« Boy in da corner » a été considéré comme un disque
important, voire majeur par les gens compétents en matière de rap. Soit. Du
haut de mon incompétence, j’affirme que cette rondelle me gonfle …
Le rap, quand je suis de bonne humeur (si, si ça
m’arrive), je supporte. Parfois même j’apprécie. Bon, le rap old school. Parce
que moi aussi je suis de la old school. Même de la very old school. Pour les
quelques-uns à qui les débuts de Dizzee Rascal auraient échappé, le minot a le profil
type du rappeur, avec tous les malheureux clichés qui vont avec. L’enfance
difficile, la petite délinquance et la rédemption par la musique, où il se fait
remarquer encore tout ado en tant que Dj remixeur dans les soirées et les
endroits pointus. Contrat avec XL Recordinds, (très gros label indépendant
ayant signé ou distribuant Beck, Gorillaz, Moby, White Stripes, … plus tard
Adele ou Vampire Weekend, …) et alors que le gamin n’a que 19 ans, parution de
« Boy in da corner ».
Ou il pose, sitting on a corner, en survet bouffant
et Nike rutilantes (comme quoi il a un goût de chiottes pour choisir ses
fringues), et fait des mains sur sa tête un signe susceptible de rallier tous
les fans d’Angus Young. Que ceux-ci passent leur chemin, ce disque n’est
absolument pas pour eux …
Dizee on Dizzee. Mar Bolan faisait ça au début des 70's
D’entrée le son surprend. Tout le temps d’ailleurs. C’est
d’une sécheresse brutale et lourde, une sorte d’épure rythmique balancée façon
techno. Le Dizzee il rappe par-dessus. Avec son nez, d’une voix nasale qui
contribue pas à flatter l’oreille. C’est pas de l’inouï total, un type comme au
hasard Tricky savait parfois donner dans les très lourd martial. « Boy in
da corner » donne dans le social, dans l’introspectif d’ado immature qui
arrive pas à pécho de la meuf (« I luv U » t’es une gamine et t’entends
ça, tu détales …), comme des thèmes de morceaux des Buzzcocks revus par le rap.
Le coup du disque à sa petite maman chérie sonne
forcément cliché (tous ces bad boys ont toujours fait ça, à commencer par les
plus asociaux genre 2Pac, ça leur donne peut-être bonne conscience …), et puis
4 lignes plus loin dans le livret arrive un « fuck you » pour tous
les « haters & enemies », pfff, ça finit par être d’un ridicule, cette
histoire…
Sinon, comme le gars est Anglais, il y a des trucs
qui ressemblent à Queen (désolé, mec, mais comme tous ceux de ton île, t’as
grandi avec Mercury et sa clique en heavy rotation partout et ça laisse des
traces, même si ce doit être une comparaison honteuse pour toi) comme « Fix
up look sharp » (l’énorme batterie de « We will rock you » a
fait des petits), ou les relents opératiques de « Just a rascal »,
par ailleurs d’assez loin meilleur titre de la rondelle parce que très différent
des autres …
Et on appelle ce sous-genre de rap le grime (désolé
j’ai pas trouvé de jeux de mots con ou une contrepèterie à faire avec ça …)
Ah, et le Dizzee il a gagné le Mercury Prize (sorte
de César de la musique chez les British) avec cette rondelle …
Et sinon … sinon rien, on passe au suivant et à l'année prochaine…
Il y a des gens
dont on n’attend rien. De bon ou mauvais. Curtis Hanson fait partie de ces
réalisateurs dont tout le monde se fout, qui tourne des films dont tout le
monde se fout, critique comme public …
Et puis, sans
que l’on sache pourquoi, le type sort un machin qui met tout le monde d’accord,
un très gros succès populaire encensé par tous ceux que l’on paye pour donner leur
avis sur ce qu’ils ont vu avant les autres sur un écran. Moi personne me paye,
ce qui évidemment ne donne donc aucune valeur à mon avis. Et pourtant je le dis
haut et fort, « L.A. Confidential » est un super film.
Pearce, Hanson & Crowe
Un film auquel
on a bien du mal à comprendre quelque chose la première fois, parce qu’ici il n’y
a ni bons ni méchants. Juste un tas de types plus ou moins pourris, et qui dans
le meilleur des cas agissent pour eux et non pas forcément pour ce pourquoi ils
sont payés. « L.A. Confidential » est une histoire de flics, plus ou
moins corrompus, qui s’agitent dans le Los Angeles des années cinquante. Autour
d’eux gravitent des femmes (bizarrement, mieux traitées dans le scénario, même
si une finira à la morgue et l’autre … on en reparlera), et toute une faune allant
du journaliste cupide et partial, aux politiques dépravés ou manipulateurs, en
passant par les milliardaires proxénètes et les immigrés (surtout les chicanos)
en bons clients qu’on tabasse ou flingue impunément.
