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KAREN O & DANGER MOUSE - LUX PRIMA (2019)

Fiat lux ...

Putain d’étrange affaire que ce disque, né d’une collaboration inattendue, mais pas improbable. Les deux ont depuis une vingtaine d’années que leur carrière a commencé abordé tellement de genres, tenté (avec plus ou moins de bonheur) tellement d’expériences, que retrouver leurs deux noms accolés sur la pochette d’un disque n’est pas a priori une bizarrerie.
Elle, Karen O (O pour un nom polonais imprononçable hérité de son père, sa mère est sud-coréenne, ce doit pas être mieux pour nous occidentaux francophones) est surtout connue pour être la chanteuse des Yeah Yeah Yeahs, groupe new yorkais post rock-punk-new wave, enfin post tout ce que vous voulez… Look garçon manqué à la Chrissie Hynde, présence scénique détonante, des premiers disques au début de ce siècle remarqués sinon remarquables, et une relative disparition des radars depuis quelques années.
Karen O & Danger Mouse font la gueule
Lui, difficile de passer à côté. Des débuts comme Dj, avec une polémique initiale, des procès pour un mix osé (« The Grey album ») entre Jay-Z (« Black album ») et les Beatles (« White album »), avant que les collaborations prestigieuses et les montagnes de dollars s’enchaînent à une cadence infernale (le gros carton de son « groupe » Gnarls Barkley, des productions pour Gorillaz, Adele, U2, Red Hot Chili Machin, Norah Jones, sans parler de son travail avec les Black Keys dont il est de fait le troisième membre depuis le virage sinon commercial, du moins radio friendly du duo barbu).
Généralement, quand deux célébrités travaillent ensemble, on a droit à un partage poli et diplomatique du territoire sonore, pour ne pas décontenancer et perturber le fan de l’un des deux qui passerait par là. Sans être un exégète des œuvres de la demoiselle et du monsieur, il me semble bien qu’ils n’avaient pas fait grand-chose qui ressemble à ce « Lux Prima ».
Qui, autant le dire d’entrée, est un disque fantastique, comme il n’en sortira certainement pas une poignée cette année. Parce que « Lux Prima » est un disque pour les vieux plutôt que pour la génération Spotify - Kendji Girac. Ca tombe bien, je suis vieux, et j’ai jamais écouté plus de dix secondes un putain de morceau de Kendji Truc, et j’ai détalé au premier streaming attrapé sur Spotify (ou Deezer ou iTunes ou tout ce que voulez dans le genre), ces minables mp3 qui sont à la musique (et accessoirement au rock) ce que François de Rugy est à la conviction politique … Donc je suis vieux et j’emmerde la jeunesse (et l’affront national) et j’ai trouvé génial « Lux Prima ».
Karen O & Danger Mouse sont heureux
Parce que cette rondelle brillante fourmille de références. Sans que ça sonne une seule seconde passéiste ou revivaliste. Normal, le Danger Mouse doit passer trente heures par jour en studio, il a dépassé le stade d’essayer de sonner comme les 13th Floor Elevators de 1966. Le type est capable de sortir des mélodies atmosphériques (on disait planantes il y a quarante ans) et le titre d’après d’envoyer un rock minimaliste sur fond de percussions tribales. En utilisant des claviers high tech, certes, mais au fil des morceaux on le retrouve à la batterie, à la basse, aux guitares (acoustiques et électriques), au Wurlitzer, au mellotron,… Lui et la Karen (aux vocaux évidemment, mais aussi épisodiquement aux guitares et aux synthés) se sont même adjoint les services d’une section de cuivres et de cordes. Toutes ces possibilités sonores utilisées avec parcimonie, un bon goût et une classe jamais démentis (on est plus proche de Nick Drake que de Berlioz, if you know what I mean …).
Alors par ordre d’apparition dans la stéréo on a droit à « Prima Lux » (le morceau), quasi instrumental, lent, doucereux, découpé en quatre parties évoquant Pink Floyd, Cocteau Twins, Dead Can Dance … Totalement improbable mais captivant. Suit « Ministry », le genre de titres que Kate Bush (ou son avatar polaire Björk) n’a plus écrit depuis une éternité. Précision, on est dans l’inspiration pas dans la copie, la voix de Karen O et de la Babooshka  n’ont rien en commun, hormis une sensualité insidieuse. On semble parti après ces deux titres vers une atmosphère contemplative, genre new age haut de gamme.
Ben pas du tout. Se pointe un funk discoïde  au ralenti (« Turn the light »), qui marche sur des terres jadis foulées par des gens comme Chic ou Donna Summer. Arrive ensuite un rock primaire (« Woman », rien à voir avec le titre de Lennon), pour ne pas dire primitif, rempli de percus tribales, un peu comme si les White Stripes en leur âge d’or avaient trouvé des synthés dans leur studio et s’en étaient servis, ou si les Black Keys étaient retournés vers leurs trucs rêches et abrasifs.
Et tout le reste du disque multiplie les idées originales, les arrangements malins, les mélodies éthérées, la seconde partie du disque est plus calme, pas forcément moins intéressante. « Redeemer » mélange rythme rock et refrain raggamuffin, « Down » part dans tous les sens et réussit à garder une cohérence et un fil conducteur remarquables, la Karen O susurre à la façon de Debbie Harry une pop étincelante (« Leopard’s tongue »). « Rêveries » est un titre qu’aurait aimé trouver Patti Smith même si finalement dans l’ambiance et la partie vocale il y a des faux airs du « Working class Hero » repris par Marianne Faithfull. Le dernier titre « Nox Lumina » est le contrepoint du premier, manière de boucler la boucle, et que le grand cric me croque si la partie chantée n’emprunte pas la mélodie (ralentie) de « Comment te dire adieu ».
Danger Mouse par sa polyvalence instrumentale et son apparente facilité à aligner sons et mélodies qui s’incrustent en deux écoutes au plus profond du cerveau place la barre très haut, rejoignant dans l’excellence les quelques rares sorciers de studio ayant réussi à sortir sous leur nom des disques audibles (comme au hasard le Brian Eno des seventies avant qu’il vire gourou conceptuel pénible). Karen O surprend par l’étendue de son registre vocal, s’adaptant à quantité de styles, toute en émotion sensuelle, à l’opposé de toutes ces Castafiore sans âme qui encombrent le marché …
Grand et beau disque …



LE SUPERHOMARD - MEADOWLANEPARK (2019)

Rock Lobster ?

