THE BLACK ANGELS - DEATH SONG (2017)

Tomorrow the World ?
« Death Song » ou comment le groupe messie de sa petite chapelle peut devenir une référence pour tous. Même si c’est pas gagné. Rien n’est jamais gagné dans cette loterie forcément aléatoire qu’est le music business.

Les Black Angels ont commencé à déployer leurs ailes il y a dix ans (putain dix ans !). Avec comme signe distinctif une révération du Velvet et une génuflexion devant tous les anciens du psychédélisme lourd et sauvage. Et dans ce genre plutôt encombré, ils sont devenus incontournables, (re)mettant Austin sur la carte du rock qui compte, y lançant même le Psych Fest. Qui a fini par faire de l’ombre au totalement mainstream et monétisé à outrance SXSW (South by SouthWest), longtemps considéré comme le plus grand festival rock des années 2000 de la galaxie. Une Psych Fest devenue Levitation Festival et maintenant déclinée dans le monde entier.
Evidemment, se diversifier, comme disent les hommes d’affaires, ça peut avoir des conséquences non négligeables sur l’activité principale. Après deux premiers disques remarquables dont un « Phosphene dream » d’anthologie, ils avaient baissé qualitativement, laissant, à mesure que leur réputation croissait quelques-uns de leurs premiers fans sur le bord de la route.

Et aujourd’hui « Death Song » pourrait être le disque de la rupture, leur ouvrir les portes du succès mainstream, comme l’ont été en leur temps des rondelles comme « Out of time » pour R.E.M. ou « El Camino » pour les Black Keys. Des disques qui ne reniaient pas le passé mais ouvraient toutes grandes les portes des arenas. Avec « Death Song » les Black Angels conservent leur ADN. Déjà, leur nom était la moitié d’une chanson (enfin, chanson si on veut) du Velvet, et le titre de ce disque en est l’autre moitié. Difficile de faire plus explicite, même si rien dans ces onze morceaux ne sonne comme la bande à Lou Reed …
« Death Song » a été enregistré entre leur fief d’Austin et Seattle. Hasard ou pas, il semblerait que l’âme des deux Seattle guys du Club des 27 ait guidé quelques parties de guitare hendrixiennes (les décollages « cosmiques ») ou survolé les riffs lourds très Nirvana de quelques titres. Certitude en tout cas, ce disque a été conçu avant le résultat de la présidentielle US alors que la sourde menace d’un Trump victorieux commençait à se préciser et donne parfois dans le « politisé », le constat social. C’est peut-être cet aspect de « l’œuvre » qui sera un frein à leur expansion, les disques « militants » n’étant pas aujourd’hui forcément bien vus, on n’est plus à la fin des 60’s, l’hédonisme et l’insouciance sont (re)devenus rois …
Ce qui distingue de la concurrence, c’est la variété sonore de ce qui est proposé, loin du pilonnage sonique monotone de mise dans la boutique heavy psych. D’abord les Black Angels font sauter les verrous des claviers et autres synthés longtemps accusés de tous les maux dès lors qu’il s’agissait de « rock ». « Death Song » en est plein, et curieusement (là aussi ça semble une tendance lourde du rock indie de nos jours) beaucoup renvoient aux sonorités honnies des lustres des années 80. Exemple les plus frappants, « I dreamt » et « Medicine » dans lesquels les fans de Depeche Mode ne seront pas perdus, même si le premier, tournerie hypnotique avec voix de muezzin évoque encore plus les premiers P.I.L., le second étant beaucoup plus hermétique et énigmatique dans sa finalité, on voit pas trop où le groupe veut en venir.
Que les amateurs de grosses guitares ne passent pas leur chemin, y’a ce qu’il faut. Des riffs stoner de l’introductif « Currency » (grand morceau, avec son contraste entre la douceur mélodique et la violence sonore), au space rock sauvage de « Comanche moon », en passant par le heavy blues rock « Hurt me down », ou le violent « I’d kill for her » dans lequel la mélodie enfouie sous les strates de guitares évoque Dinosaur Jr.

