Wu Xia Pan ...
« L’Hirondelle d’Or » est sorti en 2004 en France, soit trente huit ans après sa sortie asiatique … il y aurait des feuillets entiers à écrire pour disserter sur ce décalage temporel. D’autant plus qu’on n’a pas là un quelconque film au succès confidentiel en son temps. Je vous fais grâce de son titre original, mais sous son intitulé « international » lors de sa sortie « Come drink with me », il fut le plus gros succès asiatique du box office 1966.
King Hu |
Le film est sorti sous les
couleurs de Hong Kong. Donc fatalement il y a du Shaw là-dessous. Et même du
Run Run Shaw, le plus connu des quatre frangins qui d’abord ensemble puis
chacun dans leur coin, ont monté un empire cinématographique qui a régné en
maître dans les salles asiatiques pendant quatre décennies. Avec une
organisation quasi militaire, une ville dans la ville. Les studios Shaw étaient
un monde qui vivait en vase clos, tout le personnel qui y travaillait (du
balayeur au réalisateur, en passant par les acteurs et scénaristes, plus des
ateliers culturels de théâtre, de danse, d’opéra, …) était logé sur place. De
la chambre de bonne (pour les anonymes) aux villas grand luxe (pour les stars),
et tout ce petit monde bien tenu en laisse par des contrats léonins
d’exclusivité … A Hong Kong à cette époque, si on était dans le cinéma, y’avait
toutes les chances qu’on soit salarié de Run Run Shaw …
C’est dans sa société (Shaw Brothers) que grouillote King Hu. Acteur, scénariste, décorateur, etc … C’est évidemment aussi dans la même entreprise que sont employés, tout en bas de l’échelle, Cheng Pei-pei (elle vient du ballet classique, fait de la figuration au théâtre) et Yueh Hua (fait d’armes marquant : un second rôle déguisé en singe). La premier va réaliser, les deux autres auront les rôles principaux. Ah, ma bonne dame, ça rigolait pas à la Shaw Brothers, une quarantaine de films étaient produits chaque année, tout le monde pouvait avoir sa chance …
Cheng Pei-pei |
Les nuls en films de baston
(comme moi) vous diront que « L’Hirondelle d’Or » est un film de kung
fu. Sacrilège, c’est une pièce maîtresse du genre wu xia pan (et ne me demandez
pas de traduire), en gros un film de baston avec des poignards ou des sabres, dont
l’histoire est inspirée par des légendes des siècles précédents. De toutes
façons, la plupart des films de Hong Kong et de la Shaw Brothers sont à cette
époque-là des films de baston, il a fallu catégoriser pour que les spectateurs
s’y retrouvent …
« L’Hirondelle d’Or »
est un film qu’on pourrait qualifier de récréatif. Pas besoin de se prendre le
chou pour suivre, les gentils ils sont gentils et un peu naïfs, et les méchants
ils sont méchants et un peu pervers. Un univers tolkienesque à la sauce Ming en
quelque sorte puisque l’histoire est censée se passer à cette époque-là.
On voit donc un groupe de bandits, les 5 Tigres, menés par un type tout en blanc et le visage crayeux (bien nommé Tigre-à-la-face-de-jade) arrêter dans la cambrousse un convoi de prisonniers conduit par le fils du gouverneur, massacrer tout ce qui porte un uniforme, et prendre le fiston comme otage afin de faire libérer l’un des leurs embastillé à la ville.
Même en ces temps sans
téléphone portable et montres connectés, les nouvelles vont vite et le
gouverneur envoie son meilleur élément, l’Hirondelle d’Or (fille du gouverneur
et sœur du captif) avec pleins pouvoirs pour « négocier » (en clair,
dégommer tous les méchants). Fidèle à la stratégie qu’elle s’est fixée, l’Hirondelle
commence à faire le ménage chez les bandits dans une auberge, baston géante à
un (ou plutôt une) contre une bonne douzaine. Très vite, on se rend compte qu’elle
est aidée, semble-t-il involontairement par un poivrot qui se trouve là … et
qui lui sauve la vie quand elle part seule à l’assaut du repaire des truands,
avant d’imposer son plan à lui ...
Comme le film s’appelle « « L’Hirondelle
d’Or », on peut raisonnablement penser que l’héroïne est Cheng Pei-pei. Ouais,
sauf qu’elle disparaît de l’image, saine et sauve, mission accomplie, un bon
quart d’heure avant la fin du film. Et que la suite nous montre le faux poivrot,
en réalité un maître en kung-fu, affronter un de ses condisciples pour un
bambou sacré, héritage de leur maître commun.
En fait, comme le disait son titre original, « Come drink with me », le héros du film devait être le poivrot (assez mauvais acteur, voire pire). Sauf que le public n’a eu d’yeux que pour la belle Cheng Pei-pei (même pas vingt ans), qui a semble-t-il révolutionné les films d’arts martiaux. En tenant un rôle quasi exclusivement dévolu aux hommes, et en imposant dans les combats une esthétique très chorégraphiée (elle n’a jamais pratiqué quelque sport de combat que ce soit). Toute en souplesse, en vitesse, très féline dans ses déplacements, sa performance a redéfini toute l’esthétique des combats dans les films d’arts martiaux (le chorégraphe qui régissait les scènes de bataille a fini sur les films de Bruce Lee), à une époque où on tournait pas image par image ce genre de bagarres.
Cheng Pei-pei & Yueh Hua |
Malgré le succès du film, la
suite sera compliquée pour à peu près tous. King Hu, lassé d’être un larbin de la
Shaw Brothers, s’exilera à Taïwan et aura son quart d’heure d’heures à Cannes
au début des seventies avec « A touch of zen » qui y obtiendra un
colifichet. Vénéré par une (petite) caste d’admirateurs, il est mort à la fin
du siècle dernier d’une crise cardiaque dans l’indifférence à peu près générale.
Yueh Hua, lancera sa carrière avec ce film, tournera comme un forcené toute sa
vie, sans aucune reconnaissance internationale. Cheng Pei-pei ira vivre aux Etats-Unis
après avoir (sans succès) tenté de donner suite à son personnage. Seul fait d’armes,
elle réapparaitra dans un second rôle dans « Tigre et dragon » de Ang
Lee, vaguement inspiré de « L’Hirondelle d’Or ». Vu une interview d’elle
en bonus du film, la cinquantaine bien entamée au début des années 2000, elle
faisait vingt ans de moins que son âge et était d’un dynamisme non feint qui
fait plaisir à voir …
Ah, et « L’Hirondelle d’Or »,
qu’est-ce qu’il faut en penser globalement ? Réalisation assez
intéressante (alternance de scènes en extérieur et en plateau, bien éclairées,
bien cadrées), jeu des acteurs assez pitoyable, mais scènes de combats bluffantes
et charisme de Cheng qui crève l’écran …
Je crains que ma connaissance de ce cinéma ne se limite justement qu'à "A touch of zen". Je n'ai pas vu celui dont tu parles, j'en ai croisé quelqu'uns à la télé, Tarantino est plus calé que moi sur le sujet.
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