Je sais pas ce qu’ils deviendront ceux-là, toujours est-il qu’avec un nom pareil, ils ont toutes les chances de pas passer inaperçus. Bon ça claque pas vraiment, SuperHomard, et je me demande si c’est mieux que GrosseCrevette, GentilBulot, Supergrass ou Supertramp … Enfin, et c’est jamais que mon avis très subjectif, c’est crétin total de s’appeler comme ça … bon pas plus diront certains que Pierres Qui Roulent, Pistolets Sexuels, Qui ou Groupe …

SuperHomard, c’est le groupe de deux frangins provençaux, venant après les très confidentiels Strawberry Smell et Pony Taylor. Un coup d’œil sur le Net suffit pour voir que SuperHomard est un truc sérieux, réfléchi, conceptualisé (aïe, le vilain mot), assez loin de la boutade que laisserait supposer leur nom. Toutes leurs pochettes, de singles, Ep, ou albums (4 ou 5 références en tout) développent visuels et couleurs utilisés semblables avec comme point commun un cube central. Et on ne se perd pas dans ce « MeadowLanePark », parce qu’il dispose d’un fil conducteur sonore qui te lâche pas de la première à la dernière plage.

Et le son de SuperHomard, ben moi j’aime pas. Sans réserves. Du Air bourrin, du Burgalat sans distanciation, pour ce qui est à mon sens le plus évident niveau influences. Je rajouterai bien comme tout le monde Broadcast pour faire mon intéressant, mais j’ai jamais réussi à écouter plus de deux minutes leur électro dépressive. Je préfère lancer le nom de Saint-Etienne (pas les Verts, les English qui avaient sorti une fabuleuse reprise de « Only love can break your heart » de Neil Young et enregistré avec Daho, mais que diable sont-ils devenus …). Saint-Etienne à cause de la voix féminine, ici celle de Julie Big, voilée, nonchalante et sensuelle …
Donc j’aime pas le son de SuperHomard. Trop subtilement rentre-dedans … ou le contraire. Genre on remplit toutes les pistes disponibles de trucs très en avant, tous potards sur onze. Alors que les compos et les mélodies sont suffisamment fines et n’auraient demandé à mon sens qu’à être aérées, qu’à respirer. Et moi qui ai la fâcheuse ( ? ) habitude d’écouter les disques très fort, mais vraiment très fort (merci la solitude campagnarde), j’ai baissé plusieurs fois le son, j’en pouvais plus ce cette hypercompression qui noie tout sur une pluie de décibels …

« MeadowLanePark » débute par un instrumental avec mis en avant un thème au piano qui allez savoir pourquoi me fait penser au « Köln Concert » de Keith Jarrett (que j’avoue j’ai écouté qu’une fois et en ayant envie de piquer un roupillon), mais un Keith Jarrett qui utiliserait un marteau piqueur à la place de ses doigts. Ensuite,  « Springtime »), dès que Julie Big se met à chanter (toujours de la même façon, voix voilée et triste) on ne peut s’empêcher de penser à Saint-Etienne, au Air de « Moon Safari » en moins subtil, et à l’association Bertrand Burgalat – April March en plus anémique. Les chansons (j’aime pas non plus leur construction, y’a pas d’intro accrocheuse, pas de refrain mémorisable, d’ailleurs souvent y’en a pas du tout, mais il est évident que c’est volontaire, les gars sont pas des tocards) semblent toutes sorties du même moule, juste quelques arrangements les différencient.
Quelques-unes se détachent pour moi du lot, parce qu’elles donnent dans les sixties yé-yé revisitées (pas exactement à la manière des Wampas, vous l’aurez compris), l’excellente « Paper Girl », l’électro-pop très début 80’s à la Elli & Jacno (« SDVB »), ou le titre le plus down tempo du disque (« Refuel ») pour moi la meilleure du lot.
Le reste … ben le reste, c’est pas repoussant, mais comment dire … ça me cause pas vraiment …
Ceci étant, m’étonnerait pas de voir figurer « MeadowLanePark » dans les meilleurs de l’année pour Les Inrocks …



TOY - HAPPY IN THE HOLLOW (2019)

My Bloody Toy ?

Eux, là, Toy, ils ont trouvé le nom qui tue … Tapez juste Toy sur un moteur de recherche, et vous risquez pas de tomber sur eux. Et puis si par hasard vous atterrissez sur leur page Wikipedia (uniquement en anglais et pas bien fournie, maintenant traduite en français depuis la sortie de ce skeud), le lien qui renvoie à leur site vous donne une erreur 404 (page introuvable). Là, ils sont fidèles au titre de leur rondelle, ils sont pas heureux dans le creux, mais semblent ravis d’être au fond du trou de l’anonymat… Et je parle même pas du packaging de leur galette, un digipack spartiate avec rien d’écrit sur la tranche (vachement facile à retrouver au milieu de la pile) et pas grand-chose ailleurs, juste le titre des morceaux dans une police minuscropique, et pour seule littérature : « Recorded and mixed by TOY, engineered by James Hoare (James Qui ??), special thanks to Takatsuna Mukai and Dan Carey ». Voilà voilà … Avec ça, démerde toi.
Toy, un jouet extraordinaire ?
Finalement, le mieux à faire, c’est de l’écouter le disque de Toy. Et ma foi, force est de constater qu’on en a entendu de pires, y compris chez des prétendus cadors du wokanwol. Bon, inutile aussi de piquer le sac à une mémé qui sort de la Poste pour aller l’acheter. « Happy in the hollow » s’adresse à un public de connaisseurs selon la formule à relents élitistes consacrée. Pour une fois, on vise pas les collectionneurs de raretés garage sixties. Les Toy, en matière de revival (parce qu’ils ne sont pas exactement des défricheurs d’espaces sonores inconnus), font faire au schmilblick un bond de deux décennies et demi. On passe de 1966 à 1990 avec eux. Vous situez les machins de 90 ? Non, eh bien dans mon infinie mansuétude, je vous offre un tour dans la machine à remonter le temps. Voyage sponsorisé par Toy.
Les Toy étant anglais, ce sont les groupes anglais qui te sautent d’abord à la figure. My Bloody Valentine et Spiritualized, on les trouve à peu près partout. Dans les ambiances éthérées, cotonneuses, brumeuses, liquides, tant au niveau de la musique que de la voix (le leader et guitariste Tom Dougall). Un genre musical risqué (parce que si tu es juste moyen, tu es aussi chiant qu’une pluie bretonne) qui ne s’accorde qu’avec l’excellence. Et les Toy le sont parfois excellents (« Sequence One », « The Willo », « Mechanism » sont des titres aux qualités évidentes).
S’accrocher à un son, le photocopier, tout le monde ne fait quasiment plus que ça. Pour se démarquer du troupeau, faut de temps en temps avoir une idée, trouver un gimmick, innover … les Toy en sont capables, s’en allant parfois vagabonder vers des rythmiques krautrock (le frénétique dans le contexte « Energy » qui rappelle les Thee Oh Sees), et n’hésitant pas à se démarquer des fameuses ( ? ) guitares « liquides » à la My Bloody Valentine pour en glisser des acoustiques (« Mistake a stranger »), voire gentiment surf à la Hank Marvin (des Shadows, me souffle mon arrière-grand-père) sur « Last warmth of the day » ou « Jolt awake ».

