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CURTIS MAYFIELD - SUPERFLY (1972)

Un film comme clip ?
« Superfly », c’est un film de l’âge d’or du cinéma dit de blaxploitation, mis en scène par un certain Gordon Parks Jr. avec comme acteur principal le dénommé Ron O’Neal. Artistiquement, entre série B et nanar.
« Superfly », c’est la bande-son dudit film, écrite et produite par Curtis Mayfield. Et là, on n’est pas dans la série B, c’est peut-être bien la meilleure B.O. originale (avant que les B.O. deviennent des compilations de hits) jamais publiée.
Et pourtant, un bon paquet de stars de la black music s’y sont collées, à la B.O. des films de blaxploitation. Une façon pour eux de valider cette négritude artistique revendiquée par des cinéastes au tournant des années 70. Précurseur, Melvin Van Peebles, acteur, réalisateur et responsable de la bande-son de « Sweet Sweetback’s Baadasssss Song ». Dans la foulée, Marvin Gaye, James Brown (pas leurs disques les plus marquants), et deux sérieux clients pour qui l’exercice de la B.O. va constituer le tremplin majeur de leur carrière : Isaac Hayes pour « Shaft » et donc Curtis Mayfield pour « Superfly ».

Curtis Mayfield n’est pas vraiment un débutant en 1972. Une carrière à succès avec le trio vocal The Impressions, des débuts en solo remarqués (notamment « Curtis »), et surtout la co-fondation du label Curtom qui lui donnera une liberté artistique quasi totale. Il faut bien ça pour que paraisse un disque comme « Superfly », qui est un constat sans langue de bois de la situation des Afro-américains, écartelés entre racisme au quotidien et ghettoïsation (avec toute la spirale qui peut aller avec, la délinquance, la dope, …). Et sur le disque « Superfly », Curtis Mayfield va beaucoup plus loin que le film « Superfly », qui se contente à peu près d’avoir un héros Noir.
Bon, le discours politique et social au sens noble du terme (et encore faut-il être bilingue pour l’apprécier) n’aurait pas suffi pour que le disque traverse les décennies en restant une référence. C’est aussi du strict point de vue musical que ça se passe. Et là, il a fait très fort le Isaac Hayes. Tout écrit, tout arrangé, tout produit. « Superfly » est une prouesse assez unique. L’ADN du Isaac Hayes sound, c’est la voix de fausset et la guitare wah-wah. Et puis, viennent s’ajouter aux instruments basiques du rock (ou de la soul, ou du funk, …) des cordes, des cuivres, un grand orchestre, et d’une façon générale tout ce qui peut produire de la musique. N’importe  qui empilant tout ça produit un loukoum insupportable. Isaac Hayes arrive à faire sonner « minimaliste » une multitude d’instruments, alors que selon le modèle déposé par Spector (le Wall of sound), plus il y a d’instruments, plus le son doit être énorme. Généralement Hayes joue sur le mixage, mettant en avant tantôt une ligne de basse, tantôt sa voix, tantôt la guitare, ou les claviers, ou un petit gimmick aguicheur, et reléguant quasiment en sourdine tout le reste.
Curtis Mayfield live dans "Superfly"
Et puis, nerf de la guerre, y’a les titres. Les trois premiers sont fabuleux. « Little child runnin’ wild », avec tous les ingrédients sonores qui s’ajoutent les uns aux autres (les percus, la wah-wah, les riffs de cuivres, la voix de fausset de Mayfield, les phrases de sax, …) montrent où Prince est allé piocher (le nain par la taille de Minneapolis a toujours revendiqué cette influence), « Pusherman » est menée par une énorme ligne de basse magique, « Freddie’s dead » et son minimalisme exubérant (si, si, c’est possible), permet de voir dans une scène du film Isaac Hayes jouer le titre live dans une boîte. Trois titres qui avec le court instrumental jazz-funk « Junkie’s chase » faisaient de la première face vinyle de « Superfly » une des plus cruciales de la black music.
Côté verso, c’était pas mal aussi. « Gimme your love » servait (what else ?) de bande-son à des ébats dans une baignoire entre Ron O’Neal et une beauté black, « No think on me (Cocaine song) » est une ballade soul belle à en faire une overdose, « Think » est un instrumental introduit par une guitare acoustique et une ligne de synthé, avant de partir dans un crescendo ébouriffé, quant au funk-rock de « Superfly » le morceau, c’est le titre qui était sorti le premier en single, c’est dire qu’il a quand même un certain potentiel.

« Superfly » dépasse bien évidemment par l’influence qu’il aura sur la musique noire des 70’s (sans même parler de tous ceux du rap qui le sampleront par la suite) le strict cadre de la simple B.O. Il est curieux de voir qu’après sa mort (en 1999, après une dizaine d’années d’hémiplégie suite à la chute d’une rampe d’éclairage sur scène qui lui a brisé les reins), si tout ce que le music-business compte de grands noms centristes (Franklin, Springsteen, Stewart, Clapton, Marsalis, …), s’est réuni autour de ses chansons pour un album tribute, personne dans la liste n’a osé s’attaquer à un titre de « Superfly » …

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ELVIS PRESLEY - FROM ELVIS IN MEMPHIS (1969)

Retour aux sources ...

