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T.REX - ELECTRIC WARRIOR (1971)

Faire mouiller les petites filles ...
… et ramasser la monnaie. Une formule déjà bien rodée. Le dénommé Mark Feld, alias Marc Bolan, va la pousser à son paroxysme dans l’Angleterre du début des années 70.

Bolan, c’est le type qui veut absolument réussir. Depuis le milieu des années 60, il entend devenir une rock star. Une obsession qu’il partage avec une de ses connaissances, un certain David Jones, devenu à la scène David Bowie. Les deux hommes sont plus amis que rivaux (ils utilisent souvent le même producteur, Tony Visconti), épient leurs carrières respectives. Début 71, match nul. Bolan est à la tête d’un groupe (en fait un duo) de folk campagnard hippy (Tyrannosaurus Rex), sort des disques qui au mieux font un succès d’estime. Bowie y a goûté au succès, celui du single « Space Oddity » en 1969. Depuis, accueils critiques polis et c’est tout. C’est Bolan qui va trouver la formule magique. Exit les babacooleries folky (Devendra Banhart reprendra la formule des décennies plus tard), exit Tyrannosaurus Rex, et place à T.Rex. Si le nom se raccourcit, le personnel augmente. En plus de Bolan au chant et à la guitare, on y trouve Micky Finn (l’autre moitié de Tyrannosaurus Rex), aux backing vocaux et percussions, Steve Currie à la basse et Will Legend à la batterie. Deux titres classés, « Ride a white swan » et « Hot love », dans un nouveau registre. Plus rythmé, plus pop, plus rock … et on voit à la télé anglaise un Bolan aguicheur, en satin et  platform shoes … La mutation T.Rex est en marche, et Bowie dans les cordes compte les points …
Bolan cogite un projet global de domination des charts. Son physique elfique ne laisse pas les filles, surtout les plus jeunes, indifférentes. Il va soigner son apparence, ne pas mégoter sur les couleurs vives et les paillettes. Musicalement, il va s’inspirer de deux stars qui ont fasciné le public. La première du rock, Elvis Presley, et la plus magnétique qui vient de mourir, Jimi Hendrix. Il empruntera un peu aux deux, la lascivité des rock mid tempo au King, la flamboyance et dans la mesure de ses possibilités, recyclera quelques plans de six-cordes d’Hendrix.

A cet égard, rien que la pochette du disque « Electric warrior » qui doit concrétiser son triomphe est révélatrice. Bolan pose en guitar hero (Gibson Les Paul), devant un énorme ampli (de la confidentielle marque Vamp). Et au départ, « Electric warrior » était conçu comme un disque très rock. Il suffit d’écouter sur une de ses multiples rééditions les versions « work in progress » des titres pour s’en rendre compte. On  y entend le groupe répéter, grosse batterie, gros riffs de guitare, et chant souvent hurlé de Bolan. Lors de la parution du disque, il ne restera qu’un titre dans cet esprit, « Rip off », phrasé plus vomi que chanté (très punk, aussi ceux-ci citeront souvent Bolan comme une de leurs influences), guitare hurlante et final avec sax free gueulard sur un mur de feedback.
Pour le reste, nul doute que Tony Visconti a beaucoup aidé Bolan à enjoliver son propos. Les titres de « Electric warrior » font alterner ballades (« Cosmic dancer », « Monolith », la très suave « Life’s a gas ») avec titres plus énergiques (« Jeepster », « Get it on », « The motivator »). L’innovation est aussi de la partie, détournement de mambo (« Mambo sun »), blues à paillettes (« Lean woman blues »), percussions très en avant (« Planet Queen », quasiment un duo avec Micky Finn, cependant à mon sens le titre le plus faible du disque). « Girl » fait immédiatement penser à du Lennon solo, « Imagine » du binoclard sort à peu près en même temps et son titre éponyme et « Get it on » seront à la lutte pour être les deux succès de l’hiver 71-72.

Visconti concocte pour « Electric warrior » un son très soyeux, fait swinguer la section rythmique, multiplie les arrangements agréables à l’oreille. Mais surtout il recadre Bolan au chant et à la guitare. Et c’est ce qui fera toute la différence. Bolan, même s’il ne fait pas partie des ténors de l’instrument se concentre sur les riffs, joue peu souvent rythmique. Sa guitare n’est pas toujours présente, et donc se remarque d’autant plus lorsqu’elle intervient. Rajoutez des efforts sur la trituration et la distorsion du son (l’influence hendrixienne), et ça donne tout son cachet à des titres qui au niveau composition, n’ont cependant pas inventé la foudre … C’est pourtant au niveau du chant que se fera la différence. Bolan murmure, susurre (l’Elvis des débuts), ronronne avant de rugir, multipliant râles, soupirs, hoquètements. Une voix et un chant très sexués, qui agira très directement sur son public. Le cœur de cible de Bolan-T.Rex, c’est la midinette collégienne, et on verra se reproduire à chacune de ses apparitions des scènes d’hystérie collective pas vues en Angleterre depuis la beatlemania. Les deux singles issus de « Electric warrior », « Jeepster » et « Get it on » connaîtront un succès considérable, lançant la mode glam qui verra des légions de groupes plus ou moins suiveurs envahir le pays. Bolan surfera tout en haut de cette énorme vague (deux concerts à Wembley au printemps 72, avec la fameuse mise en scène du culte de sa propre personnalité alors inédite, Bolan y apparaissant en tee-shirt … Bolan), trustant les sommets des hit-parades avec les singles « Metal guru » et « Telegram Sam », ainsi que l’album suivant, « The slider » …