« Happy in the hollow » est construit d’une façon évolutive (ou alors le hasard fait bien les choses). On démarre très MBV pour finir à la Jesus & Mary Chain (ou 3ème Velvet, ce qui revient à peu près au même) sur le final (« Move through the dark »). En passant par des claviers élaborés à la Stranglers (« The Willo ») à ceux joués à un doigt très Orchestral Manœuvres (« Mechanism »), et en s’arrêtant faire un petit coucou au Floyd d’après Barrett et d’avant la face cachée de la Lune (« Charlie’s House », seul écart au son 90’s prédominant). Manière d’enfoncer le clou lysergique, deux titres sont quasi instrumentaux (« Jolt awake » et « Charlie’s House »).
Bon, c’est pas avec ce genre de bousin que les Toy vont remplir les arenas. Ils ont débuté en faisant la première partie des horribles Horrors, c’est dire s’ils reviennent du diable vauvert, comme le disait Leon Zitrone quand il commentait le tiercé dans la télé 4/3 en noir et blanc il y a cinquante ans. Et … je m’arrête là, avoir réussi à caser le nom de Zitrone dans un post sur un disque de rock suffit à mon bonheur …
Mais sans déc., il est vraiment pas mal ce « Happy in the hollow » …



MICHEL POLNAREFF - ENFIN ! (2018)

Le Bal des Naze ?

Tous les fans du perruqué frisé vous le diront, il y a des dizaines d’années que Polnareff n’avait pas sorti un disque. Ce qui n’empêchait pas le monde de tourner (plus ou moins rond, mais c’est un autre débat …). Alors là, dans un timing mercantile parfait avant les fêtes il nous a sorti un disque qui sent le sapin pour mettre sous le sapin. Un disque de plus d’une heure (quelqu’un lui a-t-il suggéré que pareille longueur n’est plus de mise depuis plus de trente ans ?), un disque interminable. Et quasiment minable tout court.
Polnareff 2018
Polnareff, je suis fan de ses débuts. Nettement moins des bouillasses seventies (même si occasionnellement on pouvait y trouver des tueries totales) depuis et y compris le prétentieux « Polnareff’s ». Et je suis encore moins fan de l’homme Polnareff. Exilé fiscal (sous prétexte qu’un génie comme lui n’avait pas à rendre des comptes au fisc, la belle excuse). Pas pire que tous les Tapie, Ghosn, Cazeneuve ou Balkany le mafieux de Levallois, le pire de tous peut-être … j’ai pas du tout aimé ses retours hyper-médiatiques très chèrement monnayés (l’aubade du 14 Juillet sur les Champs-Elysées financée par Sarko-Nabot Ier, donc par nos impôts, no comment …). Pas plus que ses déclarations opportunistes d’un crétinisme pervers sur sa sympathie pour les gilets jaunâtres, eux qui demandent entre autres le rétablissement de l’ISF, alors que lui justement s’en exonérait en s’exilant aux States … Fuck you Polnareff …
Et si on parlait musique, puisqu’à la limite on peut faire abstraction de tout le reste ? Et tant qu’à évacuer le problème de l’opportunisme, disons tout d’abord le mépris que m’inspire le titre « Terre Happy », qui en plus d’un jeu de mots affligeant, nous montre un Polnareff qui nous livre un machin larmoyant très pro-écolo (il a du apprendre que le collectionneur de 4X4 Hulot était très populaire en Macronie, faut ratisser le plus large possible quand on sort un disque tous les cent ans …). Polnareff (74 ans au compteur, génération Dylan-McCartney-Jagger-etc. pour situer) aurait pu la jouer profil bas, se contenter de sortir un disque honnête, que de toutes façons ses vieux fans chauves auraient acheté les yeux et les oreilles fermés. Le type a suffisamment de talent (le génie, il en a eu aussi, mais le propre du génie, c’est qu’il est le plus souvent éphémère, et celui de Polnareff l’a fui depuis longtemps) pour à l’instar des chenus ancêtres de son âge, sortir un truc point trop désolant …
La grand-mère de Polnareff
Las, il nous a pondu une rondelle d’une prétention terminale, une démonstration musicale au forceps à grand renfort d’orchestres classiques et/ou symphoniques. Des cohortes de violons, violoncelles, cuivres, qui le plus souvent n’apportent rien ou peu de choses aux titres qu’ils parasitent (les trois-quarts). On peut même se demander s’ils ne sont pas là pour couvrir la déchéance vocale de Polnareff. On aurait parfaitement compris (et pardonné) qu’à son âge, il ne puisse plus aller aussi haut dans les aigus, tandis qu’ici ces couches d’instruments empilés donnent l’impression de n’être que des cache-misères. Quand il se hasarde sans filet dans un titre piano-voix (« Grandis pas »), y’a comme qui dirait un malaise, on attend quelque chose qui ne peut plus venir, et on se retrouve devant un machin dont Obispo ne voudrait pas comme bonus track …
« Enfin ! » s’ouvre et se ferme par deux longs instrumentaux (10 minutes de moyenne) qui prouvent que quand on a tout oublié, restent les années de Conservatoire. C’est « écrit », pensé, réfléchi, d’une précision sonore diabolique (pas facile de mixer sur l’introductif « Phantom » des violoncelles et la guitare hardos du requin de studio Tony McAlpine), mais prodigieusement chiant, à un point qu’on trouverait intéressant des horreurs comme le « Underture » des Who sur « Tommy » … Le problème, c’est que quand la durée des titres se réduit et qu’il y a des paroles, c’est pas plus captivant. Ambiances funky-groovy-jazzy le plus souvent, qui dans le meilleur des cas semblent marcher sur les pas du Stevie Wonder qui commençait à décliner, celui des années 80 et suivantes.
Polnareff sans perruque ?
Les années 80, on y est parfois en plein dedans, et à ce titre le navrant « Sumi », gros riff hardos d’entrée pour un rock FM à la Europe (non, pas l’Union, les tocards de « Final Countdown »), avec paroles et jeux de mots d’une indigence stupéfiants. Le genre de truc qui pourrait tourner en boucle sur les radios si quelqu’un pensait à les écouter … Des lustres sans disques, mais pas du neuf pour autant. « Ophélie flagrant des lits » (des titres comme ça te donnent envie d’acheter l’Almanach Vermot), était d’après les fans jouée régulièrement en concert depuis longtemps. Je veux bien croire que ça puisse fonctionner en live tellement c’est crétin, un mix entre Dorothée (celle du Club du même nom, oui, on en est là) et son propre « LNAHO », là aussi pas ce qu’il a fait de mieux … Quand on sait que Polnareff a passé des décennies à baver sur « Tous les bateaux tous les oiseaux », son plus gros succès, qu’il trouvait d’une simplicité débile, faudrait qu’il réécoute à tête reposée ce qu’il sort maintenant …
Qu’est-ce qu’il reste à sauver ? Pas grand-chose certes, pourtant Polnareff est encore capable de chansons fulgurantes. Ici il y en a deux. « Longtime » c’est du Polnareff éternel, la tuerie mélodique, et des paroles pas trop cons (un titre sur le manque d’inspiration, ceci explique cela). Mais le meilleur titre arrive vers la fin, ça s’appelle « L’homme en rouge », ça parle du Père Noel que les enfants pauvres attendent et qui ne vient pas, et ça cumule paroles pour une fois simples et sensées et une partie musicale à classer dans le Top 10 de Polnareff …
Tout ceci ne fait pas un ratio qualitatif extraordinaire. En fait c’est quand le disque est terminé qu’on dit « Enfin ! »

Du même sur ce blog :

THE AR-KAICS - IN THIS TIME (2018)

Dinosaurs ?