1968. Elvis est cuit, fini … Tourne trois films par an qui n’intéressent plus personne. Faut dire que si Elvis est pour toujours le King, c’est certainement plus du rock’n’roll. Le rock’n’roll n’a pas attendu son fondateur pour évoluer, et Elvis a dans les sixties raté … tout en fait, tous les courants et les modes qui se sont succédés.
Un miracle a cependant lieu. Elvis retrouve ses premiers accompagnateurs (Scotty Moore et D.J. Fontana) lors d’un show télé, l’énergie et le répertoire de ses débuts, et le disque en partie issu de ces retrouvailles (« NBC TV Special ») va réconcilier et reconquérir et critique et public. Et là, peut-être pour la première et dernière fois de sa vie, Elvis va ruer dans les brancards de l’escroc qui lui sert de manager, l’inamovible Colonel Parker. En gros, Elvis en a marre de chanter des niaiseries qu’il déteste, et il compte bien reprendre les choses en main et chanter des choses qu’il aime. Une seule solution : retourner là où pour lui tout a commencé, à Nashville, Tennessee. Et Elvis, contre tous les avis de son entourage, part enregistrer à Memphis.
Presley & Chips Moman
Petit problème : Sam Philips n’est plus là, et Nashville depuis le milieu des années 60 est devenu un haut lieu de la soul, siège d’un des plus importants labels du genre, Stax (Otis Redding, Booker T. & The MG's, Eddie Floyd, Sam & Dave, Isaac Hayes, ...) et d'un autre  dont la réputation commence à grandir (Hi Records , avec à son catalogue notamment Al Green et Ann Peebles). La country et le blues des années 50 ont quasiment disparu, balayés par le rock au sens le plus large. Mais bon, quand Elvis est en ville, tout ce que celle-ci compte de musiciens de studio répond présent. Le producteur Chips Moman, plutôt spécialisé dans la soul réunit une équipe pléthorique comprenant force cuivres et choristes. Dans ce même genre de configuration orchestrale, Elvis sombrera quelques années plus tard sur les scènes de Las Vegas. Là, à Memphis, grâce au travail remarquable de Moman et un choix judicieux de morceaux, ça fonctionne. Bien. Très bien même.
Parce que le King a envie d’en découdre, est concerné. Et chante des choses qu’il aime, parfois de vieux standards qu’il rêvait d’interpréter depuis des années. Et puis aussi, parce qu’à la base, Presley est un grand chanteur, et là, il se concentre quasi exclusivement sur des ballades, des tempos lents ou médians, et c’est là qu’il est le meilleur. De toute sa carrière, il me semble qu’il n’a jamais aussi bien chanté. Et fait des merveilles avec un répertoire sur lequel on ne l’attendait pas forcément. Il y a dans ce « From Elvis in Memphis » (à rapprocher, évidemment d’un disque très similaire dans l’esprit, le fabuleux « Dusty in Memphis » de l’anglaise Dusty Springfield), de la soul (« Only the strong survive », géant), du rhythm’n’blues (« Wearin’ that loved on look »), une grosse part de country (« It keeps right … », « I’ll hold you in my heart » enregistrée en une seule prise, ça s’entend, y’a du flottement instrumental, compensé par du feeling à la tonne), des ballades terminales (« Long black limousine »), même du blues (« Power of my love ») et de la pop très orchestrée mais très digeste (« Gentle of my mind », la fauleuse « Any day now » signée Burt Bacharach).
Elvis Presley 1969
Certains titres me convainquent moins, la roucoulade un peu trop lyrique de « After loving you », et le traitement quasi pompier de « True love travels … », mais sur cette dernière, j’aimerais bien entendre la seule piste vocale de l’Elvis qui doit valoir son pesant de beurre de cacahuète. Une relative faiblesse sur ces deux titres largement compensée par le final, le magique « In the ghetto ». Un des titres les plus atypiques du King, qui par définition, n’a jamais vraiment fait dans le social. Là, il chante la misère des quartiers pauvres, ce morceau fait de l’ombre à tous les autres, et tant sur le fond que la forme, n’est pas très éloigné du « Inner City blues » de Marvin Gaye.
La réédition Cd de 2000 a la bonne idée d’ajouter aux douze titres originaux six bonus-tracks issus des mêmes sessions dont deux singles faramineux, « Kentucky rain » et « Suspicious minds », un des derniers numéro un de Presley …
Cette reprise en main de sa carrière et de son destin sera sans suite. Qui sera une longue descente dans les enfers de la guimauve, des amphétamines, et des strass de Vegas. Ne restera plus qu’une voix, à peu près intacte jusqu’à la fin, qui aura du mal à retrouver un répertoire digne de ses possiblités …

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Loving You 


WRAYGUNN - ECCLESIASTES 1.11 (2005)

Et Dieu, dans tout ça ?

Où il va être question de blues et musiques assimilées… Question préliminaire : qu’y a t-il de plus chiant qu’un disque de blues récent ? Et le premier qui me dit un vieux disque de blues, il s’en ramasse une … Bon, je reformule : qu’est-ce qui est plus chiant qu’un disque de Joe Bonamachin, de Robert Cray, de Clapton depuis trente ans, de Stevie Ray Vaughan, et de tous leurs semblables ? Ben rien, cette bande de pénibles se contentant de remettre à la sauce électrique avec des budgets colossaux ce que des types pauvres comme Job avaient fait mieux qu’eux en deux temps trois mouvements et leur vieille gratte pourrie il y a des décennies. Et qu’on me dise pas que le blues c’est bien parce que c’est toujours pareil, un genre qui n’évolue pas est un genre mort …

Et qu’est-ce qu’il faut pour faire évoluer le blues ? Revenir aux sources, aux origines, laisser de côté toute la putain fuckin’ technique à la noix, mettre toute son âme (la soul dit-on dans une autre langue) dans la bataille, et ne pas avoir comme objectif de faire un duo avec BB King au Royal Albert Hall devant des bourgeois qui auront raqué cinq cent livres leur strapontin …
Et le type dont au sujet duquel il va être question, il a fait le meilleur disque de blues depuis … Hendrix, au hasard. Donc, le gars il s’appelle Paulo Furtado pour l’état-civil, il est Portugais, son nom de scène quand il est tout seul, c’est Legendary Tiger Man, et son groupe c’est Wraygunn, on  y arrive … Et pourquoi il a tout bon dès le départ ? Parce qu’il est allé dans sa démarche encore plus loin que le blues, il est remonté jusqu’aux églises où l’on chantait du gospel, des spirituals, il a du au moins dans ses rêves se retrouver au fameux crossroad et là, il a pas choisi entre Dieu et le Diable, il a pris les deux. Parce qu’il a bien compris qu’il y a quelque chose de diabolique dans le blues, mais qu’à la base, tous les vieux bluesmen sortent des églises. Et Furtado a recruté une bande de caralhos dans son Portugal, pays cousin des très dévotes Espagne et Italie. Des gars et une fille qui aiment peut-être Muddy Waters, mais surtout faire bouger les lignes. Et dans cette troupe, il y a … éloignez les enfants et les fans de Canned Heat ou John Mayall… un type aux synthés, scratches, platines et bruitages divers … un DJ quoi … et croyez-moi, on l’entend … Et les cinq autres, dont deux batteurs (et non, on ne dit pas comme les foutus frangins Allman, ou je vais de nouveau me fâcher), ils lâchent les chevaux, envoient le bois…
La pochette dit tout, et plus encore … on y voit Furtado prendre la pose du Christ du Corcovado, mais au lieu de surplomber Rio, il est au milieu d’une décharge publique. Et là, sous nos oreilles ébahies, ce métèque et sa bande de va-nu-pieds vont pendant trois quarts d’heure détruire, reconstruire et finalement réinventer le blues. En réinjectant dans les douze mesures les chants des églises noires d’Amérique, la soul, le rhythm’n’blues, l’électro. … avec les bouffées de violence qui renvoient le pauvre Jon Spencer à ses chères études, avec ce côté prêcheur fou sous substances partagé entre démons et rédemption que n’a fait qu’effleurer un Nick Cave. Wraygunn est toujours partagé entre appels au sexe et à la prière, c’est le mariage du mystique et du pornocrate.

