Cryptique ...
Ils n’ont duré que le temps que le raz-de-marée grunge
monopolise l’attention, quelques années au début des 90’s. Autant dire qu’ils
ont pas fait les unes des JT. D’autant plus qu’ils ne faisaient pas du grunge,
mais un bouillon sonore pas simple à définir, assez original en tout cas …
A l’origine de Drive Like Jehu, deux guitaristes, John
Reis venu de Rocket From The Crypt dont je connais juste le nom, et Rick
Froberg qui après moultes péripéties finira bien des lustres plus tard leader
du très intéressant garage band Obits. Ce sont ces derniers que j’avais
repérés, et je suis arrivé à Drive Like Jehu en remontant l’écheveau … et ma
foi, je regrette pas.
C’est de la musique pour hommes, et le genre de groupe
qui fonce droit dans le mur et réfléchit après. Non pas que ce soit un truc
speed et bourrin, ce serait même plutôt le contraire. Mais c’est le genre de
musique qui se veut « crédible », et qui fuit donc comme la peste
tout ce qui pourrait être joli, sympathique, radiophonique (ça y est , le gros
mot est lâché).
Les Drive Like Jehu font leur truc, sans se soucier du
résultat. Evidemment, les majors n’ont pas voulu de pareille chose, ils sont
sur un (très gros) label indépendant, Interscope. Plein d’étiquettes sont
accolées à la musique de Drive Like Jehu ( post-hardcore ( ? ),
alternative pop ( ? ), emo ( ? ), …), autant dire que c’est pas
quelque chose de simple, qu’on entend à tout bout de zapping …
Ça commence en tout cas très fort, avec un tir de barrage
hardcore impressionnant (« Here comes the Rome plows ») de presque
six minutes, où surnagent des éléments que l’on retrouvera tout au long du
disque, une rythmique implacable (avec mention particulière au batteur Mark
Trombino), des guitares qui tronçonnent (Reis), et le chant hurlé de Froberg.
Et curieusement, alors que beaucoup de choses tirent vers le côté hardcore,
(genre musical habituellement servi par des brûlots pied au plancher de deux
minutes), les titres les plus marquants de Drive Like Jehu sont les plus longs
(on parle là de morceaux taquinant les dix minutes). Les plus retors vont alors
insinuer que c’est du fuckin’ prog planqué sous une carapace métallique. Et
pour une fois les tenants de la funeste musique n’auront pas tout à fait tort,
on pense quelquefois aux dérives noirâtres et tendues de King Crimson époque
« Red » (l’épopée bruyante et torturée de « Luau »), voire
aux Metallica circa « … and justice for all » à l’écoute de
« Super Inison ».
Les titres d’une durée plus « raisonnable »
allient pression rythmique oppressante à la Black Flag ou Big Black. Quand le
rythme se ralentit, mélangeant climat oppressant et tempos lourds et torturés,
on n’est pas très loin d’Alice In Chains (« Do you compute »). Le
dernier titre (« Sinews »), le plus construit et alambiqué du disque
passe d’une intro « atmosphérique » avant que des riffs lents et
lourds, malsains et dérangés, prennent le dessus, et se dirigent vers un final
sauvage.
Trois bonus ont été rajoutés, la « version
originale » de Sinews (maquette ?) qui montre la transformation du
titre par le boulot accompli en studio, et les deux titres d’un 45T paraît-il
légendaire mais sans grand intérêt (« Bullet train to Vegas » /
« Hand over fist »), « Bullet … » étant une sorte de hard
incantatoire à la Iron Maiden, c’est dire si on s’en fout …