Et puis il y a dans « Death Song » quelques titres qui s’imposent d’eux-mêmes, sublimant influences et références. « Half believing », ballade à synthés planants et arpèges de guitare, voix haut perchée, avec une montée en puissance qui montre à Arcade Fire qu’ils ont encore du boulot. « Estimate » est le seul clin d’œil au Velvet. Enfin, par la bande, puisque qu’on y trouve un harmonium (instrument de prédilection de Nico lors de sa carrière solo) très en avant, un drive de batterie imperturbable comme un mantra rythmique, qui concourent à faire de ce morceau une expérience sonore originale et étrange. « Grab as much », basse caoutchouteuse, un riff qui ressemble étrangement à celui de « Shakin’ all over » de Johnny Kidd, est un titre quasiment pop qui finit par une boucle à la « A day in the life ». Enfin l’ultime « Life song », c’est la musique qui visite les étoiles, et ça mériterait de devenir le « Space Oddity » des années 2010.
Le packaging est comme toujours avec les Black Angels somptueux, avec sa pochette très Vasarely style, et son poster dans le digipack. Chez ces gens-là, même à une époque où les disques ne se vendent plus, on respecte le cochon de payant.

« Death Song » constitue le premier grand virage, « l’ouverture » vers un public que les Black Angels souhaitent manifestement voir s’agrandir. Perso, ça me dérangerait pas qu’ils réussissent …



JOSEPH LOSEY - THE SERVANT (1963)