On est d’entrée au cœur du sujet. « Soul city » le premier titre commence par une incantation de prêcheur habité (Martin Luther King ?), qui se transforme brutalement en un rhythm’n’soul qui arrache tout. « Drunk or stoned » qui suit est un rock’n’roll crade, moîte, sexuel, avec un super gimmick de synthés. Le troisième titre (« Keep on prayin’ ») finit de planter le décor, rhythm’n’blues torride avec ses handclaps et l’apparition pour un duo avec Furtado de la voix féminine du groupe, la troublante Raquel Ralha. Un quart du disque et les bases sont posées. Le son est unique, tentaculaire, gavé d’effets électroniques, de distorsions, de filtres, comme si Trent Reznor avait remixé Howlin’ Wolf. Le phrasé peut se rapprocher du rap (« How long, how long ? »), peut devenir syncopé et dangereux comme celui d’Alan Vega (« Sometimes I miss you »), les guitares peuvent empiler des cocottes funky (« She’s a speed freak », le meilleur titre que les Red Hot Machin ont oublié d’écrire), le boogie (« All night long ») être aussi puissant que ceux de ZZ Top dans les 70’s, l’hommage aux Stones (« Hip », démarquage du « Shake your hips » de Slim Harpo, déjà entendu sur le « Exile … » des Cailloux) est plein de cette déglingue obligatoire de l’exercice …
« Ecclesiastes 1.11 » apporte la preuve que l’on peut faire du neuf avec du très vieux. Suffit d’avoir de l’imagination et de ne rien respecter. Un disque exceptionnel passé évidemment inaperçu (ils ont beau être portugais, ils chantent – très correctement – en anglais et sont distribués par une major), et d’après le peu que je connais de Furtado et de son œuvre, très nettement au-dessus de ce qu’il a pu produire avant ou après …

MARVIN GAYE - HOW SWEET IT IS TO BE LOVED BY YOU (1965)

Se faire un nom ...

Marvin Gaye est un des grands noms les plus « tardifs » de son époque. Alors que tant dans les 60’s ont assis leur réputation avec souvent leur premier disque, celui qui l’a finalement réellement révélé (« What’s going on »), est au moins son dixième (on s’y perd un peu dans sa disco des débuts).
Marvin Gay (le « e » ne viendra que chez Motown, inutile d’expliquer pourquoi …) a débuté à la fin des années 50, vocaliste parmi les autres au sein de Harvey & the Moonglows (Harvey pour Harvey Fuqua, chanteur lead, et qui deviendra par la suite un peu l’homme à tout faire de Marvin Gaye, co-auteur, producteur, conseiller, …), groupe doo-wop. Qui nourrit assez mal son homme malgré quelques succès dans les hit-parades. Gaye bossera comme manutentionnaire dans une filiale de Motown, avant d’être signé par Berry Gordy comme sessionman. Un peu de batterie, quand les Funk Brothers, groupe attitré de Tamla-Motown ne sont pas là, quelques chœurs de temps en temps, des participations à l’écriture … Les choses changeront un peu quand Gaye épousera Anna Gordy, 17 ans de plus que lui, mais surtout sœur de Berry. L’ascension ne sera pas fulgurante pour autant. L’organisation quasi militaire de la Motown est déjà bien rodée, ceux qui tiennent le haut de l’affiche en place (Diana Ross, Smokey Robinson, Marvelettes, Four Tops, Temptations, …).

Marvin Gaye deviendra en quelque sorte « testeur de morceaux ». On lui fait enregistrer des titres dont Berry Gordy n’a pas voulu pour les stars de son label, l’occasion d’essayer des variations de tempo, de nouveaux auteurs, d’occuper toute cette fourmilière de plus ou moins anonymes qui grouillent chez Motown. Les premiers petits hits (dont le plus « connu », « Hitch hike ») seront sur le 33T « That stubborn kinda fellow » fin 1962. Gaye n’est pas une priorité pour autant.
La première petite reconnaissance se fera avec ce « How sweet … » début 65. Pour lequel il est bon de tout oublier concernant Marvin Gaye si l’on ne connaît de sa carrière que « What’s going on » et ses successeurs. Parce qu’on est avec « How sweet … » assez loin de cette soul alanguie porté par une voix de velours qui sera son inamovible marque de fabrique et fera son succès dans les seventies. Le Marvin Gaye du milieu des années 60 est un chanteur qui utilise toutes les palettes de son registre vocal. Qui peut sonner rauque comme Ray Charles (« Need your lovin’ »), ou à l’inverse roucouler comme Sam Cooke (« One of these days », « Need somebody »). Le son Motown est bien là (« You’re a wonderful one »), le rhythm’n’blues aussi (« Baby don’t you do it »), évidemment la ballade soul (« Forever »), et on peut même aller faire un tour vers des terres jazzy (« Try it baby »).
De bons morceaux (il y en a signés Holland/Dozier/Holland, Strong/Whitfield, Smokey Robinson, soit la crème de l’écriture maison) cohabitent vaille que vaille avec d’autres beaucoup plus anecdotiques. Les Funk Brothers sont de la partie en studio, Martha & the Vandellas, les Supremes, Temptations et Four Tops apparaissent aux backing vocaux. Comme quoi, on ne bâcle pas le travail chez Motown, même lorsqu’il s’agit du disque d’un outsider. Ce « How sweet … » sera le premier disque de Gaye à faire une brève apparition dans les bas-fonds des hit-parades, trois singles (l’éponyme, le mieux classé dans les charts, plus « Try it baby » et « Forever ») seront extraits. Un succès d’estime, pour être gentil.
Berry Gordy se rend tout de même compte du potentiel et du capital sympathie de son beauf (grosse capacité vocale, et belle gueule qui ne laisse pas les filles indifférentes), il va réorienter sa carrière vers la soul assez stricte (la mise en place du duo Marvin Gaye – Tammi Terrell, parallèlement à des disques solo sans gros retentissement), un peu à la marge du « son maison » à succès…
« How sweet … » est malgré tout un disque pour « spécialistes », ou « public averti », assez loin du Marvin Gaye « grand public » … D’ailleurs le disque n’a été que très rarement réédité en Cd. La version la plus courante est celle, bâclée, où on le retrouve couplé avec « That stubborn kinda fellow », avec un son assez lamentable …

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What's Going On
Let's Get It On

MARVIN GAYE - LET'S GET IT ON (1973)


Sex & soul ...

