Bowie en 70, la grosse cote ...
Quand sort ce disque, Bowie n’est rien, ou au mieux
pas grand-chose, et pas grand monde à l’écoute de cette rondelle n’a du se hasarder
à lui prédire la carrière que l’on sait. Un lustre qu’il traîne dans le
Swingin’ London, avec ses groupes mod ou garage (King Bees, Lower Third), un
premier disque solo chez Deram … De cette époque, juste une paire de titres à
sauver (« London boys » et « Liza Jane ») à condition
d’être de bonne humeur, et tout un tas d’horreurs dont par charité chrétienne
on ne dira rien. Et puis, en 1968, coup de bol, Bowie en sortant d’un ciné
fortement impressionné par le film qu’il vient de voir, « 2001 Odyssée de
l’Espace » de Kubrick, compose l’ébauche de ce qui deviendra le titre
« Space Oddity ». Sorti en single en 69, bénéficiant de l’effet
Armstrong et Aldrin marchant sur la Lune, « Space Oddity » deviendra
un hit. Mérité, c’est le premier grand Bowie classic. Las, il va se retrouver
perdu sur un album du même nom très moche, englué de babacooleries folky
atroces, tout juste bonnes à ravir un fan de Devendra Banhart.
La "Drag cover" censurée |
« The
man who sold the world », l’année suivante est différent. Meilleur, certes, et de
loin, mais sûrement pas un des albums de Bowie « qui compte ».
D’ailleurs l’Histoire n’en a d’abord retenu que sa triple pochette, dont la
scandaleuse (pour l’époque s’entend) « drag cover ». Il faudra
attendre plus de vingt ans et la reprise par un certain Kurt Cobain et son
groupe sur leur « Unplugged in New York City » du morceau-titre, pour
qu’on se souvienne que oui, finalement, ce « The man who sold the
world » était un bon morceau. Et même le meilleur et d’assez loin de ce
disque…
Pourtant, le casting est pas mal, avec Visconti à la
basse et à la production, Woodmansey à la batterie, Ronson à la gratte, et Ken
Scott qui assiste Visconti … Soit le producteur de « Ziggy Stardust »
et la moitié des Spiders from Mars … Ronson est énorme sur ce disque. Il sauve
presque par quelques solos dans un final rageur « The width of a circle »,
interminable titre d’ouverture qui fait penser à du Grateful Dead repris par
Black Sabbath (ou le contraire, peut-être bien …), et enjolive heureusement
« Black country rock » (titre hésitant entre heavy-rock et glam-rock)
et « Runnin gun blues » sur lequel le caméléon vocal Bowie ne fait
pas à mon avis un choix très heureux, trop dans les aigus, ce qui convient
assez mal à un machin bluesy, par ailleurs quelconque…
La pochette US |
Mais Ronson a beau se multiplier, il lui faut faire
face à un Tony Visconti qui a profité de son rôle de producteur pour se faire
mousser et mettre sa basse inconsidérément en avant dans le mix, et surtout à
son patron, Bowie ne laissant guère de compositions inoubliables sur ce disque.
Au contraire, il part sans trop de directions dans ce projet, multipliant balourdises
(« All the madmen », c’est du fuckin’ prog qui veut pas dire son
nom), ou citations par trop évidentes (« Saviour machine », assez
intéressant cependant, n’est qu’une imitation de Scott Walker, modèle pas
seulement vocal de Bowie). Et comme il le fera toujours par la suite, Bowie
jette dans ses disques des passerelles vers de possibles futurs. Ici, c’est le
dernier titre, totalement hors contexte par rapport au reste, qui retient
l’attention. Il s’appelle « The Supermen », et par son titre, son thème,
sa mise en place sonore et vocale, préfigure « Ziggy Stardust » et les dérives idéologiques du Thin White Duke …
« The man who sold the world »,
logiquement, ne fera parler de lui que par sa pochette … Bowie a toujours vite
appris et retenu les leçons. Le disque suivant opèrera un virage radical. Il
s’agit de « Hunky Dory » …
Du même sur ce blog :