Y’a des gens qui démarrent mal dans la vie sonore avec moi. Ceux-là, les Ar-Kaics, rien qu’à voir leur nom, ça m’a fait penser aux Dinosaurs, supergroupe ( ?? ) monté au début des 80’s par des vieux croûtons de l’été de l’Amour à San Francisco (des types de Country Joe & The Fish, Quicksilver, Airplane, Big Brother, …).
The Ar-Kaics
D’un autre côté, les Ar-Kaics, ils auraient été encore plus ridicules de s’appeler New quelque chose, parce qu’il n’y rien, mais strictement rien de nouveau chez eux. Et leur rondelle est dotée ( ? ) d’une pochette genre dessin d’école primaire pour la Fête des Mères, quand il reste plus de nouilles pour faire des colliers …
De quoi est-ce qu’il s’agit donc avec les Ar-Kaics ? Ben tout simplement de la énième mouture d’un revival garage, par trois types et une nana plus tout à fait perdreaux de l’année. Qui bénéficient d’une signature chez Wick Records, sous-label de Daptone, maison à l’origine spécialisée dans la soul vintage de haute qualité (Sharon Jones & the Dap-Kings).
Certes, faut reconnaître que ce « In this time » est bien foutu, et que la qualité et l’exigence qui va avec le label Daptone n’est pas à remettre en cause. Sauf que les Ar-Kaics sont le milliardième groupe à œuvrer dans ce créneau (compteur bloqué dans les années 65-67, guitares fuzz en avant toute, et un sérieux de jésuite pour envoyer la sauce). En gros des candidats pour les compilations Peebles, Nuggets, Sixties Archives à venir … S’inspirer des Stones de « Between the buttons » (pour faire simple) et envisager de laisser une trace à la « postérité » genre Standells, Count Five, Seeds, why not … Sauf que dans ce « In this time », je vois pas l’ombre d’un titre qui pourrait se faire une place à côté des légendaires binaires crasseuses que furent en leur temps des « Dirty water », « Psychotic reaction » ou « Pushin’ too hard ». Les Ar-Kaics semblent condamnés à perpétuité à la seconde division, même si on peut me répondre qu’ils n’affichent nulle part l’ambition de gagner la Champions League …
Les mêmes en couleurs
« In this time », il commence bien, mais il tient pas la distance. La doublette inaugurale (« Don’t go with him », « Some people ») est une bonne entrée en matière, avec mention particulière à la seconde, le titre le plus léger et mélodique (comme si les Byrds avaient fait de la power pop ). Le disque est conçu (évidemment) pour le format vinyle (les sixième et douzièmes titres sont deux ballades plus ou moins crépusculaires et crispées, marquant la fin de chaque face en plastoc). Pour le reste, qui a écouté les Cramps et le Gun Club ne sera pas dépaysé, et il convient juste de parler pour la comparaison de similitudes sonores, la folie et la qualité d’écriture sont ici bien des crans en dessous …
Les Ar-Kaics se contentent d’avoir le pied lourd sur la pédale fuzz, de privilégier les mid-tempo lourd(ingue)s, et de mettre en avant sur le site de Daptone et sur YouTube les titres à mon sens les plus quelconques de leur disque.
Même si on a entendu bien pire dans le genre, une rondelle pour fanatiques et complétistes du genre. Ce qui risque de pas faire grand-monde …


ELVIS COSTELLO & THE IMPOSTERS - LOOK NOW (2018)

Alors regarde ...

L’autre Elvis, quand il a débuté dans la tornade punk, il a aligné pendant quelques années des dizaines de titres, au moins un album par an pendant dix ans. Point culminant : « Imperial bedroom » en 1982. Et jetés façon rafale de kalachnikov deux follow-ups « Punch the clock » (de grands titres surproduits) et « Goodbye cruel world » (de mauvais titres surproduits). Et puis il est passé à plein d’autres choses, produisant ( après le premier Specials, le premier Pogues), s’est rêvé en King of America, a fait des rondelles avec plein de gens (de Sir Paul McCartney à la cantatrice Anne Sofie Von Otter, ça ratisse large), a épousé la bassiste des Pogues puis Diana Krall, et continué à sortir des disques à la pelle.
Elvis Costello 2018
Dont j’ai acheté quelques-uns, sur la foi de types qui juraient leurs grands dieux que là, ça y était, le grand Costello était de retour. Des galettes que j’ai écouté en travers (qui étaient  peut-être meilleures que les deux-trois d’avant) et qui depuis prennent la poussière sur une étagère. Ce coup-ci, avec « Look now », les exégètes du bonhomme ressortent le baratin habituel dans lequel le mot chef d’œuvre revient à chaque phrase. Ils ont tort, évidemment, mais beaucoup moins que d’habitude.
Parce que « Look now » est d’abord une grosse surprise. Il y a quelques mois, Costello interrompait une tournée pour se faire opérer selon ses termes « d’un cancer agressif ». Rémission en vue ou chant du cygne, j’en sais rien, mais le gars Elvis a visiblement jeté toutes ses forces dans cette rondelle. Entouré de ses vieux briscards de toujours (Pete Thomas aux fûts, Steve Nieve aux claviers, soit les deux tiers de ses historiques Attractions, plus son bassiste habituel depuis longtemps Davey Faragher), il a même décroché sa première collaboration avec une de ses idoles, Burt Bacharach (90 ans, et toujours bon pied et bonnes mains, puisqu’il joue du piano sur les trois titres qu’il a co-écrits). Les titres co-écrits avec Bacharach sont pas une pièce rapportée, ils s’inscrivent parfaitement dans la logique et dans la tonalité générale de « Look now ».
Costello & The Imposters
Bacharach, c’est une des institutions du Brill Building (cet immeuble de Manhattan qui servait de repaire aux auteurs-compositeurs dans les années 60). Parce qu’à l’époque, au siècle dernier encore vierge de toutes les saloperies voyeuristes du Net, genre Instagram, Facebook et consorts, la situation aux States était simple : hormis les blueseux et les folkeux (et dans une moindre mesure quelques rockers), il y avait ceux qui chantaient et ceux qui leur écrivaient les chansons. Ce sont les anglais, Beatles et Stones, qui ont inventé la notion de groupe où très vite, les types se sont mis à chanter leurs propres morceaux. Les Américains ont suivi, bien sûr, avec un petit temps de retard, mais la lignée des auteurs-compositeurs a eu encore de beaux jours, soit qu’il soient mercenaires ou qu’ils soient salariés par un label (Stax, Motown, …). Bacharach est un des plus illustres (des hits à la pelle pour plein de gens, dont son interprète fétiche Dionne Warwick). Toute cette digression pour dire que pour Costello, qui a toujours tourné autour de la chansonnette, travailler avec Bacharach, c’est atteindre le Graal …
« Look now » est un disque de chansons, n’ayant plus rien à voir avec le punk, le rock, le reggae, la pop, autant de genre déjà abordés il y a des décennies par Costello. Pour situer, faut envisager cette galette comme celles publiées par les grandes voix, genre Presley de la fin ou Sinatra de toujours. Le gros problème de Costello, c’est que s’il est capable d’écrire tout seul des choses d’un classicisme tarabiscoté, il lui manquait la présence et l’assurance vocales nécessaires à l’exercice. Et là pour le coup, il chante mieux que jamais, des mélodies parfois complexes où il faut cumuler technique et feeling.
Burt Bacharach 2018
Il y a des choses d’une évidence absolue, la chanson-titre (Costello et son Band plus juste Bacharach au piano), le dépouillement de quelques ballades éternelles down-tempo (« Stripping paper », « Photographs can lie »). En règle générale, les compos sont excellentes. Sauf que parfois, manière de rentabiliser tous les musicos additionnels (une armée de violons et de claviers, des vents, des cuivres, des choristes), les arrangements sont à limite de l’étalement ostentatoire de richesse. A comparer avec la production de « Imperial bedroom » (Costello aidé par rien de moins que Geoff Emerick, l’ingé-son de George Martin à Abbey Road), qui laissait respirer les chansons. Sur « Look now », les mélodies croulent, voire sont étouffées sous les arrangements. Quelquefois, il aurait fallu que Costello se souvienne que less is more, il suffit de comparer la finesse incroyable de « I let le sun go down » avec « He’s given me things » (la moins bonne des trois cosignées avec Bacharach), où pourtant l’instrumentation pléthorique est la même.
Malgré ces réserves, il reste de grands titres. Parce que tous sont pas des minots, sont des compositeurs de très haut niveau (Costello), des instrumentistes de haut vol (Steve Nieve), que tout le monde est depuis longtemps à l’abri des pressions du music business se plaît à exercer sur ceux qui débutent. Et tant qu’on en est à causer troisième âge, signalons la présence à l’écriture sur un titre, l’excellent « Burnt sugar is so bitter » d’une autre très grande du Brill Building, Carole King.
« Look now » est couplé dans sa version Deluxe avec un EP quatre titres (« Regarde maintenant ») de facture et de ton similaires, mais qui donne l’occasion d’entendre Costello chanter en français (« Adieu Paris »). Enfin on sait qu’il chante en français en lisant les paroles, parce que c’est encore plus incompréhensible que la VF du « Heroes » de Bowie, ce qui n’est pas rien …
« Look now » un bon disque de Costello ? Affirmatif. Du niveau de ses meilleurs ? Euh, faut pas pousser …



