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MORRISSEY - VIVA HATE (1988)

L'héritier ?
Pas laisser les braises refroidir … c’est ce qui devait être le leitmotiv de Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servait de nom de scène en tant que chanteur des Smiths. Les Smiths, par ici, c’est quelque chose de totalement incompréhensible. Un groupe hors-norme en terme de succès entre 1984 et 1988. Un succès colossal mais qui n’a jamais dépassé le cadre de la perfide Albion. Anecdote archi-connue : une bande de fans révoltés par le silence et l’indifférence entourant en France leur groupe favori, se lance dans la publication d’un fanzine étoffé pour chanter ses louanges, et ainsi naîtront Les Inrocks …
Morrissey 1988
La séparation des Smiths en pleine gloire sera pour la jeunesse anglaise  un traumatisme comme celle des Beatles l’avait été pour leurs parents. Le premier à reparaître (six mois après la fin des Smiths) sera leur emblématique chanteur, icône plus ou moins cryptique (bien qu’il ne mâche parfois pas ses mots, voir plus bas) et équivoque (gay ? hétéro ? autre ? le mystère et les supputations iront bon train pendant des années).
Evidemment, la rupture est trop fraîche pour qu’il n’en reste pas des traces un peu partout sur ce « Viva hate ». Dans les paroles, peut-être, mais Morrissey n’a jamais été très « lisible ». Dans la musique aussi, il y a des traits qui ne se gomment pas facilement  (particulièrement flagrant sur les très smithiens « Bangali in platform » et « Late night, Mudlin Street »). Et puis, il y a cette voix, entre détachement et arrogance, brumeuse et claire à la fois, si facilement identifiable …
Pour son « émancipation », Morrissey a choisi une configuration réduite. Il laisse une grande place (des instruments, la co-écriture, et la production, rien que çà …) à Stephen Street, les deux hommes se connaissent, Street a produit les trois derniers disques des Smiths (avant d’être aux manettes de la plupart des galettes de Blur). Une collaboration qui est aussi une façon de marquer la « continuité » de la trademark Smiths. Mais les Smiths, c’était aussi la guitare « ligne claire » de Johnny Marr, et là Morrissey va partir dans une direction sonore très différente, en embauchant Viny Reilly, l’assez strident gratteux des Durutti Column. Assumer l’héritage et marquer sa différence (les bisbilles, les rancœurs et les haines s’avèreront multiples et tenaces entre les anciens Smiths), tel est le challenge de Morrissey.
Stephen Street & Morrissey
En partie réussi, parce que c’est malgré tout dans la continuité. En partie raté pour la même raison. Malgré deux hits (« Suedehead », qui deviendra un des surnoms de Morrissey, son plus connu demeurant quand même Mozz, et le très kinksien « Everyday is like Sunday »), il n’y a pas dans ce « Viva hate » de titres aussi fulgurants que ceux que l’on trouvait chez les Smiths. Les Smiths, difficile de faire plus anglais, et Morrissey en solo est foncièrement dans la même veine. Alors les brouillages de cartes du début du disque laissent une impression mitigée on n’y croit pas trop aux breaks de batterie, aux guitares plaintives et aux ambiances hindouisantes de l’inaugural « Alsatian cousin », pas plus qu’à la rythmique tournoyante et très psyché de « Little mann what now ? » qui a parfois des faux airs du « White rabbit » de l’Airplane.
Par contre, c’est quand Morrissey fait ce qu’on l’on attend de lui, et finalement ce qu’il sait faire le mieux, qu’il est le plus convaincant, toutes ces ballades brumeuses et automnales qui constituent l’ossature du disque et auxquelles son timbre vocal convient parfaitement. Et puis, comme un signe de la direction qu’il va prendre (il va s’acoquiner avec Mick Ronson, oui, oui, celui des Spiders de Bowie, et sortir avec lui une paire de disques de revival glam), un morceau envoie le bois tout en guitares rageuses et up-tempo (« I don’t mind … »). Mais c’est finalement le dernier titre du disque qui fera couler le plus d’encre, le très direct « Margaret on the guillotine ». Rappelons que la funeste Thatcher était encore Premier Ministre en 1988, et que ce titre n’a rien à voir avec le poétique « The Queen is dead » des Smiths. « Margaret … » c’est frontal, brut et sans fioritures sur un fond très dépouillé. Morrissey montre qu’il se souvient de ses origines populaires et que son public, cette jeunesse qui adule le chanteur des Smiths en a aussi pris plein la gueule pendant une décennie. Morrissey paiera cher ce titre, et quelques années plus tard, quand il se perdra dans une syntaxe équivoque (« National Front Disco »), la presse conservatrice le massacrera et brisera quasiment sa carrière …
La pochette de 1988
Il n’empêche que pendant quelques années, Morrissey récupèrera seul une partie de l’ancien succès des Smiths (Marr sera beaucoup plus discret et sa médiatisée collaboration avec Sumner de New Order dans Electronic sera un fiasco artistique et commercial, quand à Rourke et Joyce, ils seront encore plus discrets et oubliés).

Sur la réédition de 1997 (la pochette en haut, l’originale de 1988 est différente) huit morceaux ont été rajoutés en un vaste foutoir (des époques différentes, à dominante de ballades pas toujours transcendantes et malgré une paire de courts titres toutes guitares en avant produits par Ronson) et plutôt que de bonus, on pourrait les qualifier de titres malus …

Du même sur ce blog :


SIMPLE MINDS - NEW GOLD DREAM (81-82-83-84) (1982)

