Addictif
A sa sortie, ce disque est passé relativement inaperçu.
Faut dire qu’il tombait assez mal. Dans le grand supermarché du rock, au rayon
heavy, les Guns’n’Roses vendaient des disques par millions, écrasant toute
velléité de concurrence. Même si Jane’s Addiction et les Gunners ne sont pas
vraiment concurrents.
Certes ils viennent tous les deux de Los Angeles et du
hard-rock des seventies, mais les similitudes s’arrêtent là. Ils deviendront
même incompatibles parmi ceux qui les citent comme références. Autant les Guns
ne sont finalement que le dernier stade de dégénérescence d’un show-biz à
l’américaine ultra-prévisible, autant Jane’s Addiction va devenir, sans l’avoir
vraiment cherché ou provoqué, le porte-drapeau de tous ceux qui veulent faire
du rock fort en gueule, mais rejettent tout son côté strass et paillettes.
Autant les premiers seront débinés par les tenants du tsunami grunge et du rock
indie en général (qui ont oublié au passage que « Appetite for
destruction » est un disque colossal), autant le groupe de Perry Farrell
deviendra le symbole d’un rock dur intransigeant et intègre.
Un peu à leur corps défendant, ils n’avaient rien au
départ de porte-drapeaux de quoi que ce soit. Il s’est toujours dégagé de ce
groupe des vibrations malsaines, dérangeantes. Ils ont toujours fait se côtoyer
des agressions frontales classiques, basiques, avec des titres plus sournois,
plus retors, et ont toujours préféré le choc des mots et des photos au boucan
des Marshall.
Jane’s Addiction, c’est pourtant nettement la famille
hard. Mais la section rythmique s’éloigne souvent des sentiers battus et des
chemins balisés du genre. Perry Farrell est un chanteur atypique, il n’a pas la
voix des ténors chevelus qui ont fait la légende du rock lourd, et cultive un
aspect physique androgyne loin des clichés machos de mise. Quant à Dave
Navarro, c’est tout simplement le dernier guitar-hero, caractériel misanthrope
et défoncé, débiné par beaucoup (et notamment les fans des souvent pénibles Red
Hot Chili Peppers), mais qui laisse une trace définitive sur tous les titres …
une sorte de Ritchie Blackmore version années 90 …
Tout ce côté atypique de Jane’s Addiction, on le découvre
d’entrée. Alors que n’importe qui essaie avec le premier titre d’accrocher
l’oreille de l’auditeur, on a ici un quasi instrumental tendu comme un string
de bimbo, la voix de Farrell est filtrée, et Navarro se signale déjà à
l’attention de ses contemporains par quelques descentes de manche
tarabiscotées. Par la suite, ça s’arrange pour ceux qui aiment le boucan,
« Ocean size » et « Had a Dad » (le premier zeppelinien en
diable, le second heavy bien saignant), ont de quoi contenter le headbanger de
base. Et de nouveau les Jane’s Addiction surprennent leur monde, embrayant sur
le titre le plus long du disque, « Ted, just admit it … », sorte de
planerie psyché et mystique, adressée à un serial-killer, avec un Farrell qui
se pose en conscience des victimes. On est quand même assez loin des odes
célébrant les gonzesses, les bagnoles et la picole de la plupart des concurrents.
Ce sont d’ailleurs ces digressions sonores, et ces écarts
aux « fondamentaux » littéraires du hard qui font de Jane’s Addiction
un groupe totalement à part dans son époque. Attention, ils ne font pas
n’importe quoi pour autant (enfin, si, il y a un titre heureusement très court
de swing jazz vers la fin), on sent bien qu’ils ont écouté et pas qu’une fois
l’intégrale de Led Zeppelin, et à ce titre « Standing in the shower
… » est le « Stairway du heaven » de ce disque, du moins par sa
construction. Musicalement aussi, on s’éloigne des sentiers archi-battus du
genre, un morceau comme « Janes says », tant par son titre que par
son côté acoustique, faisant inévitablement penser au Velvet Underground. Une
seule réserve, « Idiots rule », funk-rock (avec même des cuivres) à
la Red Hot Chili Peppers n’est pas réellement convaincant.
Transgressif, Jane’s Addiction ne l’est pas seulement par
son approche toute particulière du hard-rock, le groupe l’est aussi par des
visuels glauques ou dérangeants, comme cette photo de pochette avec ses deux
siamoises nues et en flammes, plus encore avec la peinture du suivant (Farrell en train de peloter deux femmes nues), le successful
« Ritual de lo habitual ».
Le groupe sera somme toute éphémère, et aura une existence
en pointillés avec épisodiquement des reformations (le dernière en date cette
année ne semble pas faire l’unanimité). Il faut dire qu’entre-temps Farrell
sera très occupé avec le festival indie, crossover et itinérant qu’il a monté
(Lollapalooza), tandis que de son côté Navarro, entre disques solos inégaux et
participations diverses (l’excellent « One hot minute », disque et
tournée avec les RHCP, étant la plus connue et allez savoir pourquoi, également
la plus controversée), fera beaucoup parler, pas toujours en bien …
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Ah, la tu parles enfin ziq !!
RépondreSupprimerFaudra que je m'achète Ritual de lo habitual" quand même un de ces quatres. "Been Caught Stealin'" quoi, merde !
"Ritual..." est par beaucoup considéré comme leur meilleur. C'est aussi mon avis ...
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