur quinze titres, plus de la moitié ne sont pas du ska. Il y a du reggae, du rock steady, du dub, du lovers rock (et non, c’est pas la même chose ...). Et parfois même un fonds rock (« Concrete jungle »), voire rock’n’roll (« Dawning of a new era »). Priorité est donnée fort justement à la rythmique (fabuleux arrangements des parties de batterie, et une basse omniprésente), à la mise en place vocale (deux chanteurs, et deux autres qui interviennent dans les chœurs) et aux mélodies nerveuses (le rythme originel de la musique jamaïcaine est très souvent accéléré).
Sur quinze titres, un seul est à mon sens raté (« Stupid marriage »), et un autre un peu hors-sujet (« Concrete jungle », avec ses rythmes tribaux à la « We will rock you » de Queen). Le reste, c’est du tout bon. Bien que des vrais hits, il n’y en ait qu’un, « Gangsters », absent du vinyle original mais rajouté depuis sur toutes les rééditions. D’autres titres, relativement anonymes pour le « grand » public, auraient mérité le haut des charts (« A message to you Rudy », « Doesn’t make it alright » sont les plus évidents. Mention particulière au long « Too much too young », reggae-ska sur une boucle rythmique de six minutes, jouant sur d’imperceptibles variations, et démontrant par là-même qu’instrumentalement les Specials assuraient (on n’était pas dans l’approximation punk), et qu’encore une fois Costello faisait des miracles à la console.

Potentiellement, les Specials avaient  tout pour réussir (les parties de guitare de Roddy Radiation sont un régal, il aborde chaque morceau différemment, les cuivres savent être discrets dans leur efficacité), et une marge de progression assez impressionnante, les amenant à préparer un second disque beaucoup plus ambitieux, débardant le cadre du reggae au sens large. C’est surtout humainement que la mayonnaise ne prendra pas. Jerry Dammers, personnage clé du groupe, est assez peu « visible » aux claviers et les ego ne vont pas tarder à prendre le dessus. Plus que la retombée de la vague éphémère du ska, c’est le clash des personnalités qui provoquera la chute des Specials.
L’héritage laissé par le groupe ne sera pas à la hauteur de son talent. Les Specials, on n’en a retenu que la matrice d’un ska festif up tempo, pénible passage obligé de tout festival qui se veut « sympathique » et « populaire », alors que dans ce premier disque, il n’y a réellement qu’un titre (« Nite Klub ») qui réponde à cette définition …

Les « vrais » Specials (plusieurs moutures du groupe avec quelques-uns des membres originaux essayent de temps en temps de revenir sur le devant de la scène, sans aucun succès) n’ont sorti que deux disques. Celui-ci est d’assez loin le meilleur …

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MC5 - BACK IN THE USA (1970)

Rock'n'roll never die ...
Le second disque du Five ... dès son titre, tout un programme … Jusque là, le programme du MC5, vu de loin, ça se confondait avec celui de son manager, le bien allumé John Sinclair. Le manager-gourou du groupe était aussi le fondateur du White Panther Party, version …euh … différente des Black Panthers. En gros, un gloubi-boulga anarcho-marxiste-barré articulé autour de dix points dont quelques-uns assez fumeux. Tellement fumeux que la brigade des stups de Detroit va serrer Sinclair en 1969 pour deux pauvres joints et l’envoyer au pénitencier.
Le MC5 se retrouve livré à lui-même, ce qui n’est pas une bonne chose. Et sans maison de disques. Le premier brûlot du MC5, « Kick out the jams » (à l’usage des sourds et des jeunes générations, je rappelle qu’il s’agit du meilleur disque live de tous les temps) ne s’est guère vendu. Pire, à cause de quelques « motherfuckers » bien audibles, une grande chaîne de magasins de disques l’a d’emblée retiré des rayons. Bravache et activiste, le groupe entre en résistance, à coups d’affiches, slogans et appels au boycott de l’épicier vinylique. Bataille du pot de terre contre le pot de fer. La label du Five, Elektra (entre autres celui des Doors) est menacé de voir retirer de la vente tous ses « produits ». Aussi sec, devant la pression de l’épicier, Elektra se débarrasse du MC5.

Les cinq types du Five ne sont pas vraiment des politiciens révolutionnaires. Le seul genre de révolution qui trouve grâce à leurs yeux se résume en quatre mots : meufs, dope, bagnole, rock’n’roll, les trois premiers gros consommateurs de dollars, le quatrième étant  censé les leur apporter. Atlantic consent à signer pour un disque cette bande assez ingérable, et un petit journaleux de Rolling Stone, qui n’a pas encore vu le futur du rock’n’roll décide de s’occuper d’eux, les emmène en studio et s’auto proclame leur producteur. Le groupe s’en fout un peu de ce Jon Landau, mais bon, faut bien faire rentrer du cash pour faire le plein aux Ferrari et un disque est mis en chantier.
Concept : puisque l’utopie militante ne nourrit pas son homme, on va faire simple, basique même. Foin des influences de Sun Ra (« inspirateur » du « Starship » de « Kick out de jams »), back in the USA, back to the roots. Concis, ramassés, urgents, tels seront les titres de ce disque. Onze pour vingt huit minutes, comme un majeur dressé bien haut devant tous les techniciens bluesy ou pas qui étirent un titre sur toute une face de vinyle. Et retour aux bases de la musique qui les fait vibrer, le rock’n’roll des origines remis aux goût du jour à la sauce Motor City, puisque c’est de la capitale automobile qu’ils viennent et où leur insuccès les condamne à rester.
Ils sont pas nombreux dans ce créneau à cette époque-là. Les revivalistes loufoques de Sha Na Na (leur copie conforme française s’appellera Au Bonheur Des Dames) et puis, quand même un mammouth en terme de ventes et de popularité (de qualité aussi, mais c’est pas le propos ici), le Creedence Clearwater Revival de John Fogerty. Fogerty qui bien que de la ville (celle des hippies, San Francisco), donne dans le rock’n’roll rustique et campagnard. Le Five va faire la même chose, mais dans son versant urbain, et la différence ne s’arrêtera pas au port ou non de chemises de bûcherons à carreaux.
Dans l’ancienne place forte de la Tamla Motown, le MC5 va livrer une version urbaine, violente, de la musique originelle. « Back in the USA » commence et finit par une défenestration de deux classiques : « Tutti frutti » de Little Richard et l’éponyme « Back in the USA » de Chuck Berry. Versions du Five sauvages mais assez proches et respectueuses des originales. Tout le reste est plus sournois, plus agressif aussi. Finie la rythmique char d’assaut, c’est rapide, ça pulse et ça swingue. Finis les numéros de shredders de Kramer et Smith aux guitares, ça joue carré, sérieux, et ça se paye même des solos dans les « règles de l’art ». Finis les cris et hurlements de Tyner, ça chante et plutôt très bien même. Beaucoup affirment que « Back in the USA » est un disque annonciateur du punk. Ma foi … Moi je dirais que trois ans avant le « Pin Ups » de Bowie, le disque du MC5 est avec le « Supernazz » des Flamin’ Groovies sorti quelques semaines plus tôt, une des premières œuvres strictement revivalistes du rock.