Stars des années 80 ...
Je l’écris en tout petit, mais bon, à l’époque, j’ai écouté les Simple Minds. Je trouvais même ça pas trop mal. Pas aussi bien, loin de là, que les Cramps, le Gun Club, les Fleshtones et d’autres cohortes d’obscurs garage bands. Mais nettement mieux que tout un tas de daubes qui commençaient à pulluler.
Simple Minds 82
Mais voilà, trente après, ça fait quand même mal aux oreilles les Simples d’Esprit. Et encore, là, avec ce « New gold dream », ils faisaient un grand bond qualitatif en avant. Faut dire qu’ils (re)venaient de loin, du trouble marigot où s’ébrouaient des contingents de new-waveux cold-waveux. Mais là, tout d’un coup, avec quelques autres dont leurs potes de U2, ils allaient se retrouver en haut de l’affiche. A coups de grandes chansons conçues comme des hymnes, de messages « positifs », de refrains à reprendre en chœur dans les stades, parce que in fine, c’est de çà qu’ils rêvaient (et les majors derrière eux), ces vastes communions dans des endroits de plus en plus gigantesques, où toutes les stars de la décennie allaient finir. Le retour aux grands raouts sixties, alors que depuis quelques années, grâce au pub-rock et au punk, la musique était revenue dans les petites salles conviviales, seules quelques superstars vieillissantes (les Who, les Stones, Queen, …) se produisaient dans les stades.
Les Simple Minds de « New gold dream », c’est un peu l’avènement du « gros son », ce mirage du message qui passe mieux quand c’est joué plus fort, et dans lequel tous (de Springsteen à Tears for Fears, de Bowie à Cyndi Lauper) allaient se fourvoyer dans cette maudite décennie, toutes grosses caisses de batterie en avant et pléthore d’arrangements pompiers. Simple Minds, ça cogne. Enfin, ça commence, ce sera pire sur le suivant « Once upon a time ». Ici, le groupe hésite encore, le cul entre deux chaises, entre new wave à synthés (y’en a partout, en « nappes », comme on disait à l’époque, ils sont aussi en avant que la batterie et la voix comme il se doit de stentor du chanteur), et rythmiques rentre-dedans beaucoup plus « rock ». Curieux de voir, au vu de l’évolution future du groupe, qui deviendra un duo avec des sessionmen, que l’un des deux leaders en puissance, le guitariste Charlie Burchill, est quasiment inaudible tout au long du disque. Ce sont des accords de synthé et pas des riffs de guitare qui font monter la température dans les morceaux.
Jim Kerr 1982
Lesquels morceaux commencent à s’allonger, comme une répétition ad lib d’un message. Quasi tous dépassent les cinq minutes. Le frontman du groupe, le chanteur Jim Kerr, à grands coups de brailleries « concernées » et de poses christiques, va devenir une des superstars de la décennie. Trois hits, et pas des petits, de ceux qu’on entendait vraiment à la radio, seront extraits du disque, « Someone somewhere in Summertime », « Glittering prize », et le gros carton « Promised you a miracle ». Aujourd’hui, ça me donne l’impression d’hymnes pompiers renforcés par de gros gimmicks vulgaires de synthé ou de batterie, avec des montées tout en puissance vers le refrain braillé comme un slogan. Le problème vient tout autant des autres titres, bâtis sur le même modèle, bien résumé par « Big sleep », on ne peut mieux nommé.
Le genre de skeud tout juste intéressant pour une soirée à thème sur les « fabuleuses » années 80 dont quelques sourds quadra-quinqua se délectent encore.
Enfin, une question essentielle me turlupine. Comment Chrissie Hynde (putain, Chrissie Hynde, quand même) a t-elle pu divorcer de Ray Davies (putain le Ray Davies des Kinks, le meilleur auteur anglais des cinquante dernières années) pour aller épouser ce tocard de Jim Kerr ?
Ouais, Chrissie, pourquoi t’as fait ça ?

MADNESS - COMPLETE MADNESS (1982)

Juste un petit grain de folie ...
Pour quasiment tout le monde, Madness se résume à un titre, « One step beyond ». Rabâché, et même encore de nos jours, jusqu’à l’écœurement. Symbole du ska dit festif, avec en filigrane la vision de ces horribles multitudes de groupes du genre qui squattent les après-midi de festivals provinciaux, aussi vite chiants que les fuckin’ bandas du Sud-Ouest …
Madness, c’est pas que « One step beyond ». Le groupe, après quelques années de mise en sommeil s’est reformé quasiment dans son line-up original et demeure une institution. En Angleterre uniquement. Parce que Madness est un groupe typiquement anglais, autant qu’avait pu l’être à la même époque de leurs débuts le trépassé Ian Dury et ses Blockheads. Madness viennent d’un quartier populaire de Londres (Camden Town), et ont savamment entretenu cet aspect cockney-potache-loufoque inné chez eux.

Madness, c’est en 79 la tête d’affiche commerciale du ska, ceux qui ont fait exploser la reconnaissance commerciale du mouvement (« One step … » donc, leur second 45T). Laissant aux Specials le meilleur disque du genre, mais entamant pour leur part à coups de singles malins la conquête régulière des charts. Au bout de deux ans, le ska revival aura fait long feu, faute de combattants (l’essentiel des groupes de la mouvance, y compris les Specials, ont disparu), et la mode est passée à autre chose (les gothiques, la synth-pop, le post-tout-ce-qu’on-veut, …). Madness vont perdurer, en gros une décennie, grâce à un virage pop. Sans se « vendre ». Le groupe a eu la chance de compter en son sein trois, voire quatre auteurs capables de pondre des rengaines putes juste ce qu’il faut pour avoir du succès, mais sacrément efficaces.
Ce « Complete Madness » est paru en 1982, soit trois ans et trois disques après leurs débuts. Ce qui est un timing rapide, mais il faut battre le fer etc …, n’est-ce pas Messieurs les comptables de chez Warner ? Pas de bol, mais personne pouvait savoir, juste avant leur meilleur disque « The rise and fall ». Pas malin non plus, le tracklisting, qui mêle les titres sans tenir compte de la chronologie, et vu que Madness est un groupe qui a évolué dans le bon sens du terme, c’est vraiment pas une bonne idée. Démago, le sous-titre d’origine « 16 hit tracks » (judicieusement supprimé des rééditions) est bien évidemment plus qu’optimiste par rapport à la réalité, d’ailleurs certains titres sont même pas sortis en single.
On trouve donc du ska. Plus exactement ce qu’on appelait du ska en Angleterre et par extension ailleurs dans le monde civilisé, à savoir des choses s’inspirant certes du ska jamaïcain fin 60’s – début 70’s, mais couplé à du reggae, du dub, du toasting, de l’accélération du tempo liée à l’énergie plus ou moins punk de l’époque, le tout dans un format concis (3 minutes maxi). Sont donc de la revue outre l’incontournable « One step beyond », des choses comme « Baggy trousers », « Night boat to Cairo », « The Prince », « Madness », ce qui permet de noter que les Madness sont vraiment des fans ultimes d’une des grandes figures du ska jamaïcain, Prince Buster, puisqu’un titre lui est dédié (« The Prince ») et qu’ils en reprennent deux autres ( « Madness », qui leur donnera leur nom de scène, et « One step beyond », ben oui, c’est pas d’eux).
Ensuite, c’est un peu tout, et aussi n’importe quoi. Du plus ou moins second degré (« The return of the Las Palmas 7 », improbable hybride instrumental entre merengue et calypso), de l’humour macabre (« Cardiac arrest », un des titres les plus enjoués, parle d’un type en train de claquer d’un infarctus), de la pochade fainéante (« In the city » est extrapolé à partir d’un jingle de pub qu’ils avaient écrit pour une bagnole japonaise), de l’hommage certainement sincère à un méconnu poète et musicien anglais d’origine nigériane Labbi Siffre à travers la reprise de son « It must be love » (bonne cover, truffée d’arrangements intéressants de classique et de big band jazz). Cette compile montre aussi la lucidité de gars qui se sentent enfermés dans un style qu’ils pressentent éphémères et qui se retournent vers les bases de la musique anglaise, la pop de qualité. Même si le propos est parfois encore un peu gauche quand ils créent eux-mêmes (« Embarassment », « Shut up »), les choses sont bien meilleures quand ils « s’inspirent » pour pas dire plus (ils sont honnêtes les gars de Madness, ils le reconnaissent dans les courtes mais intéressantes notes du livret) de choses existantes. Ainsi le meilleur titre du disque, « My girl » doit beaucoup au « Watching the detectives » d’Elvis Costello et « Grey day » au schéma rythmique du « Bogus man » de Roxy Music.