Master & Servant (copyright Depeche Mode) ...
Ou le film a priori so british d’un Américain victime du maccarthysme. Faut dire qu’il l’avait bien cherché, Losey. Se déclarer communiste à la fin des années 50 aux States, ça exposait à quelques mesures de rétorsion. Et quand tu étais en gros dans le culturel, t’étais blacklisté ou prié d’aller voir plus loin si quelqu’un voulait pas embaucher des marxistes… Résultat des courses, comme la censure et la rétorsion qui l’accompagne, ça compte, Losey sera un cinéaste « culte », entendez par là qu’il laissera le grand public assez indifférent. Un cinéaste pour cinéastes, en somme …
James Fox, Joseph Losey & Harold Pinter
« The Servant » reste pour beaucoup sa masterpiece. Une épure glaciale sur les relations de classe, de dominance et de soumission dans un Londres contemporain. Point de départ du film, la caméra suit un piéton dans un quartier cossu et résidentiel. Le piéton entre dans une demeure qui a besoin d’être rénovée et finit par trouver son propriétaire avachi et endormi dans un fauteuil. Le piéton, c’est Hugo Barrett (Dirk Bogarde, acteur déjà confirmé qui trouve là ce que beaucoup considèrent comme sa meilleure composition). Le proprio, c’est Tony (un des premiers rôles de James Fox). Barrett vient proposer ses services pour une place de « servant » (terme intraduisible dans ce contexte, en gros et pour faire simple, une sorte de majordome). Tony la lui donne.
Mais déjà Losey nous a montré l’opposition entre la façon d’être des deux hommes. Le larbin, observateur, obséquieux mais prudent et attentif, face à (certainement) un aristocrate fin de race, traitant tout ce qui est contingence matérielle avec une totale désinvolture. Le jeune gommeux a l’impression d’avoir fait la bonne affaire, d’avoir dégotté la perle rare. Barrett prend en charge la supervision des travaux de rénovation et d’aménagement de la bâtisse, et sert remarquablement son maître. Même si quelques plans fugitifs lorsque Barrett est seul et une noirceur dans son regard laissent percevoir qu’il ne fait pas que mijoter des petits plats pour son patron.
Dirk Bogarde & James Fox
Et c’est là que le film de Losey est remarquable. Remarquablement dérangeant, même. Là où un Ken Loach (attention, respect pour Ken Loach, déjà que les mecs de gauche se font plus rares que les inondations au Sahara, faut pas dégommer les survivants) s’arrêtera le plus souvent sur l’affrontement social et la lutte des classes, Losey va plus loin. C’est aussi le combat de deux hommes, de deux personnalités.
« The Servant » est souvent un huis-clos étouffant (normal, le scénario est une adaptation par Pinter d’un roman, et Pinter est un homme de planches beaucoup plus que de grands espaces), et un face-à-face entre deux hommes. Sauf que ces deux hommes, ils sont comme tous les autres, ils ont besoin des femmes. Et ce sont les femmes qui vont faire évoluer la situation. Susan (Wendy Craig), la fiancée de Tony, qui dès le premier regard, sent l’ennemi chez Barrett et qui va entamer avec lui une lutte d’influence (des scènes fabuleuses, avec des mots et des attitudes très durs) pour avoir l’ascendant sur l’indolent maître de maison. Pour contrebalancer cette présence et cette menace féminine, Barrett va sortir de sa manche une autre femme. Vera, qu’il présente comme sa sœur (en fait sa femme ou sa maîtresse, on ne le saura pas, mais peu importe) et qu’il fait embaucher comme servante par Tony.