A la base de « L.A.
Confidential », un bouquin de James Ellroy, qu’il est inutile de présenter,
tant son nom est associé aux polars glauques et désespérés, un descendant-successeur
des Hammett ou Chandler, les rails de coke en plus … Dire que l’intrigue est
aussi compliquée que celle du « Faucon maltais » ne relève pas de la
litote. Faut dire qu’il n’y a pas un mais plusieurs protagonistes principaux et
que leurs histoires pas très nettes finissent par se croiser lorsque des
enquêtes qu’ils mènent chacun de leur côté deviennent une seule et même
affaire.
Les flics
On ne peut
pas ne pas penser au « Chinatown » de Polanski pour plusieurs raisons :
les reconstituions méticuleuses et pointilleuses du Los Angeles d’une époque
révolue, chez Polanski les années 30, ici les années 50, le rôle crucial de la
femme qui fait avancer le scénario, Dunaway vs Basinger, et les deux enquêtes qui
évoluent et finissent dans les plus hautes sphères de la société de la ville. On
a aussi des différences notables, dans « Chinatown » il n’y a
vraiment qu’un type qui mène l’enquête (et Nicholson n’est même pas flic, c’est
un privé), et ses méthodes (no guns et le moins de bastons possibles) tranchent
radicalement avec l’atmosphère violente voire ultra-violente de « L.A.
Confidential ». Hanson cite aussi « Le grand sommeil » (avec
Bogart et Bacall) comme source d’inspiration. Comme il y a des décennies que je
l’ai pas vu, je lui fais confiance …
Le film doit
tout à Hanson. C’est lui qui écrit l’adaptation du bouquin d’Ellroy, et s’en va
à la pêche aux producteurs. Le sulfureux Arnon Milchan (mais au nez très creux lorsqu’il
s’agit de faire des cartons au box-office) est séduit par le projet ambitieux
de Hanson qui sent qu’il a un super scénario et envisage d’entrée la
superproduction hollywoodienne. Milchan commence à se gratter la tête lorsque
Hanson lui annonce ses deux acteurs tête d’affiche : Russell Crowe et Guy
Pearce. Deux métèques donc. Totalement inconnus du public américain (et de
celui du reste du monde aussi, d’ailleurs). L’un est néo-zélandais et a marqué
Hanson par un rôle se skinhead facho et violent (pléonasmes) dans « Romper
stomper » (que je recommande au passage), l’autre en jouant une drag-queen
dans « Priscilla, folle du désert » (que je recommande aussi).
Crowe sera donc
un flic brutal, révélant au monde entier un baraqué castagneur, le genre de
rôle qu’il endossera à peu près toute sa carrière. A côté de son personnage,
Eastwood dans « Dirty Harry », c’est l’Inspecteur Gadget … Pearce
sera un flic honnête (à peu près le seul du scénario) au départ, mais qui
finira par carriérisme d’abord puis par Basinger alpagué, et finalement lorsqu’il
sent qu’il peut régler une affaire toute perso (retrouver l’assassin de son
père, flic aussi et tué dans des circonstances non élucidées en service), par déraper
sérieusement vers la haine et la violence.
Autre flic du
casting, Kevin Spacey, le flic corrompu jusqu’à l’os, plus ou moins associé à
Danny DeVitto, journaliste d’une feuille de chou à scandale. Les deux se
refilent des infos (et du pognon) pour booster leurs carrières respectives, en
évoluant dans la high society, à l’affût du moindre ragot ayant à voir avec la
drogue, l’adultère, la prostitution et les trafics divers. Les deux finiront
mal, le premier sur la voie de la rédemption, le second parce qu’il est devenu
une pièce à conviction gênante … Une faune interlope sur laquelle règnent des
caïds qui s’entretuent, des flics haut placés qui ferment les yeux, et des
politiques véreux ne refusant jamais un bon pot-de-vin complètent les figures
des protagonistes majeurs.
Kim Basinger, envie de croire au Père Noel ?