On l’aura compris, cette compile d’époque n’a qu’un intérêt somme toute limité, présentant un bon point de vue de leurs premières années, qui sans être à renier ou à rejeter, ne sont pas forcément leurs meilleures. Leurs masterpieces sont encore à venir, même si leur discographie des années 80 est à envisager avec circonspection, beaucoup de choses étant sacrifiées à l’air sonore du temps pour pérenniser un succès qui ne se démentira pas chez leurs compatriotes …


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NEW ORDER - BROTHERHOOD (1986)

Danse et décadence ...
A quoi sert un Cd de New Order ? A rien si on suit le groupe au pied de la lettre. New Order c’est les champions du vinyle maxi 45T. Enfin les champions anglais, le reste du monde, pas con, s’étant prudemment tenu à l’écart des rengaines molles des Mancuniens.
Grosse fatigue ...
New Order, c’est les Doors sans Jim Morrison, plus exactement Joy Division sans le pendu Ian Curtis. Ça boxe pas dans la même catégorie. Bon, ils ont changé le nom, y’a pas matière à procès, même pas d’intention. Et comme je crois pas du tout aux bonnes étoiles et pas trop au hasard, s’ils ont fait partie des plus gros vendeurs de disques des 80’s, ça prouve que des gens les ont achetés (suivez la puissance du raisonnement), et que le groupe a su être au bon endroit au bon moment.
L’endroit et le moment, c’était le milieu des années 80 dans leur club l’Hacienda à Manchester. Une boîte ouverte en investissant l’argent de leurs disques, où se sont succédé aux platines le gotha des DJ’s mondiaux, et dont les clients assidus ont fondé les groupes et sorti les disques les plus intéressants de la fin de la décennie, la fameuse vague Madchester. L’Hacienda était également un repaire de toxicos et de dealers, et de fermetures administratives en amendes, a fini par faire faillite, tout comme le courant électro-dance-machin dont elle était à l’origine.
Grosse fatigue (bis) ...
C’est dans l’Hacienda que les New Order ont trouvé la matière essentielle de leur son, habile recyclage de tous les bruits étranges et novateurs qui sortaient de la sono du lieu. Les maxis de New Order ont engendré bien des vocations, avec des suiveurs qui se sont bien souvent révélés supérieurs à leur modèle.

Tout ça pour en revenir à ce « Brotherhood » qui casse pas des briques. Certes, il y a le petit hit « Bizarre Love Triangle » (joke à multiples niveaux), mais en version courte, radiophonique et « familiale », celle du maxi (sur la compile « Substance ») est meilleure. Pour le reste, « Botherhood » est un disque de synth-pop tout ce qu’il y a de conventionnel, typique des New Order et de leur « âge d’or ». A savoir ces rythmes dansants de constipés, fais pour bouger les bras et pas le bassin, ce qui change tout. Des titres comme « Weirdo » (plus enlevé et mélodique que la moyenne), « Broken promise » et ses gimmicks accrocheurs, l’amusant « All day long » avec sa guitare surf au ralenti, surnagent pour moi du lot. Le reste (une grosse moitié du Cd) se situe dans la moyenne générale des productions du genre à cette époque-là, pas de quoi se relever la nuit. Enfin, une question que je me pose, comment les New Order ont-ils fait pour éviter le procès, tant le dernier titre « Every little counts » est entièrement pompé (ligne de basse, mélodie fredonnée) sur le « Walk on the wild side »  de Lou Reed ?

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Substance


BOB DYLAN - OH MERCY (1989)

Le disque à Lanois ...
N’en déplaise aux fans (il en faut, mais leur avis ne vaut rien, ils ne sont pas lucides), depuis sa doublette ô combien magique du milieu des sixties (« Highway 61 revisited » / « Blonde on blonde »), Dylan n’avait sorti en cette fin des 80’s que deux disques dignes de sa réputation (« Blood on the tracks » en 1975, « Infidels » en 1983) … sur au moins une vingtaine de parutions tant en live qu’en studio. Ce qui fait pas une bonne moyenne.
En gros, Dylan était à la rue artistiquement. Il s’en foutait peut-être, il s’en foutait sûrement, mais il était out. Pire, à part des folkeux attardés dans un autre espace-temps, genre Billy Bragg, plus personne débarquant dans le trouble marigot du music-business ne le citait. Ses deux dernières parutions, « Down in the groove » en studio et le live « Dylan & The Dead » avaient été deux flops tant critique que commercial retentissants. Dylan, pas plus sourd ni plus con qu’un autre, le savait. Et comme souvent quand il se sent largué, il va tenter un coup de poker. Va se livrer pieds et poings liés (enfin, pas aussi facilement, les premières prises de contact et séances d’enregistrement ont soi-disant été houleuses) à un jeune producteur canadien, Daniel Lanois, alors sur un nuage. Lanois vient de produire des disques qui ont démesurément cartonné pour Peter Gabriel (« So ») et U2 (« Joshua tree »), bosse sur le « Yellow moon » des Neville Brothers (c’est pendant les séances de ce disque que Dylan viendra l’observer et en profitera pour recruter quelques musiciens). Lanois, c’est le type à total contre-courant de la tendance des 80’s. Non pas qu’il n’utilise pas toutes les technologies high-tech, mais il s’en sert juste pour sonner « rustique ». Les disques produits par Lanois donnent la priorité au feeling et aux instruments en bois.
Daniel Lanois fin des 80's
« Oh mercy » va être salué comme le disque de la (énième) renaissance de Dylan. Lanois y est certes pour beaucoup (il joue aussi, surtout de la guitare sous toutes ses formes, sur pratiquement tous les titres). Mais il faut aussi reconnaître à Dylan le mérite d’avoir sorti on ne sait trop d’où ni comment un paquet de compositions qui tiennent la route.
« Oh mercy » est un disque qui fait semblant de se chercher, d’hésiter entre deux directions. Les quatre premiers titres présentent en alternance des ballades folk d’inspiration très 60’s (« When teardrops fall », « Ring them bells ») et des choses beaucoup plus chaloupées, remuantes, swinguantes, le groove New Orleans revisité par Dylan (l’inaugural « Political world », « Everything is broken »). Le lien entre les deux tendances est assuré par la mise en place sonore de Lanois, ça sonne cool, tranquille, apaisé, la jam à la belle étoile à côté d’un feu de camp, asseyez-vous en cercle, Papy Dylan va vous en raconter une bonne … Le côté « funky » (même si Dylan et funky sont antinomiques, Dylan est tout sauf funky) ne réapparaîtra qu’à l’avant-dernier titre (« What was it you wanted », avant un final (« Shooting star ») plutôt rock (mais le rock revisité par Lanois, c’en est pas vraiment) très dans le son et l’esprit de « Infidels ».
Le cœur de « Oh mercy », c’est la ballade folk tranquille, Dylan retrouve d’ailleurs souvent son harmonica. C’est du Dylan, on peut pas se tromper, mais il y a un aspect détendu peu fréquent chez lui. C’est aussi (le boulot de Lanois est colossal) une façon de chanter, de faire reposer les titres sur sa voix, à laquelle on n’était pas habitué. Dylan, qui n’a jamais eu une voix agréable, et qui se complaisait dans les tonalités (per)sifflantes, arrogantes, commence à avoir cette sonorité très rauque assez pénible qui ne le quittera désormais plus. Là, sur ce « Oh mercy », il n’hésite pas à la mettre en avant. De toutes façons, il a pas vraiment le choix, l’instrumentation est souvent limitée à sa portion la plus congrue, et ça se joue à rien : « What good I am » pour moi ne « passe » pas, la voix de Dylan ne s’appuie sur pratiquement rien, elle agit comme un repoussoir. Il suffit de pas grand-chose (des arrangements d’orgue, un petit solo de guitare bluesy à l’arrière plan) pour qu’un titre très voisin (« Disease of conceit ») apparaisse beaucoup plus réussi.
Et puis, il y a deux titres somptueux, « Man in the long black coat » (la ballade a minima hors d’âge, ça a l’air tout con, beaucoup s’essayent à ce genre d’exercice, peu le réussissent), et « Most of the time » (mélodie calée sur une superbe ligne de basse et des nappes de synthé, c’est évident et original en même temps). Le genre de titres en état de grâce que l’on croyait ne plus entendre de Dylan.