Et dès lors, c’est ce quadrilatère humain que Losey va faire s’agiter sous nos yeux. Et donc ne pas se contenter d’une lutte de classes. Car de ce côté, vers le milieu du film, le problème est réglé. La raison du plus riche est toujours la meilleure, surtout quand Susan et Tony, rentrant tard un soir, trouvent les employés dans leur propre lit. Mais c’est là qu’on s’aperçoit que tout le ballet et tout le cérémonial pervers mis en œuvre par Barrett trouvent leur sens. Le riche a gagné, mais ne peut pas se passer du pauvre, surtout quand il baise sa sœur-femme qui s’est jetée dans ses bras avec empressement.
Wendy Craig & James Fox. Dans le miroir, Sarah Miles & Dirk Bogarde
A partir de là, le film prend une toute autre dimension. Du combat entre une aristocratie au bout du rouleau et un peuple symbolisé par Barrett qui attend son heure, on va passer à une relation beaucoup moins chargée de symboles sociaux entre ces deux hommes, dont il apparaît inéluctable que l’un (Barrett) va dominer et l’autre (Tony) se soumettre… Quoique … Car le film de Losey est aussi pervers que ses personnages. Qui le temps passant, se laissent aller à une déchéance morale et physique totale. Il est des choses qu’on ne montre pas explicitement au début des années 60. L’homosexualité par exemple, latente tout au long du film et plus celui-ci  avance entre Barrett et son patron. Ou entre les prostituées qui finissent par devenir les habituées de la maison. L’alcool (et la drogue, mais là aussi on est obligé de supposer, si tant est que l’on considère que l’alcool n’est pas une drogue) brouille les relations sociales et humaines, inverse parfois leur cours, retarde ou accélère l’inéluctable. Les esprits et les conventions rigides dans ce délabrement physique et mental général (Susan passera dans les bras de Barrett) explosent aussi. Et le malaise ne s’installe pas que visuellement, le spectateur devient sinon acteur, du moins voyeur. Rien ne lui échappe dans ces espaces exigus, dans ces miroirs qui renvoient les images de ce qui est hors champ de vision de la caméra. C’est nous qui en voyons et en savons bien plus sur tous les personnages que les personnages eux-mêmes.
Avec in fine la question que certains se posent : et si « The servant » était un film au message latent misanthrope et réactionnaire ? Si toutes ces luttes de pouvoir, de domination étaient vaines ? Si Barrett et Vera (le peuple) qui dans les derniers plans paraissent triompher n’étaient pas dépendants de ceux qu’ils viennent de briser (les riches pour faire simple) dans ce jeu de rôles et de dupes ? Est-ce que pour une lutte (de classes, d’influence) il ne faut pas des lutteurs prêts à en découdre ? Que ferait le capital sans le prolétariat et inversement ?
L’art de Losey est de montrer dans un noir et blanc chiadé multipliant plongées et contre-plongées (pour accentuer les effets de domination ou de soumission) sans prendre parti. Comme un naturaliste observe des souris médicamentées en cage. Les quatre acteurs principaux nous exhibent tous leur côté vil et méprisable, il n’y a aucune morale évidente, et même pas une fin, la déchéance de cette bâtisse cossue semblant en évolution permanente.

« The Servant » est un film malsain et dérangeant qui fait se poser plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Ce qui ne l’empêche pas d’être une œuvre marquante, à l’esthétique magistrale. Grand film … 


THE POLICE - SYNCHRONICITY (1983)