Là où se situe le talent du groupe, en plus de la Detroit touch devenue cliché et tarte à la crème d’une  certaine forme de musique dure, « pour hommes », estampillée « street credibility », c’est dans la clarté du propos et la mise en place. Respectueux des fondamentaux (il n’y a rien d’original, ça dure en moyenne moins de trois minutes par titre, personne cherche à se mettre en avant), tout en entrouvrant des lucarnes pour les générations futures. Les punks, on l’a dit et (trop) répété à mauvais escient, mais beaucoup plus la power pop (« Teenage Lust », « High school », « Shakin’ Street »), et la matrice de toutes les formations revivalistes « lettrées » (en gros tous ceux qui ont fait l’effort d’écouter des disques sortis avant le premier Ramones, et dont l’exemple typique français doit être les Dogs). Le Five casse avec « Back in the USA » sa réputation de groupe sauvage mais approximatif, Kramer y va de quelques solos qui ne feront certes pas oublier Hendrix, mais qui sont « propres ». Le rôle de Landau,  souvent tenu pour quantité négligeable, y est pour quelque chose : pour son baptême du feu aux consoles, il fait faute de pouvoir mieux dans l’ultra basique, et coup de bol, c’est ce qui convient parfaitement au disque. A peine deux concessions : une à la mode de l’époque, la ballade pour emballer la meuf  (ici « Let me try »), évite le pathos et les couches de violons dans lesquels des cohortes de groupes se livrant à cet exercice se perdront ; l’autre au son psyché du rock garage de la fin des sixties avec « The human being lawnmover ».
Personne n’attendait ce disque. Peut-être quelques amateurs des stridences rageuses de « Kick out the jams » qui ont été déçus. Et en 1970, le MC5 n’était pas encore « culte », juste à peu près inconnu (le pays où il était le plus « populaire », c’était la France …). Les deux singles extraits, « Looking at you » et « Shakin’ Street » (sans parler de « High school » tuerie totale, un des grands morceaux ignorés des seventies, même pas sorti en 45T) n’entreront pas dans les charts. Le second l’aurait mérité, bien qu’il soit atypique (chanté par Fred Smith, le futur mari de la Patti du même nom). Il ne sera pas perdu pour tout le monde, et servira de nom de baptême à une rude escouade menée par une chanteuse française (Fabienne Shine), groupe qui malgré des prédictions de succès à l’échelon international, disparaîtra rapidement dans l’anonymat.

Par bien des aspects, « Back in the USA » n’est pas ce que les musicologues qualifient de disque parfait. Heureusement, c’était pas le but recherché. C’est juste pour moi le plus grand disque de strict rock’n’roll américain …

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High Time


MEAT LOAF - BAT OUT OF HELL (1977)

Rock and (cholesté)roll ...
Alors là, attention, best seller. Les Ricains en ont acheté des dizaines de millions de « Bat out of hell ». Il doit être dans le Top 10 (et vu l’état du « marché » du disque y restera jusqu’à la fin des temps) des ventes US toutes époques et tous genres confondus. Le coup d’éclat de deux inconnus, qu’évidemment ils ne renouvelleront pas, même s’ils s’y sont péniblement essayés.
Meat Loaf, c’est le pseudo d’un gars dont j’ai oublié le nom, ventripotent gueulard de quinzième zone, coupable d’un disque au début des seventies que personne a jamais acheté, et second rôle dans le film culte déjanté « The Rocky horror picture show ». C’est lui le chanteur et l’attraction de tout ce cirque. Mais de là à ce qu’un inconnu s’attaque aux records de vente de « Saturday Night Fever » … Le « cerveau » de l’affaire « Bat out of hell », c’est le dénommé Jim Steinman, un type qui se prenait modestement pour Berlioz et Wagner, mais dont la réputation n’avait jamais dépassé sa cage d’escalier. C’est Steinman qui est responsable, même carrément coupable, du « concept », des musiques et des textes. Meat Loaf se contentera de chanter et de « jouer » un personnage grotesque inspiré par Falstaff, Batman, La Bête, Rahan et Obélix … La musique, on y reviendra vite fait, est un croisement-plagiat des pires choses entendues chez les progueux, les hard-rockeux, Queen (on y reviendra aussi) et … Springsteen.
Les coupables : Meat Loaf & Jim Steinman
Dont les deux mercenaires habituels du E Street Band (Bittan et Weinberg) se retrouvent au casting de ce « Bat out … ». Ce qui suscite une interrogation, comment ces types réputés ont-ils pu aller traîner leurs guêtres sur le projet de deux inconnus azimutés ? La réponse elle est chez les banquiers, ceux qui ont payé ce disque, Epic, filiale de Columbia, label de … oui, Springsteen, je vois que vous commencez à comprendre.
« Bat out of hell » c’est un peu un coup de poker insensé financé par la multinationale, sinon, comment voulez-vous vous payer Bittan, Weinberg, … et les autres. Parce que le casting du disque, ça file le tournis, Rundgren (pas un tendre quand il s’agit de causer pognon) produit et joue de la guitare, Edgar Winter (oui, l’albinos à saxo, frère de l’albinos à guitare), des types d’Utopia (le groupe à Rundgren), pas moins de deux orchestres symphoniques… Tout ce monde trimbalé dans quantité de studios plus high-tech les uns que les autres … Du pognon dépensé sans compter mais qui a rapporté très très gros. Tellement gros, que le Gros et le Steinman se sont brouillés à mort pour of course des histoires de pourcentages, de droits, lorsqu’il a fallu passer à un second disque, qui aurait du sortir dans la foulée (suivant le puissant précepte du on presse le citron tant qu’il sort du jus) mais qui ne sortira que des lustres plus tard, fatalement dans une indifférence à peu près générale.
« Bat out of hell », ça fait passer Yes pour du folk acoustique. Exemple type du morceau crétin « Paradise … », où l’on passe en dépit de tout bon sens du rock’n’roll, au rythm’n’blues, à la pop, au disco, au hard, … Comme Queen, me direz vous … en quelque sorte, sauf que Queen est un groupe totalement second degré, qui dans sa carrière n’a pas écrit des morceaux, mais juste des pastiches forçant sur la caricature, le ridicule. Tandis que Steinman, lui, est totalement prétentieux et dénué d’humour, tout est au navrant premier degré … Heureusement qu’il avait Bittan et Weinberg, sinon leur patron aurait porté plainte, le premier titre, l’éponyme « Bat out of hell » est entièrement pompé sur des passages de « Born to run », et plus particulièrement de « Jungleland ». Mais jamais Springsteen, pas toujours le type le plus sobre musicalement de la planète, n’avait sorti de loukoums de ce style.
Lester, fais gaffe si tu dis encore du mal de mes disques ...
On n’évite pas non plus l’interminable ballade (quasi neuf minutes, comme les deux titres cités plus haut) gluante avec les deux (comme si un seul ne suffisait pas) orchestres symphoniques qui empilent les couches de violons. Les quatre titres restant sont heureusement plus courts. Pas forcément meilleurs. L’un d’eux (« You took the words … ») s’engage même par une discussion genre la Belle et la Bête (la Bête, vous aviez deviné, c’est Meat Loaf, la Belle c’est Ellen Foley, choriste et faire-valoir féminine qui délaissera vite le balourd pour fréquenter de près le Clash, et plus particulièrement Mick Jones), avant un classic rock pompier comme ça devrait pas être permis … La moins insupportable du lot, c’est pour moi « Heaven can wait » …
Ce genre d’objet sonore prétentieux, chez moi, ça finit poubelle direct … mais là, ce « Bat out of hell », il est tellement con au premier degré que ça me fait pitié … j’en écoute parfois des morceaux avec le sourire …