Et puis il y
a la femme, jouée par une sublime Kim Basinger, qui trouve là certainement son
meilleur rôle. Prostituée haut de gamme maquée par un milliardaire qui conçoit
ses créatures (à grand renfort des chirurgie esthétique si besoin) comme les
sosies d’actrices célèbres. Cette Veronica Lake des trottoirs n’est pas seulement
là pour donner un côté glamour et sexy au film, c’est un personnage principal,
qui petit à petit dévoile fractures et brisures d’une fille paumée venue tenter
la fortune à L.A. Veuve noire qui attire dans ses filets soit sur ordre de son
mac soit de sa propre initiative quelques-uns des acteurs principaux …
« L.A.
Confidential » est un film prenant parce qu’il est ancré dans le réel (le
tabassage des Mexicains en prison a bien eu lieu pour le Noel 1951, les personnages
de Spacey et DeVitto ont existé, la feuille de chou à scandale s’appelait même « Confidential »).
Mais aussi parce que même avec des personnages fouillés, il n’y a pas de temps
mort, et que ça tape et ça flingue aussi fort que dans « Les affranchis ».
Pour finir et
pour donner une idée de la noirceur toujours sous-jacente du film, cet échange
laconique entre Pearce: « Pourquoi t’es devenu flic ? » et
Spacey : « Je ne m’en souviens plus » …
Y’a des gens qui démarrent mal dans la vie sonore avec moi.
Ceux-là, les Ar-Kaics, rien qu’à voir leur nom, ça m’a fait penser aux
Dinosaurs, supergroupe ( ?? ) monté au début des 80’s par des vieux
croûtons de l’été de l’Amour à San Francisco (des types de Country Joe &
The Fish, Quicksilver, Airplane, Big Brother, …).
The Ar-Kaics
D’un autre côté, les Ar-Kaics, ils auraient été encore
plus ridicules de s’appeler New quelque chose, parce qu’il n’y rien, mais
strictement rien de nouveau chez eux. Et leur rondelle est dotée ( ? )
d’une pochette genre dessin d’école primaire pour la Fête des Mères, quand il
reste plus de nouilles pour faire des colliers …
De quoi est-ce qu’il s’agit donc avec les Ar-Kaics ?
Ben tout simplement de la énième mouture d’un revival garage, par trois types
et une nana plus tout à fait perdreaux de l’année. Qui bénéficient d’une
signature chez Wick Records, sous-label de Daptone, maison à l’origine
spécialisée dans la soul vintage de haute qualité (Sharon Jones & the Dap-Kings).
Certes, faut reconnaître que ce « In this time »
est bien foutu, et que la qualité et l’exigence qui va avec le label Daptone n’est
pas à remettre en cause. Sauf que les Ar-Kaics sont le milliardième groupe à œuvrer
dans ce créneau (compteur bloqué dans les années 65-67, guitares fuzz en avant
toute, et un sérieux de jésuite pour envoyer la sauce). En gros des candidats
pour les compilations Peebles, Nuggets, Sixties Archives à venir … S’inspirer
des Stones de « Between the buttons » (pour faire simple) et
envisager de laisser une trace à la « postérité » genre Standells,
Count Five, Seeds, why not … Sauf que dans ce « In this time », je
vois pas l’ombre d’un titre qui pourrait se faire une place à côté des
légendaires binaires crasseuses que furent en leur temps des « Dirty water »,
« Psychotic reaction » ou « Pushin’ too hard ». Les
Ar-Kaics semblent condamnés à perpétuité à la seconde division, même si on peut
me répondre qu’ils n’affichent nulle part l’ambition de gagner la Champions League
…
Les mêmes en couleurs
« In this time », il commence bien, mais il tient
pas la distance. La doublette inaugurale (« Don’t go with him », « Some
people ») est une bonne entrée en matière, avec mention particulière à la
seconde, le titre le plus léger et mélodique (comme si les Byrds avaient fait de
la power pop ). Le disque est conçu (évidemment) pour le format vinyle (les
sixième et douzièmes titres sont deux ballades plus ou moins crépusculaires et
crispées, marquant la fin de chaque face en plastoc). Pour le reste, qui a
écouté les Cramps et le Gun Club ne sera pas dépaysé, et il convient juste de
parler pour la comparaison de similitudes sonores, la folie et la qualité d’écriture
sont ici bien des crans en dessous …
Les Ar-Kaics se contentent d’avoir le pied lourd sur la
pédale fuzz, de privilégier les mid-tempo lourd(ingue)s, et de mettre en avant
sur le site de Daptone et sur YouTube les titres à mon sens les plus
quelconques de leur disque.