« Let’s get it on » est le … pff, j’en sais rien, le énième disque de Marvin Gaye, les arcanes de ses publications lorsqu’il ne s’était pas encore émancipé de la Motown, sont assez confuses. Autant s’en tenir à sa « carrière solo » (toujours chez Motown, c’est pas simple son affaire), là c’est le troisième. Après l’énorme « What’s going on », et une B.O. (« Trouble man ») oubliée et oubliable d’un film oublié du même nom.
« Let’s get it on » va marquer un nouveau virage dans la discographie de Gaye. Hormis une vague similitude des titres d’album, rien à voir avec « What’s going on », qui était un disque sinon franchement militant et revendicatif, du moins en phase avec son temps. Avec « Let’s get it on », Gaye se « désengage », redevient ce qu’il n’avait en fait jamais cessé d’être, un chanteur de charme. Tout en évoluant dans ce registre. Après le beau gosse des débuts, l’amoureux romantique (ses duos avec Tammi Terrell), le play-boy désabusé trentenaire, place avec « Let’s get it on » au séducteur forcené, au serial niqueur.
« Let’s get it on » est un disque fait pour la baise, un disque qui ne parle que de baise. D’une homogénéité qui pourrait sembler rébarbative au premier abord. Tous les titres ne sont que balancement langoureux, funk très lent, soul lascive. Des cuivres doucement jazzy, des voix, des râles, des chœurs féminins extatiques. D’un morceau à l’autre, les variations sont infimes, et la voix tout en caresses soyeuses est leur dénominateur commun le plus frappant. Marvin Gaye veut plaire, veut leur plaire …
« Let’s get it on » le morceau sortira en single avec un joli succès, suivront plus bas dans les charts « Come get to this » et « You sure love to ball ». Mais dans ce disque de titres siamois, beaucoup plus concept-album que collection de chansons, c’est l’homogénéité de son et de ton qui prévaut. « Let’s get it on » est un tout, à mon sens insécable …
« Let’s get it on », s’il n’est pas à proprement parler révolutionnaire dans la carrière de Marvin Gaye, va se révéler crucial dans sa vie. Chez Gaye peut-être plus que chez n’importe quel autre chanteur, la vie privée se retrouve mise en avant dans les disques. Il faut donc signaler que c’est lors des sessions de « Let’s get it on » qu’il va rencontrer Janis Hunter (16 ans, lui en a 33), en tomber fou amoureux (il existe une version « DeLuxe » du disque, les prises avant et après la rencontre des tourtereaux, les différences, notamment la voix de Gaye sont paraît-il édifiantes), lui faire deux gosses dans la foulée. Petite précision : Marvin Gaye est alors marié à Anna Gordy, son aînée de dix-sept ans mais aussi sœur de Berry Gordy, fondateur, patron, et donc employeur de Gaye. Les disques suivants « I want you » (pour Janis Hunter) et « Here, my dear » (le terrifiant disque noir « du divorce ») seront les prochains épisodes de la saga amoureuse de Marvin Gaye. Dont la vie, les amours, la mort (tué par son père), pourraient donner un film (innombrables tentatives, jamais abouties) laissant loin derrière tous les biopics planplan déjà faits sur des « héros » somme toute bien ordinaires du rock et genres assimilés …

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How Sweet It Is To Be Loved By You
What's Going On


MARVIN GAYE - WHAT'S GOING ON (1970)


Le disque de l'émancipation ...

« What’s going on » inaugure le déclin et entérine le changement du style Motown. Déclin n’est peut-être pas le terme qui convient, parce que ce premier disque solo de Marvin Gaye ou plus encore ceux de Stevie Wonder afficheront des chiffres de vente plus que conséquents. Mais c’est toute une tradition, toute une culture de la maison de disques de Detroit qui se trouve remise en cause.
Motown, c’était l’usine à hits des sixties, axée sur le 45T. Une entreprise dirigée de main de fer par son créateur Berry Gordy. Avec une organisation quasi militaire. En haut, Berry Gordy, le Boss. A l’étage inférieur, les auteurs (Holland/Dozier/Holland, Smokey Robinson, …) et les musiciens (les Funk Brothers, fantastique groupe de studio qui joue sur tous les titres des 60’s). Viennent ensuite les stars, les figures de proue médiatiques du label (avec à leur tête Diana Ross, Gladys Knight, Little Stevie Wonder, …). Enfin, au bas de l’échelle, toute cette fourmilière d’employés attendant que le bon vouloir du maître leur confie une session de studio ou un titre à chanter. Marvin Gaye a commencé tout en bas, préparer le café, aller chercher des pizzas, ce genre de choses… De temps en temps, quand les Funk Bros étaient en tournée, il faisait des sessions à la batterie. Puis quelques chœurs sur les disques des autres. Puis on lui a refilé des morceaux que personne voulait chanter et dont il a fait des hits. Jusqu’à devenir au fil des années une des figures qui comptent dans le label. Et surtout un des rares à faire de la soul stricto senso, et à souvent chanter en duo avec Tammi Terrell. Un amour platonique unissait les deux, et elle s’effondrera dans ses bras sur scène, victime d’une tumeur foudroyante au cerveau, dont elle ne tardera pas à mourir. Marvin Gaye ne s’en remettra pas, abandonnant plus ou moins sa carrière.
Quand il veut revenir, il frappe un grand coup, entamant un bras de fer avec Berry Gordy pour pouvoir gérer seul sa carrière. Pas simple, la femme de Marvin, Anna, de dix-sept ans son aînée, est la sœur de Berry Gordy. Bonjour l’ambiance dans les repas de famille …
Marvin Gaye obtiendra gain de cause, il enregistrera ce qu’il veut, et ses disques continueront de paraître sur Motown. Lui qui jusqu’à présent était le chanteur soul, celui des bleus à l’âme et des peines de cœur, va effectuer par ses textes un virage radical. La Motown dans les sixties, c’était un peu le pays des Bisounours, les chansons « gentilles », alors que la communauté black américaine commençait à s’embraser (les émeutes de Watts, Angela Davis, Luther King, Malcolm X, James « say it loud, I’m black and I’m proud » Brown, …). Et là, coup sur coup, parce que la concurrence artistique et « politique » des autres labels la poussait au cul, Edwin Starr avec « War » et les Temptations avec « Ball of confusion » allaient remettre la Motown sur les rails de la revendication sociale … C’est dans ce contexte que paraît « What’s going on », qui sera le disque le plus résolument politique de Marvin Gaye.
Rien qu’à voir la pochette, on est frappé par ce regard hautain qui se fout de l’objectif du photographe, ce sourire un peu narquois, cette photo prise sous la pluie. A l’opposé des visuels traditionnels du genre. Sur chaque face du 33T original, tous les titres sont enchaînés, et construits autour de phrases musicales très proches. Une impression de n’avoir à faire qu’à des variations d’un même thème, impression renforcée par la voix de Marvin Gaye, qui se cantonne à un registre soyeux, léger, quasi murmuré … on est presque dans le concept album. Et puis, Marvin Gaye ne fait pas dans l’elliptique. De l’interrogation sur « l’état du monde » (« What’s going on »), de son rapport avec le mystique et la religion, (« Wholy holy », « God is love », Gaye est le fils d’un pasteur très strict qui l’assassinera le jour de ses 45 ans), de l’évocation de la guerre (« What’s happening brother », Marvin a son frère au Vietnam), de celle des ghettos noirs (« Inner City blues »), du monde que l’on laissera à nos enfants (« Save the children »), et même d’écologie, un mot très rarement utilisé à l’époque (« Mercy mercy me »). Sans oublier les poudres blanches qui sur la durée seront ses plus fidèles compagnes (« Flyin’ high »).
La musique, cette soul langoureuse et mid-tempo, soulignée par des cordes, des cuivres (mais toujours légèrement, on n’est pas chez Earth, Wind & Fire), s’orientant parfois vers des sonorités jazzy ou bluesy, va marquer son époque, orienter le son et générer les succès de toute une frange de la soul (Curtis Mayfield, Isaac Hayes, le Philly sound, …). Ce disque est un choc, tant pour l’esprit que pour l’oreille. Les hits seront là et bien là, trois titres classés en haut des charts (l’insurpassable « What’s going on », « Inner city blues », « Mercy mercy me »), l’album sera également un carton commercial, une influence durable (la réponse sarcastique de l’autre génie black du moment Sly Stone avec « There’s a riot goin’ on »), et régulièrement cité dans le Top Ten des meilleurs disques jamais publiès tous genres confondus …

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How Sweet It Is To Be Loved By You
Let's Get It On


SIMPLY RED - SIMPLY RED (1985)


Peloton, en joue ...