JANIS JOPLIN - PEARL (1971)

La dernière séance ...
3 Octobre 1970. Janis  vient de terminer l’enregistrement les parties vocales de « Me and Bobby McGee », puis elle écoute la partie instrumentale d’un autre titre « Buried alive in the blues » que son groupe vient aussi de terminer. Elle trouve ce morceau génial, promet de se surpasser le lendemain pour le chanter, quitte le studio, monte dans sa Porsche fushia peinturlurée. On la retrouvera le lendemain morte (overdose) dans son appartement. Deux semaines pile après Jimi Hendrix, y’a des débuts d’automne meurtriers … Paraît-il qu’alors qu’elle commençait à se ranger des vélos, elle s’était entichée depuis quelques temps, en éternelle croqueuse de mecs au cœur d’artichaut, d’un play-boy dealer qui lui aurait refilé la dose mortelle d’héro …
Ce disque sur lequel Janis Joplin travaillait sortira quelques mois plus tard. Il s’appellera « Pearl », le surnom de Janis. Et sera son plus grand succès. Bon, les morts vendent bien, on le sait, c’est un marché très porteur, le disque posthume. Et qui souvent n’arrive pas à la cheville des autres, ceux réalisés du vivant de l’artiste (voir le cas d’école Hendrix). Sauf que pour Joplin, « Pearl » est son meilleur disque. D’assez loin. Pour au moins deux raisons.

Janis n’a jamais aussi bien chanté, ses concerts de l’été 70 sont des triomphes. Elle se défonce (un peu) moins, son entourage artistique essaye de veiller sur elle, et du coup elle a retrouvé cette voix de feu et de sang qui a fait d’elle la reine de Frisco puis du peuple hippy.
Et puis, pour la première fois de sa carrière, Janis Joplin a un backing band qui assure, qui surclasse totalement les bourrins limités (pléonasme) de Big Brother, ou le dilettantisme défoncé du Kozmic Blues Band.
Le groupe qui accompagne maintenant Janis répond au nom de code Full Tilt Boogie Band. Une bande d’anonymes, mais qui sous la conduite de Paul Rotchild (le producteur des Doors), joue précis, lourd et swinguant à la fois. Une formation resserrée (guitare, basse, batterie, claviers). Finies les stupides guitares fuzzy monolithiques de Big Brother, finis les maudits cuivres du Kozmic Blues Band, encore plus insupportables en live qu’en studio. Pour « Pearl », le jeu et l’enregistrement sont basiques, roots, près de l’os. Dès l’inaugural « Move over » la différence saute à la figure, ce rythmn’n’blues au tempo de plomb paraît tout aérien, et puis quand arrive le chant, affaire classée, chef-d’œuvre d’entrée …
Parce que Janis, quelle voix … Joplin, c’est pas la voix la plus technique du monde, genre diva blette à la Dion ou Streisand, ou Castafiore qui promène ses octaves à l’opéra. Janis, elle chante pas, elle parle avec ses tripes, il se dégage de sa voix un charisme et en même temps une animalité que personne avant ou après n’a jamais approché (qui a dit Beth Hart, si encore t’avais dit Nicole Croisille, t’aurais eu l’air moins con …). Janis, plutôt moche (pour être gentil), fringuée avec un mauvais goût bien texan, mettait tout le monde, et surtout les mecs à ses pieds dès qu’elle l’ouvrait, elle avait pas besoin d’être court-vêtue et de simuler des fellations de micro (Tina, si tu me lis …). Suffisait juste qu’elle se mette à chanter, même si ce verbe est bien trop limitatif en ce qui la concerne …
Janis Joplin & Full Tilt Boogie Band
« Pearl » est un déluge vocal, mais pas une démonstration (bon, si, hormis la courte récréation a capella de « Mercedes Benz », titre amusant mais très anecdotique qui allez savoir pourquoi, deviendra emblématique de Joplin). Janis met son incroyable puissance de feu au service de tempos lents ou médium, des bases de soul ou de rythm’n’blues (la musique noire, la seule qui vaille quand on a une voix d’exception), qu’elle incendie de crescendos d’anthologie. Faut être clair, y’a rien à jeter de cette demi-heure. Mais en plus, il y a des sommets. « My baby » est juste énorme, faut avoir entendu ça une fois dans sa vie pour pas crever idiot. « A woman left lonely » on sent que cette chanson est tellement la sienne, tous ces types qui l’ont draguée juste pour la tirer un soir et pouvoir fanfaronner devant leurs potes le lendemain, que le terme de soul n’a jamais mieux portée son nom.
Presque tout dans « Pearl » est prévisible, mais personne n’attendait sur disque Janis à ce niveau et surtout accompagnée de la sorte. Cette bande d’inconnus joue avec une cohésion, une efficacité qui laisse pantois, ils semblent en osmose avec leur chanteuse (et pourtant ils n’enregistrent pas ensemble). Ecouter « Buried alive … », appréciez la machine de guerre, et imaginez ce que Janis en aurait fait. En fait le seul écart à la musique noire, c’est une chanson écrite par un de ses ex, l’auteur country Kris Kristofferson, « Me and Bobby McGee ». Jamais on n’aurait imaginé que la plouc music puisse atteindre une telle intensité émotionnelle.