Même si on a entendu bien pire dans le genre, une
rondelle pour fanatiques et complétistes du genre. Ce qui risque de pas faire
grand-monde …
Il est assez étonnant de voir que Creedence, qui fut
pendant quelques années (et pas n’importe lesquelles, celles de la fin des
années 60 où il y avait quand même encombrement de talents) le roi
incontesté des charts américains, est aujourd’hui à peu près complètement oublié.
Il serait temps que le peuple se mobilise pour réhabiliter Fogerty et sa troupe.
La réhabilitation de Creedence, voilà une revendication qui aurait de la
gueule. N’est-ce pas les gilets jaunes, si tant est qu’il y en ait quelques-uns
parmi vous qui sachent lire et formuler une doléance cohérente (le régime merguez-Heineken à fortes doses montre vite ses limites quand il faut utiliser son QI), voilà une revendication
autrement plus importante que le prix du carburant, le pouvoir d’achat, ou la
démission de Macron (vous voyez qui c’est lui, le quadra aux poses messianiques
à la Don Camillo, et qui vous a fait croire qu’il allait mettre notre pays en
marche, alors qu’il est juste encore plus nul et arrogant que Mr Gayet et Sarko réunis, ce
qui n’est pas peu de chose, et qu’il est accompagné par une bande de têtes de nœuds
genre Le Maire, Darmanin, Grivaux, Castaner, liste loin d'être exhaustive, qui devraient repartir au plus vite d’où ils
viennent, la troisième division de la droite centriste et de la gauche molle, et arrêter de se prendre pour des hommes politiques, eux à qui on ne voulait même pas confier le nettoyage des latrines au siège de leurs anciens partis respectifs) ?
… La France va mal, camarades ( ? ), raison de plus pour écouter Creedence
… qui eux n’ont jamais fait de politique (quoi que, on y reviendra si j’y pense),
mais qui étaient à peu près aussi mal habillés qu’un Breton mécontent et bourré
(pléonasme) en bonnet rouge et / ou gilet jaune…
Remarquez, sans les chemises de bûcheron à carreaux,
avec quoi auraient bien pu se fringuer Neil Young, Bruce Springsteen et Kurt
Cobain ?
John Fogerty, Tom Fogerty, Doug Clifford, Stu Cook
Creedence, c’était la revanche des ploucs sur les
types (et les nanas) dans l’air du temps. Ils étaient pourtant au bon endroit
(la Californie, du côté de San Francisco) au bon moment (le milieu des années
60). Comme l’Airplane, Quicksilver, Grateful Dead. Sauf qu’ils n’ont pas
cherché à inventer un langage musical sous LSD. Et qu’ils ont peut-être jamais foutu
les pieds à Haight Ashbury, se contentant de leur morne El Cerrito (banlieue
nord-est de Frisco, de l’autre côté de la Baie).
John Fogerty aime le rock’n’roll des origines, Presley
et consorts. Son pote de lycée, Doug Clifford, pareil. Tous les deux rêvent de
faire de la musique, sans ambition, juste un college band. L’affaire s’emmanche
quand John se fait offrir par ses parents une Silvertone pourrie d’occase et
que Doug se bricole une batterie à base de pots de fleurs. N’ayant pas eu l’idée
de s’appeler les White Stripes ou les Black Keys, il leur faut du renfort. Ce sera
Stu Cook (parce qu’il est dans la classe de Clifford, et quand on les fait s’aligner
par ordre alphabétique, ils se retrouvent à côté). Cook est pianiste (enfin il
sait vaguement jouer du piano). L’aventure en trio commence, sous des noms totalement
improbables qui ne tiennent que le temps de dégoter un concert où ils jouent
(des reprises) dans l’indifférence générale.
Version trio
Les minots sont motivés, et finissent par être
reconnus (dans leur pâté de maisons et leur lycée). Entre-temps, Cook est passé
à la basse. Il est temps de faire un gros coup. John propose à son frère aîné
Tom de les rejoindre. Tom, c’est la star des Fogerty. Il compose, joue de la
guitare en faisant des solos et chante dans un groupe « célèbre ».