On le sentait à nouveau concerné, capable de refaire de bons disques, les fans y ont cru dur comme fer. Ce sera pour lui l’occasion de partir dans une fuite sans fin en avant (en avant, hum … pas toujours, malheureusement) pour le bien nommé « Neverending Tour », Dylan n’envisageant plus l’avenir que façon baladin (son job c’est être sur une scène quasiment tous les soirs et chanter, jusqu’à ce que mort s’ensuive, et ça fait vingt-cinq ans que ça dure). Par contre dans sa discographie, ce très bon « Oh mercy » restera sans suite digne de ce nom dans les 90’s, avant un virage folk-blues qui n’en finit plus de diviser les dylanmaniacs entamé par « Time out of mind » (moi j’aime bien voire plus, mais comme je suis pas fan de Dylan, mon avis compte pas non plus …).

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LITTLE BOB STORY - RINGOLEVIO (1987)

Little Boss ...
Bon, comment dire …déjà que les disques de Little Bob, c’est matière assez rare (non pas qu’il en ait pas sorti beaucoup, mais c’est pas le genre de « catalogue » qu’on réédite) et à un prix délirant (généralement d’occase qui plus est), y’a comme chez tous du déchet. Dont ce « Ringolevio ». Sachant tout de même que les déchets de Little Bob (avec ou sans la Story), ça vaut bien les Best of de la plupart.
« Ringolevio », c’est d’abord un bouquin de l’écrivain américain « culte » Emmett Grogan. Bouquin que j’ai pas lu, donc ça m’évitera de m’embourber dans un parallèle avec le disque. Ce que je sais, c’est que Little Bob et sa Story, on peut pas les accuser de faire du rock intello, c’est pas le côté littéraire de leur truc qui passe en priorité. Little Bob, de toutes façons le studio et ses disques il s’en fout un peu, ce qui compte c’est la scène, où là, franchement, y’a rien à dire, depuis presque quarante ans il donne tout, que ce soit devant une centaine de personnes ou … une centaine de personnes. Tout son problème, ce petit bonhomme est connu, apprécié et respecté (c’est pas une curiosité rock’n’rollante exotique à la Johnny), par tout un tas de zicos anglais ou américains qui vendent infiniment plus de disques que lui, tandis que lui, Little Bob, il n’a eu au mieux que des « succès d’estime », et encore je suis gentil.
Little Bob Story 1987
Ce petit bout de rocker haut comme trois boots Anello & Davide, fut et demeure respecté par les scènes pub-rock et punk anglaises, et quand il va enregistrer aux Etats-Unis, jouent sur son disque (« Rendez-vous in Angel City » 1989) des gens comme Steve Hunter (Mott The Hoople), Kenny Margolis (Mink/Willy DeVille), Dave Alvin (Blasters), Charlie Sexton (Bob Dylan Band), Eddie Munoz (Plimsouls), … Pas mal pour un type quasi inconnu en France … Et sur ce « Ringolevio » en intro du premier titre éponyme (qui par ailleurs casse pas des briques), y’a la douce voix de castrat de Lemmy qui éructe un tonitruant « Listen up, sons of bitches, Little Bob is gonna to tell you a story ». Parce que quand Little Bob est en ville, Le Moteur en Chef vient lui serrer la paluche.
« Ringolevio », le dernier disque de l’historique Story a donc été enregistré à Londres. Et inconsciemment ou pas, il sonne comme un baroud d’honneur. Little Bob et sa bande vont laisser de côté cet éminemment sympathique côté crasseux, bordélique, tout aux tripes et au feeling qui caractérisait ses disques pour se « payer » le gros son de l’époque. Celui de la fin des années 80, grosses batteries sophistiquées en avant, riffs hardos, potards sur onze, son FM, … Résultat, c’est bien joué, putain de bien chanté, mais ça va aussi bien à Little Bob qu’une sonnerie « Helter Skelter » sur le portable de Christine Boutin… « Shadow lane », on dirait du Foreigner, « Life goes on », c’est juste bourrin, « Crosses on the hill », on dirait un slow des Scorpions, et la reprise du classique « Hush » ne fera pas partie de celles qui resteront dans les annales. Et mine de rien, on en est déjà à la moitié du skeud.
LBS et le producteur Hervé Deplasse (1er à gauche) 
Heureusement, ça s’arrange dans la seconde moitié, on laisse tomber le côté hard à deux balles pour revenir vers des choses beaucoup plus classic rock, soul, rhythm’n’blues. On n’est pas loin de l’axe Springsteen – Seger avec des titres comme « Sad song » et « Roads of freedom » (ce dernier, on jurerait vraiment du Springsteen d’entre les deux « Born .. »). D’autres fois, ça ressemble aux Cars (sans les tonnes de synthés) le temps d’un « Tell everybody the truth », « Motorcycle song » démarre comme un rock épique, mais dure moins de trois minutes et laisse sur notre faim, et les bonnes idées de « Green back dollar » sont gâchées par ce maudit son hardos FM.
On l’aura compris, « Ringolevio » n’est pas le disque que les livres d’Histoire retiendront comme l’œuvre essentielle de Little Bob (avec ou sans la Story). Il colle à son époque comme un vieux chewing-gum, et malgré cet effort « d’ouverture » n’aura pas plus de succès que ses prédécesseurs.
« Ringolevio » a été réédité avec en bonus les quatre titres d’un EP précédent (« Cover girl »), titres sympathiques très orientés soul-rhythm’n’blues (cuivres, chœurs féminins en plus de la Story), mais qui eux non plus ne font pas partie des choses essentielles à retenir de Little Bob.