Janis Joplin était totalement unique dans son rapport avec le chant et la musique. D’innombrables shouteuses, blanches ou noires, plus ou moins douées, essaieront de marcher sur ses traces. Seule à mon sens Amy Winehouse  réussira, allant même, entre autres similitudes, jusqu’à mourir à 27 ans …

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THE STRANGLERS - RATTUS NORVEGICUS (1977)

1977, l'année du Rat ?
La tornade punk s’abattait sur l’Angleterre. De partout surgissaient des bandes de jeunes cons dépenaillés bien décidés à chambouler le paysage musical local. Rattachés à cette horde braillarde, les Stranglers. Qui très vite susciteront moultes interrogations.
Le punk, c’était la jeunesse. Les Stranglers avaient trente ans de moyenne d’âge. Les punks, c’était l’approximation bordélique à tous les niveaux. Les Stranglers  étaient de glaciaux calculateurs, tout sauf des improvisateurs. En gros, les Stranglers faisaient peur à tout le monde. Fallait pas trop les chatouiller. Le vétéran Jet Black (presque 40 ans), batteur fan de jazz et gérant d’un bar dans le quartier « difficile » de Guilford, n’avait pas la réputation de se laisser marcher sur les pieds par la clientèle avinée. Un peu le Parrain de son block … Quand ça bastonnait (et avec les punks ça arrivait souvent), Jet Black pouvait compter sur son bassiste pour l’aider à faire le ménage. Français de naissance, biker proche des Hell’s Angels, ceinture plus que noire de karaté, Jean-Jacques Burnel n’était pas vraiment un tendre. Pour compléter cet étrange attelage rythmique, un type qui avait fait des études supérieures en biochimie, le guitariste-chanteur Hugh Cornwell, et aux claviers (des claviers dans un groupe punk ??), un gars qui ne jurait que par la musique classique, Dave Greenfield.
Très tôt, le caractère particulier (et particulièrement violent) des Guilford Stranglers (leur premier nom de scène), fera traîner dans leur sillage une bande de dangereux cinglés, les Finchley Boys. Et le groupe se révèlera maître de la provocation, de l’art de faire partir toutes les situations auxquelles il est confronté en vrille. Ce qui leur vaudra d’être le groupe de l’époque à détenir le record de refus de contrat par les maisons de disques.
Greenfield, Black, Burnel, Cornwell : The Stranglers 1977
Et pourtant, les Stranglers étaient tous des musiciens confirmés. Si par un raccourci journalistique fainéant, ils seront catalogués punks, il suffit d’écouter leurs disques pour mesurer l’abîme sonore qui les sépare des Clash, Pistols, Jam et consorts … « Rattus Norvegicus » (le nom savant du rat d’égout, un animal qui deviendra souvent le symbole de groupes punks) est leur premier disque. Enregistré en une semaine (et une bonne part des titres du suivant « No more heroes » sont également issus de ces séances), produit par l’alors quasi-inconnu  Martin Rushent qui deviendra leur homme de studio attitré (ainsi que des Buzzcocks, … et même du « Au cœur de la nuit » de Téléphone). Affublé d’une pochette cryptique. Le titre n’y apparaît pas et le « message » que veut susciter cette image a donné lieu à une foule d’interprétations. Moi j’y vois une exposition de tout ce qu’ils détestent. Le « IV » ledzeppelinien, la perspective à la « Ummagumma » du Floyd, le maquillage outrancier de Burnel façon glam … en gros, fuck les dinosaures heavy, les pompiers progeux et les efféminés glam …
Musicalement, le gros malentendu du groupe à ses débuts (les Doors du punk, prétendait-on) dure exactement vingt-huit secondes. Celles de l’intro  du premier titre, « Sometimes », sur laquelle Greenfield fait sonner son orgue Vox exactement comme celui de Manzarek. Ensuite, il faut beaucoup d’imagination pour trouver que la non-voix de Cornwell a des similitudes avec celle de Morrison, et tout le reste à l’avenant … Les Stranglers, d’entrée, sont uniques, ne sonnent comme personne …
Stranglers live 1977
Ce qui ne veut pas dire pour autant que ce disque est une merveille. Les quatre premiers titres ne sont pas ceux qui reviennent souvent cités comme leurs meilleurs. Si le troisième (« London Lady ») est passé à la postérité, c’est parce qu’il constitue une attaque frontale et personnelle sur une journaliste qui avait descendu le groupe dans un de ses papiers. La vengeance est un plat que les Stranglers feront toujours bouffer à leurs « ennemis » et ce titre est le premier élément d’une longue longue litanie de rapports plus que houleux qu’ils entretiendront longtemps avec les médias …
En fait, les choses vraiment intéressantes ne commençaient qu’à la fin de la première face de vinyle, avec « Hanging around », sorte de reggae mutant sérieusement détourné, désossé et cabossé. Un des hymnes classiques du groupe. A propos de classiques, on en a avec les deux titres suivants. « Peaches », sa guitare en contre-temps typique elle aussi du reggae, mais aussi son gimmick aux claviers qui donne un aspect très garage sixties. « (Get a) grip (on yourself) », c’est la pierre angulaire de « Rattus … », morceau noyé par des claviers tournoyants mixés très en avant, mélodie désanchantée sur rythme sautillant, texte assez lugubre sur leurs années de galère … Un titre assez vilain, le bien nommé « Ugly » précède l’épilogue « Down in the Sewer », titre épique de neuf minutes (on est loin du « format » punk) en quatre « mouvements » (thanks God, on est aussi très loin du prog), très « écrit », très technique, très travaillé malgré une apparence bêtement répétitive …
Dans les sections bonus des rééditions (souvent chiches chez les Stranglers, et pas souvent captivantes, celle de « Rattus … » me paraissant être l’exception ), on a droit à un petit rock sautillant au titre réminiscent des délires de Zappa (« Choosey Susie »), un pub-rock’n’roll (« Go Buddy go ») empruntant autant au « Hey Joe » d’Hendrix qu’au « Bony Maronie » de Larry Williams, et un titre live (« Pesant … ») barré et incantatoire qui sonne avec une paire d’années d’avance comme le PIL des débuts.