Du même sur ce blog :
My Aim Is True

PAUL McCARTNEY - EGYPT STATION (2018)

Les six gares du Pharaon ?

Sir Paul McCartney, musicien anglais, né en 1942, et donc 76 ans au compteur. Des types dans son genre qui étaient là au début du machin, il en reste vivants, en comptant large, une paire de poignées dans le rock-pop-bidule-truc … Et bizarement, la plupart continuent de sortir des disques et de donner des concerts. Alors qu’ils sont multi-milliardaires et pourraient se la couler douce en EHPAD en faisant sauter leurs arrière petits-enfants sur leurs genoux …

Faut croire que pour continuer dans la musique à ces âges canoniques, ils le font parce qu’ils aiment ça et que de toute façon ils savent pas et n’ont pas envie de faire autre chose. Mourir sur scène semble être la fin recherchée par les Jagger, Richards, Lewis, Little Richard, Townsend, Daltrey, Davies, Morrison. Et Macca donc (ouais, je sais, j’ai oublié Ringo, qui est plutôt bien sur scène avec son All-Star Band, mais qui a jamais sorti un disque écoutable de sa vie en solo …).
Donc le dernier McCartney s’appelle « Egypt Station », se présente sous la forme d’un carton dépliant genre accordéon et est enluminé par des peintures du Paulo himself. Ah ouais, il y a un dique à l’intérieur aussi. Certains disent que c’est son meilleur depuis « Chaos and creation … », voire depuis « Band on the run ». Les plus sourds de ses fans citent même « RAM » (ce qu’ils prouve qu’ils sont sourds, « RAM » s’apparentant beaucoup plus à une purge qu’à un chef-d’œuvre). Certains, perdant tout sens de la mesure et de la retenue évoquent la seconde face de « Abbey Road »… Faut raison et oreille objective garder, les enfants …
« Egypt Station », d’accord, il est pas mal, et oui, c’est sûr, Sir Paul il en a sorti de plus mauvais que ça. De là à miauler au génie retrouvé …
D’abord, le Paulo, il a plus toute sa voix. Il chante toujours bien et juste, mais ne prend aucun risque (comme le Bowie de la fin) et sa voix n’est plus reconnaissable à la première mesure, elle est devenue quelconque.

