Kelley Stoltz … En voilà un oiseau bizarre … Quadra
américain au cheminement chaotique pourvu de quelques faits d’armes étonnants.
Dont les deux plus connus (enfin, façon de parler) sont en début de carrière,
un disque reprenant intégralement le « Crocodiles » d’Echo & The
Bunnymen, les new waveux lyriques (j’ai pas dit pompier, mais pas loin)
anglais, et un autre skeud certifié bio-éco-responsable ou un truc du genre
(utilisation de matériaux recyclables, électricité produite
« maison », et toute cette sorte de choses …). Plus récemment, une
participation dans les Fresh & Onlys (garage sixties de San Francisco) et
dans le backing band du vieux barde oublié de tous Rodriguez (le Dylan dont
personne avait entendu parler et auteur de deux disques oubliés fin 60’s) lui
vaudront de se faire un petit nom dans le milieu des guitaristes « intéressants ».
Et puis, comme le Stoltz devait avoir du temps
libre, il a appris à jouer de plein d’instruments (basse, batterie, claviers
entre autres) et à utiliser les tables d’enregistrement et de mixage des
studios. Ce qui fait que ce « In Triangle Time » est quasi un
exercice solitaire (écrit, joué, arrangé et produit). Et là, faut faire gaffe,
parce que dans ce genre plus que restreint, y’a pas que des guignols, si vous
voyez ce que je veux dire. Des types qui font leurs disques tout seuls, ils s’appellent
McCartney, Wonder, Prince, Rundgren …
Tiens, le Rundgren, justement, il y a un peu de ça
chez Stoltz. Notamment dans la capacité de celui qui est perçu comme un bon
guitariste à s’effacer devant les autres instruments. En clair, « In
Triangle Time » ne ressemble pas à un disque de Joe Satriani. Stoltz,
assez étrangement pour un guitareux, met plutôt les synthés en avant. Et (voir
son épisode Echo & The Bunnymachin),
il donne plutôt dans les synthés 80’s et dans le son new wave en général. Ce
qui change quand même un peu de tous les maniaques revivalistes du psyché des
late 60’s.
Alors il y a dans ce « In Triangle … » (on
passera sur la côté fumasse et mystico-ésotérique qui semble tenir parfois lieu
de concept au disque) plein de choses qui renvoient à un certain art de la
power pop comme la pratiquaient le Dwight Twilley Band, voire même Cheap Trick
ou des Cars version lo-fi. Avec quelques sorties de route (le début des années
80 est en matière sonore à manier avec précaution, il y a quelques fautes de
goût impardonnables) plutôt saugrenues, genre la recréation d’une sorte de
Frankie Goes to Hollywood sound (« The Hill »), ou la tentative de
ballade dépouillée au feeling (« Destroyers & drones »), dans
laquelle il manque quand même un peu beaucoup de feeling.
Donc ce skeud est ma foi assez entraînant, facile à
écouter (douze titres entre trois et quatre minutes), plutôt accessible voire
centriste. Alors que beaucoup essayent de se faire un nom avec une originalité
débordante et casse-roustons, le sieur Stoltz se contente juste de ripoliner ma
foi joliment des choses bien connues. De l’évolution, pas de la révolution. Et
ça marche assez souvent … Comme dans l’inaugural « Cut me, baby » où
il met d’entrée en exergue son aisance mélodique et sa voix traînante. Comme
dans la bonne power pop « Jona » avec ses arrangements malins
(synthés + guitare), ou l’encore plus classique dans le genre « Fictional
girl ». Comme dans le blues « revisité » « Crossed mind
blues » qui fera peut-être hurler les puristes maniaques des vieux 78
tours qui crachotent mais que perso je trouve plus intéressant que l’intégrale
de Stevie Ray Machin (oh putain, j’ai touché au Bon Dieu, mais je m’en tape).
Seul regret, il manque quand même une grande chanson qui pourrait comme on dit
passer à la radio …
Et puis j’ai noté un truc curieux sur les deux-trois
derniers titres (avant la ballade foirée dont j’ai déjà causé). La voix du
Stoltz, comme tout ce qui sort de la console d’enregistrement est extrêmement
trafiquée (y’a des fois qu’il en fait même un peu trop, on sait pas si c’est du
synthé, du sax ou une guitare) et elle finit par sonner exactement comme celle
de Bowie. La première fois (« Little love »), on pense au hasard, le
second coup (« Wobbly »), on reste perplexe tant le titre sonne comme
un inédit de « Lodger ». Si quelqu’un a une explication
(accident ? hommage pre-mortem ?), qu’il se manifeste, il n’y a rien
à gagner.
Il va pas en vendre des camions de son disque, ça
semble clair. Mais moi, je serais plutôt enclin à le recommander, c’est
beaucoup plus original tout en restant classique que ce que l’on a l’habitude
d’entendre.
Du même sur ce blog :
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