Les fans des débuts vouent un culte à « Rattus Norvegicus » et aux premières années du groupe, estimant que les choses commencent vraiment à se gâter avec « La folie » (1981). Perso, je pense à peu près le contraire, que c’est un groupe qui a fait des disques hétérogènes, mais globalement en constante progression jusqu’à « Feline ». C’est ensuite (là tout le monde est d’accord) que ça s’effiloche gravement … 

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MICHEL POLNAREFF - POLNAREFF'S (1971)

La folie des grandeurs ?
C’est quelquefois tout le malheur de ceux qui font de la « petite musique » ou de la musique pour « grand public » et que, par facilité sémantique, on qualifie trop vite de génies. Ils ont tendance à vouloir la prouver, cette qualification de génie.
Polnareff, avec son premier prix de Conservatoire, se balade littéralement pour écrire des chansons aux mélodies tuantes de simplicité et d’efficacité. Ses deux plus gros succès populaires, « Y’a qu’un cheveu » et « Tous les bateaux », il les déteste, trop de facilité vulgaire genre comique troupier pour le premier, trop fleur bleue pour le second. Lui veut faire mieux, marquer les esprits des « musiciens ».
Il va faire comme tous ses plus ou moins contemporains dans le même état d’esprit, rêver de concept albums, de couches innombrables d’instruments, d’écriture tarabiscotée et de sur-production. Avec en point de mire les évidents modèles américains (Chicago, Blood Sweat & Tears) ou anglais (Moody Blues, Procol Harum) de cette démarche, et le funeste prog qui commence à pointer le bout de son vilain museau.
Polnareff 1971
Direction Londres, les studios légendaires et high-tech d’Abbey Road, quelques requins de séance cotés (non mentionnés dans les crédits, à l’instar du disque quasi jumeau de Gainsbourg paru la même année, le plus réussi « Melody Nelson »), et un projet de concept album instrumental avec grand orchestre, sections de cordes et de cuivres, et armada des derniers joujoux synthétiques et électroniques (Moog, mellotron, …). Sauf qu’à moment donné, quelqu’un dans son entourage, son management ou sa maison de disques a dû lui dire, que certes, c’était bien joli tout ça, mais qu’il fallait aussi songer in fine à vendre du disque.
On se retrouve donc avec un skeud bancal, où subsistent des bribes du grand-œuvre avorté, quelques concessions à l’air du temps et du Polnareff que l’on aime (enfin que moi j’aime).
Trois instrumentaux chargés comme des coureurs cycliste avant une étape de montagne constituent les reliques du projet initial avorté. Le premier (« Voyages ») qui ouvre le disque est juste risible, empilage à prétention « classique » m’as-tu-vu de tous les instruments disponibles dans le studio. Les autres ne valent guère mieux, entre bouillasse psyché-jazzy-prog (« Computer’s dream ») ou pseudo rhythm’n’blues entre « Twist & shout » et … « La salsa du démon » (« Mais encore »).
1971 : Polnareff et un rocker belge
Le Polnareff des chansons et mélodies tuantes est quand même là, heureusement. On trouve deux de ses classiques, « Né dans un ice-cream » (pas mon préféré, avec son côté très jazzy bon marché, c’est la matrice du très pénible Jonaz), et la nostalgique ballade « Qui a tué Grand Maman » avec sa mélodie parfaite. Les moins connues « Nos mots d’amour » (Obispo tuerait père et mère pour l’avoir écrite) et le rhythm’n’blues gospélisant de « Hey you woman » sont les deux pépites oubliées du disque.
Le reste, c’est assez anodin, ce qui est un comble pour un disque censé en mettre plein les oreilles et dont se délectent les rockeurs mélomanes (oxymore). Il plane sur ce « Polnareff’s » un fort parfum des Moody Blues, le groupe tarte à la crème de l’intelligentsia musicale française des années Pompidou (ils seront cités dans des textes de Ferré et Gainsbourg vers cette époque-là). Moi, les Moody Blues, hormis l’extraordinaire accident « Nights in white satin », ils m’ont toujours gavé, mais gavé, vous pouvez pas savoir (enfin si, vous avez qu’à les écouter, et on en reparle), alors tous ces machins où Polnareff mélange orchestrations classiques, arrangements tarabiscotés, fait en gros de la musique « sérieuse », et bien ils me gavent aussi.
Et même les clins d’œil iconoclastes (les paroles sont signées Dabadie ou Delanoë, tu parles d’iconoclastes), rêve du mariage des prêtres (« Monsieur l’abbé », bonjour le « sujet de société »), où Polnareff s’auto-cite (« Petite, petite »), voire (c’est pas mieux) cite les Moody Blues et Aphrodite’s Child (« A minuit, à midi » emprunte autant à « Nights … » qu’à « Rain & tears », … et bien tout ça finit par lasser, fait exercice de style prétentieux …

Le malheur pour Polnareff, ce qu’il ne sait pas, c’est que ce « Polnareff’s » très nettement surcoté, sera quand même très supérieur à tout ce qu’il fera par la suite… Il y en a qui appellent ça le complexe d’Icare …

Du même sur ce blog : 


STEVIE WONDER - INNERVISIONS (1973)

Wonder Man ...
« Innervisions » est le troisième disque du quintet magique consécutif de Stevie Wonder (de « Music of my mind » à « Songs in the key of life »). Autant dire qu’on peut y aller … à l’aveugle (sorry Stevie…).
Plus que tous les autres dinosaures des 70’s (pas de noms, hein je suis un gentil moi, mais enfin j’ai dit tous …), Wonder est celui qui a le plus sombré artistiquement dans les décennies suivantes. Faut dire qu’il avait placé la barre tellement haut, pour moi c’est l’auteur black essentiel des années 70. Un touche-à-tout de génie, et pas un hasard s’il a été souvent comparé à un autre aveugle, Ray Charles, le Genius himself.
Stevie Wonder, sur ce « Innervisions », il se ballade littéralement, posant à chaque coup des jalons définitifs dans les styles qu’il aborde. Enfin, presque, il y a bien un maillon faible dans ce disque, la lente roucoulade amoureuse baveuse et molle, un genre dont il tartinera ses skeuds dans les décennies suivantes. Ici, c’est « Golden lady », on passe sans en dire tout le mal qu’elle mérite …