Sting & The Police ...
Police était né, avait vécu et prospéré sur un malentendu. En gros, celui du punk et de la new wave. Le groupe ne faisait partie d’aucun de ces deux genres. La preuve : il vendait des disques par camions alors que les « vrais » (au hasard le Clash et Cure) se contentaient de « succès d’estime » comme on dit pudiquement.
Police, c’est en 1983, un attelage de trois techniciens (au sens prog du terme, des types capables de t’en foutre plein les oreilles très vainement) qui se détestent cordialement. Avec en trame de fond de cette discorde les obligatoires histoires de pognon, traduites dans les communiqués de presse par les évidentes « divergences musicales ». En gros, Sting qui écrit quasiment tout, et surtout tous les hits, s’en fout plein les poches, beaucoup plus que les deux autres. Et puis Sting, qui s’est vu un peu trop vite qualifié de génie mélodiste, a fini par le croire, qu’il était un génie. Il prend le melon, se rêve superstar bien au-delà du format qu’il trouve étriqué et réducteur de la musique de jeunes. Il rêve de jazz, et de concepts « intelligents » et « concernés », comme ses contemporains, Geldof, Bono, Kerr, …
Summers, Sting & Copeland
« Synchronicity » est le dernier disque du trio The Police. En fait plutôt un disque solo de Sting maquillé comme une bagnole volée pour faire croire qu’il est encore question d’un groupe. Rondelle vaguement conceptuelle (la synchronicité est une théorie prise de casque du philosophe Jung, dont l’ancien instit Sting a lu les bouquins, à la manière d’un Lennon s’entichant après les Beatles du cri primal de Janov), réalisée avec le concours d’avocats (Copeland et Summers auront droit à un seul et unique titre chacun), de conseillers fiscaux (on enregistre aux studios Air dans les Caraïbes pour échapper aux impôts anglais, toujours avec le producteur attitré Hugh Pagdham), et de tous ces parasites en costard-cravate qui commencent à sérieusement pourrir par le fric le milieu musical en ce début des 80’s.
« Synchronicity » donc. Last et bizarrement vu les conflits et tiraillements but not least. Pas une merveille non plus, très loin des deux premiers, pas plus moche que « Zenyatta … » et meilleur que « Ghost in the machine ». Malgré un début de rondelle assez calamiteux. La première face du vinyle, ce qui n’est quand même pas rien. Succession de titres … euh étranges pour être gentils. Le premier éponyme faisait se relever tout le monde, persuadé que le phono était en vitesse 45T. Tonalité hyperrapide et suraigüe aggravée par des intonations lyriques voire pompières. « Walking in your footsteps » ou quand la musique pop s’intéresse au darwinisme. Ce qui à l’époque pouvait passer pour une preuve de culture, voire d’intelligence fait aujourd’hui très prétentieux. Par charité, on ne dira rien du très con « O my God ». Ensuite les deux morceaux « diplomatiques » laissés à Summers (« Mother » braillé façon post punk et totalement hors propos par rapport à tout le reste) et Copeland (« Miss Gradenko », insignifiant, comme si le batteur essayait d’imiter l’écriture de Sting). « Synchronicity II » qui terminait cette face vinyle sonne comme du U2 des mauvais jours (ou de toujours, diront les mauvais esprits).
Les mêmes dans le désordre. Sauras-tu les retrouver ?
Le final du disque est heureusement bien meilleur. « Every breath you take » est un hit colossal, le titre très travaillé qui surclasse tous les autres. C’est évidemment une scie qui a ses détracteurs, mais des scies de ce genre, beaucoup seraient prêts à bouffer les varices de leur grand-mère pour en écrire ne serait-ce qu’une dans leur vie. « King of Pain » à l’écriture sophistiquée (au piano ?) est également excellente. Le soufflé retombe un peu avec la mélodie terne et le refrain un brin trop emphatique de « Wrapped around your finger ». Sur le 33T, le dernier titre était « Tea in the Sahara » (basse dub, seule allusion au reggae de ce disque, on est loin des « Regatta de Blancs »), lent, calme, méditatif, contemplatif, limite new age. Une belle composition qui contient en filigrane bon nombre de recettes de la carrière solo de Sting. La major A&M a cru bon d’ajouter sur les rééditions Cd « Murder by numbers » qui aurait gagné à rester dans ses tiroirs.
Le résultat global est logiquement assez moyen, mais relevé par une production first class (les mecs ont les moyens, ça s’entend). A noter que la technique très largement au-dessus de la moyenne des trois policemen leur permet des sons, des arrangements, des petits grigris dans les coins inaccessibles au commun des mortels. Car Police est un trio, le genre de configuration qui ne laisse rien passer et ne supporte pas la médiocrité. Sting sait faire ronfler sa basse en avant, Summers se contente la plupart du temps de striures avant-gardistes de guitare (les collaborations avec le génie perturbé de la six-cordes Robert Fripp sont à venir), et Copeland sait mélanger les influences du jazz rock de son ancien Curved Air avec une frappe sèche et rapide. A noter que tous les trois utilisent avec plus ou moins de bonheur mais jamais de façon honteuse tout ce qu’ils ont trouvé dans le studio susceptible de faire de la musique (piano, synthés , …)
Le succès de « Synchronicity » sera énorme, un des disques de chevet des bobos de l’époque, à côté du « Brothers in arms » de Dire Straits. La nouvelle de la dissolution du groupe quelque mois après sa parution fera la une des JT, laissant le champ libre à Sting pour sa vilaine carrière solo …