Alors plutôt que de chercher cette rondelle ou les autres à des prix plus que prohibitifs, allez le voir en concert (faudra quand même pas trop tarder, il va avoir 70 balais), et là vous allez vous prendre une heure et demie de rock’n’soul  total par un des plus grands shouters blancs de sa génération …

IRON MAIDEN - THE NUMBER OF THE BEAST (1982)

Working class hardos ...
Voir Iron Maiden aujourd’hui cité comme un des groupes de rock les plus populaires du monde, et le numéro un des groupes hard-metal-heavy-machin …, me semble tenir du prodige, et relève pour moi de l’incompréhension la plus totale. Jamais rien trouvé d’extraordinaire aux skeuds de ces satanistes de bande dessinée. Enfin, les disques studio, parce que les live, chez Maiden, c’est mieux, ça déménage vraiment. C’est peut-être pas en finesses et en nuances, mais ça déménage.

Il y a chez ce groupe une volonté, un acharnement, à bien faire son « métier », à essayer de faire mieux que ce que l’on attend d’eux. Des bosseurs forcenés, partis de rien ou pas grand-chose, et qui presque quarante ans après leurs débuts, enquillent les tournées mondiales (les vraies tournées mondiales, pas seulement Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon et Australie, les Maiden jouent dans des stades pleins en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe de l’Est, et si un promoteur leur propose un concert sur la banquise ou la Lune, c’est sûr qu’il iront y jouer …) aux bénéfices colossaux. Faut le faire, les semaines d’interviews de promo aux quatre coins de la planète, les émissions de télé, les show cases, les séances de dédicace dans les endroits les plus improbables, et puis après ça, un an et demi all around the world pour plus d’une centaine de concerts gigantesques. Et au final, guère étonnant que ce soit des hardeux en général qui y arrivent, et Maiden en particulier. Depuis toujours, ces types rabâchent à longueur d’interviews les mots « travail » et « respect des fans ». Et c’est pas juste un vocabulaire cynique de com. Les Maiden, je suis persuadé qu’ils aiment leur job, et ils ne rechignent jamais à en faire toujours plus pour que le fan de base en ait pour son pognon …
« The number of the beast », c’est leur troisième disque, celui qui les a fait passer d’espoir quincailler à un des noms qui compte de la métallurgie lourde. Leur meilleur disent même certains fans. Celui des hits (oui, oui, on entendait « Run to the hills » à la radio), et des classiques célébrés depuis des décennies en concert (« Number of the beast », « Children of the damned », « 22 Acacia Avenue »). Maiden c’est avant toute chose Steve Harris, le bassiste compositeur quasi exclusif, incontesté leader discret. D’ailleurs discrets, ils l’ont toujours été, peut-être par la force des choses, parce qu’ils ont  pas vraiment les moyens de flamber. Simples (ou malins, allez savoir), ils ne se présentent pas en héros supra galactiques, ils sont avec leurs baskets, leurs jeans et leurs cuirs fringués comme le hardeux de base. Point de héros du micro (Dickinson, qui fait son entrée dans Maiden à l’occasion de ce disque, est un braillard correct, mais sans charisme ni talent). Les deux guitaristes (Murray et Smith), il viendrait à l’idée de personne de les citer dans un Top 100 des guitar-heroes, le batteur, ils vont après ce « Number … » faire un échange-standard avec celui de Trust. Des stars quasi anonymes, quoi …

Iron Maiden, ils ont pas inventé grand-chose (pour être aimable). Le rejet absolu de tout ce qui viendrait du blues ou du rock’n’roll comme préalable (quoique l’intro de « 22 Acacia Avenue est entièrement pompée sur le « Friday on my mind » des Easybeats, le groupe 60’s du frère aîné d’Angus Young), les morceaux qui finissent toujours en forme de cavalcade épique, et des emprunts guère discrets au classique symphonique ou à son avatar pour les sourds, le prog. Rien de surprenant dans l’écriture, les titres courts et rapides, les titres longs en forme d’épopée électrique, les titres qui commencent lentement pour finir à donf, et ceux qui commencent vite pour finir à donf, et Martin Birch (l’historique producteur du « In rock » de Purple) aux manettes. Les généalogistes de la chose métallique parlent de Maiden comme des précurseurs du speed ou du trash … bâillements. Quelques références guère finaudes à de la messe noire de pacotille et du satanisme de supérette leur vaudront malgré tout d’être qualifiés de diaboliques par quelques prêcheurs idiots (pléonasme). Et leurs pochettes toutes plus moches les unes que les autres avec leur mascotte, le zombie décharné Eddie, ravissent les porteurs de vestes jeans patchées avec leur tignasse au vent …

Maiden, c’est du hard un peu con et bourrin de base. Rien d’ignoble, mais pas de quoi se relever la nuit …

Des mêmes sur ce blog :



ETIENNE CHATILIEZ - LA VIE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE (1988)

