Les teigneux ...
La France et les Jam, on peut pas vraiment appeler ça une
histoire d’amour. Ils ont dû avoir de quoi juste se payer un cappuccino (la
boisson favorite de Weller), avec le bénef de leurs ventes de disques par ici.
Faut dire que les groupes plus typiquement anglais qu’eux (les Kinks, les Smiths,
c’est à peu près tout …), ça court pas les rues et ça restreint forcément
l’audience « à l’étranger ». Par contre, pendant un lustre (77 à 82),
ils ont mis leur pays à genoux (on parle pas là de chiffres de vente
sympathiques, mais de popularité mesurée à l’échelle Beatles-Oasis), leur
leader maximo Paul Weller, se voyant même désigné par les lecteurs d’un mag
musical de là-bas personnalité préférée de l’année ou quelque chose comme
çà…
Paul Weller, ce psycho-rigide maniaque, et qu’il valait
mieux ne pas croiser quand il avait autre chose que son cappuccino dans le
gosier. Un type quand même respectable et respecté… faut dire qu’il avait été
le seul à foutre une branlée à l’autre taré de Sid Vicious, spécialiste de
traîtres passages à tabac (surtout quand il avait quelques potes pour assurer
ses arrières). Et musicalement, Weller était aussi teigneux que dans la vie.
Bien accompagné par les deux bûcherons Bruce Foxton à la basse et Rick Buckler
à la batterie. Enfin, bûcherons c’est pas gentil parce que les trois
deviendront vite un power trio efficace, concis et compact.
Pour ce « In the City », leur premier disque
paru en 77 année punk, l’heure n’est pas (faute de moyens et de technique) aux
fanfreluches musicales. C’est énervé et austère, à l’image de la pochette qui
n’est pas signée Roger Dean ou Hipgnosis, on s’en rend compte au premier coup
d’œil. Et en un peu plus de demi-heure, les Jam lâchent leurs premiers douze
titres.
Dont un, l’éponyme « In the City », sera le
premier (et seul sur ce disque) titre des Jam à visiter les hit-parades. Un des
classiques absolus du groupe et de la vague 77. Weller, qui chante, joue de la
guitare et compose tous les titres originaux du trio, laisse transparaître
d’évidentes influences, au premier titre desquelles les Who (flagrant sur des
morceaux comme « Away from the numbers » (rien que le titre, les High
Numbers étant le premier nom des futurs Who), « I’ve changed my
adress », la reprise du thème de Batman, qui n’est pas des Who mais qu’ils
ont aussi repris). Mais aussi peut-on déceler au passage d’autres influences
des sixties anglaises (les Small Faces la légende mod, la pop en général, …),
et des classiques du rock’n’roll (la reprise du « Slow down » du très
sous-estimé et génial Larry Williams).
C’est cette attirance pour la culture mod, pour
l’exposition de ses racines anglaises (dès que le groupe progressera, la
northern soul anglaise des sixties se retrouvera au détour de nombre de
morceaux), qui donneront aux Jam cette place si particulière de groupe en même
temps new wave (les Jam sont partie intégrante de la scène punk londonienne),
mais aussi revivaliste (on ne laisse pas planer impunément au détour d’un
paquet de titres les ombres de Townsend ou Marriott). Weller et son groupe
assumeront pleinement ces deux influences. Ils cultiveront méticuleusement
l’imagerie mod, les costards étriqués (Foxton en plus ne se départissant pas tout
du long des cinq années que dureront les Jam de son affreuse coupe de cheveux
« mulet », et Buckler finissant par s’habiller ridiculement de
simili-cuirs et de jeans premier prix de chez Prisu), on les verra sur moultes
photos de presse chevauchant des scooters dans le plus pur style mod-plage de
Brighton 1963). Weller sera l’archétype même du « working-class
hero » lennonien (un titre auquel malgré tous ses efforts ne pouvait
prétendre le Beatle binoclard, contaminé arty par la présence à ses côtés de l’insupportable
Yoko). Weller sait d’où il vient (son père était maçon, voir le dernier titre
du disque « Brick and mortars »), et malgré des ventes de disques
considérables, restera au plus près du « peuple » et de ses
préoccupations, et sera un militant travailliste acharné (il sera plus tard le
co-fondateur du Red Wedge, réunissant les artistes anti-Thatcher, et soutiendra
par sa présence et par ses dons nombre de luttes sociales dans son pays).
Paul Weller est assurément un type bien, et ce « In
the City » reste un des préférés des Jam-maniacs, même si la triplette
« All mod cons » - « Setting sons » - « Sound
affects » parue entre 78 et 80, constituera son zénith artistique. Il
continue encore aujourd’hui, à plus de cinquante ans, et en ayant dissous des
Jam en pleine gloire, une carrière solo inégale mais encore par moments capable
de générer de superbes disques …
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