Et Bowie dans tout çà ? Il va retenir les leçons qui ont fait l’énorme succès de Bolan. Et pousser le bouchon encore plus loin. Bolan plaît au filles ? Il va plaire aux filles ET aux garçons, mettant en scène son équivoque ambiguïté sexuelle, à grands renforts d’interviews malines, de trousses de maquillage et de tenues encore plus extravagantes … Le vaisseau de Ziggy Stardust est en route pour la Terre …


k.d. lang - INGENUE (1992)

Préjugés ...
Ouais, les préjugés, je sais, faut s’en méfier … Mais elle, k.d. lang, y’avait tellement de choses extra-musicales qui revenaient sempiternellement, que bof, ça me donnait pas envie de m’intéresser à son cas … Son blaze orthographié sans majuscules (pourquoi ? m’en fous), son physique comment dire, ingrat, son look androgyne, les riot grrrls, la folkeuse à la lesbianité proclamée, les combats pour la cause homosexuelle, la Canadienne qui vient la ramener aux States … Je subodorais les pensums sonores austères et militants, et comment dire, j’avais déjà cotisé pour les bonnes causes musicales dont on ne peut décemment pas dire de mal, mais qu’on s’emmerde quand même à écouter …

« Ingénue », c’est à force de lire ici où là que c’était son chef-d’œuvre atypique, que je l’ai écouté. Presque à reculons, je le sentais pas, ce truc… Ben, je vais vous dire, ce disque, il est vachement bien. Pas chiant pour deux sous. D’abord la donzelle, elle a une sacrée voix. Chante bien des mélodies pas simples, sans en faire des tonnes. Et puis « Ingénue », c’est pas du folk. C’est … j’en sais rien, en fait. Il y a plein de choses, d’arrangements venus d’horizons divers … Plein d’instruments « additionnels » (violoncelles, cordes, clarinette, marimbas, accordéon, …) dont les death metalleux ignorent l’existence, des musiciens dont j’avais jamais entendu causer.
Ça reste homogène dans la démarche, tout en partant dans tous les sens, ça évoque plein de noms sans jamais donner l’impression de copie ou de plagiat. On pense tour à tour à Suzanne Vega, aux Cowboy Junkies, aux productions de Lanois, aux U2 de « Joshua tree », aux disques « difficiles » de Scott Walker, à Dead Can Dance, Elvis Costello, Chris Isaak, Jeff Buclkey … Et pas souvent à Roy Orbison, auquel k.d. lang a souvent été comparée …
Les chansons (malgré le côté un peu précieux, on est bien dans le format chanson, tout est dit en moins de cinq minutes) sont apaisées, un peu tristes mais pas pleurnichardes, évitent le côté lyrique pompier dans lequel tombent trop facilement les « grandes » voix. Et puis, mis à part une paire, ces titres ne sont pas prévisibles, linéaires, ils ondulent, bougent, évoluent, multiplient les points d’accroche sans jamais être racoleurs … de la belle ouvrage …
Bizarrement, alors qu’il y a quand même un petit côté arty-élitiste, cet « Ingénue » a cartonné grave en Amérique, bien aidé par le succès en single du titre le plus « facile », le petit rock mid-tempo « Constant craving ». Mais des choses comme « Miss Chatelaine » et sa base salsa discrète, la ballade « Still thrives …» avec son ambiance femme fatale de film noir, ou la majesté tout en finesse de « Season of hollow soul » (pour moi le sommet du disque) sont d’une évidence immédiate …

Me donne bien envie d’aller jeter une oreille sur ses autres disques. Malgré mes préjugés …


PINK FLOYD - THE PIPER AT THE GATES OF DAWN (1967)