"Filmé avec les pieds ..."
C’est Chatiliez lui-même qui le dit. Réalisateur de publicités, « La vie … » est son premier long métrage. Pour lequel il a eu pas mal de problèmes pour trouver un financement (y’en a quelques-uns qui ont du s’en mordre les doigts jusqu’aux coudes, vu le carton commercial réalisé). Alors c’est fait avec les moyens du bord. Low budget, en décors naturels, et pas de mouvements sophistiqués de caméra.
Gélin & Hiegel
« La vie … » est une comédie tout public certes. Mais d’une férocité et d’une finesse jubilatoires. Tout le monde morfle, les prolos, les bourges, les jeunes, les vieux, les cathos, les notables, … Car avant d’être un film, « La vie … » est un scénario longtemps peaufiné par Chatiliez et Florence Quentin, et une minutieuse préparation du tournage. Débutant peut-être Chatiliez, mais pas dilettante, la moindre réplique, le moindre vêtement ou accessoire ne sont pas là par hasard. Et alors que dans la plupart des comédies grand public, tout le monde cabotine ou improvise, toute la gestuelle, toutes les répliques, étaient écrites.
Il y a dans « La vie … » une galerie de portraits exceptionnelle, tellement caricaturaux qu’ils ont l’air plus vrais que nature. Bien sûr, on peut trouver des similitudes avec le style Hara-Kiri (le côté foune-scato dans lequel se vautraient souvent complaisamment Choron et sa clique en moins), ou certaines BD « sociales » de Reiser, Wolinski (toujours la connexion Hara-Kiri), les Bidochon de Binet. En plus, dans « La vie … », il n’y a pas vraiment de héros ou de personnage principal. Trop difficile selon Chatiliez de tout faire reposer sur les épaules des enfants (en plus ils sont tous absolument débutants), même s’il sont le cœur de l’histoire. Il y a donc beaucoup de personnages secondaires, mais tous participent à la comédie globale.
Famille Groseille
C’est d’ailleurs  une relation extra-conjugale entre une infirmière (Catherine Hiegel) et un gynécologue (un énorme numéro de Daniel Gélin) qui est le point de départ de toute la mécanique du film, les deux ne sont présents que dans le premier quart du film (et dans la dernière scène, sur fond de « Paris en colère » par la très improbable Mireille Mathieu). Après une humiliation par son amant odieux, l’infirmière échange les berceaux de deux nouveaux-nés. L’un est de la famille Groseille (prolos, chômeurs, fainéants, alcoolos et vulgaires entre autres), l’autre de la famille Le Quesnoy (lui directeur régional EDF, aristo consanguin fin de race perclus de tics, elle grenouille de bénitier, les deux se vouvoient). Une dizaine d’années plus tard, et une énième humiliation plus tard, l’infirmière balance tout, à son amant, et aux deux familles. Les Le Quesnoy décident d’acheter aux Groseille leur véritable fils (Benoît Magimel), tout en gardant celle qui n’est pas leur vraie fille. L’occasion pour les Groseille (ils en sont pas à un gosse près, tout comme les Le Quesnoy, c’est une famille nombreuse) de flamber quelque temps avec ce pactole inespéré, qui les rend plus fainéants, plus alcoolos et plus vulgaires. Et chez les Le Quesnoy, la situation va vite se dégrader, sous l’impulsion du nouvel enfant arrivant, qui n’oublie pas d’où il vient …
Bouchitey, Vincent & Wilms
L’histoire, on s’en fout un peu, d’ailleurs dans le film, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment d’épilogue. C’est avant tout l’occasion de voir des tranches de vie des différents protagonistes, des dialogues fantastiques, lunaires, des mimiques désopilantes. Des répliques sont devenues cultes (l’enjoué « Le lundi, c’est raviolis », les fameux « La salope, la salope, … » de Daniel Gélin, l’inattendu « Vous me faites bander, Marielle » tout en haussements d’épaules incontrôlés de Le Quesnoy à sa femme totalement à l’ouest, ayant viré dépressive et poivrote, …). Les enfants sont plutôt bons (seul Magimel fera carrière par la suite, et dans une moindre mesure Tara Römer, son « frère » Groseille), leurs parents hilarants (André Wilms venu du théâtre subventionné et Hélène Vincent sont parfaits dans le couple Le Quesnoy, Christine Pignet – Mme Groseille truculente à souhait). Les seconds rôles ne sont pas en reste, avec mention particulière à Catherine Jacob (Marie-Thérèse, servante-Immaculée Conception des Le Quesnoy) et Patrick Bouchitey (le père Aubergé, curé obséquieux, et interprète de l’impérissable « Jésus reviens »).
Le film est fait avec des bouts de ficelle, la plupart des fringues vintage ayant été amenées par l’équipe, les figurants ou ceux qui n’ont qu’une brève réplique sont des techniciens du plateau ou des potes de Chatiliez. « La vie … » a été tourné dans le Nord (comme quoi, on peut y tourner des comédies autrement plus drôles que « Bienvenue chez les Ch’tis »), région d’où est originaire Chatiliez, pour ne pas ajouter au stress du premier film celui du dépaysement.
Et il est quand même réjouissant de constater, que même dans la fiction, des fils de bourges et de prolos peuvent se retrouver pour une séance de piscine (et de descente de bières) sauvage, ou dans un garage pour sniffer de la colle à rustines …
« Oh putain, Dédée elle en tient une bonne, elle va aller mettre la viande dans le torchon … ».
Film culte … et vraiment drôle …


N.W.A. - STRAIGHT OUTTA COMPTON (1989)

Revolution rap ...
Probablement le disque de rap le plus crucial qui soit. Celui qui bouleverse tout, surtout les habitudes et les a priori…
Les Niggers With Attitude viennent de Compton, le bled le plus pourri de South (Central) Los Angeles, alors que le rap était jusque là quasi exclusivement new-yorkais. Les NWA vont tenir un discours radical, en dehors de toutes les lois et convenances, alors que sur la Côte Est (Public Enemy, le collectif des Native Tongues, KRS 1, …) le rap s’inscrivait dans une démarche politique et « consciente » beaucoup plus traditionnelle.

Lors des premiers pas de NWA, le leader, celui qui focalise l’attention, c’est Eazy-E, au passé de trafiquant de came bien chargé, et qui a déjà mis en place un label indépendant (Ruthless Records), alternative aux majors du disque. C’est Eazy-E qui va « recruter » les autres membres de NWA, le fils de bonne famille Ice Cube, le rappeur MC Ren, et les deux DJ, Yella  et Dr Dre qui s’occuperont de la mise en place sonore.
Les trois premiers morceaux du Cd (« Straight outta Compton », « Fuck tha police » et « Gangsta gangsta ») constituent une présentation et une profession de foi inégalable. L’appartenance à un milieu social et géographique assez terrifiant, la dénégation de toutes formes d’ordre et d’autorité venus du pouvoir blanc, la mise en place de codes comportementaux parallèles, tout est dit dans ce brelan de titres …
Le succès du disque provoquera une onde de choc qui va balayer tout ce que le rap avait mis en place depuis dix ans. Plus rien ne sera comme avant, le centre de gravité du mouvement va basculer vers la Côte Est, et le gangsta rap va devenir incontournable. Evidemment, tout ne va pas être rose. NWA va très vite exploser, d’abord Ice Cube puis dans la foulée Dre partiront ou seront virés par Eazy-E. Le contrôle financier des subsides conséquents du rap va entraîner une guerre des labels (Dre fondera Death Row avec le truand Suge Knight pour contrecarrer Ruthless). Les déclarations haineuses des protagonistes jusqu’à la mort en 95 d’Eazy-E occuperont le devant de la scène médiatique, alors que dans l’ombre les armes automatiques commenceront à se faire entendre …

Alors, oui, pour toutes ces raisons, « Straight outta Compton » est un disque crucial, phénomémal au sens premier du terme. Un disque qui, plus de vingt ans après sa sortie, est encore intact, alors que tant de productions rap sonnent datées six mois après leur parution.

PETER GABRIEL - SO (1986)

So surestimé ?

« So » fait partie de ces disques élevés au pinacle par plein de gugusses pour plein de raisons qu’ils croient bonnes.
1-  Parce que Peter Gabriel a fait partie de Genesis.
2-  Parce qu’il en est parti.
3-  Parce que « So » est un disque des années 80.
4-  Parce que « So » en fout plein les oreilles.
5-  Parce qu’il s’en est vendu des camions, et que si les gens l’ont acheté, c’est que forcément il est bien.
Tout ça fait certes d’excellents arguments de comptoir. Mais 25 ans après les faits, ça fait quoi d’écouter « So », mis à part de se sentir un peu vieux (et donc forcément con) ? Ben « So » il a aussi pris un coup de vieux. Le genre de disques très lié (trop ?) à une époque, un contexte …
L’époque, le milieu des années 80, la décennie du fric roi. Les chefs comptables et les directeurs marketing prennent le pouvoir dans les maisons de disques, un nouveau support (le Cd) arrive, des médias et leurs outils de promotion à la solde des majors (les chaînes musicales et les vidéo-clips) font aussi leur apparition, tous les records de chiffres de vente explosent (boostés par le phénomène Michael Jackson). Signé sur une major (Virgin), un capital notoriété certain, Peter Gabriel a tout du profil du winner potentiel.

