Fine party ...
Birthday Party, c’est le groupe de Nick Cave. Et de
la plupart des futurs Bad Seeds. Un groupe de jeunesse donc. Assez hors-norme
et terrifiant. En un mot extrémiste.
Avec ses potes, l’indéfectible Mick Harvey, Phil
Calvert, Howard S. Howard, Tracy Pew, Nick Cave végète en Australie, pays-continent
où succès d’AC/DC oblige, le hard-rock bluesy et sauvage écrase tout. Un genre
qui n’est pas exactement la tasse de thé des Birthday Party, troupe punky
d’amateurs de ce rock qu’on appelait « décadent » (le glam pour faire
simple), et de leurs pères à tous, Lou Reed et Iggy Pop. Du premier, Cave
retiendra l’aspect littéraire sombre et torturé des lyrics, du second un jeu de
scène outrancier et apocalyptique.
Birthday Party 1982 |
Les Birthday Party (et la copine-muse de Cave Anita
Lane) quitteront l’Australie pour l’Angleterre. Une Angleterre quelque peu
fantasmée, qu’ils imaginent tout entière sous la coupe de groupes punks ou
post-punk. Quand ils arrivent fin 80 à Londres, c’est pour s’apercevoir que
Spandau Ballet, Human League et Orchestral Manœuvres sont en haut des charts,
que leurs groupes punks fétiches ont pris du plomb dans l’aile ou n’existent
plus et que la scène post-tout ce qu’on veut (rock, punk, …), a une audience
famélique. Gros coup de blues pour les Birthday Party, qui vont se jeter à
corps perdu dans la dope, et pousser au paroxysme un genre qui commence à
sortir de l’underground, le rock dit « gothique », issu de la scène
batcave. Un genre musical à la base austère et tourmenté, servi par des
officiants tout de noir vêtus.
Birthday Party pousseront les curseurs nettement
plus loin que la plupart des poseurs issus de ce mouvement. Les messes noires
deviendront avec Birthday Party des cérémonies sabbatiques. S’appuyant sur une
batterie plus percussive que rythmique, des guitares qui découpent la masse sonore
façon scalpel, et un Cave possédé, hurlant, grondant, menaçant, jurant, … au
chant. Des prestations dangereuses, voire choquantes, en tout cas très
agressives…
Birthday Party est plus ou moins une démocratie
dirigée par Cave, chacun apporte sa contribution. A l’écoute de ce disque, on a
l’impression que c’est souvent en ordre dispersé, que les gens jouent leur truc
sans trop s’occuper de ce que joue le voisin. D’où un son assez unique, hyper
sauvage et déstructuré, sur lequel Cave vient déclamer et hurler ses histoires
malsaines, glauques et tordues. Une performance d’allumé intégral, bien loin
des ballades de crooner déglingo qui feront son succès, voire sa fortune, à
partir du milieu des années 80. En d’autres termes, on ne risquait pas
d’entendre dans un disque de Birthday Party des duos avec Kylie Kylie Minogue
ou PJ Harvey …
Nick Cave dans une imitation d'Iggy Pop |
Le disque, enrobé dans une pochette comics
madmaxienne (que perso je trouve à chier), œuvre d’un dessinateur underground
pote de Cave, renfermait à l’origine 10 titres. Dans l’édition Cd qui
maintenant fait foi, on en trouve trois de supplémentaires, l’inaugural
« Blast off » (qui porte bien son nom, et évoque effectivement un
blast sonore, tout en syncope et hurlements), et nichés en fin de Cd, une
version notablement différente de « Dead Joe » et le 45 T sorti en
éclaireur « Release the bats », encore plus sauvage que les titres
« officiels » et qui on s’en doute, n’a pas grimpé à la cime des
hit-parades.
Le disque original est un gros pavé d’agression
sonore, manifeste de déglingue rock’n’roll, textes noirs, musique crissante et
crispante. Guère de nuances, tout au plus peut-on distinguer deux familles de
titres, ceux à base d’incantations lancinantes (« She’s hit », « The dim locator », « Hamlet
… », « 6’’ gold blade », « Junkyard »,…), et quelques
agressions soniques citant des racines rockabilly ou rock’n’roll (« Dead
Joe », « Big Jesus trash can », « Kiss me black », …).
Le reste oscillant entre noir et sombre, boucan et bruit blanc au service de la
prestation vocale théâtralisée de Nick Cave.
« Junkyard » n’est pas un disque
« facile », cherche à marquer les esprits par son extrémisme, tente
de définir une nouvelle frontière jusqu’auboutiste à la manière d’un « Fun
house » ou d’un « Raw power », modèles évidents. L’accueil en
Angleterre (et ailleurs) fut tellement enthousiaste (sourire) que des
dissensions entre les musiciens entraînèrent la fin du groupe, et le départ de
Nick Cave et de celui qui lui resta fidèle (Mick Harvey) vers Berlin, où là les
choses seraient claires, exit le « groupe » et place à Nick Cave
& The Bad Seeds …