Quelquefois même dans des bars ou des clubs à pfff … des quinze ou vingt
kilomètres d’El Cerrito. Sur la seule renommée de Tom, le quatuor « explose »,
sous le nom de Tommy Fogerty & The Blue Velvets. Il quitte le lycée d’El
Cerrito pour jouer dans les mêmes rades que fréquentait Tom. Pour les trois
pieds-nickelés originels, c’est le jackpot artistique. Ils enregistrent même une
paire de 45 T sans aucun succès. Mais à force de s’acharner, les quatre zozos
voient leur audience s’accroître, et finissent par décrocher des contrats pour
des concerts devant des dizaines de personnes. Et là surgit l’accident
industriel. Tom, incontesté chanteur guitariste et leader est bouffé par le
trac dès lors que l'assistance est composée d’autres personnes que ses copains.
John commence donc à chanter et à prendre les solos. Et tant qu’à faire comme c’est
lui qui va les chanter, à composer les titres de leur répertoire. Une sono asthmatique
l’oblige à s’égosiller au micro, ce qui donnera ce chant forcé immédiatement
reconnaissable.
Tout passe, et même l’adolescence. Faut bosser,
faire l’armée tout ça … Le groupe (qui a encore changé de nom après que ses 45T
se soient vautrés) est mis en sourdine. John glandouille chez Fantasy Records,
micro label orienté jazzy, qui récupère par hasard un hit (au niveau de la Californie)
et un peu de fric. John suggère au patron de Fantasy de signer son groupe, qui,
c’est pas lui qui choisit, s’appelera les Visons. Puis les Golliwogs. Des 45 T
suivent avec les bides habituels. Le patron de Fantasy vend en 1967 sa boîte à
un de ses employés, Saul Zaentz. Qui hérite donc des Golliwogs. Qu’il somme de
se rebaptiser en optant pour un nom à la Quicksilver Messenger Service, qui
commence à se faire un nom à San Francisco. Les trois mots choisis seront Revival
(l’ambition de remettre le rock’n’roll au goût du jour), Clearwater (la pureté,
la nature, les utopies hippies, …) et Creedence parce que Tom a un pote qui se
prénomme comme ça et que ça le botte un nom de baptême pareil …
Parenthèse : John Fogerty voue depuis des décennies
une haine féroce et tenace vis-à-vis de Saul Zaentz (l’humiliant même dans une
chanson et son clip plein de cochons « Zanz Kant Danz » sur son disque
solo « Centerfield » en 85). Il s’est peut-être (sûrement ?)
fait escroquer par un contrat tordu, mais sans Zaentz, point de Creedence,
parce que fallait y croire ou être un sacré visionnaire pour signer cette bande
de péquenots et leur drôle de musique ringarde en 67. Fin de la parenthèse …
Creedence live
Et là, tout à coup, ça fonctionne. Le premier single
(« Porterville ») est remarqué, le second (« Suzie Q ») est
un succès. Creedence sera un groupe à singles. Des singles rustiques, pleins à
la gueule de ce rock’n’roll fifties, avec des touches de country ou de blues. Pendant
quatre ans, de 68 à 71, tous leurs singles finiront en haut des charts
américains, beaucoup plus rarement ailleurs. Creedence est un groupe de pécores,
de traditionalistes, qui portent haut l’étendard du « c’était mieux avant ».
John Fogerty est capable en deux minutes trente de choses fulgurantes, d’une
simplicité et d’une évidence bibliques (« Bad moon rising », « Fortunate
son », « Travelin’ band »). Mais
aussi des ballades définitives (« Who’ll stop the rain », « Have
you ever seen the rain »). Sa voix forcée peut lui permettre de reprendre Little Richard sans se
couvrir de ridicule (« Good Golly Miss Molly »), tout comme McCartney
ou Wanda Jackson (liste close). Il sait se fendre de quelques solos de guitare « acide »
dans l’air hippy du temps, sans prétention, mais sans se ridiculiser. Les
albums (en gros un tous les huit mois) cartonnent …
Chaque médaille ayant son revers, CCR a sa dark
side. Le Tom, de star du groupe lors de ses dures années originelles, est un
faire-valoir, un comparse de John qui lui focalise regards et louanges. Le bond
frisé va très mal vivre cette situation, les rapports avec les autres et
surtout son frangin seront vite détestables et il quittera le navire après l’enregistrement
de « Cosmo’s Factory ». Et puis, les albums de Creedence sont
inégaux. Même s’ils contiennent toujours les singles. Parce que Fogerty a la fâcheuse
habitude d’étirer des titres au-delà du raisonnable, dans des jams bluesy cotonneuses,
à faire passer les frères Allman pour des types concis et Canned Heat pour un
groupe plein d’imagination. Tous leurs meilleurs disques (les cinq premiers) comptent
en leur sein ces pénibles « Suzie Q pt I & II », « Graveyard
train », « Keep on chooglin’ », « Ramble tamble », « I
heard it to the grapevine ». De leur discographie, « Cosmo’s factory »
est toujours cité comme leur apogée. Désolé, mais avec « I heard it … »
et « Ramble tamble », soit vingt minutes et donc la moitié du disque,
z’êtes sûr ? « Cosmo’s … » est très daté et commence à perdre de
cette dynamique, de cette fougue qui faisaient tout le succès et le son
Creedence des singles. Perso, je trouve celui d’avant, « Willie & the
poor boys » infiniment meilleur, c’est le plus roots, aucun titre
au-dessus des six fatidiques minutes.
