« Out
of time » est paru en 1991. Pour cette chose qu’on appelait albums (avant que le
concept se perde au profit des morceaux qu’on piocherait en streaming, sur You
Tube, qu’on téléchargerait à l’unité, …), certainement la dernière des grandes
années du rock. Sont parues cette année-là des galettes entrées depuis dans
toutes les listes récapitulatives, idéales, à écouter avant de mourir, etc …
« Nevermind » de Nirvana, « Ten » de Pearl Jam (le grunge),
le dyptique « Use our illusion » des Guns (alors le groupe de rock
sur le toit du monde), « Black Album » de Metallica (les prochains
Guns), le dernier excellent U2 (« Achtung baby »), les références en
matière de trip-hop (« Blue lines » de Massive Attack), de shoegazing
(« Loveless » de My Bloody Valentine), de fusion (« Blood Sugar
Sex Magik » des Red Hot, « Screamadelica » des Primal Scream).
Tous écoulés par millions d’unités. Comme le « Out of time » de
R.E.M.
Buck, Mills, Stipe, Berry : R.EM. |
Et évidemment, à l’époque comme rétrospectivement,
ça a fait hurler les puristes ou prétendus tels. Quoi, comment, le
porte-drapeau du rock indie, le groupe roi des campus américains, qui signe sur
une major et décuple ses ventes. Trahison, je vous dis. Qu’on les pende !!
Perso, du R.E.M. des années 80, j’ai vraiment usé
qu’une galette. « Reckoning » leur second, et leur hommage le plus
évident à ce Velvet Underground qu’ils citaient toujours. Les autres ?
Ouais, bof … Sans plus. Cette musique cafardeuse et sautillante empêtrée dans
un bourdon sonore et chanté à la longue assez pénible, ça me faisait guère plus
d’effet que la plupart des disques des Talking Heads. De la musique typée
intello (d’où le succès sur les campus, avant que les campus deviennent le fief
des Kanye West de tout poil), en gros …
En fait qu’est-ce qu’on leur reproche aux
R.E.M. ? D’avoir fait un bon disque qui s’est vendu par camions. Tu parles
d’un crime. Comme si c’était pas le but de tous les types qui rentrent en
studio, qu’ils l’avouent ou pas. Et qu’on vienne pas me parler de visées
mercantiles. Il y a dans « Out of time » des suicides commerciaux.
Aller chercher une mandoline pour la base sonore de « Losing my
religion », c’est pas gagné d’avance. Vous en connaissez beaucoup de hits
avec une mandoline en avant ? Ouais, « Mandolin wind » de Rod
Stewart (en 1971, quand même). Vous voulez faire de la thune en 1991, vous
allez chercher un rappeur. Oui, mais pas KRS-1 (sur « Radio song »),
c’est un type catalogué « dangereux activiste », pas vraiment gage de
heavy rotation sur MTV … Vous voulez faire du duo aguicheur pour les hit-parades?
OK, mais pensez vous que Kate Pierson des totalement has been B-52’s soit le
bon choix (même si Iggy Pop était allé la chercher l’année d’avant pour un de
ses rares très bons disques solo « Brick by brick ») ? Kate Pierson
elle est là, à cause de la Athens connection (R.E.M. et les B-52’s sont issus
de la même ville de Géorgie et les seconds ont servi de modèle
« spirituel » aux premiers). Vous voulez de la guitare saturée (ça
marche à fond en 1991) ? C’est raté (et pourtant Peter Buck sait faire
s’il veut), pire, les R.E.M. s’adjoignent sur la plupart des titres une section
de cordes drivée par Mark Bingham …
Alors, Warner ou pas, « Out of time » est
d’abord un disque où les types sont à leur zénith. Créatif, d’abord. Une
décennie à créer une osmose entre quatre types (euh, six en fait, il faut
rajouter sur ce disque l’omniprésent Peter Holsapple des excellents mais feu
dB’s, et celui qui est de fait le cinquième R.E.M., leur producteur attitré
Scott Litt), à mettre en place un son immédiatement reconnaissable
(« Belong » aurait pu figurer tel quel sur n’importe quel disque de
R.E.M. des 80’s) mais qui tend à se « démocratiser » (le chant de
Stipe devient à peu près compréhensible, l’instrumentation tend vers la
« ligne claire », s’éloignant quasi imperceptiblement à chaque disque
du magma sonore de leurs disques précédents). Aussi un zénith populaire. Parce
que c’est pas la Warner fraîchement apparue dans leur carrière qui les fait
jouer depuis des années devant un public de plus en plus nombreux dans des
salles de plus en plus grandes. Avant « Out of time », R.E.M. est
considéré comme le plus grand groupe indie américain, une dénomination
totalement stupide mais qui traduit un certain potentiel de séduction et une
ascension populaire régulière.
R.E.M. sur le toit (du monde) |
Les R.E.M. franchissent avec « Out of time» un
palier, placent la barre à une hauteur que personne (peut-être même pas eux)
n’envisageait. Un hit intergalactique (« Losing my religion »), deux
autre pas loin (« Radio song » et « Shiny happy people »).
Des démarquages intelligents de « Losing … » (« Near wild
heaven » et surtout « Half a word away »), l’incontournable
hommage au Velvet (« Me in honey » l’intro, la guitare inexpressive,
la structure lancinante, tout ramène à la band à Lou Reed et John Cale), un
clin d’œil – pompage de Dylan (« Country feedback », me semble t-il
bien inspiré par « Knockin’ on heaven’s door »), un titre pour les
ploucs country du Midwest (le rustique « Texakarna » avec pedal steel
guitar et tout le tremblement). Et pour finir le tour du propriétaire, deux
titres que tout oppose, le tout en fréquences basses et bien nommé
« Low », et à l’autre extrémité du spectre sonore le totally baroque
(arrangements de cordes omniprésents) « Endgame » (qui me fait penser
à « Lady Jane » (et si vous connaissez pas « Lady Jane »,
misère, je vous plains…).
En fait, il n’y a pas grand-chose à reprocher à
« Out of time » (tiens, un autre titre des Stones
« chansons » de « Aftermath »). Si, en cherchant un peu, sa
pochette aussi moche que celle de la plupart de leurs précédents skeuds, mais
qui par son aspect flashy et coruscant (« Shiny happy
people » ?), donne le ton plutôt enjoué du disque. A mettre en
parallèle avec la toute grise (parce que d’une tonalité plus grave, plus
triste) de l’autre chef-d’œuvre qui allait suivre « Automatic for the
people ».
« Out of time » est un disque non pas
centriste, mais totalement fédérateur. Incontournable et indispensable …
Des mêmes sur ce blog :
Des mêmes sur ce blog :
Ah ouais?...Jamais pu supporter la voix de Michael Stipe ni les "ritournelles" de R E M, je zappe quand je tombe dessus à la radio, un peu comme Tracy Chapman (Révolution) ou les Simple Minds (Mandela), ça me hérisse le poil!
RépondreSupprimerT'es en forme en ce moment, ça dépote grave! Ça fait plaisir!!
En fait, le plus étrange avec REM, c'est que ce groupe n'a laissé aucune trace... Une dizaine d'années "à succès" et jamais personne qui le cite depuis ...
SupprimerTracy Chapman, non, je supporte. Les Simple Minds, beaucoup moins, sauf, bizarrement, "Street fighting years", celui justement où il y "Mandela Day". Bon je dis ça, mais y'a bien vingt ans que j'ai plus écouté ces machins-là ...