Des fois aussi, le Paulo, il a plus toute sa tête, ni toutes ses oreilles. Il y a dans « Egypt Station » des titres qui auraient dû rester dans les tiroirs de Capitol. Surtout qu’il nous en sert quatorze (plus deux courts intermèdes comme les rappeurs bas du front en glissent dans leurs rondelles) pour quasiment une heure. Le calcul est simple, un tiers de titres en moins, ça aurait fait quarante minutes qui auraient eu de la gueule.
Yeux bandés et direction le poteau d’exécution, sont appelés à comparaître « Hand in hand » ballade au piano comme Obispo peut en écrire une chaque matin, l’idiotie new wave « Back in Brazil » (on est plus en 1980, Paulo, c’est quoi ce machin ?). « Caesar rock » n’est ni rock ni impérial (parenthèse subliminale, ça me renvoie l’image d’un atroce disque d’Iggy Pop « American Caesar »). Quand aux deux choucroutes à la chantilly et crème de marron que sont « Despite … » (on dirait du Genesis des années 80, la honte …) et le medley « Hunt you down … » gâché par une ignoble partie centrale sur un rythme de valse électronique, ils montrent bien que Sir Paul ne changera jamais, capable de temps à autre de livrer des machins d’une mièvrerie et d’un je m’en foutisme édifiants (on peut pas refaire à chaque coup un « Hey Jude » en étant en totale roue libre…).
Greg Kurstin & Sir Paul
Ce qui fait quand même un gros de paquet de titres, qui ne changeront certes pas la face du monde, mais qui se laissent écouter, et plutôt plusieurs fois qu’une. Parce que Macca est un génie de la chanson mélodique, que la recette c’est quasiment lui tout seul qui l’a inventée, et qu’il est encore capable de la retrouver quand il veut … Meilleurs exemples, des titres comme « Do it now » ou « Dominoes », la première aurait pu être écrite il y a cinquante ans du temps de son groupe de jeunesse, la seconde aurait pu figurer telle quelle sur « Band on the run »… tant ça sonne en roue libre, d’une simplicité confondante. A priori des machins totalement anecdotiques, mais les types capables d’écrire des chansons comme ça, en comptant ceux qui peuplent les cimetières, il en a pas existé une demi-douzaine. Surtout que sans avoir l’air d’y toucher, le Paulo est aussi capable de sortir des titres qui te mettent l’eau à la bouche avant même d’en avoir entendu la moindre note. On ne baptise pas impunément un morceau « People want peace » sans que le fantôme d’un sien ami de jeunesse à binocles rondes chantonnant « Give peace a chance » surgisse immédiatement. Surtout quand le morceau en question sonne comme du Lennon du début 70’s… « I don’t know » d’entrée, commencée sobrement au piano et qui gagne peu à peu en ampleur, rien à dire, c’est bien foutu, même si Macca a fait mieux dans le genre … « Happy with you » tu peux croire que c’est un inédit de « Rubber soul » ou « Revolver », tous les ingrédients sont là … Et « Fuh you » montre que McCartney peut atteindre des sommets stratosphériques en faisant aujourd’hui encore aussi bien que les plus doués de ses imitateurs (MGMT ou The Coral au hasard)
Tout ça nous fait un disque certes un peu longuet, doté d’un son roboratif (Greg Kurstin, coupable d’avoir gagné sa vie en produisant toutes les Lily Allen, Beyoncé, Britney Spears, Katy Perry, Pink, … qui passaient à portée, avant de revenir ces derniers temps dans le droit chemin en bossant pour les Shins, les Foo Fighters ou Liam Gallagher), de types qui assurent (contrairement à ce qui est parfois annoncé, « Egypt station » n’est pas un disque solo même si le Paulo est crédité de tous les instruments, plein de gens, dont notamment les types qui l’accompagnent sur scène jouent sur le disque), une grosse poignée de bonnes chansons…
On va pas lui jeter la pierre pour ça, ni d’un autre côté présenter « Egypt Station » comme un mausolée musical. McCartney a fait ce qu’il sait faire de mieux, un disque de McCartney …



Du même sur ce blog : 
McCartney



THE CORAL - MOVE THROUGH THE DAWN (2018)

Le temps des cathédrales ...

De ces cathédrales pop dont la recette semblait perdue à jamais … de ces machins et tellement tarabiscotés et tellement évidents à la fois, qui naissaient dans des temps immémoriaux de l’esprit dérangé de Brian Wilson ou Arthur Lee, ou dans les rêves de McCartney.
The Coral, ils ont eu un énorme handicap. Ils venaient de Liverpool et savaient trousser la mélodie, et donc, sans qu’ils aient rien demandé, se sont évidemment vus taxer de (énièmes) nouveaux Beatles. Ce qui, malgré une poignée de disques, honorables voire plus dans les années 2000, était un costard un peu trop grand pour leurs épaules. L’affaire Coral semblait classée, d’autant que leurs deux ou trois dernières livraisons, parasitée par des départs (celui du guitariste notamment), étaient loin de faire l’unanimité y compris au sein de leurs aficionados.
The Coral 2018
Et ce « Move through the dawn » se pointe. Avec sa pochette à faire frémir, genre rednecks américains en goguette à Tokyo (y’en a un avec un tee-shirt Mickey, même Curt Cobain, peu soucieux de sa garde-robe et de son look, n’avait pas osé …). Le genre de skeud que tu mets dans un coin en te disant que tu l’écouteras quand tu auras vraiment rien d’autre à foutre …
Tout faux. « Move through the dawn » est un grand coup de pied aux idées reçues et aux a priori … même avec la meilleure mauvaise volonté du monde … Ouais, le premier titre « Eyes like pearls » est extraordinaire, un bijou de sunshine pop, un titre comme plus personne n’en a sorti depuis Crowded House, Prefab Sprout ou XTC, ce qui ne rajeunit personne et surtout pas moi... Mais tout le monde met un bon morceau en ouverture des disques, je vais pas me faire avoir, et je prépare la kalachnikov pour dézinguer le reste, qui forcément, ne tiendra pas la route…
Sauf qu’il faut arriver au dixième titre (sur onze), le très mal nommé « Stormbreaker » (on dirait un titre de chanson de Deep Purple ou de Rainbow, c’est dire) pour trouver quelque chose qui s’apparente à une baisse de niveau, un semblant de régression qualitative. Et encore, on en connaît à la pelle, des zozos qui passent en tête d’affiche des festivals avec cachet indécent à la clé, qui vendraient père et mère pour être capables d’écrire ce genre de ballade mid-tempo très seventies avec sa partie centrale très Pink Floyd. Tout ceci avant que le disque ne se termine par « After the fair », ritournelle folk pleine d’arpèges acoustiques que n’aurait pas reniée un Nick Drake et qui devrait inciter nombre d’apprentis Dylan ou Neil Young qui pullulent depuis cinquante ans à changer de métier …
James Skelly, chanteur et principal compositeur
Tout le reste est un enchantement (pour qui n’est pas fan de Slayer s’entend). On ne sait plus où donner de l’oreille devant ces trouvailles mélodiques, ces arrangements millimétrés d’une finesse et d’une classe folle, alors que le genre abordé (la pop baroque ou luxuriante) ne conduit généralement qu’à un ramassis de sonorités ampoulées et prétentieuses. Tout ça en évitant le piège de l’emphase, du kouglof mis en musique. Les titres sont vifs, nerveux. « Reaching out » fera plaisir aux fans des Go-Go’s ou du Dwight Twilley Band, « Sweet release » aurait trouvé sa place dans le « Live at Budokan » de Cheap Trick, « She’s a runaway » swingue et funke comme le meilleur de Crowded House, « Stranger in the hollow » déploie des trouvailles mélodiques insensées, « Eyes of the moon » fait oublier l’absence depuis des lustres du Paddy McAloon (pas vraiment sa faute, il est gravement malade) qui tutoyait les étoiles avec Prefab Sprout, et « Undercover of the night » (rien à voir avec un très mauvais disque des Stones 80’s) sonne tellement Simon et Garfunkel qu’on croirait que le nabot et la grande asperge se sont encore rabibochés.
Et puis, pour en revenir aux Beatles dont il était question au début, « Love or solution » devrait donner envie à tout le monde de réécouter « Revolver » pour constater que oui, ce titre aurait pu y figurer dans le tracklisting sans que personne y trouve à redire.
A ce stade, il reste deux questions : un, mais putain comment les Coral ont-ils fait pour torcher pareille merveille et deux, seront-ils capables de reproduire pareil coup d’éclat ? On l’espère …



RIDLEY SCOTT - ROBIN DES BOIS (2010)

Robin Hood prequel ...

