Le touche-à-tout
Kristofferson n’a pas choisi au bon moment, en fait il
n’a jamais choisi. Alors qu’il se faisait un nom en tant
qu’auteur-compositeur-interprète, il menait de front une carrière d’acteur. Et
finalement, plutôt que d’être une star dans un domaine, il se contentera d’une
excellente réputation plus ou moins confidentielle dans les deux genres.
Déjà, toute personne non abonnée aux Inrocks ou qui
a un minimum de culture musicale, ce qui revient au même, doit réagir au seul
titre de l’album. Oui, ami amateur de vieilleries sonores, « Me and Bobby
McGee », tu as raison, c’est bien un des morceaux les plus connus de Janis
Joplin, sur son ultime et posthume « Pearl ». Et ce titre est signé
Kris Kristofferson, qui fut un temps à la fin des sixties son amant, ceci explique
cela.
Kristofferson début 70's |
Evidemment, le principal reproche que l’on pourra
faire à Kristofferson, c’est d’avoir gagné davantage d’argent avec ses droits
d’auteur qu’avec ses propres ventes de disques. Sur ce « Me and Bobby
McGee », considéré par beaucoup comme son œuvre de référence, on trouve
quelques titres repris et portés au sommet des charts par des gens qui sont pas
vraiment des inconnus, en plus de Joplin, il y a Presley et bien d’autres pour
« Help me make it through the night », Sinatra et une foultitude de crooners
pour « For the good times », et Johnny Cash pour « Sunday
morning comin’ down ».
Johny
Cash, justement. Même
si artistiquement il n’était pas au mieux dans les années 60, c’est lui qui
avait repéré Kristofferson et l’avait poussé à écrire des morceaux, et ensuite
à les enregistrer. Ce qui veut dire qu’on se situe quand même avec
Kristofferson dans la galaxie country music. Un genre à cette époque
sérieusement malmené par d’autres (le rock à guitares, qu’il soit stonien ou
zeppelinien), et qui se trouve à la croisée des chemins : soit se replier
rigidement et ridiculement sur son passé (la mafia nashvilienne et tous ses
traditionnalistes musicaux), soit « fusionner » (Flying Burrito
Brthers, Gram Parsons, Poco, et toute cette litanie de groupe qui mènera au
« Hotel California » des Eagles), soit ruer dans les brancards ( le
mouvement « Outlaw »). Kristofferson sera avec d’autres (Glaser,
Jennings, Nelson, …) une des figures des outlaws, mouvement dont un Johnny Cash
qui a été un des instigateurs se tiendra prudemment ( ? ) éloigné, l’Homme
en Noir tenant à ménager son public de rednecks …
Alors, oui, Kristofferson ne renie pas les Saintes
Ecritures country, il les modernise, travaillant ses textes, instillant ici ou
là quelque rythmique « rock » (« Casey’s last ride »),
s’ouvrant au folk (l’inaugural « Blame it on the stones »), ne
négligeant pas la ballade pour chialer dans sa Bud (l’ultime « Sunday
morning coming down »). Les titres sont « écrits », on sent
l’influence autant des Stones que de Dylan ou Cohen, et on ne crache pas sur
Hank Williams. La voix de feignasse qui s’énerve de Kristofferson fait
merveille, la musique sait rester sobre tout en s’éloignant des poncifs du
genre (pas de crin-crins couinants et de pedal-steel en avant), cet album assez
atypique pour son temps est finalement devenu un classique …
Ce disque aura un beau succès aux States, où il
sortira avec un visuel différent en 1971. Il faudra attendre trois ans pour
qu’il bénéficie d’une distribution mondiale.
Je maîtrise mieux mon Kristofferson acteur... Et sa collaboration avec Sam Pekimpah PAT GARRETT (chef d'oeuvre), ALFREDO GARCIA (excellent) LE CONVOI (passable), et puis la grande oeuvre de Cimino LES PORTES DU PARADIS (énormissime). Y'a pas si longtemps, vu dans LONE STAR de John Sayles, où il joue une ordure certifiée label d'or, un shériff abominable. J'adore ce film magnifique. Bon, il a cachetonné aussi dans des gros trucs de baston, sans doute que ses droits de compositeur ne lui suffisaient plus pour s'acquitter de ses impôts...
RépondreSupprimerIl me semble bien que c'est sur le tournage de Pat Garrett qu'il a pécho sa femme, Rita Coolidge, elle aussi chanteuse (la tournée Mad dogs de Joe Cocker entre autres) ...
RépondreSupprimerLone Star, oui oui, c'est excellent ce film ...