Le reste, c’est juste parfait. On commence par « Too high », c’est du jazz-funk qui groove mille fois plus que Herbie Hancock (qui a dit Jamiroquai, tu te casses et vite, et pourquoi pas Gilbert Montagné tant qu’à faire, il est aveugle lui aussi, comme quoi ça suffit pas …), et Wonder ressort dans le final l’harmonica du Little Stevie qu’il fut chez Motown, dressant un pont entre son passé et le futur qu’il est en train d’écrire. Le jazz, Stevie Wonder connaît et apprécie (nobody’s perfect), mais chez lui, ça sert de garniture, c’est pas une obsession. Et surtout grâces lui soient rendues, il ne cherche pas à tout prix la fusion, ou pire, le fuckin’ jazz-rock. Par contre, quand ça peut apporter quelque chose à la musicalité d’une chanson, il n’hésite pas, quitte à oser les mariages les plus improbables, sur « Visions », où un fonds jazzy sert d’écrin à une ballade folk très dépouillée, tout juste agrémentée de quelques notes de guitare acoustique. L’occasion de souligner que Wonder arrive à faire des disques fabuleux en jouant de tous les instruments (à l’exception des guitares sous toutes leurs formes, mais il se débrouille pour s’en passer le plus souvent), et notamment d’une panoplie de synthés pour l’époque très high-tech (comme quoi, si dans les disques à synthé, ça déconne souvent, c’est pas la faute à l’instrument, mais à ceux qui en jouent …).
Le premier choc musical arrive en troisième position sur le disque, c’est « Living in the city » et ça sonne comme du … Creedence (le jeu de batterie, la voix), c’est un immense blues-rock (sans guitares, et non, c’est pas une hérésie …) dans lequel Stevie se fout les cordes vocales minables, dans un style très Fogerty, jusque dans le texte (le rêve du mirage citadin vu par les campagnards noirs). De la pulsation rock, il y en a, et pas qu’un peu, dans « Higher ground », c’est le meilleur titre des Red Hot Chili Peppers (alors que la bande à Kiedis était à la maternelle), avec les fameuses cocottes funky (jouées ici au synthé) des milliards de fois copiées. Pas un hasard si les RHCP le reprendront sur leur premier disque à avoir un certain succès (« Mother’s milk ») dont il sera bien évidemment le single extrait.
Sesame Street featuring Stevie Wonder, 1973
Et puis, il y a les choses dans l’air du temps, que Wonder arrive à transcender. Et il faut plus que du talent pour éviter le centrisme guimauve quand on s’attaque à des choses aussi éculées et entendues que le groove medium funky (« Jesus children of America »), la lentissime ballade soul (« All in love is fair »), ou le machin caraïbe chaloupé (« Don’t you worry ‘bout a thing »). On en connaît, et pas des foncièrement mauvais, qui se sont couverts de ridicule dans ce genre d’exercices …
Last but not least, au final, manière de montrer que s’il est aveugle, il n’est pas pour autant sourd à ce qui se passe dans la société où il vit, mine de rien, en se livrant à un pastiche-hommage de l’une de ses idoles (Beatle Paulo McCartney), il se lance dans un pamphlet vitriolé adressé à Richard Nixon (« He’s mistra know-it-all »), qui Watergate aidant, le méritait bien.

Au dos du disque, il y a écrit (comme sur ses autres disques des 70’s) « written, produced & arranged by Stevie Wonder ». Ce type, que l’on a trop facilement réduit dès les mauvais disques arrivés à un soulman neuneu, fleur bleue et variétoche, c’est quand même et avant tout un des plus grands artistes et génies de la musique populaire, tous genres confondus …

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Talking Book


NICOLAS ROEG - L'HOMME QUI VENAIT D'AILLEURS (1976)

Cracked Actor ?
« L’homme qui venait d’ailleurs » (« The man who fell to Earth » en V.O). est un film qui s’est vautré lors de sa sortie en salles avant d’acquérir à la longue un statut de film culte. Essentiellement par la présence dans le rôle principal de David Robert Jones, plus connu sous le nom de David Bowie.
D’ailleurs aujourd’hui, le titre du film sert parfois de métaphore pour décrire le chanteur aux yeux vairons. Peu sont capables de citer d’autres acteurs du casting, rares ceux pour qui le nom du metteur en scène Nicolas Roeg évoque quelque chose. Les distributeurs ne s’y sont pas trompés, les bande-annonce et la promotion du film mettaient exagérément en avant le nom de Bowie. Même si c’est lui qui porte le film sur ses épaules. Frêles à l’époque. Bowie passe le plus clair de son temps dans une villa de Los Angeles, se nourrissant quasi exclusivement de lait et de cocaïne, et est d’une maigreur à faire envie à nos mannequins anorexiques d’aujourd’hui.
Vers 1975, quand le scénario du film lui est soumis, Bowie n’est pas au mieux, se cherche. Il a « suicidé » son personnage de Ziggy Stardust, s’est investi dans une multitude de collaborations musicales (Lou Reed, Iggy Pop, Mott The Hoople), certes appréciées, mais au détriment de sa propre carrière. Un album de reprises, « Pin ups » (qui a d’une certaine façon inventé le revivalisme dans le rock) plutôt boudé, une suite-renaissance du Ziggy Stardust sound (« Diamond dogs », qui ne vaut pas « Ziggy … » ou « Alladin Sane »), et dernier en date, un essai de disco-funk blanc (« Young americans »), descendu par la critique mais annonciateur de la déferlante disco imminente. Atout important de Bowie, c’est un curieux de tout, prêt à toutes les expérimentations artistiques. Alors du coup, le projet de Roeg lui offre un challenge inédit (il n’a jamais tourné), et satisfait quelque peu la mégalomanie (il a le premier rôle) inhérente à toutes les stars du rock.
Bowie & Roeg
Bowie n’aurait pris qu’une semaine de réflexion après avoir reçu le scénario pour donner son accord, s’envoler avec management, femme et enfant (Zowie, aujourd’hui Duncan Jones, ça fait moins crétin comme prénom tout de même) pour le Nouveau-Mexique, où doit être tourné le film.
Un film tiré d’un bouquin (largement réaménagé par le scénariste anglais Paul Mayersberg) de Walter Stone Tevis. Un panel de producteurs réunit un petit budget et un petit casting. Le tout confié à un réalisateur jugé plutôt bizarre (alors que l’époque comptait quand même pas mal de cramés notoires), l’américain Nicolas Roeg. Un « spécialiste » des rock-stars, puisqu’il avait déjà dirigé Mick Jagger (dans « Performance », lui aussi plus connu pour son acteur-vedette que pour sa qualité artistique), et venait de terminer ce qui reste son meilleur film « Don’t look now » (« Ne vous retournez pas » en français).
Il paraît (Bowie est absent des bonus du Dvd, ce qui fait un peu désordre et en dit long sur ce qu’il doit penser avec le recul du film) que le chanteur glam s’est beaucoup investi sur le tournage, suggérant plein de choses. Dans un climat curieux et vaudevillesque. Anecdote croquignolette, l’actrice principale, l’oubliée Candy Clark était la petite amie du producteur principal Michael Deelay, avant de devenir celle de Roeg qui l’a imposée dans le casting. Et dans le film, la maîtresse du richissime Newton finit dans les bras d’un de ses associés, si ça c’est pas de la private joke subliminale …
David Bowie & Candy Clark
L’histoire du film, c’est celle d’un alien (Thomas Jerome Newton / Bowie) venu sur Terre pour trouver le moyen d’aider et sauver sa famille victime de la désertification de sa planète d’origine. Doté de connaissances technologiques très supérieures aux nôtres, il va se lancer dans la construction d’un empire industrialo-financier qui lui permettra de mettre en chantier son voyage de retour et la résolution de ses problèmes lointains. Logiquement, cette étrange créature qui a pris forme humaine souffrira de quelques difficultés d’adaptation qui sont le cœur (et la conclusion) du film. « L’homme qui venait d’ailleurs » est un curieux mélange de fantastique et de  psychologique (une petite poignée de personnages évolue à peu près en vase clos, ce sont leurs relations étranges et ambiguës sur une longue période – non définie – qui sont montrées).
Dès le départ, « L’homme … » est un film perdu. Bowie est un chanteur, au mieux un performer, certainement pas un acteur. Roeg sauve un peu l’affaire en le faisant évoluer en « terrain connu ». Bowie, qui a chanté « Space odditty », « Life on Mars » et a été à la scène l’extra-terrestre Ziggy Stardust, n’est pas Thomas Jerome Newton. Il est Bowie, tout simplement, les similitudes entre son personnage à l’écran et sa vraie vie passée étant légion. Comme Bowie, Newton cultive une certaine dichotomie : le riche inadapté socialement se retrouve sous les feux de l’actualité quand il veut piloter le vaisseau spatial qu’il a fait construire ; à mettre en parallèle avec l’artiste introverti qui s’exhibe sur scène de la façon la plus choquante possible. L’incompréhension, la « chasse au sorcier » étranger est celle du créateur avant-gardiste. Newton, qui vivait dans une planète austère et vient sur Terre avec une mentalité d’écolo finit accro à la télévision, à la bibine et baise à couille rabattue. Newton ressemble beaucoup à Mick Jagger, Keith Richards, Steven Tyler, Joe Perry, Keith Moon, Alice Cooper (liste non exhaustive). Il y a même des fois où ça devient surréaliste (un des acteurs principaux du film va dans un magasin de disques plein d’affiches publicitaires pour « Young americans », oui, de Bowie, je vois que vous suivez, un Newton  démasqué et « étudié » par la CIA qui ne retournera jamais dans sa planète n’a rien trouvé de mieux que de sortir un disque pour que les siens puissent un jour avoir de ses nouvelles), où le mythe de la (rock) star éternelle devient un moteur même du scénario (Bowie / Newton ne vieillit pas, alors que tout son entourage met les cheveux blancs).
Loving the Alien ?
Le projet reposait tellement sur les épaules de celui qui allait revenir à la scène en Thin White Duke, qu’il devait même en écrire la partition musicale. Finalement c’est John Philips (l’ancien leader des Mamas & Papas) qui en sera chargé, les ébauches des titres écrits par Bowie durant le tournage seront ensuite améliorées pour figurer dans « Low », un disque qui comme « Station to station » reprend pour sa pochette des images issues du film de Roeg.

