ROBERT BENTON - KRAMER CONTRE KRAMER (1979)

 

And the winner is …

Kramer, forcément (un Oscar pour le film, un pour Hoffman, un autre pour Meryl Streep). Mais aussi le réalisateur Robert Benton (deux statuettes, meilleur film et meilleure adaptation). Et le producteur Stanley Jaffe qui a pas dû regretter d’avoir mis des dollars dans cette affaire, le film ayant cartonné en salles, et pas seulement aux Etats-Unis …

Lequel Stanley Jaffe, qui après avoir acheté les droits du bouquin d’un certain Avery Corman (aucun lien avec le Roger du même nom) dont sera tiré le film branche son pote Benton sur son adaptation au cinéma. Bon, soyons clair, on a affaire là à des seconds couteaux de l’industrie du cinéma, Benton n’ayant comme titre de gloire à son CV qu’une participation au scénario de « Bonnie & Clyde », et Jaffe rien de notable (et guère mieux par la suite, à l’exception du gentiment scandaleux « Liaison fatale »).

Hoffman, Streep & Benton


Les deux compères veulent une star pour le premier rôle, et se mettent vite d’accord sur le nom de Dustin Hoffman, qu’ils vont démarcher illico. Problème, le film est centré sur une histoire de divorce et Hoffman est justement en train de divorcer, et n’a pas spécialement envie de jouer devant une caméra ce qu’il vit au quotidien. Il finit par accepter, moyennant un droit de regard et de réaménagement du scénario, ce dont il ne se privera pas quelques fois, improvisant quelques scènes … L’autre moitié sera Meryl Streep, remarquée pour un second rôle chez Cimino (l’extraordinaire « Voyage au bout de l’enfer »). Boulimique de travail, elle joue en même temps au théâtre, tourne pour Woody Allen (« Manhattan »), et donc aux côtés de Dustin Hoffman, qui fidèle à ses habitudes, la regarde de haut, même si en l’occurrence elle est plus grande que lui. 

Scénario construit autour d’un divorce donc. Et pour que la fête soit complète, il fallait un enfant (de six ans au début du film, presque huit à la fin). Le choix se portera sur un certain Justin Henry (seul rôle majeur de sa carrière qu’il poursuivra pour quelques nanars direct to Dvd), dont Hoffman s’occupera vraiment. Un peu normal, le film tourne autour de leur relation.

Une famille en or ...


Par tradition, le cinéma américain est peu friand de mélos familiaux, Douglas Sirk et Cassavettes étant à peu près les seuls à avoir construit une filmographie sur ce genre. « Kramer vs Kramer » est à mi-chemin entre les deux, un peu de la mièvrerie de Sirk et quelques pétages de pétages de plombs hystériques à la Cassavettes, témoin la scène des « retrouvailles » entre Hoffman et Streep, conclue par un verre fracassé sur un mur de restaurant (personne à part le chef opérateur n’était au courant que la scène finirait ainsi, Hoffman l’ayant improvisée sans en avertir Benton et Streep). En fait « Kramer … » s’apparente plutôt au cinéma français, champion du monde de l’observation d’histoires d’amour intimistes qui finissent mal en général (on peut penser à toute la filmo de Claude Sautet par exemple).


Même si « Kramer … » offre une histoire un peu abrupte que l’on prend en chemin. Les trois premières scènes montrent Joanna Kramer faire ses valises et ses adieux à son fils endormi, Ted Kramer obtenir une belle promotion dans son agence de pub, et lorsqu’il rentre chez lui partager cette bonne nouvelle avec sa femme, c’est pour assister à son départ. On ne saura pas grand-chose de ce qui a pu conduire à cette désagrégation du couple. Tout juste se rendra-t-on compte que le mari ne s’est jamais occupé de tâches domestiques et paternelles (quelques scènes plutôt drôles où on le voit préparer et rater pitoyablement le petit-déjeuner, ou arriver au boulot les bras chargés de courses), et que sa femme est psychologiquement tourmentée (elle fait allusion à une thérapie qu’elle a suivie, et le twist final est certes spectaculaire mais assez incompréhensible). Et ce final laisse aussi le spectateur sur sa faim (ah bon, c’est fini, et il se passe quoi maintenant ?). Entretemps, on aura vu une mère qui a abandonné mari et enfant (se contentant pendant des mois d’envoyer de rares cartes postales à son fils), revenir demander sa garde au tribunal, ce qui revient à dire qu’on lui fait quand même jouer le sale rôle d’un scénario quelque peu macho …

L’essentiel du film nous montre cet apprentissage de paternité solitaire de Dustin Hoffman, qui doit apprendre à connaître et apprivoiser son fils. Hoffman, archétype des acteurs de l’Actors Studio, trouve là un rôle sur mesure, évolutif, celui d’un père qui doit tout gérer seul (il tente bien de draguouiller voisine ou collègues de bureau, mais ne refait pas vie avec une autre femme), et doit élever son fils (l’histoire se déroule sur un an et demi). Et le petit Justin Henry s’en sort ma foi plutôt bien, certaines scènes reposant beaucoup sur lui (celles de la crème glacée, ou de son passage aux urgences de l’hôpital). A noter une similitude physique évidente du jeune Justin Henry (les mignonnes chères têtes blondes) avec le gosse qui joue le petit Anakin Skywalker dans le premier (ou le quatrième, ça dépend comment on compte) épisode de la saga Star Wars …

Un verre ça va, deux verres bonjour les dégâts ...


Et comme toujours, Meryl Streep crève l’écran. De toutes façons, qu’est-ce qu’il y à dire sur Meryl Streep ? C’est une sinon la meilleure des actrices en activité, elle pourrait rendre intéressant un personnage dans un film Marvel … Et preuve que le Benton, c’est pas un cador, elle avoue dans les bonus, alors qu’elle n’était qu’une quasi-débutante, qu’elle l’avait poussé à lui laisser réécrire ses réponses lors de la scène du tribunal, pour qu’elles sonnent féminines …

« Kramer contre Kramer » s’apparente souvent à du théâtre filmé, l’action se déroule quasiment toute dans l’appart des Kramer, dans la boîte de pub de Ted, dans un jardin public et dans une salle d’audience de tribunal. Perso, ce que je trouve le plus intéressant, c’est pas l’histoire en elle-même, vague machin larmoyant sur une cellule familiale qui vole en éclats, mais ce qui est évoqué au second plan. A savoir le monde impitoyable de l’entreprise (« on est super-potes, vachement contents de toi, mais tu passes trop de temps à t’occuper de ton mouflet, ça gêne le bon fonctionnement de la boîte, alors t’es viré »), et celui guère plus reluisant de la justice qui se monnaye très cher aux States (les avocats, machines procédurières sans âme et leurs questions, embarrassantes même pour ceux qu’ils défendent).

« Kramer contre Kramer », bien que servi par deux énormes interprètes, se situe quand même un peu en deçà de toutes les louanges qu’on lui a tressées … juste un bon film pour soirée confinée …


1 commentaire:

  1. Ce film n'avait pas une bonne réputation, à ranger aux côtés de "Love Story". J'y allais à reculons, le mélo définitif et larmoyant, acteurs cabotins. Et puis non. Finalement, une petite musique se laisse entendre, la mayonnaise prend bien, le boulot des comédiens y est pour beaucoup. Dans mélodrame, y'a drame. On craint le mélo, mais on apprécie finalement le drame !

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