Ensorcelant ...
Une fois terminée l’écoute de ce « Vampiric way »,
on se dit que, tiens, Arcade Fire a finalement simplifié son propos et sorti un
très bon disque. Parce qu’ils vont pas y couper, les Bewitched Hands, avec
cette comparaison. Mêmes genres musicaux abordés (en gros de la pop à tendance
lyrique), et même enchevêtrement de voix masculine-féminine.
Sauf que là où les Canadiens et leurs plus ou moins
semblables (Of Montreal, MGMT, Sufjan Stevens, …) se complaisent dans un
m’as-tu-vu sonore, essayant de faire de chaque titre un autre « Good
vibrations » (jusqu’à présent, il n’y en a qu’un, et il est signé Brian
Wilson, un type d’un calibre quand même nettement supérieur à tous les
chérubins suscités), les Bewitched Hands se contentent à chaque fois d’un
morceau simple, mais qu’ils poussent dans ses derniers retranchements. Avec
eux, pas de mélodies à tiroirs et en cascade, pas de changement de rythme tous
les trois accords. Juste une intro, des couplets, un pont, un refrain,
travaillés avec une précision d’orfèvre. Et des harmonies vocales (à peu près
tous chantent ou font les chœurs) sans équivalent en Hexagonie (qui a dit Les
Compagnons de la Chanson ou les Frères Jacques ? tu sors, et vite …)
Les Bewitched Hands dans un champ (de fraises pour toujours ?) |
Pour leur malheur, les Bewitched Hands sont Français, et
pire, même pas Parisiens. Circonstance aggravante, ils chantent en anglais (demandez
aux Dogs ou à Little Bob s’ils ont fait fortune en s’exprimant dans la langue
de Lily Allen). Et ils sont une demi-douzaine les Bewitched Hands … j’ai comme
l’impression que pour distribuer les royalties, il va pas y avoir beaucoup pour chacun … et j’allais
oublier la pochette, tellement moche qu’on dirait une version fluo d’une des
Têtes Raides …
Plus suicidaire comme démarche, ça va être dur de faire
mieux. Et pourtant, tous ceux qui n’achèteront pas, n’écouteront pas, ne
téléchargeront pas (rayer la mention inutile, un indice, c’est la première),
auront, une fois de plus, tort.
Le public potentiel est pourtant énorme. En dehors des
pompiers évoqués plus haut, tous les amateurs des Beatles, Beach Boys, Zombies,
Left Banke, Mamas & Papas, voire Madness, Sparks, Carpenters, ABBA, Flaming
Lips, Undertones, …, en gros tous ceux qui ont produit de la pop de qualité
depuis cinquante ans, se retrouveront quelque part sur ce disque.
« Vampiric way » n’est pas un vulgaire plagiat (enfin, si les Madness
envoient pas leurs avocats pour « Boss » qui ressemble étrangement à
« Our house », ils auront de la chance), leur disque fonctionne
davantage comme la proverbiale madeleine proustienne (le dernier titre,
« The laws of wall », pour moi ça sonne exactement comme du ABBA,
mais je connais pas un titre des Suédois qui ressemble à çà, et … oh putain,
que je me suis mis dans de sales draps, là …) que comme un vulgaire
copier-coller.
Il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce « Vampiric
way », douze morceaux hyper travaillés (bon allez, « Let me »,
« Hard love » et « Vampiric way » le morceau, je les trouve
un peu inférieurs au restant, mais ils sont pas honteux pour autant).
Mention particulière à l’inaugural
« Westminster », cathédrale pop baroque, « Ah ! Ah !
Ah ! Ah !» (que j’ai lu quelque part comme ressemblant à du Flaming
Lips, et ça m’a l’air d’être vrai), « Words can let you down »,
ballade romantique très seventies à la Carpenters – Il Etait Une Fois (putain,
j’ai comme l’impression de m’enfoncer, mais j’y peux rien, les seconds
copiaient éhontément les premiers).
Bon voilà, le meilleur disque français de l’année est
sorti il y a quelques semaines. Il s’appelle « Vampiric way » et
c’est les Bewitched Hands de Reims qui l’ont fait …