THE WHITE STRIPES - WHITE BLOOD CELLS (2002)


Stripes & (future) stars ...

Les White Stripes, eux c’est sûr, ils viennent de Detroit. Ville au passé lourdement chargé rayon rock violent (Nugent, Stooges, MC5, …). Les White Stripes sont une aberration. Alors que le meilleur groupe du monde de l’époque, Radiohead (on ne rit pas, de toute façon ils ont jamais fait rire personne, ces névrosés), balance les guitares au vide-ordures, dévalise tous les magasins de synthés et autres funestes joujoux bruyants, avec l’ambition de produire un bousin cataleptique que seuls quelques sourds trouveront prodigieux, les White Stripes font le contraire. Retour à l’essence de la musique, juste de la percussion et du rythme.
C’est tout simple, tout con, on a juste besoin de quatre boîtes en carton sur lesquelles cogner, et d’une vieille gratte à trois dollars. Et le temps que le Greenwood de Radiomachin trouve la notice de la machine à fabriquer les ondes Martenot, les Stripes avaient sorti deux disques. Que personne a écouté ou acheté, mais qui constituaient un sacré pied de nez aux mathématiciens et à leur musique assistée par les portables à Steve Jobs… Les White Stripes, c’était le retour à toute allure vers l’éthique « do it yourself ».
Pour les Stripes, tout va changer avec « White blood cells ». Ou du moins commencer à changer. Jack White va s’offrir un plongeon dans le passé. Et ne pas s’arrêter au garage sixties des Sonics, Seeds, Remains, et toute la clique des compiles Nuggets. Il va remonter aux sources du rock, aux blues secs et austères, au folk des hobos, à la country et au hillbilly des campagnes blanches. Digérer tout çà. Et le recracher à travers un filtre punk. Ce son craspec, cette électricité bourdonnante et bouillonnante, il va en tartiner ses disques. Avec un truc en plus. Il va donner à son groupe une image, un son, trouver un concept.
D’abord ils ne seront que deux, lui et Meg (à l’époque présentée comme sa sœur, en fait son ancienne femme). Et ils feront tout sans l’aide de zicos additionnels en studio. Ils ne se vont s’habiller qu’en blanc et rouge. Et jouer le plus sale et le plus saturé possible. Et rester maîtres de leurs productions (pas de majors du disque derrière eux). En fait, Jack White réunit tous les ingrédients pour faire un bide colossal… sauf qu’il sait écrire des chansons. A l’inverse des productions de la plupart des revivalistes, on trouve sur « White blood cells » seize compos originales, zéro reprise.
Le ton est donné d’entrée sur « Dead leaves … » : de la guitare saturée, de la batterie simple (iste ? ette ?), un rock brutal à la  mélodie accrocheuse, et hop, envoyez, c’est imparable. Et c’est parti pour la machine à remonter les good times qui rollent. Ou pas. Parce que les White balancent des stricts blues (« I’m finding … »), du hillbilly (« Hotel Yorba »), des bombes soniques lourdes dignes des dinosaures heavy des temps anciens (« Expecting » cogne aussi fort que le « White room » de Cream , « Offend in every way » ou « I think I smell a rat » contiennent des riffs que n’aurait pas renié Jimmy Page, « The Union forever » démarré cool s’offre une accélération de dragster, « Fell in love … » prouve que le grunge et le punk ont été assimilés, …). Le tout dans la concision, 40 minutes pile pour 16 titres, deux couplets, deux refrains, et alors que « White blood cells » est un disque de guitare et rien que de guitare, c’est aussi un gigantesque pied de nez à tous les guitaristes qui sont malheureux s’ils ne casent pas douze millions de notes sur un solo dans chaque titre. La guitare utilisée façon Keith Richards et pas façon John McLaughlin.
Jack White démontre que c’est un grand compositeur. Et quand il faut calmer le jeu, ralentir le tempo, il est là aussi, et pas qu’un peu, le folk acoustique « We’re going to be friends » deviendra un des titres emblématiques du disque et du groupe. Jack White (désolé de ne citer que lui, mais la brave Meg, on peut pas dire qu’elle soit impressionnante sur cette rondelle, ni d’ailleurs sur les suivantes) montre que déjà, il aperçoit les limites de sa formule (les Black Keys mettront dix ans à comprendre) : on tourne vite en rond avec juste une batterie et une guitare. Et une fois qu’on a fait un titre sans guitare (« Little room »), un sans batterie (« We’re going … »), le risque de rabâchage arrive. Les White Stripes sauront contourner en studio ce qui aurait pu être un écueil. Un piano se pointe sur le dernier titre (« The protecter »). Les Stripes par la suite ne s’enfermeront pas dans une sorte de dogme musical, et adjoindront à la guitare et à la batterie cordes, cuivres, claviers divers pour un résultat moins basique, moins brut, mais plus successfull.
A noter que ce disque, pour moi leur meilleur, est dédié à Loretta Lynn, vieille gloire de la country. Peu de monde l’avait remarqué, mais ça annonçait déjà un Jack White, qui les premiers succès venus, n’allait pas se contenter de compter ses dollars, et allait devenir le Monsieur Loyal de tous ses anciens potes de Detroit, ne perdant pas une occasion de les citer (Greenhornes, Von Bondies, …), avant de se lancer dans la création d’un label publiant des disques inespérés de Wanda Jackson ou … Loretta Lynn. Définitivement un type qui a la classe, qui sait d’où il vient, et n’oublie pas de payer ses dettes …

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