Le contexte dans le monde de ceux qui font des disques, est bizarrement, au milieu de ce raz-de-marée planétaire de billets verts, de donner dans l’humanitaire. Commencent à se mettre en place toutes ces entreprises charitables se traduisant par des mega-festivals censés rendre notre monde meilleur (on a vu le résultat). Là aussi, Gabriel est au cœur du cyclone. Il vient de prendre sa carte à Amnesty International, sera de tous les concerts pour toutes les bonnes causes, fondera le WOMAD, son label-studio baba-cool alter-tiers-mondiste Real World, … Plus « concerné » que lui, tu peux pas … Peter Gabriel, c’est le centriste qui dérangera personne, qui remettra rien en cause s’il réussit. A un détail près, faut quand même sinon un bon disque, au minimum un disque bien dans l’air du temps. « So » sera ce disque, qui fera passer le Gab d’artiste « branché » à triomphateur grand public.
« So » n’est pas indigne, d’ailleurs les fans du bonhomme sont à peu près d’accord pour dire que c’est son meilleur.
Sur « So », « ça joue ». Plein de types connus, généralement requins de studio renommés (dont, cocoricouac, Manu Katché on the drums), des potes de Gabriel très célèbres venus faire une pige (Jim Kerr des très successful Simple Minds, Kate Bush, la branchaga Laurie Anderson, et un Youssou N’Dour qui va commencer à beaucoup faire parler de lui). Sur « So », « y’a de la chanson ». Genre celle qui finit en haut des hit-parades. Deux y arriveront. « Sledgehammer », rhythm’n’blues rigide et assez mauvais, avec vrais cuivres qui sonnent faux et des chœurs braillards (avec notamment PP Arnold, il se refuse rien, le salopiaud). « Don’t give up », ballade sophistiquée mais un peu vaine dans laquelle vient se perdre Kate Bush pourtant à cette époque au sommet de son art (mais qu’est-ce que t’es allée foutre dans cette galère, Kate ?). Ces deux titres appuyés par des clips qui tourneront en heavy rotation marqueront leur temps.

Les vraies pépites de ce disque sont à chercher ailleurs. Du côté de « Mercy Street », où là il se passe quelque chose, ce doit être ce qu’on appelle du feeling, de l’émotion… Ou encore sur « We do what we’re told », le morceau le moins convenu, très expérimental, onirique, avec des batteries comme aquatiques.
Le reste ? De la chanson épique correcte mais sans plus (« Red rain », « In your eyes ») qui va chasser sur les terres de U2 et Simple Minds, une autre bouse disco-funk-rhythm’n’blues (« Big time »), un « difficile » mais intéressant « That voice again », et un titre bonus sans intérêt (« This is the picture …» avec Laurie Anderson) absent du vinyle original et qui occasionne un chamboulement mal venu du tracklisting sur le Cd, tellement il sonne comme une chute du précédent opus du Gab ( le « IV » ou « Security », comme on veut).
Comme d’hab chez le Gab, gros travail sur les structures rythmiques des titres, tellement compliquées que si t’en causes à Ringo Starr, il retourne au bar en courant, et une production assez atypique (très clinquante, brillante, technique en avant) du quasi débutant Daniel Lanois qui se spécialisera par la suite dans des sons plus naturels, boisés et chaleureux, en contrepoint des machines, ambiances et bruitages de Brian Eno en compagnie duquel il produira U2… Et puis, faut pas oublier de le souligner, tellement il y en a des quelconques derrière un micro, Peter Gabriel est un chanteur qui chante bien, très bien même …
« So », je l’ai apprécié en son temps. De toutes façons, absolument tous ceux ceux qui étaient payés pour nous informer de l’actu zique disaient qu’il n’y avait rien de mieux. Ce qui évidemment est totalement faux, on n’arrête pas de « redécouvrir » (trop tard pour leurs auteurs), de bons disques de cette époque passés sous silence… « So » est à ranger à côté des disques de Sting, Dire Straits, et tous ces centristes des 80’s …

Du même sur ce blog :
Peter Gabriel I


JOHN McTIERNAN - DIE HARD / PIEGE DE CRISTAL (1988)

Piège à cons ?

Le premier d’une série qui semble (inter)minable (le cinquième est sorti en salles en ce début 2013). En tout cas le film qui a permis à Bruce Willis de confortablement matelasser son compte en banque.
C’était loin d’être gagné. Un gros budget alloué par la Fox au réalisateur John McTiernan sur la foi d’un seul film à succès (« Predator », lui aussi avec de multiples suites), et avec un casting de seconds couteaux. Le plus connu, le héros (parce que « Piège de cristal » est un film héroïque dans tous les sens du terme), c’est donc Bruce Willis, personnage principal d’une série télé policière, familiale à grosses ficelles  « Clair de lune ». Choisi après une liste de refus polis longue comme le bras où l’on retrouve des acteurs à l’époque autrement plus bankables (Schwarzie, Stallone, Pacino, Gere, …). Un Willis qui se retrouve entouré de quasi-inconnus, une habituée des seconds rôles (Bonnie Bedelia), un acteur de théâtre dont c’est le premier film (Alan Rickman), un gus venu de la danse classique (Alexander Godunov).
Bruce Willis : avec ce film, la sortie du tunnel ...
Le scénario est totalement simplet. Un flic new-yorkais (John McClane – Bruce Willis) venu passer Noel à L.A. pour voir ses enfants et qui sait, renouer avec sa femme (Bonnie Bedelia) dont il est séparé, va se retrouver emberlificoté dans une prise d’otages menée par un calculateur cruel (Hans Gruber – Alan Rickman). Seul contre tous les prétendus terroristes (en fait ils veulent piller un coffre), dans une gigantesque tour moderne inachevée, McClane va devoir survivre pieds nus (détail qui aura évidemment son importance), et va petit à petit dézinguer tous les méchants … Dans un déferlement de rafales d’armes automatiques, de cascades démentes, d’explosions à tout-va. Au prix aussi d’invraisemblances toutes les cinq minutes. Mais mine de rien, ce film reste un must du genre …
On y trouve le type sympa qui devient héros malgré lui, du suspens, de l’action, et une situation qui semble de plus en plus compromise, et qui, ô miracle, se conclut en happy end … Résultat : un très gros carton commercial surtout aux States, et un film dont des dizaines d’autres vont s’inspirer. Willis, c’est l’anti-Rambo et l’anti-Terminator, le type « normal », pas une machine à se battre ou à tuer. Plutôt un marrant, plutôt un trouillard, mais qui fait face au danger parce qu’il faut sauver sa peau d’abord, et accessoirement celle des autres … l’anti-héros devenant finalement indestructible, qui passe entre les balles, résiste aux explosions, et réussit des cascades (c’est Willis lui-même, il n’est pas doublé) défiant le bon sens et l’entendement.
Avec un montage malin qui entre montées d’adrénaline, ménage des pauses existentielles ou comiques. Derrière la caméra, John McTiernan. Qui n’est pas encore un cador, mais dont pas mal de films par la suite feront des cartons au box-office. Et qui mène habilement sa barque en mettant le paquet sur les effets spéciaux (pas de numérique à l’époque, ils ont réellement détruit un hélicoptère entre autres scènes « fumantes »). Utilisant aussi au mieux l’enceinte inquiétante du Fox Plaza (renommé Nakatomi Plaza pour le film), dont seuls certains étages ont été recréés en studio. Un McTiernan qui s’est inspiré (il a bien fait de le préciser dans les bonus du Dvd, ça saute pas aux yeux) de certaines scènes de « High noon » (« Le train sifflera trois fois » en français) et de « Orange mécanique » (la descente des terroristes du camion filmé comme la bande des Droogs, l’utilisation de la 9ème symphonie de Beethoven et de quelques mesures de « Singing in the rain », les deux réarrangées par Michael Kamen, lui étant une des pointures des B.O. de films).
Mme McClane et les preneurs d'otages
De toutes façons, le film est conçu comme une virée sur des montagnes russes d’action, on n’a pas trop le temps de se préoccuper de l’accessoire, faut se concentrer sur la baston globale à multiples rebondissements. Les personnages sont caricaturaux (souci lors de la sortie en Allemagne, les Teutons n’ont pas apprécié que tous les terroristes soient allemands, ils ont « américanisé » leurs prénoms), les méchants sont très méchants, les braves types sont vraiment braves, les journalistes sont crétins, le FBI et les flics de L.A. (certainement d’après la loi de Murphy, non l’autre, celui du « Flic de Berverly Hills ») très cons …
Dans ce maelström de crépitement d’armes automatiques, il y a selon moi une scène d’anthologie tellement elle est surréaliste : celle du premier face-à-face McClane – Gruber. Comment se fait-il que McClane ne le reconnaisse pas, puisqu’il l’a vu abattre le PDG japonais ? Pourquoi se méfie t-il ensuite en lui donnant un flingue déchargé ? Explication fournie par l’équipe du film dans les bonus : la scène n’était pas dans le scénario, elle a été rajoutée en cours de tournage (soit) ; quand le Japonais se fait buter, Willis est planqué derrière une table, il ne voit pas bien Gruber (ben … voyons) ; Gruber qui parle d’habitude avec un fort accent allemand, en prend un américain (sauf que dans la VF, ils ont oublié ce détail, il change pas de voix) ; et last but not least, Willis découvre que c’est un terroriste à cause de sa montre (toute la bande a les mêmes montres, ils les ont réglées ensemble au début de la prise d’otages … sauf que cette scène de réglages de montres a été coupée au montage) …
Mais bon, on l’a compris, « Piège de cristal » n’est pas là pour que son visionnage soit une prise de tête…
Et de ce côté-là, c’est parfaitement réussi, il a plus que bien vieilli et n’est pas ridicule face aux films plus récents bourrés de millions de dollars d’effets numériques. Pas un sommet du 7ème art pour moi, mais un classique de son genre, c’est sûr …