Les vrais fans de Police se repasseront encore une fois « Oulandos … » et « Regatta … »


Des mêmes sur ce blog :

RED HOT CHILI PEPPERS - BLOOD SUGAR SEX MAGIK (1991)

Magik, vraiment ?
Autant être clair d’entrée. Ce disque, plus je l’écoute, plus il me gave. Pour plein de raisons, forcément bonnes, puisque ce sont les miennes. Attention, je touche quasiment au bon Dieu là, tant ce groupe est devenu une institution. A cause de sa musique ? Un peu, mais putain ça craint …
J’ai rien contre le fait que des types tatoués en tongs et en bermudas aient du succès. Non non, vraiment, mais faut juste qu’ils passent dans les émissions de Patrick Sébastien, quoi … A t’on déjà vu Keith Richards, Bowie, Lou Reed, Dylan, Lemmy Motörhead accoutrés de la sorte hein ? Et qu’on vienne pas me rétorquer que c’est mesquin, juger les gens sur leur apparence, que c’est un argument de facho en puissance… Non, le look des types qui font de la musique, c’est un peu comme les notes de pochette des 33T à l’époque, ça compte autant que ce qu’il y a à l’intérieur. Et quand tu ressembles au jeune beauf en vacances au camping, ben pour moi c’est rédhibitoire. Et c’est pas par hasard qu’on retrouve pareille hérésie vestimentaire chez des rappeurs, des DJs ou des nu-métalleux. Cette décontraction de bon aloi c’est niet pour moi …
On va au bal masqué, ohé, ohé ...
Et la zique, dans tout ça ? Ben elle aussi elle est tatouée, en tongs et bermudas, à l’image des types qui la font …
Une bouillasse (qui a fait fureur en son temps, on en recausera plus bas) qui a placé les Red Hot sur le toit du monde, faisant de ces nigauds une « valeur sûre », en gros des types capables de vendre des tickets pour remplir un stade en deux temps trois mouvements. On appelé ça de la « fusion » et ça n’a rien à voir avec les choses fabuleuses que pouvait sortir un Sly Stone en son temps. En gros un type qui rappe sur un raffut à base de basse slappée, de plans de batterie lourdingues, avec de la guitare hardos qui tronçonne des riffs …
N’importe quel groupe peut faire ça au bout de trois heures de répét. Rendons justice aux Red Hot, ce sont eux qui y ont pensé les premiers dans les nineties. En s’appuyant sur ce qui vendait : du rap et de grosses guitares. Et les gros cigares de la Warner qui venait de les signer alors qu’ils étaient jusque-là réservés à un public « avant-garde branchée et décontractée » leur ont filé un gros budget et surtout Rick Rubin. Faut dire que le gros barbu était a priori l’homme de la situation : c’était lui qui avait mis en sons les faux potaches Beastie Boys et les vrais connards de Slayer.
Sur « Blood … », ils s’en donnent tous à cœur-joie pendant une heure et quart. Putain, une heure et quart … Même à l’époque, malgré tout le tapage médiatique qui entourait le groupe et son skeud, je trouvais çà un peu longuet. Vingt cinq ans après, c’est juste insupportable. Kiedis est tout sauf un bon chanteur, ces rythmes et ces cocottes funky groovent à peu près autant qu’un séminaire de centenaires. C’est juste du putain de gavage, de la répétition ad nauseam de gimmicks aussi éculés qu’insupportables. Et pour que le supplice soit complet, tous les titres sont enchaînés, certains ayant la mauvaise idée d’être des copier-coller de ceux qui précèdent.
Comme la musique est d’une banalité assez affligeante, on a fait de ces zozos des sorte de super-héros, et on peut trouver partout des histoires qui se veulent édifiantes sur leurs problèmes de cul, de dope, de dépressions … on n’oublie pas de citer leurs concerts bites à l’air à leurs débuts, de faire verser une larme sur le sort de Hillel Slovak, leur premier guitariste overdosé, de décrypter la bisexualité de l’héroïnomane Kiedis, de s’interroger sur les départs et retours de son successeur, « l’enfant terrible » John Frusciante (c’est quand il s’est barré et quand Dave Navarro l’a remplacé qu’ils ont sorti pour moi leur meilleur disque, mais chut, ne le dites pas fort, les fans et le groupe bavent depuis des siècles sur Navarro et « One hot minute »).
Payer pour voir un mec en slip kangourou ?
Moi je sauve deux morceaux (et demi). Ouais, sur dix-sept, ça fait pas bézef, je sais. Et surtout pas leur putain de premier numéro un, l’insupportable « Give it away ». Non, le talent que je veux bien reconnaître aux Red Hot, il est dans les ballades tristes. Comme « Breaking the girl » ou le très excellent « Under the bridge ». Voire un peu dans « I could have lied ». Tout le reste, c’est poubelle et surtout le carnage qu’ils font subir (traitement hardcore-punk en une minute chrono) au « They’re red hot » de Robert Johnson. Dommage qu’on l’ait pas foutu dans un cercueil capitonné de soie le Robert, ça lui ferait moins mal quand il se retournerait dans sa tombe à l’écoute de cette chose grotesque.
La plaisanterie aurait pu vite finir. Trois mois après « Blood Sugar … », sortait « Nevermind » de Nirvana qui du coup offrit quelque chose de bien plus consistant à se mettre entre les oreilles. On sait ce qu’il advint rapidement de Cobain et de Nirvana. Une fois le blondinet sous terre, tous les couillons se tournèrent vers les Red Hot, Pearl Jam, Smashing Pumpkins ou je ne sais quels autres tocards. La messe des nineties était définitivement dite. La décennie serait tous tattoos et pantacourts en avant …