« L’homme qui venait d’ailleurs » est assez dispensable, bâti sur et pour le seul Bowie, multipliant les clichés plus ou moins bienvenus sur ce que doit (ou devait) être le quotidien d’une idole « décadente » des jeunes. Le montage façon puzzle (bien que chronologique) de l’histoire a occasionné de multiples versions du film (plus ou moins de fantastique, de face-à-face des acteurs, de scènes de cul, …). Aucune d’entre elles n’a convaincu grand-monde au-delà du fan-club de Bowie … Me semble t-il pourtant son meilleur rôle, c'est dire le niveau du reste ...



TALKING HEADS - FEAR OF MUSIC (1979)

Le OK Computer des années 70 …
Squelettique et sautillant, le 1er Talking Heads avait fait l’effet d’une bombe deux ans plus tôt. « Talking Heads 77 », c’était un disque martial d’épileptique sous Tranxène, un disque de punk pour ceux qui aimaient pas çà. Le groupe avait eu beau partager la scène miteuse du CBGB avec les Ramones, ils avaient rien de sniffeurs de colle en Perfecto, et leur musique était loin du binaire « 1,2,3,4, Hey ho, let’s go ». Les Talking Heads, c’était un déjà vieux de la vieille (Jerry Harrison, un ancien des Modern Lovers de Jonathan Richman), une rythmique funky (le couple à la ville comme à la scène Chris Frantz – Tina Weymouth), et tête pensante des Têtes Parlantes, le sieur David Byrne. Lequel Byrne s’entiche très vite de l’œuvre d’une autre tête très pensante, Brian Eno.
Brian Eno & David Byrne
Eno, je connais. Ses débuts dans les deux premiers Roxy Music, quelques-uns de ses disques solos (dont je raffole pas au-delà), et pas mal de disques des autres qu’il a produit (dont je suis plutôt preneur), et là la liste est longue, son « client » le plus célèbre en cette fin des seventies étant David Bowie pour ses disques dits « berlinois ». Et il me semble avoir compris quelque chose au travail de producteur d’Eno. Il aime pas vraiment le rock au sens large (ouh, le vilain !) et veut faire « autre chose » quand il bosse sur un disque. En instaurant une sorte de rapport de forces psychologique avec les gens qu’il produit. Et là, si t’as pas du caractère, et des idées bien arrêtées, t’es mort, tu te retrouves avec un disque de Eno. Faut instaurer un combat artistique avec lui. Ce que n’a pas fait David Byrne en allant le chercher. Byrne est trop fan de Eno, et Eno a bouffé les Talking Heads. Non sans que Weymouth et Frantz résistent, ils reprendront la main le coup d’après (le superbe « Remain in light », toujours avec Eno, mais il a été obligé de lâcher du lest), dernier éclat de ce groupe qui s’appelait Talking Heads, avant qu’il devienne la chose du seul David Byrne.
« Fear of music » donc. La tarte à la crème de ceux pour qui le rock doit être mûrement pensé, pesé, intello et cérébral. La référence suprême de la disco des Talking Heads pour ceux qui n’aiment pas le rock. La matrice de tous les groupes d’Anglais torturés et leur descendance qui vont faire leurs les années 80, tous les Joy Division, OMD, Cabaret Voltaire et consorts … « Fear of music » est un virage radical pour les Talking Heads. Sur onze titres, seuls une paire (« Paper » et « Animals ») se situent en terrain connu. Tous le reste est une plongée vers l’inédit sonore, et on sent que Eno et Byrne ont pris leur pied en utilisant un nouvel état d’esprit (le punk-new wave-machin chose) pour triturer la carcasse du bon vieux old rock.
1979, les Talking Heads prennent l'eau
Le résultat d’ensemble, désolé, mais je vois là-dedans rien qui puisse ressembler au chef-d’œuvre indiscutable qu’on tente de nous refourguer depuis plus de trente ans. Y’a de bonnes choses, d’accord, et aussi des machins pénibles qui me gavent. Genre « Cities », funk robotique syncopé en totale roue libre, « Drugs », anecdotique machin barré-psyché-krautrock … Au hasard, deux des titres jugés « fabuleux » par ceux qui aiment ce disque. Par contre, j’aime bien l’inaugural « I Zimbra », avec son texte en kobaïen africanisant, et la guitare mathématique de Robert Fripp reconnaissable entre mille, « Mind » comme du Roxy Music des débuts (période Eno donc) repris par les Talking Heads, « Life during wartime », rhythm’n’blues quasi méconnaissable et pour moi meilleur titre du disque. et puis une grosse partie du skeud qui me laisse à peu près indifférent (« Heaven », toutes les recettes du Bowie période berlinoise mais mieux vaut l’original, le sombre « Memories can wait » très joydivisionnesque mais là aussi c’est mieux avec Ian Curtis et sa bande de tristos).