Ah que voilà une victime idéale … Mick Hucknall, le rouquemoute préféré des ménagères anglaises ménopausées. Mick Hucknall, le type aux roucoulades lacrymales à faire passer Lionel Richie pour un death metalleux. Mick Hucknall, le plus sérieux concurrent de Robbie Williams pour le nombre de groupies baisées, ça se chiffre paraît-il en milliers …
Tiens d’ailleurs, marrant le parallèle. Williams a commencé à faire partie d’un boys band assez horrible, avant de faire des disques solo parfois, j’ai bien dit parfois, écoutables et sympathiques. Mick Hucknall, c’est l’inverse. Aujourd’hui au stade ultime de la ballade pourrie, il avait pourtant assez bien commencé.
Très années 80, les Simplement Rouge
Simply Red était à ses débuts au milieu des tristes années 80 un groupe de blue-eyed soul très convenable. Enfin blue-eyed n’est pas exactement le terme qui convient, il y avait deux blacks dans le groupe. Et même si c’est Hucknall qui est sur le recto de la pochette, les autres ont droit aussi à leur portrait façon poulbot au verso. Et tous participent à l’écriture des titres originaux de l’album.
Simply Red, comme son nom ne l’indique plus aujourd’hui, a commencé dans la mouvance du Red Wedge et de tous les plus ou moins marxistes plus ou moins chantant (Billy Bragg, Paul Weller, Jimmy Sommerville, … les anti-Thatcher ratissaient tous les genres musicaux). Même si côté textes c’est pas des œuvres de Marx mises en musique, on décèle dans ce disque quelques allusions « sociales », quelques messages « engagés ».
Bon, au niveau sonore, ce disque a pris un coup de vieux. Si l’on ne trouve pas les funestes synthés analogiques 80’s sempiternellement mis en avant dans les productions d’époque, n’en restent pas moins quelques tics de la période, comme la basse slappée très en avant de « No direction » ou la rigidité de certains rythmes qui se veulent dansants (« Red box »). Disque de soul blanchie, disque hommage aussi, l’influence de quelques figures du genre étant plus que perceptible sur des titres comme  « Jericho » (Stevie Wonder), « Holding back the years » (Marvin Gaye), « Look at you now » (Earth Wind & Fire, pas une bonne idée, celle-là). Et puis, faut le reconnaître, Hucknall chante bien, proprement, fait très correctement son boulot derrière le micro.
Avec le recul, on perçoit bien la faiblesse de quelques morceaux, qui passaient mieux dans le contexte de l’époque, et on remarque que deux des titres les plus connus (« Heaven » et « Money’s … ») sont des reprises, respectivement des Talking Heads et des méconnus Valentine Bros, traduisant bien quelques lacunes au sein de cet équipage plutôt pléthorique (ils sont six dans le groupe) à assumer seul la composition. D’ailleurs, au fil des albums suivants (à succès voire gros succès), le rouquin sera de plus en plus mis en avant, devenant finalement Simply Red à lui tout seul.
« Money’s too tight » (tournerie post disco qui fait bien son âge maintenant) et « Holding back the years » (slow pour clubs chicos) cartonneront all around the world, mais le jazzy « Sad old red » ou le « Picture book » et sa lente rythmique dub sont les meilleurs titres restés dans l’ombre de ce disque. Qui reste loin de ses inspirateurs soul des années 60 et 70, mais est encore écoutable de nos jours.
Finalement, l’exécution du sieur Hucknall n’aura pas lieu pour ce disque …

OTIS REDDING - OTIS BLUE (1965)


Respect ...

Avec ce disque, les choses sont simples. Au chant, Otis Redding, le plus grand chanteur des années 60. Derrière lui, le meilleur backing band du siècle dernier (et suivants), Booker T & the MG’s. Et accessoirement, « Otis blue » est le meilleur disque d’Otis Redding.
Vous me croyez pas ? Faut que j’explique ? Bon, vite fait alors, z’avez qu’à écouter le disque … Comment, vous l’avez pas ? Shame on you !
Otis Redding, d’abord. Qui fait même pas partie du Club des 27, puisqu’il est mort à 26 ans. Et qui n’a enregistré des disques que les quatre dernières années de sa courte vie. Aussi peu de temps en activité, et une telle réputation, cherchez pas, y’a que Buddy Holly et Hendrix dans ce club-là. Otis Redding a révolutionné la façon d’aborder la soul music. En ne cherchant pas la version vocale parfaite, mais la plus viscérale. Otis, c’est pas le chant le plus pur, c’est le chant le plus expressif, usant et abusant de brusques sautes de tonalités et d’un tremolo instantanément reconnaissable. Un chanteur explosif, encore meilleur sur scène qu’en studio, où il dynamite ses classiques, ou ceux des autres.
Les MG’s. Déjà à la base un truc hors normes. Deux noirs et deux blancs à une époque où les groupes interraciaux étaient aussi rares que des lueurs d’humanité dans le regard de Bachar el-Assad. Booker T Jones à l’orgue, Al Jackson à la batterie, et les deux visages pâles Donald « Duck » Dunn à la basse et Steve Cropper à la guitare. Le groupe de studio attitré des artistes Stax-Atlantic, des forçats de la session, mais pas seulement. Entre 63 et 72, des centaines de titres sur lesquels ils jouent, une dizaine d’albums instrumentaux sous leur nom, plus les tournées derrière les fameuses revues Stax. Sur « Otis blue », ils bénéficient de l’apport  d’un inconnu qui ne le restera pas et qui commence à faire ses gammes aux claviers (Isaac Hayes) et d’une section de cuivres.
Donald Dunn, Booker T Jones, Steve Cropper, Al Jackson. : Booker T. & the MG's 
« Otis blue ». Trois énormes classiques de Redding et des sixties en général, « Respect », « Shake », « I’ve been loving you too long ». « Respect », ce sera un encore plus gros hit par Aretha Franklin trois ans plus tard. La diva chouchroutée en donnera une version plus radiophonique. Ici, c’est la version originale, écrite par Otis lui-même, plus brute de décoffrage, plus vivante aussi. « Shake », une reprise de Sam Cooke (l’idole de Redding) c’est un rhythm’n’blues syncopé et furieux. « I’ve been loving you too long », c’est la plus belle ballade soul du monde. Frissons garantis. Et les sept autres titres, c’est pas du remplissage, ils auraient fait la joie de beaucoup à l’époque, et ne comparons même pas avec les pénibles brailleries d’aujourd’hui. Une majorité de reprises (Otis ne signe ou co-signe que trois titres). Deux autres de Sam Cooke, son posthume et plus gros hit « A change is gonna come », débarrassé ici des encombrants violons qui parasitaient la version originale, et également « Wonderful world » avec un gros travail sur la batterie et les cuivres. Une reprise du « My girl » des Temptations, relativement différente de l’originale, les deux sont monumentales. Plus sujette à discussion est la version d’Otis de « Satisfaction » de … qui vous savez, ou alors putain, qu’est-ce qu’on vous a appris à l’école ? Ce titre est l’hymne définitif avec son riff très chargé en fuzz qui a ouvert la voie à tout le rock garage des 60’s. Joué « proprement » par Cropper, et avec l’adjonction d’une section de cuivres comme ici (pour l'anecdote les cuivres étaient prévus sur la version des Stones qui finalement n'en ont pas voulu), c’est radicalement différent, très orienté rhythm’n’blues. Techniquement la version d’Otis est évidemment parfaite, qu’il me soit permis de quand même préférer d’assez loin l’originale. A côté de pareille avalanche de merveilles, les titres restants ont eu du mal à se frayer un chemin vers la gloire. Ils n’en démontrent pas moins le génie vocal de Redding et la mise en place fabuleuse des MG’s. Que ce soit sur du strict blues (« Rock me baby » signée B.B. King) que feraient bien d’écouter ceux qui ne jurent que par Mayall ou Fleetwood Mac, ils verraient la différence entre les bons élèves appliqués et les maîtres (avec un solo de Steve Cropper efficace, et non pas démonstratif par exemple). Que ce soit sur le rhythm’n’blues (« Down in the valley »), ou la ballade soul (« You don’t miss your water », siamoise de « I’ve been loving you too long », c’est dire le niveau). S’il fallait à tout prix déceler dans cette demi-heure magique un maillon faible, mon choix se porterait sur l’introductif « Ole man trouble », pourtant un indéboulonnable dans la kyrielle de compilations consacrées à Otis Redding.
Putain d’avion …

