New folk ...
On va pas jouer les fins inspecteurs (Harry, … et
ceux qui n’ont pas compris gagnent l’intégrale de Don Siegel), mais il y a des
indices qui ne trompent pas. Voilà enfin un disque récent (même si son auteur
n’est pas de la dernière pluie) où je comprends quelque chose, où il y a une
démarche qui me parle …
Et ça commence par la pochette, animalière,
champêtre et rustique, avec immédiatement, une pavlovienne association d’idées
qui amène à citer des noms comme Neil Young ou le Buffalo Springfield, ce qui
on en conviendra, revient à peu près au même. Et naturellement, on n’est pas
surpris quand dès la premier titre, on entend les arpèges de guitares en bois
accompagnant la voix mâle, welcome autour du feu de camp et en piste pour la
séance folk et country-rock de derrière les fagots … Sauf que dans ce genre
roots, j’attends strictement plus rien (les bons skeuds, je les connais, ils
sont du siècle dernier), et qu’il en faut plus qu’un énième revival baba cool
acoustique pour m’attendrir.
Bill Callahan était le leader du groupe Smog que je
connais juste de nom, et ceux qui l’accompagnent sur ce disque dont je ne
savais également rien, semblent issus d’une scène lo-fi
alternative-roots-machin pour moi énigmatique (Daniel Johnston, Okkervil River,
…). Il n’empêche que ce « Sometimes … », il est très bien, voire
plus.
S’il se réfère à des choses elles parfaitement
identifiées, il se dégage une impression rafraîchissante qu’on ne retrouve que
chez ces quelques très rares qui savent faire du neuf avec du vieux. Le son est
d’une limpidité et d’une clarté remarquables, enjolivé amoureusement par des
arrangements de cordes, plus rarement de cuivres, le tout avec un sens de la
retenue, de la parcimonie et du bon goût trop facilement oubliés dans les
productions à tendance m’as-tu-vu qui semblent aujourd’hui la norme. Ou comment
préférer l’utile au futile …
On pense quelques fois à un Bonnie Prince Billy qui
se serait levé d’humeur triste et non plus sinistre, parfois à Leonard Cohen à
cause de similitudes vocales troublantes (« Rococo Zephyr »,
« Eid Ma Clack Shaw »), à un Velvet qui aurait quitté les trottoirs
new-yorkais pour les collines de Virginie … Grisaille, langueur et monotonie
sont au programme, et pourtant on est à mille lieues d’un indigeste pensum
avachi …
« Sometimes … » est un disque parfaitement
invendable de nos jours, les grabataires qui s’intéressent au genre se
contentent juste d’acheter les dernières daubes de Dylan ou Cohen, et ceux qui
ont moins de cent ans écoutent des daubes d’un autre genre. Et d’ailleurs de ce
« Sometimes … » il s’en est vendu des clopinettes… Pourtant il s’agit
d’un disque rare, précieux, d’une intelligence musicale peu commune. Un disque qui n’a
pas peur de prendre des risques, s’éloignant de tous les stéréotypes d’une
americana consensuelle, pour explorer des contre-temps où la rythmique se fait
bourdonnante (« My friend »), sautillante (celle de « Jim
Cain » ressemble à celle du « Psychokiller » des Talking Heads).
Rarement on a entendu des instruments de la musique classique se mêler avec
autant de bonheur à du old folk (et non, les titres « symphoniques »
d’ « Harvest » ne constituent pas la référence, ils sont
globalement assez moches), ou des titres de dix minutes (« Faith /
Void ») s’avérer captivants, combinant mantra des paroles, ambiance à
« Song for Drella » de Lou Reed – John Cale, et arrangements
merveilleux …
Et vous ai-je déjà dit que ce disque de choses
antédiluviennes sonne mo-der-ne, et pas comme s’il était sorti en 1971 ?
Oui, je vous l’ai déjà dit …
C’est bon, pouvez aller fumer …