Suicide ...
Ryan (ne pas confondre avec Bryan, le Canadien
vérolé et ses infâmes ballades FM) Adams était à la fin du siècle dernier un
des noms promis à un bel avenir. D’indéniables talents d’auteur, jugés mal
exploités dans un groupe de country alternative (Whiskeytown) réservé aux
initiés.
Et quand il annonça son départ du Whiskeytown et le
début d’une carrière solo, les rotatives s’emballèrent, et les rumeurs de
disques merveilleux à venir se répandirent. « Heartbreaker », paru en
2000, est le premier d’une copieuse discographie solo d’Adams. Et là tout le
monde (enfin ceux qui sont censés acheter les disques, vous et moi, quoi)
déchanta.
Quoi, ce type, au lieu de caresser l’auditeur
potentiel dans le sens du poil, de faire un joli disque d’americana à la
Springsteen-Petty-Seger-etc …, balançait un truc rêche et austère. Tiens et
puisqu’on parlait de Springsteen, « Heartbreaker », c’est un peu à
Adams ce qu’est le « Nebraska » au prétendu Boss. Le genre de disques
qui plomberait même une veillée funèbre… attention, j’ai pas dit qu’il était
mauvais, d’ailleurs « Nebraska » est pour moi au moins dans le tiercé
de tête du gars du New Jersey. Mais bon, pour lancer une carrière sur les
chapeaux de roue avec passages radio, clips joyeux et tout plein colorés en
heavy rotation, c’est pas vraiment l’idéal …
L’explication, y’en a une, vient du fait qu’Adams
venait de se faire larguer par sa meuf (prénommée Amy, un titre porte son
prénom), et que vite fait bien fait, il a torché ce disque tout plein de ses
idées noires, de ses rancœurs, de son blues d’amoureux éconduit …
« Heartbreaker » n’est pas un disque
acoustique, mais c’est tout comme. L’instrumentation est souvent minimale, et
dans tous les cas toujours très discrète, on accompagne, on suit la mélodie, on
cherche pas à se faire remarquer … En résultent quelques titres quand même bien
plombants et austères (« Cal me on the way back home », « To the
one », « Don’t ask for the water », …), que n’arrivent pas
contrebalancer deux ruades électriques, « To be young » (imitation de
Dylan circa 66 ?) et « Shakedown on 9th Street », rockabilly
mutant et rageur. Le reste est du country-rock traînard de bon aloi, entendez
par là, bien fait, pleurnichard mais pas gnan-gnan.
Parce que le sieur Adams sait écrire, c’est sûr.
Tous les titres, quel que soit l’enrobage, sont assemblés à partir de mélodies
first class, et bien que guère « bruyants », ont recours à tous les
instruments du genre (guitares de toutes sortes, piano, Hammond, …) qui
moulinent sobrement au fond du mix. Et quand par hasard la voix d’ange
d’Emmylou Harris vient contrechanter sur un « Oh my sweet Carolina »,
c’est tout simplement magique, et on en arriverait à confondre Ryan Adams avec
Gram Parsons …
Evidemment, pareille chose n’a pas affolé les
compteurs des chiffres de vente, des disques comme celui-là, il en sortait à la
pelle depuis une quarantaine d’années. Le résultat est dans la « ligne du
parti », même si perce en filigrane des talents d’auteur et de mélodiste
bien au-dessus de la moyenne. Le suivant « Gold », sera plus
énergique, plus « consensuel », et sera la meilleure vente de Ryan
Adams. Sa propension pour la dive bouteille et autres substances moins licites
feront de son auteur un artiste assez ingérable commercialement parlant qui
devra se contenter selon la formule consacrée de « succès d’estime »
…
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