DR. JOHN - IN THE RIGHT PLACE (1973)


Le sorcier ...

A l’instar de Robert Johnson, Malcolm John Rebennack, alias Dr. John, aurait-il pactisé avec quelque force maléfique ? Parce que ça a l’air tellement facile pour lui … même dans ses disques mineurs (« In the right place » n’est pas celui qui revient le plus souvent quand on cite ses meilleurs), il y a de quoi rester béat devant quelques-unes de ses trouvailles.
Dr John c’est un peu le savant fou, le type qui dans son laboratoire assemble une formule connue de lui seul, touillant sans relâche sa recette pour arriver à cette macédoine sonore unique, dont on reconnaît tous les ingrédients. On se dit que c’est bête comme chou, et on s’étonne que personne ne l’ait fait avant lui, de picorer dans un siècle de musiques populaires américaines pour y trouver les épices dont il va assaisonner ses titres.
John, John, et John en 1973. Un seul est Dr. (un indice, c'est celui qui a l'air malade)
En plus, pour ce disque, Dr John a réuni en studio rien moins que ceux qui sont souvent considérés comme ses concurrents es groove from New Orleans, les fantastiques Meters, alors au sommet de leur gloire. Et le liant de tous ces titres montre qu’entre ces musiciens ayant bien des choses en commun, il n’y a pas de compétition, mais bien une saine émulation pour tirer les morceaux vers le haut.
Même si l’ensemble fait un peu trop scolaire à mon sens, restant dans des sentiers relativement balisés, alors que Dr John ou les Meters, séparément, ont fait plus fort, plus fou, plus … enfin mieux quoi. Il serait quand même assez vain de chipoter, de chercher l’erreur de cette fine équipe, renforcée par l’omniprésence d’Allen Toussaint, multi-instrumentiste en studio et co-producteur du disque. C’est joué parfaitement, et c’est peut-être bien ça le problème …
N’empêche « Right place wrong time » qui ouvre de façon funky le disque est un classique du bon Dr., que l’on retrouve sur toutes ses compilations dignes de ce nom. Tout comme le suivant, « Same old same old », qui ravive le son de l’indépassable « Gris-gris », premier et meilleur disque de Dr. John. Deux titres de moins de trois minutes. Alors que l’on sait que tous ces types peuvent dérouler du groove beaucoup plus longtemps. Il y a un parti pris dans « In the right place » de faire dans la concision (onze titres en à peine plus de demi-heure), dans l’exercice de style. Quasiment tous les genres de musique noire en vogue dans les années 60-70 sont abordés, le rhythm’n’blues et la soul sont omniprésents, faisant la part belle à des cuivres additionnels (« Travelling mood »), à des chœurs féminins (« Peace brother peace », avec sur cette dernière des accords qui ressemblent étrangement à ceux de « Hard to handle » d’Otis Redding). Dr. John fait des efforts au niveau vocal, rendant presque compréhensible le grognement d’ours qui lui tient lieu de voix, même si quand la mélodie est difficile, il montre ses lacunes (« Just the same »).
C’est bien fait, normal y’a quand même de sacrés clients, mais ça ronronne quand même un petit peu, le « boulot » donne parfois l’impression d’être un peu bâclé (la pochade jazzy et chaloupée de « Such a night »), tout ce beau monde s’amuse bien (le très blaxploitation « Shoo fly marches on » fait très Curtis Mayfield période « Superfly »), poussant même la joke jusqu’à imiter les Stones de « Exile … » (Dr. John et les Meters ont ouvert des concerts pour eux), le titre s’appelle « Cold cold cold » et c’est assez bluffant …
Il y a tellement de talent chez ces gens, que là où beaucoup se seraient vautrés, eux réussissent à faire un disque très correct, et peut-être une des portes d’entrée les plus faciles pour l’œuvre tentaculaire de Dr. John …

Du même sur ce blog :
Gris-Gris
The Very Best Of Dr John 
Locked Down

CHESS PIECES - THE VERY BEST OF CHESS (2005)


Echec et mat ...