Tiens, une info dont vous ferez ce que vous voudrez : toutes les photos des tatouages du groupe qui fourmillent dans le livret ont été shootées par Gus Van Zant …



THE MOONLANDINGZ - INTERPLANETARY CLASS CLASSICS (2017)

Hybride ...
Des fois, y’a des skeuds, juste en lisant le nom du type qui l’a fait, dont a pas envie de dire du mal. Exemple type : Iggy Pop, total respect pour le type, mais qui depuis les trois premiers Stooges, a enchaîné une litanie de rondelles dont l’immense majorité sont … comment dire … embarrassantes. A l’inverse, les Moonlandingz, on a envie de sortir la kalach et de faire feu jusqu’à épuisement des balles.
Mais qui sont ces gens-là, s’interroge le pékin moyen, pour qu’ils méritent pareille défiance préalable ? Ben le chanteur et le guitariste de Fat White Family, assez douteux conglomérat de déjantés proto-punks qui a tendance à se perdre dans une imagerie et un discours douteux (des mecs en treillis semblant un peu trop fascinés par les idéologies rances totalitaires, voir par là ce que pense d’eux et de leur musique). Ces deux types, souvent les porte-parole de la FWF se sont donc acoquinés aux – je cite – Eccentronic Research Council. Rien qu’un nom pareil, ça fout les jetons, remember British Electric Foundation. Et comme leur nom l’indique, les Eccentronic machin sont un groupe électronique d’avant-garde. Oh putain, tu les vois arriver, l’association tordue et le disque bon pour la poubelle direct ?
Ils sont venus, ils sont tous là ...
Et bien ce « Interplanetary … » il est … excellent. Bien meilleur que le skeud de la Fat White Family et … Ne me demandez pas à quoi ressemblent ceux des Eccentronic Bidule, y’a quand même des choses que la décence m’interdit d’écouter. Cet assemblage a priori hétéroclite a pondu un disque mélangeant donc rock plus ou moins sauvage couplé aux machines et arrangements electro. Mais pas que, y’a des vraies guitares, basses, batteries, cuivres, vieux claviers, qui prennent largement le dessus sur tous les bidouillages techno. Sorte de Monsieur Loyal de la chose, Sean Lennon (oui, le fils de son père) qui joue sur plusieurs titres et coproduit la chose. C’est bien simple, bien que pas spécialiste de ces partouzes musicales, il faut pour moi remonter aux « Contino sessions » de Death In Vegas (1999 ou quelque chose comme çà), pour trouver un truc aussi accrocheur dans ce genre de bouillabaisse sonore pourtant très fréquentée depuis un quart de siècle …
D’abord parce qu’il y dans ce disque de onze titres … onze chansons. Des vraies, avec une intro, des couplets, un refrain, des ponts, un final. Etonnant isn’t it … Bon, y’en a à peine une paire de dispensables, « Glory hole », qui allez savoir pourquoi me fait penser à Billy Idol dans sa période « américaine », et la dernière « The cities undone », dont la présence de Phil Oakey (des hypradispensables Human League, garçons coiffeurs du début des 80’s) dans les chœurs n’est évidemment pas là pour sauver l’affaire. Mais le reste, ma bonne dame, c’est autrement mieux foutu qu’un discours sur la moralité et les convictions en politique de Nicolas Ducon-Geignant.
C’est bien simple, il y a dans « Interplanetary … » ce qui est à ce jour le meilleur morceau de l’année, le fabuleux « The strangle of Anna », duo entre Lias Saoudi (le chanteur de Fat White Family) et l’inconnue au bataillon Rebecca Taylor, un truc d’une pureté et d’une simplicité mélodiques affolants, bien que ça me semble causer de mort et de sadomasochisme.
Ouais, parce que les thématiques sont pas vraiment guillerettes, avec même un truc qui peut susciter la polémique, si par hasard un polémiste tombe dessus, le titre « Lufthansa man » sur ce copilote qui a pris les commandes d’un avion et l’a crashé avec tous ses passagers dans les Alpes. Et tant qu’on y est, au rayon énigmatique, faudra que ces joyeux ( ? ) zigotos m’expliquent ce jeu de mots foireux sur le pape et Châteauneuf du Pape sur « Neuf du pape ». Le vin rouge de la vallée du Rhône leur monterait-il au casque ?
Moonlandingz live
Et quitte à passer pour un vieux con, ce « Interplanetary … » je le trouve bien parce que malgré tous les a priori qui peuvent l’entourer (avant-garde, branchouille, buzz, …), c’est pour moi quasi un skeud de classic-rock, bien produit (c’est bien le moins, les Eccentronic Truc sont des rats de studio), et qui souvent reprend des (vieilles) recettes qui ont fait leurs preuves. Que le grand cric me croque si « Black hands » et surtout « Sweet Saturn mine » ne ressemble pas foutrement à du Depeche Mode période « Black Celebration » (pas leur meilleure, certes) avec un Saoudi qui imite à s’y méprendre Dave Gahan au chant. Je suis prêt adhérer à En Marche si le court instrumental « Theme from Valhalla Dale » n’est pas un hommage appuyé aux B.O. de Morricone (au début) et Nino Rotta (à la fin). Et qu’on vienne pas me dire qu’il n’y a pas du Eurythmics de la fin des 80’s sur « The babies are back ». Et avant qu’un finaud me fasse perfidement remarquer que Depeche Mode, Morricone, Rotta et Eurythmics, c’était pas du classic rock en leur temps, je rétorque que je sais, mais que depuis ça l’est devenu, tout le monde les cite aujourd’hui comme faisant partie du patrimoine du binaire (ou du classique pour les deux Ritals).
Qu’est ce que je pourrai dire encore pour faire partir mes lecteurs en courant ? Ah tiens que « Vessels » le premier titre, avec sa voix désincarnée et son rythme martial, me fait penser aux Belges electro une fois de Front 242 (qui à l’instar de la Fat White Family se sont coltinés en leur temps une réputation de penseurs vert-de-gris).
Et que c’est pas avec ce disque qu’on saura si Saoudi est un bon chanteur, tant le fiston Lennon et les Eccentronic Etc … s’en donnent à cœur-joie pour passe sa voix dans une foultitude de filtres, chambres d’écho et autres vocodeurs (sur « I.D.S. », autre grand titre, on croirait que c’est la chanteuse de Portishead au micro).

Et pour finir, parce que je vais pas non plus y passer la nuit sur cette notule, je suis plutôt agréablement surpris par cette rondelle dont je n’attendais strictement rien (de bon). Même si prédire gloire, notoriété et fortune aux Moonlandingz, c’est un peu comme miser sur un poney pour gagner le Prix de l’Arc de Triomphe …