En fait, l’histoire l’a montré, deux tendances commençaient à s’affronter au sein des Talking Heads. Pour faire simple, on dira la tendance intello (Byrne et son nouveau pote Eno, quasiment cinquième membre du groupe), et la tendance funky (Weymouth et Frantz, au final rejoints par Harrison). « Remain in light » sera un compromis étonnamment réussi, avant que le groupe n’implose, la bassiste et le batteur fondant le rigolo et dansant Tom Tom Club, mais continuant de participer aux disques des Talking Heads, désormais sous la tutelle entière de Byrne.

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MINK DEVILLE - RETURN TO MAGENTA (1978)

De la suite dans les idées ...
« Return to Magenta » est le second disque de Mink DeVille. Et un challenge. Succéder au parfait « Cabretta », qui avait reçu des louanges quasi unanimes, sans cependant se vendre par camions (ce qui sera un handicap récurent et finalement fatal pour le groupe, lâché au bout de trois disques par son label Capitol).
Aujourd’hui, « Return to Magenta » est un des disques oubliés de Mink DeVille. Un peu coincé entre « Cabretta » et « Le Chat Bleu », les disques majeurs du groupe dans les 70’s. Mais un disque qu’il faudrait peut-être songer à réévaluer.
Même si … comment dire. « Return to Magenta » est écrasé par son début. L’enchaînement des trois, voire des quatre premiers titres est fantastique. Et tout le restant en souffre, le cœur du disque est en comparaison bien en dedans, et malgré un final intéressant, il en reste une impression de montagnes russes qualitatives.
Mink DeVille le groupe fin 70's
Alors, par ordre d’apparition dans les oreilles, « Guardian angel », entre soul, doo-wop et rhythm’n’blues, porté par la superbe voix (et pour l’occasion dans le registre où elle est la meilleure) de Willy DeVille, c’est juste parfait. Le groupe, honteusement sous-estimé parce qu’on l’a trop souvent confondu et assimilé à son emblématique leader fait également un sans-faute. Bon, faut dire qu’il y a Jack Nitzsche aux manettes, et quand comme lui on a commencé à pousser des boutons sous les ordres de Phil Spector, si on est pas trop con, on arrive à mettre des instruments en place. Il y a quelque chose de spectorien dans ce disque. Rien qui ressemble au Wall of Sound, mais un choix de mettre tout le son au centre, qui allait à contre-courant de toutes les modes de l’époque, ces effets et ces arrangements passant d’un canal à l’autre. « Return to Magenta » est un disque stéréo qui sonne comme un disque mono, le seul format sonore valable selon Spector, et nul doute que Nitzche a retenu cette leçon-là aussi …
« Soul twist », ce serait plutôt du rhythm’n’blues avec ses riffs de cuivres millimétrés, là aussi c’est à tous les niveaux du travail d’orfèvre. « A Train Lady », c’est la ballade soul millésimée, le genre de titres que Willy DeVille aimera mettre en scène en live, tout en poses christiques d’amoureux transi, et ça complète sans la moindre fausse note le tiercé introductif de ce disque.
Ensuite, une reprise de Moon Martin, autre très grand mésestimé de l’époque, et dont Willy DeVille a le premier su reconnaître le talent (il avait déjà repris un des ses titres, le fantastique « Cadillac walk » sur « Cabretta »). Ici, il relit le pétaradant « Rolene » et le groupe sert un boogie’n’roll brûlant.
Willy DeVille
Et puis, … la boulette, le truc qu’il fallait pas faire, le titre reggae (« Desperate days »), on dirait du Jimmy Cliff période hyper-commerciale, et ça va à peu près aussi bien à Mink-Willy DeVille, que la présentation d’une émission littéraire à Franck Ribéry … On sait (enfin ceux que ça intéresse, pas des foules considérables quand même) Willy fortement attiré par les rythmes caraïbes, mais là, c’est juste que c’est totalement raté, daté et ringard … Et on a encore ce funeste titre dans les oreilles quand arrive la roucoulade, jolie mais tellement prévisible, jusque dans ses notes d’harmonica de « Just for friends », et l’impression que le niveau est en train de descendre de quelques crans s’installe. C’est malheureusement confirmé par la suite, le Diddley beat bluesy un peu pataud de « Steady drivin’ man », et le dernier titre, un court rock’n’roll punky (« Confidence to kill ») est à mon sens un autre hors-sujet, Willy DeVille, qui était un habitué du CGGB à ses débuts n’a plus besoin de prouver quoi que soit, il fait là un espèce de punk-rock avec lequel sa musique n’a rien à voir.
Heureusement, le remuant « Easy slider » et la ballade hispanisante « I broke that promise », toutes les deux réussies, avaient presque sauvé auparavant cette seconde partie du disque.
Evidemment, on peut être déçu de quelques morceaux à la ramasse ou un peu faibles, mais l’histoire montrera qu’il en est ainsi de tous les disques majeurs de Willy-Mink. Il ne fera (hormis pour moi « Coup de grâce », mais les « vrais » fans du bonhomme n’aiment pas ce disque « commercial ») aucun disque parfait, mais toujours, même quand il semblait au fond du trou, il trouvera le moyen sur chacune de ses rondelles d’aller tutoyer les anges.

Ici, il y arrive la moitié du temps. Un disque à réévaluer, je vous dis, et pas un follow-up inconsistant de « Cabretta », comme on le présente trop souvent …

Des mêmes sur ce blog :
Le Chat Bleu