Le film de Ridley Scott est la vingt et unième adaptation au cinéma des aventures de Robin des Bois. Pas mal pour un type qui n’a jamais existé … en fait parmi tous ces kilomètres de pellicules consacrées à Robin à la Capuche, seules deux étaient jusqu’à présent passées à la vraie grande postérité. Celle de Michael Curtiz, avec Erroll Flynn en collant moule-burnes vert sur un fond de couleurs pétaradantes, et celle très quelconque du troisième couteau Kevin Reynolds avec dans le rôle-titre le très bankable Kevin Costner, assurant sur son seul nom un retour sur investissement très conséquent.
Blanchett, Crowe & Scott
Et là, en 2010, on pouvait s’attendre à voir débarquer la version ultime de Robin des Bois. Parce que derrière la caméra il y a quand même rien de moins que Ridley Scott, qui bien qu’ayant ses œuvres légendaires tournées depuis quelques lustres (« Alien », « Blade runner », « Thelma et Louise »), sortait encore des trucs plus que bien foutus (« Gladiator », « La chute du faucon noir », « Kingdom of heaven », « American gangster », …). Et en gros plan sur l’affiche, la tronche rondouillarde de Russell Crowe, incontournable des années 2000 dès lors qu’il s’agissait de pulvériser des records au box-office (« Gladiator », « Master and Commander », « American gangster », « Jeux de pouvoir », …). Scott – Crowe, un attelage qui n’en était pas à son coup d’essai et promis à un succès assuré …
Les bons
Et succès il y eut (des centaines de millions de dollars de recettes au box-office). Mais de grand film point … Peut-être parce que l’équation était trop difficile à résoudre, même quand on s’appelle Ridley Scott. Comment faire du neuf avec du vieux, mille fois vu ? Même si Scott avait trouvé le gimmick : raconter l’histoire de Robin des Bois avant que ne commencent toutes les autres déjà filmées. Le prequel de Robin Hood en quelque sorte. Quitte à triturer tous les scénarios précédents pour en faire un de nouveau. Sans éviter le principe du prequel, assez gênant quand on fait un film de deux heures et demie, c’est qu’on connaît la fin puisqu’on a déjà vu la suite … alors on peut multiplier les méchants, les fourberies, chausse-trappes et situations désespérées, y’a pas de suspense. Et tout l’art et le talent de Scott, servis par quantités d’effets numériques n’y changent rien. Pire, lors de la bataille finale qui se veut le summum du film, on s’aperçoit qu’elle ressemble à un copier-coller de celles des Champs du Pelennor dans le dernier volet du « Seigneur des Anneaux », avec la femme, ici Lady Marianne qui se bat contre le méchant absolu Godefroy (à noter que Cate Blanchett qui joue Marianne est dans les deux films).
Les méchants
Et puis il y a le cas Russell Crowe. Qui dans la plupart de ses films ne joue pas un personnage, mais fait du Russell Crowe. Le type massif, œil noir inexpressif limite bovin qui finit par castagner tout ce qui passe à portée. Une sorte de Schwarzenegger néo-zélandais qui occupe certes l’écran d’une façon vue et revue et somme toute très stéréotypée. Perso, j’ai jamais considéré ce type comme un grand acteur malgré tous les énormes succès de son CV.
Certes, pris en dehors de son contexte le « Robin des Bois » de Scott est un film d’aventures divertissant, qui tiendra en haleine la cellule familiale un dimanche soir …
Ce « Robin des Bois » c’est quand même un peu beaucoup de la chair à prime time sur chaîne généraliste …

Du même sur ce blog : 




MELODY'S ECHO CHAMBER - BON VOYAGE (2018)

Melody ... Nelson ?

Conclusion : ce disque est embarrassant … voilà, voilà …
Pourtant a priori, j’avais envie d’en dire du bien. Une Française (Melody’s Echo Chamber c’est Melody Prochet seule aux commandes), qui ne donne pas dans la chanson française, qui ne singe pas je ne sais quelle mouvance sonore anglo-saxonne … Et qui donc fait quelque chose de relativement original. Sans vraiment rien inventer (d’ailleurs qui invente quelque chose depuis des lustres ?).
Melody Prochet
Son premier disque, auréolé de la présence du type en pleine hype (Kevin Parker, soit Tame Impala à lui seul) à ses côtés, avait créé le buzz. Un disque correct, bien que quelque peu convenu, paru en 2012. Depuis, plus rien. On lit ici ou là que la Melody a connu une déception amoureuse traumatisante, un sévère carton en bagnole, deux accidents de la vie dont elle a mis longtemps à se remettre. Soit … Qu’elle a dû se reconstruire, physiquement et mentalement avant de retourner à la musique. Qu’elle a rencontré fortuitement deux types, des Suédois, d’un groupe (Dungen, jamais entendu parler, soi-disant de la pop lorgnant sur …arghhh le progressif). Qu’elle a fait ce disque avec eux, d’ailleurs il y a plein de nom à consonnance du pays de Zlatan dans les crédits, et même un titre acoustique qu’elle chante en suédois (« Van hart du vart ? »), folk dispensable, avec par moment des faux airs mélodiques de « The girl from Ipanema ».
« Bon voyage » est une rondelle souvent agaçante, parfois même plombante …
Agaçante parce qu’il y a un parti-pris de noyer tout le son (instruments et voix) sous des tonnes d’effets, et de faire partir la plupart des titres dans tous les sens (effet prog ?), en multipliant les approches mélodiques, les ponts, les breaks, alternant parfois dans le même morceau chant en français et en anglais. Points communs à tous les titres : des couches de mellotron, pas l’instrument le plus discret du monde, même s’il donne une patine rétro (futuriste ?) à l’ensemble. Beaucoup également de sons et d’ambiances orientaux, en filigrane dans la pochette du disque. Un crobar tendance perse – kamasoutra où l’on voit la Melody se rapiécer la peau à hauteur du cœur (syndrome Ugolin – Manon des Sources ?) …
Ce qui nous amène à l’aspect plombant. Le propos global n’est pas joyeux, il donne plutôt dans l’introspection déprimante. La Melody n’a pas le moral au beau fixe, revient comme la misère sur les pauvres sur son amour disparu. Clairement, ce disque fonctionne comme une thérapie pour elle. Ce qui place l’auditeur dans la situation de voyeur de ses états d’âme. J’aime pas ça, d’une façon générale, ces gens qui te prennent en otage alors qu’ils sont en train de faire un strip-tease de leur âme. Tout le monde n’a pas le génie de (au hasard) Nick Drake pour ce genre de figure de style…
Melody's Echo Chamber live
Faut donc zapper pas mal d’aspects de cette galette si l’on ne veut s’en tenir qu’au résultat final. Melody Prochet est talentueuse, c’est sûr. Elle est capable d’écrire de grandes et belles choses, mais a trop tendance à les diluer et les étirer au-delà du raisonnable (seulement sept titres pour à peine plus d’une demi-heure). Un seul titre est « facile », d’une structure assez simple. « Breathe in, breathe out » qu’il s’appelle. D’ailleurs, et c’est certainement pas anodin, il est sorti en single. Le reste évoque pêle-mêle Gainsbourg – Burgalat – Air (« Cross my heart », « Visions of someone »), les montées dans les aigus de la voix (alors que Melody Prochet a naturellement une voix de non-chanteuse genre Adjani-Birkin) ressuscite à l’occasion le fantôme de Björk (proximité nordique entre Suède et Islande ?), se perd dans une sophistication envahissante (exemple type, « Shirim », instrumental de fin, avec cocottes funky engluées dans des synthés parfois proches de ceux de Daft Punk, sans qu’on voit où la Melody veut en venir).
« Bon voyage », c’est un peu le disque des générations Facebook ou Instagram, l’exhibition devant la Terre entière de ce qui ferait mieux de rester dans le domaine de l’intime et du privé. La qualité de ce qui nous est jeté en pâture devenant accessoire.
Reviens quand tu veux, Melody, mais s’il te plaît, avec un disque pour tout le monde, et pas seulement pour toi …