BEASTIE BOYS - PAUL'S BOUTIQUE (1989)

Sales gosses doués ...

Avec leur premier disque « Licensed to ill », les Beastie Boys avaient été dans l’œil du cyclone (et de la critique), ayant suscité autant de louanges que d’interrogations. Trois blancs-becs, fils de bonnes familles juives de Brooklyn (multiples pléonasmes), tellement limités qu’ils étaient incapables de jouer du punk-rock ( !! ), ont sorti un disque de rap, truffé de grosses guitares zeppeliennes par-dessus lesquelles ils braillaient leurs slogans crétins. Tout juste capables de se produire sur scène, qu’ils arpentaient de long en large en ouvrant force cans de bière, ils ont déchaîné les passions et les débats au milieu des eighties. Crédibilité et technique zéro, assurèrent tous les niggaz. Putain de génial s’exclamèrent tous les gamins white trash et tous les rockers à guitares qui trouvaient là un rap « supportable ». Carton commercial en tout cas …
Les Beastie Boys, ils ont eu l’occasion de largement le démontrer par la suite, étaient beaucoup plus malins et intelligents que ce qu’ils laissaient croire. Et ils ont vite vu les limites de leur attitude potache. Et ils ont décidé d’aller de l’avant. Et en l’espace d’un seul disque, ce « Paul’s boutique », ont fait faire un pas de géant au rap. Tant et si bien que certains, prompts à s’enflammer, les ont qualifié de Beatles du rap. Bon, on se calme …
Certes « Paul’s boutique » constitue une avancée plus que notable et spectaculaire. Les trois garnements ont pris tous les risques. Lâché leur premier producteur et leur première maison de disques (on parle pas de rien, de Rick Rubin et de Def Jam), signé pour une grosse boîte mainstream (Capitol) et engagé deux DJ quasi-inconnus (les Dust Brothers) à la production.

Résultat des courses : un feu d’artifice(s), un disque qui part dans tous les sens, multipliant les gimmicks et les trouvailles à l’intérieur de chaque titre, tout en restant bien dans la trademark installée par « Licensed … ». Parce que, contrairement à l’idée reçue, les Beastie Boys sont des bosseurs forcenés. Cet assemblage de trois voix qui s’interpellent, se répondent, s’apostrophent, font des chœurs décalés, faut travailler pour les mettre en place. Et puis faut avoir des cojones, alors que l’on se sait plus qu’attendu au tournant, pour prendre une sacrée tangente par rapport à tout l’aspect sonore du rap alors de mise. Qui est alors dominé par les rythmiques sèches, martiales et austères (Run DMC et Public Enemy, les deux références majeures d’alors), venant pour faire simple du funk métronomique 70’s en général et de James Brown en particulier. Les Beastie et les Dust Brothers vont partir dans des choses beaucoup légères, swinguantes, chaloupées, jazzy, les entrelaçant sans répit dans les titres, aller chercher des samples inattendus (de country par exemple, bien le dernier genre musical auquel on aurait penser associer le rap). Il y a au final plus d’idées dans un seul titre de ce « Paul’s boutique » que dans beaucoup de disques de la concurrence. Les samples ratissent plus que large, de Johnny Cash à Kool & The Gang en passant par les Beatles, Hendrix, Pink Floyd et Led Zeppelin, au sein de morceaux en perpétuelle évolution. Les Beastie Boys désossent, dissèquent le rap pour voir comment c’est foutu à l’intérieur, ils sont les premiers à le faire, avec une longueur d’avance sur Dr Dre.
Les premiers titres restent en terrain connu, mais plus le disque avance, plus les repères avec « Licensed to ill » s’estompent. De nouveaux chemins musicaux sont tracés, dans lequel des gens comme Beck (lui aussi produit par les Dust Brothers et grand adepte des mélanges « contre nature »), les tenants du trip-hop (flagrant sur « 3 minute rule »), voire Daft Punk (les basses compressées de « Shadrach »), iront quelques années plus tard se servir. « Paul’s boutique », comme « Follow the leader » des stars du moment Eric B & Rakim, se termine par une collection de beats et riddims (« B-Boy bouillabaisse »), comme une invitation pour la concurrence à aller piocher quelques idées qui sortent de l’ordinaire.
La prise de risque artistique est maximale, et malgré le bon parcours dans les charts du single « Hey ladies », ce « Paul’s boutique » se vendra peu. La réhabilitation sera tardive, et il est maintenant perçu comme un des disques majeurs du rap toutes époques confondues.

Des mêmes sur ce blog :