Quand on remonte aux origines de ce qu’on appellera plus tard d’une façon générique le rock, on cite quelques poignées d’artistes, blancs ou noirs, qui ont tout déclenché au milieu des années 50 par leurs premiers disques. Si on affine encore plus, il ne reste que trois noms à l’origine de tout : ceux de Sam Philips et des frères Chess, Leonard et Phil. Pas des chanteurs, pas des musiciens, pas des compositeurs. Juste les propriétaires de minuscules studios d’enregistrement qui créeront des labels pour sortir leurs disques.
John Lee Hooker
Pour le premier, ce sera Sun Records à Memphis (Presley, Cash, Perkins, Orbison, Lewis, …), pour les frères Chess ce sera Chess Records à Chicago. Et là la liste de leurs signatures est encore plus imposante.
Cette compilation en deux Cds et 48 titres propose un aperçu de leurs artistes à travers quelques-unes de leurs œuvres marquantes. Partie émergée de l’iceberg, tant le gens signés chez Chess se sont révélés prolixes. Les deux frangins émigrés de Pologne à la fin des années 20 vont par leurs premières signatures à partir de 1947 représenter un nom magique pour tous les bluesmen. Lesquels sont généralement issus du Mississippi (le Delta blues) et vont dès lors se lancer dans une transhumance vers l’Illinois. Un mouvement déjà entamé depuis le début du siècle, Chicago et ses établissements tenus par la mafia étant à peu près le seul endroit des States où ils pouvaient se produire. Avec les frères Chess, il y avait en plus le mirage de l’enregistrement, du fameux contrat, et de la fortune supposée qui va avec.
Howlin' Wolf
Si j’ai parlé de mirage, c’est que les frères Chess étaient tout sauf des philanthropes, mais beaucoup plus les prototypes des requins de la finance qui plus tard ont jeté leur dévolu sur le milieu musical. D’ailleurs la plupart de leurs artistes majeurs n’ont eu d’autre choix que de leur coller des avocats aux fesses pour pouvoir se défaire de contrats léonins et espérer toucher de l’argent et vivre de leur art sous d’autres cieux … Phil et Leonard Chess étaient gosso modo des escrocs, mais qui ont eu un flair assez impressionnant pour dénicher au milieu des cohortes de va-nu-pieds qui les sollicitaient les futures légendes de la musique noire. Car à l’opposé de Philips et de l’écurie Sun, les frères Chess n’ont pratiquement signé que des artistes noirs.
Chuck Berry
Les bluesmen dans un premier temps. Howlin’ Wolf d’abord à travers une licence de distribution, son premier disque étant estampillé … Sun Records (le monde musical était alors tout petit), mais Sam Philips, avec ses artistes et son public quasi exclusivement blancs, ne savait trop que faire de ce nègre à la grosse voix sépulcrale. Très vite, le catalogue s’enrichira de noms aussi importants que John Lee Hooker, Little Walter, Elmore James, Lowell Fulsom, Sonny Boy Williamson, Jimmy Whiterspoon, et, cerise sur le gateau de Muddy Waters et de son alter ego de l’ombre, l’immense Willie Dixon (peut-être le moins connu du lot, mais de fait l’homme essentiel de cette scène blues de Chicago, auteur de l’essentiel du répertoire de Waters, d’une bonne partie du répertoire de quelques autres, producteur, et chef d’orchestre des musiciens du studio Chess). Soit la plus belle brochette de métèques dont se réclameront tous ceux qui depuis 50 ans font des choses avec du rythme et du blues.
Bo Diddley
Mais c’est pas tout. Chez Chess à la fin des années 50, y’a un autre nom qui clignote, et pas qu’un peu. Celui de Chuck Berry. Le pervers pépère du rock’n’roll, celui qui a défini l’usage et le rôle de la guitare électrique dans cette drôle de musique syncopée, et auteur à lui tout seul, allez je vous le fais à la louche, de la moitié des hymnes les plus connus de ce nouveau genre. Et pas très loin du Chuck, on trouve sur l’échiquier artistique du label d’autres adeptes des rythmes chaloupés, comme Bo Diddley et dans une moindre mesure Dale Hawkins (celui de « Susie Q », titre tant de fois repris). Et certains historiens vont même jusqu’à trouver dans le catalogue Chess le premier morceau de rock’n’roll jamais gravé, le « Rocket 88 » de Jackie Breston, dans le groupe duquel on trouvait à la guitare un certain Ike Turner …

Tous ces gens ont écrit suffisamment de classiques pour remplir plusieurs Cds. Ils ont présents sur le premier disque de cette compile avec un ou deux morceaux parmi leurs plus connus. Et si les frères Chess exploitaient sans vergogne leurs artistes, ils prenaient soin de leur (plus très) petite entreprise, et sentant bien que cet engouement pour les formes de musique qu’ils produisaient ne durerait pas, se sont « diversifiés ». Tout en restant cohérents sur la « ligne » du label, ils se sont tournés vers du rhythm’n’blues canaille et festif (Clarence « Frogman » Henry), le doo-wop avec l’approche originale qu’en faisaient Harvey & The Moonglows ou les Jaynetts (« Sally go ‘round the roses », dont l’oubliée Carmel se souviendra pour son gros hit « Sally » du début des 80’s), voire le son tex-mex à base d’orgue (Dave « Baby » Cortez).

Laura Lee
La roue de l’Histoire tournant vite à cette époque-là, Chess s’en remettra dès le début des années 60 au rhythm’n’blues, toutes les figures blues du label étant soit parties sous d’autres cieux présumés plus hospitaliers, soit en net déclin artistique. Ce sont essentiellement ces nouveaux noms que l’on trouve  sur le second Cd, et il faut bien reconnaître, que sans être totalement anecdotique, il y a une sacrée baisse de régime. Les machos diront que c’est logique, le tracklisting étant majoritairement féminin … sauf que ce sont elles qui s’en sortent le mieux. Il y a de sacrées clientes chez Chess dans les 60’s : Etta James, Mitty Collier, Sugar Pie DeSanto, Fontella Bass, Koko Taylor, Laura Lee. Le label s’oriente vers ce que font toutes les maisons de disques de l’époque en matière de black music, exit le blues et place au rhythm’n’blues, à la soul (d’abord orchestrée puis plus dépouillée), et finalement vers des sonorités plus pop et vers la fin de la décennie plus funky.
Petite parenthèse. Il y deux titres sur cette compilation qui font partie de ceux cités comme étant à l’origine du rap. Le « Say man » de Bo Diddley, dont une de ses amies, Sylvia Robinson, qui avec son duo rhythm’n’blues, Mickey & Sylvia (Mickey, c'est Mickey Baker, guitariste de légende tout récemment disparu) reprendra un de ses titres, avant de devenir au tout début des années 80 la patronne de Sugarhill Gang, premier label rap del’Histoire. L’autre titre est encore plus étonnant, c’est carrémént du rap old school. Il s’appelle « Here comes the judge » et est l’œuvre en 1968  d’un comique de télévision, Dewey « Pigmeat » Markham signé par les frangins Chess.
Mais l’âge d’or de Chess est terminé, ce n’est plus le label qui régnait sans partage, et il a dans les années 60, malgré d’indéniables réussites, fort à faire avec des concurrents comme Tamla-Motown, Stax, Atlantic. Lesquels, en plus d’avoir un catalogue d’artistes beaucoup plus étoffé, ont les hits et l’argent qui va avec pour entretenir la machine. Et plutôt qu’artistique, la chute de Chess sera financière, le label sera vendu une première fois en 1972, et à la suite de rachats successifs, fait aujourd’hui partie de la major Universal. Seul le fonds de catalogue est exploité, Chess n’a plus sorti un disque sous son étiquette depuis quarante ans … 

JACKIE WILSON - Mr EXCITEMENT ! (1992)


Jackie Wilson said ...