De la même sur ce blog :

SHANNON SHAW - SHANNON IN NASHVILLE (2018)

Ghostbusters ...

« Shannon in Nashville » agite tellement de mouchoirs rouges qu’on n’a pas envie d’être dupe de tous ces appels du pied un peu trop voyants. Frontwoman, une sorte de Beth Ditto blonde au tour de taille imposant. Coiffée d’une improbable choucroute qui ne semble attendre que le moindre zéphyr pour se déliter, version platine de l’excroissance capillaire qui surmontait le front de l’Amy Winehouse. Au générique, ordonnateur suprême de la chose (écriture, guitares et autres instruments bruyants, production), Dan Auerbach des famous Black Keys. Et un titre de disque qui renvoie à deux classiques absolus de la préhistoire qui rocke et rolle, « Dusty in Memphis » et « Elvis in Memphis », Tennessee connexion oblige.

Et vous savez quoi ? Eh bien, toutes ces plus ou moins subtiles allusions, pour une fois, elles sont justifiées… Evacuons le look bibendum, la Shannon n’a hormis un confortable embonpoint, rien à voir avec la leadeuse des feu Gossip. Par contre, que ceux qui portent encore le deuil de la Winehouse et qui ont oublié de se faire couillonner par les ersatz à voix rauque soul blues genre Adele reprennent goût à la vie, en voici une gueuleuse de bastringue qui a du coffre. Shannon Shaw est de la race des grandes, de celles qui te fileraient envie de chialer rien qu’en lisant le bottin. Même si les similitudes les plus évidentes sont à rechercher du côté d’une autre enrobée, la hurleuse soul en chef Aretha Franklin (R.I.P). Un style vocal qui a ses légions de fans, mais dont le côté braillard trop mis en avant peut susciter à la longue un certain embarras. Shannon Shaw a parfois tendance à se mettre en surrégime, on dira que c’est parce qu’elle a tout à prouver et à démontrer.
Shannon Shaw version Breakfast in America ?
Même si c’est pas une inconnue totale … quoi que … Son groupe précédent qui l’avait révélée ( ? ) et dont elle était la bassiste-chanteuse, Shannon & the Clams, trio voire quatuor de tâcherons se revendiquant pêle-mêle du punk, de la soul, du doo-wop et autres vieilleries vintage, ne remplissait pas les arenas, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ce groupe avait su attirer l’oreille de Dan Auerbach, qui a produit son dernier disque et proposé l’affaire en solo à la Shannon (disque et contrat de distribution via son label Easy Eye Sound). Avec évidemment en point de mire le « Dusty in Memphis », rondelle qui avait vu l’Anglaise se réinventer passant de grande chanteuse de variété pop un peu neuneue et engoncée à shouteuse soul, blues et rhythm’n’blues sous la houlette du nabab d’Atlantic Ahmet Ertegun… Auerbach n’est pas Ertegun, même les supporters du PSG le savent. Mais bon, il essaie … et plutôt bien. Bizarrement, et même si Winehouse et Springfield sont des comparaisons justifiées, c’est du côté de l’Elvis himself que je trouve le plus de similitudes. L’Elvis qui avait rué dans les brancards du colonel Parker et s’en était allé enregistrer les choses dont il rêvait à Memphis sous la houlette de Chips Moman, accompagné par les sessionmen hantant l’American Sound Studio. Deux de ces maintenant vénérables ancêtres se retrouvent sur tous les titres de ce « Shannon in Nashville », l’organiste Bobby Wood et le batteur Gene Chrisman.
Bon, Auerbach et la Shannon qui cosignent tous les titres ne sont pas au niveau de Jerry Butler, Hank Snow ou Burt Bacharach qui avaient fourni les titres au King. Il n’y a rien dans « Shannon in Nashville » qui égale ou s’approche de merveilles comme « Only the strong survive », « Any day now » ou « In the ghetto ». Et là où le bât blesse le plus, c’est au niveau de la production. Auerbach en fait des tonnes, empilant les pistes de claviers, de cuivres, de vocaux, mixant tout exagérément en avant, façon démonstration de force technique, alors qu’un peu plus de feeling et de retenue auraient été mieux appropriés. Bon, ce type fait partie des Black Keys, pas le groupe le plus finaud de la Terre, faut pas lui demander l’impossible.
Shannon Shaw, Bobby Wood, Dan Auerbach & Gene Chrisman
Ceci étant, il n’en reste pas moins que « Shannon in Nashville » est un putain de bon disque et qu’il m’étonnerait qu’il en sorte beaucoup de ce niveau dans les prochains jours. Les compositions sont bonnes, y’a de super mélodies, on n’a pas un titre photocopié treize fois pour arriver aux quarante syndicales minutes, et la Shannon est impressionnante derrière le micro. Il y a de l’émotion, de la retenue, des démonstrations de puissance vocale qui lorsqu’elle ne donnent pas dans le systématisme forcé laissent entrevoir l’immense chanteuse qui se révèle devant nos oreilles pas habituées à pareil festin sonore par les mornes temps qui courent. La bougresse s’exhibe sans retenue, mettant dans ses paroles ses joies et ses peines et tout ça ça devient son blues. Elle a pas peur de montrer son cœur en mille morceaux (« Cryin’ my eyes out »), mais compte pas passer sa vie à chialer sur le tocard qui l’a larguée (« Freddies ‘n’ Teddies »), à des lieues des pleurnicheries de circonstance qu’on entend partout. On a les lents crescendos soul (« Golden frames »), des ballades millésimées (« Goodbye summer », « I might consider », « Coal on the fire »), des mélodies pop (« Leather, metal, steel », « Lord of Alaska »). Le fantôme de la Winehouse hante « Bring her the mirror », celui d’Elvis « Love can’t explain » ou « Cold pillows ». En fait, tous les titres mériteraient la citation … rien de faible, rien qui sonne comme du remplissage …
Disque de l’été qui devrait même passer l’hiver … Peut-être disque de l’année donc …