Maria McKee est une star en Suède. Ou quasiment,
paraît-il … Maria Qui ? Non, McKee, d’abord. Et c’est pas en faisant un
tour sur Wikimachin qu’on en sait plus. Là ou ailleurs, on vous vend Maria
McKee comme la demi-sœur de Bryan McLean ou l’ancienne chanteuse de Lone
Justice. Et pourtant Maria McKee n’est pas morte que je sache. Mais pour son
malheur, elle s’est toujours conjuguée au passé…
Et ça doit lui faire une belle jambe de voir toujours
cité Bryan McLean. A l’attention des fans de Zaz, Bryan McLean fut un temps le
George Harrison (c’est lui qui a composé « Alone Again Or »,
merveille absolue de « Forever changes ») de Love, avant qu’Arthur
Lee, qui en était le Lennon-McCartney, juge qu’il n’avait pas besoin de
s’encombrer d’autres talents que le sien et l’éjecte du groupe phare de la
scène psyché de L.A. Et pour le fan de Renaud assis à côté du radiateur, je
précise que Lone Justice eut son quart d’heure de gloire au début des années 80
où, en compagnie de Rank & File et quelques autres enstetsonnés dont le nom
me revient pas, il fut le chef de file d’un éphémère courant dénommé soit
alternative country soit cow-punk, au gré des humeurs éditoriales de la presse
musicale qui leur consacra quelques entrefilets enthousiastes avant de passer à
autre chose … Bâillements … En fait, les seuls à connaître Maria McKee sont les
fans de Tarantino (enfin de ses B.O.), elle a un titre dans le soundtrack de
« Pulp fiction » …
Bon, Maria McKee donc. Qui se retrouve has been à la dissolution
de Lone Justice et qui n’a même pas alors 25 ans. Qui sort un premier disque
solo sur Geffen (une major ou quasi) avec Mitchell Froom (pas le premier
producteur venu). Ce disque éponyme sera quasi un bide. Il faudra attendre
quatre ans pour que Geffen redonne à Maria McKee les moyens de faire un disque.
Parce que quelqu’un là-dedans à dû se dire qu’une voix pareille, ça méritait
une autre chance. Ah, je vous ai pas dit, Maria McKee est une putain de grande
chanteuse. Qui ne se contente pas de poser ses octaves là où on lui dit, mais
qui est capable d’écrire des chansons et de choisir des reprises qui déchirent
leur race …
Et quand on lit les crédits ce « You gotta
sin … », on se dit de suite que pareilles mouches au casting ne
s’attrapent pas avec le premier vinaigre venu. Aux manettes en studio George
Drakoulias, celui qui façonne le son des Black Crowes (remember, le meilleur
croisement jamais entendu entre Stones et Zeppelin). Anecdote : pour l’assister,
un ingé du son qui fera plus tard beaucoup parler de lui, le dénommé Brendan
O’Brien (celui que tu vas chercher quand tu veux faire un mauvais disque, et
c’est pas N. Young, Pearl Jam, Springsteen, AC/DC et une multitude d’autres qui
me contrediront). De la partie également Don Was, Jim Keltner, Olson et Louris
des Jayhawks, Auer et Stringfellow des Posies, Benmont Tench des Heartbreakers
de Petty, les Memphis Horns (les souffleurs de chez Stax derrière Hayes,
Redding, etc …). Comme qui dirait du beau monde. Sans compter Dennis Hopper
(oui, le vrai, celui de « Easy rider ») pour la photo de pochette.
Tout ce beau monde n’est pas venu que pour cachetonner, on trouve écrit en gras
dans les notes de pochette « This is not a solo album. The
Band is : »). Et quand McKee ne chante pas ses compos, elle
reprend des choses des Jayhawks, de Gerry Goffin & Carole King, ou de Van
Morrison (deux titres). Tiens, vous en connaissez beaucoup, qui se hasardent à
reprendre du Van The Man, tellement il a l’habitude de placer vocalement la
barre haut le bougon barde irlandais ? Ben Maria McKee elle le fait et
plutôt bien.
« You gotta sin … » (dix titres, quarante minutes),
c’est de l’americana de haut niveau. Un savant mélange de folk, soul, rock, rhythm’n’blues,
gospel, … Chantés par une voix qui marque son territoire sans être
démonstrative. Le premier nom qui me
vient à l’esprit s’il faut une comparaison c’est Tammy Wynette (et si vous
savez pas qui est Tammy Wynette, allez écouter « Stand by your man »,
et vous gourez pas, pas la version de Lemmy Motorhead et de la plasmatique
siliconée Wendy O. Williams, non, la vraie, l’originale). « You gotta sin
… » monte en puissance, débute par une sorte d’échauffement, de mise en
bouche (« I gonna soothe you », mid tempo rock soul funky). Avant un
première reprise relax de Van Morrison (l’antique « My lonely sad
eyes », pas une des plus connues des Them, son premier groupe).
Dès le troisième titre (« My girlhood … »),
McKee commence à lâcher les watts vocaux sur cette ballade nerveuse. Juste
avant le premier sommet du disque, « Only once ». Une merveille de
country rock, la voix de cristal du début qui évoque tellement Emmylou Harris,
qu’on s’attend à voir apparaître celle de Gram Parsons au détour d’un couplet.
Ce titre retrouve par moments (pompage ?) la magie mélodique du
« Christian life » des Byrds période Gram Parsons (comme quoi tout
est dans tout, et inversement …). Et tant qu’on est à évoquer des similitudes
vous risquez de trouver par moments des choses qui rappellent « Only love
can break your heart » de Neil Young dans « I forgive you », grosse
perf vocale de la Maria sur cette soulerie de facture classique.
Deux reprises suivent. « I can’t make it alone » de
Goffin-King, c’est le titre le plus rock de l’album, avec Drakoulias à la
batterie qui n’oublie pas de se mettre inconsidérément en avant au mixage.
Antithèse, la reprise des Jayhawks (« Precious ») est servie unplugged,
avec guitares acoustiques, harmonica et tout le tremblement pour servir d’écrin
à la voix de cristal de la Maria.
Mine de rien, sans rien à jeter, on arrive au dernier
tiers du skeud. Et là, acrochez-vous, surgit une extraordinaire version de « The
way young lovers do », un des vrais grands titres du surestimé chef-d’œuvre
de Van Morrison « Astral weeks ». McKee se lâche complètement sur cette
relecture sauvage, s’offrant même un passage de scat vers la fin. Le spectre d’Aretha
Franklin accompagne la powerful soul ballad « Why wasn’t I more grateful »,
le genre de titre où on ne peut pas être quelconque faute de se vautrer dans le
ridicule. Le morceau-titre (« You gotta sin to get saved » donc) est l’apothéose
finale, c’est une tornade rhythm’n’blues gospelisante, tout le monde est à fond
et semble t-il captured live.
Aujourd’hui, la cinquantaine entamée, Maria McKee est une
sorte de bibelot chantant encombrant. Pas besoin d’être devin pour affirmer que
la confidentialité sera son avenir.
Reste ce « You gotta sin … » intemporel à la beauté
qui n’est pas près de s’estomper …
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