J’ai des disques dont je ne sais pas ou je ne sais plus pourquoi je les ai achetés. Celui-là, j’ai la traçabilité totale …
Ça a commencé en 82 avec une chanson sur « Too-Rye-Ay » des Dexys Midnight Runners qui s’appelait « Jackie Wilson said », festive et entraînante, que j’écoutais souvent. Et comme y’avait pas Google, je me demandais si ce Jackie Wilson était quelqu’un de réel. J’ai tout juste réussi à atterrir sur Van Morrison qui avait écrit ce titre, et à claquer des billets de cent balles pour acheter ses disques, parce que Van the Man quand on prend ça en pleine poire sans être averti, c’est quand même quelque chose … Puis j’ai appris que Jackie Wilson, c’était un truc phénoménal, mais pas moyen de foutre la main sur un de ses disques dans ma cambrousse …
Et puis, le Jackie Wilson, il a claqué, un de ses titres avec un clip tout en pâte à modeler passait partout, et il sortait des compiles vite faites et mal foutues, tout juste assez bonnes pour se faire une idée du bonhomme. Et je me suis promis, tant les listes de disques à acquérir en priorité devenaient exponentielles, qu’une fois fortune faite, j’achèterais des trucs qui tiennent la route de lui …
Et donc, une fois fortune faite (rire grinçant), j’ai un jour craqué sur un coffret de trois Cds du Jackie Wilson. Et euh, comment dire … j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de faire chauffer la carte bleue … Pour des raisons communes à tous, d’abord. Un coffret qui se veut rétrospectif et exhaustif, ça laisse forcément passer des choses plus ou moins anodines. Et pour une raison particulière à Jackie Wilson, c’est que plus qu’un autre, il a fait n’importe quoi plus souvent qu’à son tour.
Pas forcément sa faute. Dans la grande tradition des artistes noirs truandés par des managers et un show-biz véreux, il peut viser le podium. A tel point que quand il sera fusillé sur scène par un AVC ou un truc de ce genre en 1975, qui le laissera pendant dix ans dans un état végétatif, sa famille n’aura pas les moyens de payer les soins, alors que sans être quelqu’un qui avait monopolisé les sommets des charts, il avait eu des hits significatifs aux States. Ses soins, c’est Elvis (et ensuite Priscilla, parce que Elvis va mourir avant Wilson) qui les payera. Et pourquoi le King, qui n’est pas vraiment considéré comme un des philanthropes du rock a raqué ? Ben, parce que le King, que certains considèrent un peu trop facilement comme le plus grand chanteur de rock de tous les temps, il avait un jour vu Jackie Wilson sur scène, et comment dire, ne s’en était jamais remis …
Jackie Wilson et un fan de Graceland, Memphis, Tennessee
Parce que techniquement parlant, Jackie Wilson, ce doit être la voix la plus impressionnante à s’être aventurée dans le monde, au sens large, du rock. A tel point qu’il a envisagé à plusieurs reprises durant sa carrière de se réorienter vers le chant lyrique ou l’opéra (figurent sur cette compile quelques titres, airs de classique revisités soul, sur lesquels la démonstration en est faite, mais ce sont loin d’être les plus intéressants). Et quand on sait qu’au début des années 60, James Brown a été poussé sur scène dans ses derniers retranchements et a vu sa suprématie menacée par un Jackie Wilson explosif, grand adepte aussi d’agenouillements, génuflexions et déchiquetant devant des fans transis sa veste trempée de sueur, il faut reconnaître, qu’en plus de la meilleure voix, Jackie Wilson, c’est aussi le meilleur gâchis de carrière jamais vu …
Une carrière entamée adolescent comme lead singer du band jazzy et doo-wop des Dominos de Billy Ward, puis une carrière solo débutée sur les chapeaux de roue avec « Reet petite » (1957), petit hit franchement orienté vers le rock’n’roll, sur lequel il rivalise, juste avec sa technique pure avec l’hystérie d’un Little Richard. Wilson gravite alors dans le sillage de Berry Gordy, co-auteur du titre, un Gordy dont Wilson s’éloignera alors que celui-ci commence à monter Motown, inaugurant par là une série de mauvais choix qui s’avèreront chroniques tout du long de sa carrière.
Wilson cherchera le hit, il en obtiendra bien un sans suite (« Lonely teardrop »), avant de se laisser trimballer, au gré de managers roublards et incompétents, vers du doo-wop lourdement orchestré, des ballades lacrymales pré-soul, du rhythm’n’blues aux orchestrations pharaoniques, tentant de se raccrocher à toutes les tendances, tous les sons à la mode, faisant des duos avec d’éphémères chartbusters ou des gloires sur le retour (Linda Hopkins, LaVern Baker, …), incendiant le temps de quelques titres avec un  orchestre de Count Basie sur la pente descendante des classiques soul (« Chain gang » mais la version de Wilson ne vaut pas l’originale de Sam Cooke), se contentant de prestations vocales irréprochables servies par un cadre musical ultra-prévisible et sans originalité.
Alors que dans le même temps (les années 60) un James Brown radicalisait à chaque disque un peu plus son propos musical, Jackie Wilson se laissait imposer un cadre sonore centriste.
Donc forcément, sur les 72 titres de cette compilation, y’a à boire et à manger, et aussi beaucoup de choses à pousser sur le côté de l’assiette. Ne surnage que la voix de Wilson, comme on n’en trouve qu’une petite poignée par siècle, capable de chanter n’importe quoi. Ce qu’il ne s’est malheureusement pas privé de faire …

RAY CHARLES - THE GENIUS OF RAY CHARLES (1959)


La leçon du Maître ...

Bon, on va pas chipoter sur la réputation de Brother Ray. Si vers l’époque où est paru ce disque, il était déjà le « Genius », et que plein de gens, et pas des moindres (James Brown, Miles Davis pour ne citer que les plus évidents et les moins modestes), acceptaient cette reconnaissance et ne la lui contestaient pas, peut-être bien était-ce parce que Charles la méritait.
L’aveugle avait une longueur d’avance sur tous les autres, pour dans le domaine de la musique noire, anticiper tous les genres qui allaient régner sur les ondes. Il avait déjà passé le jazz et le blues dans sa moulinette, codifié de façon définitive rhythm’n’blues et soul music. Et là, avec ce « Genius of Ray Charles », il s’attaque sans trop de modestie aux sons des big bands et aux crooners des années cinquante.
Douze titres se succèdent aujourd’hui sur le Cd, il y en avait six sur chaque face du vinyle original. Et chaque face avait sa couleur sonore bien précise. Même si des similitudes sont criantes. La moindre n’étant pas un  parti pris de foisonnement instrumental, genre exposition ostentatoire de signes extérieurs de richesse. Il y a derrière Charles et son piano une armée de musiciens, des bataillons de cordes, de cuivres et de choristes. De la musique version Cecil B. DeMille.
C’est là que le bât blesse quelque peu. Sur les rhythm’n’blues enlevés du début, ça peut aller, c’est le genre lui-même qui par essence est friand de cette luxuriance instrumentale. Par contre, pour les ballades lentes de la fin, oscillant entre soul et exercices de crooner, un peu moins de grandiloquence aurait me semble t-il été bienvenue. A vouloir trop bien faire, Ray Charles en fait parfois juste trop. Dans un genre somme toute pas très éloigné, Sinatra et son arrangeur Nelson Riddle savaient aller à l’essentiel, et doser beaucoup plus finement les arrangements.
Il convient quand même de rester mesuré, peu de gens (personne ?) à cette époque-là n’était capable d’entrevoir avec autant de lucidité et de talent ce qu’allait devenir la musique noire dans les années suivantes.
La première partie du disque est exceptionnelle, fait souvent penser aux big bands de Count Basie ou Duke Ellington qui se seraient aventurés « ailleurs » (d’ailleurs nombre de musiciens de ces deux orchestres interviennent sur ce disque), le seconde quand elle réussit à se départir de son côté péplum musical présente aussi de grandes et belles choses (« Tell me you’ll wait for me », et surtout « Am I blue » qui montre tout ce qu’un autre génie aveugle, Stevie Wonder, doit à Ray Charles).

Du même sur ce blog :
Ultimate Hits Collection