John Fogerty
Venons-en à « Legend » donc. Un coffret de
trois rondelles sorti au milieu des années 90. Réédité par Warner Jazz ( ? !
) France en 2002. Remastérisé pour l’occasion en 24 bits, et avec un bon livret
bilingue (une page en français, en face la version anglaise), dans lequel j’ai
pioché les infos biblio du dessus. Rien à dire, bel objet. D’autant plus que
comme Creedence n’a sorti que sept albums studio (plus un live très dispensable),
les six premiers sont dans l’ordre chronologique sur le coffret plus les trois
singles (plutôt corrects) issus de leur chant du cygne, le plutôt mauvais « Mardi-Gras ».
Pas une intégrale studio, mais pas loin. D’autant que (voir les rééditions avec
bonus des albums pris séparément), il semble bien qu’il n’y ait que peu de
matériel studio inédit chez Creedence (faut dire qu’à la vitesse où ils
paraissaient, ça laissait pas trop de temps aux fioritures et aux
expérimentations).
On peut donc mesurer l’évolution du Creedence sound
(un peu fouillis aux débuts, genre swamp-rock), celui-ci culminant à mon sens
sur « Green river » (le troisième, le plus rêche, avec Fogerty qui ne
chantera plus jamais aussi sauvage). Ensuite, très discrets sur « Cosmo’s … »,
les instruments additionnels au strict deux guitares basse batterie des débuts
viendront encombrer le paysage sonore (claviers, cuivres façon revue Stax sur « Pendulum »).
C’est joli, bien fait, « surproduit » par rapport aux débuts, mais la
magie et la hargne de la jeunesse sont partis …
Creedence a vécu un peu en marge de la musique
dominante américaine (apparition – quelconque – du groupe à Woodstock étant l’exception
qui confirme la règle), mais en sachant garder les pieds sur Terre. Trois chansons,
et pas des moindres (« Fortunate son », « Who’ll stop the rain »,
« Have you ever seen the rain ») font référence au conflit du Vietnam
et valent bien dans l’esprit les pamphlets de Country Joe ou le « Machine
gun » d’Hendrix et de sa bande de gypsys.
Fogerty, s’il a pas mal visité les autres, est un
grand auteur. Et une marque de fabrique américaine, purement américaine. Sans
doute que sans lui, les carrières de Bob Seger ou Springsteen n’auraient pas
été les mêmes, pour parler des plus évidents. Fogerty a pas mal repris, mais a
laissé quelques bornes de la musique populaire américaine difficilement
contournables. Deux exemples suffisent. Tina (et Ike) Turner ont boosté leur
carrière lorsque Tina s’est mis à reprendre de façon fellatoire (le sort qu’elle
faisait au micro, avec les Ikettes poussant à l’orgasme aux chœurs) « Proud
Mary » (pourtant une histoire toute con d’un bateau avec roues à aubes qui
descend un fleuve), et la seule « Run through the jungle » (déjà un
titre un peu à part dans le répertoire de Creedence) reprise par le Gun Club a
généré tous les les groupes de rock « torturés » des années 80 (Noir Désir
par ici) … Sans parler du « Fortunate son » adapté par Labro pour feu
Hallyday …
Creedence était, en dehors de son trajet interne, de
toutes façon condamné. Un clone bruyant et bourrin (Grand Funk Railroad, un nom
en trois mots, tiens tiens …) le remplaçait en haut des charts à grands coups d’hymnes
démagos et simplets. Et de toute façon Led Zeppelin mettait aux States tout le
monde d’accord …
Creedence est un groupe essentiel. Dont les albums
pris un à un le sont moins …