NINE INCH NAILS - THE FRAGILE (1999)

Le syndrome des Citrouilles Ecrasées ?

Trent Reznor, ou Nine Inch Nails si vous préférez, pour faire simple, c’est pas un abonné de l’almanach Vermot. Pas le genre à reprendre « Tirelipimpon sur le chihuahua ». Et sa musique lui ressemble. Il a commencé à la fin des années 80 dans l’étroit créneau du rock-metal-machin industriel et n’a pas drainé un gros public sur son nom. Par contre la « chose » de son copain Brian Warner, Marylin Manson, dont il était pour beaucoup dans le succès (concept + production pour faire simple) lui a valu des retombées positives. Adoubement suprême, David Bowie s’est révélé être le fan number one de NIN et l’ancien Mince Duc Blanc et Reznor ont sillonné ensemble les Etats-Unis en 1995 alternant d’un soir à l’autre la tête d’affiche … de quoi aider à faire grandir sa notoriété.
Trent Reznor
La phase bassement matérielle de la carrière étant dès lors réglée, Reznor a entendu laisser au monde une œuvre destinée à marquer son époque. Cette œuvre va revêtir la forme d’un double Cd totalisant presque une heure trois quart de musique. Nom de la bestiole : « The Fragile ». Le bon peuple s’est rué sur la chose dès sa sortie et puis … gros coup de frein très vite au niveau des ventes. Que ce soient les premiers acheteurs ou la critique, ça a froncé du sourcil …
Il y a sur « The Fragile » un boulot colossal accompli par Reznor. Qui a tout écrit, enregistré, produit, ne tolérant que de rares apparitions extérieures sur des bribes de titres. Parmi ces invités, deux noms reviennent sur quelques morceaux, ceux d’Adrian Belew et Mike Garson. En gros le guitariste à la six-cordes folle du « Stage » de Bowie et le type au piano cinglé de « Alladin Sane » de … encore Bowie (vous avais-je dit que Bowie et Reznor avaient tourné ensemble, oui, il me semble ...). Et Reznor s’est retrouvé dans la situation de tous ces types que le monde entier (ou juste la petite amie, mais ça revient au même) a un jour trouvés géniaux et qui ont voulu à tout prix montrer à quel point ils l’étaient, géniaux. Passent ici les ombres aux ailes carbonisées de quelques Icare du rock qui ont pris un gros melon, genre Brian Wilson des Beach Boys ou Billy Corgan des Smashing Pumpkins. Qui ont tellement voulu réaliser leur plafond de la Chapelle Sixtine à eux qu’ils y ont laissé les neurones, Wilson et son « Smile », Corgan et sa logorrhée en double Cd – tiens tiens – « Mellon Collie and the Infinite Sadness ».
NIN au complet en studio
 
Reznor ne fait pas dès le départ une musique très abordable, très radiomicale, c’est un fait. Là, sur la durée, il vire souvent pénible, reproduisant comme on pointe à l’usine les recettes qui ont fait son succès. Ces sonorités noirâtres, caverneuses, tout en borborygmes saturés et parasités, comme si l’électricité du studio ne fonctionnait pas bien. Et quel que puisse être son talent de programmateur en bruits étranges, ses empilages colossaux de séquences rythmiques, ce raffut qui met les hauts parleurs de la stéréo à rude épreuve, à la longue ça finit par lasser.
Pour deux raisons principales.
Reznor s’attache à déconstruire ses morceaux, ne veut pas tomber dans l’écriture « traditionnelle », sauf qu’il utilise toujours les mêmes recettes, reposant sur des montées en tension qui s’achèvent invariablement par un mur de guitares saturées tous potards sur onze, et des paroles braillées. Et Reznor n’est pas un grand chanteur, loin s’en faut.
Et cette alternance quiet / loud, le modèle a été sinon inventé du moins popularisé par les Pixies et amené en haut des charts par Nirvana quelques années plus tôt. On a l’impression que NIN surfe sur la vague grunge alors que celle-ci retombe. Et ce n’est pas l’habillage industriel qui change quoi que ce soit.
Il y a sur « The Fragile » un problème de compositions. Sur presque deux douzaines de titres, la moitié aurait gagnée à rester dans les tiroirs, on a souvent l’impression de redites, de séquences interminables (les quatre derniers titres, enchaînement de ballades déglinguées et syncopées), une demi-douzaine d’instrumentaux « atmosphériques » interchangeables.
En concert, NIN se paye un choriste blond anglais
Il n’empêche que « The Fragile » est un choc sonore frontal, rendant bien le malaise et l’angoisse existentielle de Reznor à travers ces plages dévastées et ces scories de métal en fusion. Et puis il y a dans « The Fragile » deux titres qui sont dans la poignée de ce que Reznor a fait de mieux. La fantastique chanson d’amour enragée et violente « We’re in this together » et la revendicative « Starfuckers, Inc. » ou des couplets rappés sur une rythmique hip hop précèdent un refrain nucléaire drivé par des riffs de guitare colossaux. Un titre qui renvoie dans les cordes tous les Red Hot Machin ou Rage Against Bidule de la Terre à leurs études …
Ça ne rattrape pas toutes les longueurs inutiles du disque, malheureusement … Reznor s’est quelque peu fracassé sur le mur de ses ambitions. Il en tirera les leçons, devenant plus « classique » et finissant par signer des disques, qui bien que gardant leur dose d’étrangeté malsaine, seront beaucoup plus abordables (les B.O. de « The social network » ou « Gone girl ») …
Tout compte fait, il s’en sortira quand même mieux avec ce demi-ratage (et je suis gentil) que le type des Smashing Pumpkins


Des mêmes sur ce blog :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire