My Morning Jacket (me dites pas que vous avez l’intégrale
et écoutez ça tous les jours, faut faire les présentations) est un groupe
démarré dans le Kentucky. Et non, ils donnent pas dans la country. D’ailleurs,
ils donnent l’impression avec ce « Z » (m’étonnerait qu’il s’agisse
d’une référence à Costa-Gavras) d’être plus anglais qu’américains. Faut dire
qu’ils exploitent un sillon assez peu labouré outre-Atlantique, celui de la pop
« à grand spectacle » lyrique (ou pompière, ça marche aussi). Pour
situer, on dira qu’ils sont voisins de palier avec les productions de Fridman
(Flaming Lips un peu, Mercury Rev davantage), et que la voix particulière de
leur leader Jim James, genre Castafiore geignarde, leur a valu des comparaisons
discutables avec Thom Yorke et sa bande de tristos… Et s’il fallait faire
encore plus simple, je dirais que le groupe dont ils me paraissent le plus
proche, c’est Arcade Fire (celui des débuts, de « Funeral », pas leur
« Suburbs », gros loukhoum surchargé).
Ce genre de mélodies sophistiquées, ces titres très
« écrits », ils étaient pas nombreux à faire ça au milieu des années
2000, et c’est pas le genre d’indie-rock le plus vendeur. Mais quelque part
c’est le plus casse-gueule, il faut flirter avec toutes les limites au risque
de basculer du mauvais côté de la farce. Et pour une poignée de disques réussis
en quatre décennies, on compte plus les prétendants à la succession de Brian
Wilson qui se sont perdus dans des titres et des skeuds surchargés. Les
mélodies à tiroirs qui s’enchevêtrent, l’instrumentation lyrique, l’empilement
des chœurs, faut beaucoup de chance et encore plus de talent pour que ça vire
pas grotesque.
Les My Morning Jacket n’évitent pas les sorties de route.
Il y a des choses (« Gideon », « Anytime ») qui sonnent
comme les Simple Minds du milieu des années 80 (les grosses batteries
réverbérées, les non moins grosses guitares, les chœurs virils), et c’est pas
exactement une bonne idée. Idem, lorsque les MMJ sortent du cadre strictement pop,
pour aller vers des choses plus « rock-rackabilly » (« Off the
record »), on dirait notre Lio nationale quand elle était brune et qu’elle
comptait pas pour des prunes, c’est quand même assez simplet même si ça se veut
sophistiqué avec son final de titre jazzy-floydien. Pareil quand le groupe
s’attaque à des choses du moment, les rythmiques electro-dance-machin
(« It beats 4 U »), ça reste quand même bien scolaire, de la
récitation sans beaucoup d’imagination.
A l’inverse, d’autres titres sont plus réussis tel le
« What a wonderful man » (comme du Sparks du milieu des 70’s, à
condition de supporter la voix suraiguë à la Russel Mael). Les meilleures
choses sont à aller chercher à la fin du Cd (pas très long, dix titres et
trois-quarts d’heure), un « Lay low » qu’on jurerait extrait du
« Band on the run » de Sir Paul McCartney, un « Knot comes
loose », une ballade toute en retenue (par rapport au reste, c’est pas
vraiment dépouillé). Et bien sûr le titre sur lequel les fans ne tarissent pas
d’éloges humides (et pour une fois les fans ont presque raison) ce
« Dondante », épique tournerie de huit minutes, débutée comme une jam
entre Jeff Buckley et Radiohead, et conclue par une accélération lyrique très
floydienne (je me rends compte que ça fait deux fois que je cite le Floyd,
alors que la référence des My Morning Jacket est le Velvet Underground, mais
désolé, j’ai rien entendu qui ressemble à la bande à Cale et Reed, mais plutôt
à son contraire sonore).
Bon, pour résumer, on dira que les My Morning Machin ont
fait avec ce « Z » un disque assez bon malgré d’évidentes
imperfections, dans un genre « difficile », quelques années avant que
les Arcade Fire y songent. Pour être honnête (si, si, ça peut m’arriver en
causant zique), il me semblait avant la réécoute bien mieux dans mes souvenirs
et je crois bien avoir écrit un jour je sais plus où, que ce « Z »
était un des meilleurs disques des années 2000… Mea culpa, mea culpa … Bon, remarquez, Neil Young soi-même a dit un jour que My Morning Jacket faisait partie de ses groupes préférés ...