« Return to Magenta » est le second disque de
Mink DeVille. Et un challenge. Succéder au parfait « Cabretta », qui
avait reçu des louanges quasi unanimes, sans cependant se vendre par camions
(ce qui sera un handicap récurent et finalement fatal pour le groupe, lâché au
bout de trois disques par son label Capitol).
Aujourd’hui, « Return to Magenta » est un des
disques oubliés de Mink DeVille. Un peu coincé entre « Cabretta » et
« Le Chat Bleu », les disques majeurs du groupe dans les 70’s. Mais
un disque qu’il faudrait peut-être songer à réévaluer.
Même si … comment dire. « Return to Magenta »
est écrasé par son début. L’enchaînement des trois, voire des quatre premiers
titres est fantastique. Et tout le restant en souffre, le cœur du disque est en
comparaison bien en dedans, et malgré un final intéressant, il en reste une
impression de montagnes russes qualitatives.
Mink DeVille le groupe fin 70's |
Alors, par ordre d’apparition dans les oreilles,
« Guardian angel », entre soul, doo-wop et rhythm’n’blues, porté par
la superbe voix (et pour l’occasion dans le registre où elle est la meilleure)
de Willy DeVille, c’est juste parfait. Le groupe, honteusement sous-estimé
parce qu’on l’a trop souvent confondu et assimilé à son emblématique leader
fait également un sans-faute. Bon, faut dire qu’il y a Jack Nitzsche aux
manettes, et quand comme lui on a commencé à pousser des boutons sous les
ordres de Phil Spector, si on est pas trop con, on arrive à mettre des
instruments en place. Il y a quelque chose de spectorien dans ce disque. Rien
qui ressemble au Wall of Sound, mais un choix de mettre tout le son au centre,
qui allait à contre-courant de toutes les modes de l’époque, ces effets et ces
arrangements passant d’un canal à l’autre. « Return to Magenta » est
un disque stéréo qui sonne comme un disque mono, le seul format sonore valable
selon Spector, et nul doute que Nitzche a retenu cette leçon-là aussi …
« Soul twist », ce serait plutôt du
rhythm’n’blues avec ses riffs de cuivres millimétrés, là aussi c’est à tous les
niveaux du travail d’orfèvre. « A Train Lady », c’est la ballade soul
millésimée, le genre de titres que Willy DeVille aimera mettre en scène en
live, tout en poses christiques d’amoureux transi, et ça complète sans la
moindre fausse note le tiercé introductif de ce disque.
Ensuite, une reprise de Moon Martin, autre très grand
mésestimé de l’époque, et dont Willy DeVille a le premier su reconnaître le
talent (il avait déjà repris un des ses titres, le fantastique « Cadillac
walk » sur « Cabretta »). Ici, il relit le pétaradant
« Rolene » et le groupe sert un boogie’n’roll brûlant.
Willy DeVille |
Et puis, … la boulette, le truc qu’il fallait pas faire,
le titre reggae (« Desperate days »), on dirait du Jimmy Cliff
période hyper-commerciale, et ça va à peu près aussi bien à Mink-Willy DeVille,
que la présentation d’une émission littéraire à Franck Ribéry … On sait (enfin
ceux que ça intéresse, pas des foules considérables quand même) Willy fortement
attiré par les rythmes caraïbes, mais là, c’est juste que c’est totalement
raté, daté et ringard … Et on a encore ce funeste titre dans les oreilles quand
arrive la roucoulade, jolie mais tellement prévisible, jusque dans ses notes
d’harmonica de « Just for friends », et l’impression que le niveau
est en train de descendre de quelques crans s’installe. C’est malheureusement
confirmé par la suite, le Diddley beat bluesy un peu pataud de « Steady
drivin’ man », et le dernier titre, un court rock’n’roll punky
(« Confidence to kill ») est à mon sens un autre hors-sujet, Willy
DeVille, qui était un habitué du CGGB à ses débuts n’a plus besoin de prouver
quoi que soit, il fait là un espèce de punk-rock avec lequel sa musique n’a
rien à voir.
Heureusement, le remuant « Easy slider » et la
ballade hispanisante « I broke that promise », toutes les deux
réussies, avaient presque sauvé auparavant cette seconde partie du disque.
Evidemment, on peut être déçu de quelques morceaux à la
ramasse ou un peu faibles, mais l’histoire montrera qu’il en est ainsi de tous
les disques majeurs de Willy-Mink. Il ne fera (hormis pour moi « Coup de
grâce », mais les « vrais » fans du bonhomme n’aiment pas ce
disque « commercial ») aucun disque parfait, mais toujours, même
quand il semblait au fond du trou, il trouvera le moyen sur chacune de ses
rondelles d’aller tutoyer les anges.
Ici, il y arrive la moitié du temps. Un disque à
réévaluer, je vous dis, et pas un follow-up inconsistant de
« Cabretta », comme on le présente trop souvent …
Des mêmes sur ce blog :
Le Chat Bleu
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Le Chat Bleu