Psychédélisme Version 1.0
Il y a quatre groupes différents qui s’appellent Pink Floyd. Le premier, celui de Syd Barrett, dont au sujet duquel il va être question quelque part plus bas. Le second, celui avec Gilmour à la pace de Barrett, adoré par tous les progueux. Le troisième, celui sous la coupe de Waters, adoré par les progueux et les hi-fi maniacs, « Dark side of the Moon » assurant la transition. Quatrième et on l’espère dernière formule du groupe, la configuration dite «  de tribunal » sans Waters. Cette dernière sans le moindre intérêt, à boire et à manger dans les deux précédentes. Et la meilleure pour commencer.
Syd Barrett
Pas la plus populaire, la courte période Barrett, en terme de ventes. Mais la plus folle, la plus innovante, la plus mythique aussi. Tout ça à cause de Barrett, évidemment. Le lutin psychédélique trop vite cramé par le LSD, la tête pensante, chercheuse (et trouveuse) de sa bande potes d’étudiants en beaux-arts. D’entrée, le groupe est différent de ceux de l’époque, en majorité composés de prolos londoniens. Le Floyd vient de la province chic (Cambridge), ses membres de la petite bourgeoisie.
Pink Floyd délaissera vite l’influence majeure de l’époque, le British blues boom, qui lui a valu son nom de baptême, hommage à deux bluesmen déjà (et encore plus aujourd’hui) oubliés, Pink Anderson et Floyd Council. Le Floyd est le groupe de Barrett, qui très vite va s’intéresser de près à une musique et un way of life venus de San Francisco, et que l’histoire rangera sous l’étiquette de psychédélisme. En gros, une libération de toutes les barrières mentales et sociales, et une drogue de synthèse (alors en vente libre), le LSD, comme vecteur. Le monde hippy est en route …
Et la plupart des disques qui ont compté dans ces deux années 66 et 67, fortement influencés par cette culture, sont tout peinturlurés de ce fameux psychédélisme. Et « The piper … » du Floyd est pour moi le meilleur de tous. C’était pas gagné d’avance, les Californiens semblaient avoir une longueur d’avance, et chez les Rosbifs, tout le monde s’y mettait (même Clapton, le jésuite du blues roots), y compris les très grosses têtes d’affiche Stones et Beatles. Le tri dans toute cette production psychédélique est assez facile. Les pionniers du Grateful Dead ne valaient que live, leurs disques de l’époque sont des pensums avachis, les Doors étaient trop blues, l’Airplane trop pop et trop tiraillé entre trop de leaders, Joplin braillait avec des baltringues comme backing band, semblant se contenter de son titre de Reine des Hippies, … Stones et surtout Beatles n’ont fait qu’essayer le LSD et sont restés discographiquement bien raisonnables, les 13th Floor Elevators sont arrivés trop tôt, Sly Stone, trop occupé à se poudrer le nez, trop tard. Il n’en restait plus que quatre susceptibles de sortir le disque-référence. Quatre groupes emmenés par des leaders à l’évidence totalement ailleurs, qui avaient un peu trop forcé (dans une époque pourtant peu avare en camés notoires) sur les buvards et les space cakes. Brian Wilson et ses Beach Boys, Arthur Lee et son Love, Hendrix et son Experience et l’outsider Barrett avec son Floyd. Outsider parce que vomi du néant, placé sur le devant de la scène londonienne où le groupe s’était expatrié, donnant des concerts-performances sur fond de projections mouvantes lumineuses, sortant 45T  et 33T en rafales. En trois mois, les deux singles, l’objet sonore non identifié « Arnold Layne » et la comptine spatiale « Emily play », et leur premier Lp, ce « Piper … ». A côté duquel « Pet sounds », « Forever changes » ou  « Are you experienced ? » étaient des oeuvres de gens « établis », déjà célèbres (les Boys) ou influents (Lee, Hendrix) depuis longtemps (longtemps étant synonyme de quelques mois, il y a des époques où tout va beaucoup plus vite).
Mason, Barrett, Waters, Wright, Pink Floyd 1967
« The piper … » est pour moi le disque le plus novateur de son temps. Parce qu’il n’extrapole pas à partir de choses déjà connues, plus ou moins entendues, il crée de toutes pièces ses propres territoires sonores. Avant l’été 67, on n’a jamais rien entendu de semblable à « Astronomy domine » ou « Interstellar overdrive ». Des wagons de disques publiés par des multitudes de groupes dérivent de ces deux titres. Tout le space rock, le krautrock, et le funeste prog sont en germe dans ces deux titres. Et en ces années où le mixage stéréo prend le pas sur l’antique mais efficace mono, tous ces effets spatiaux, ces sons qui passent de droite à gauche, s’assourdissent ou deviennent hurlants, ces claviers tournoyants, serviront de référence à des myriades de producteurs et de maniaques sonores (si le premier Floyd n’est pas la matrice de choses qui en paraissent  a priori très éloignées comme le shoegazing en général et My Bloody Valentine en particulier, je veux bien passer le reste de mes jours à écouter en boucle les Boards of Canada). Le son des premiers Floyd est attribué à l’oublié Norman Smith. Soit. Mais les anecdotes d’un Syd Barrett, totalement sous substances, montant et descendant à vitesse supersonique tous les boutons de la console apparemment au hasard, sont légion, et il ne fait guère de doute que c’est lui, intuitivement, qui est responsable de ce bouillonnement sonore alors inédit, Smith n’ayant fait que nettoyer ou rationaliser le résultat de ce joyeux foutoir bruyant.
Pink Floyd live 1967
Barrett et les autres (ne pas oublier les autres, le drumming de Mason est totalement atypique, en perpétuelle déconstruction, la basse de Waters est très en avant, ronde et menaçante à la fois, et Wright au toucher venu du classique évite dans l’immense majorité des cas les archi-entendus Hammond et Farfisa) ne s’arrêtent pas au rock planant. Il est curieux de constater que tous les garage bands les plus radicaux mettront souvent dans leur répertoire le démoniaque « Lucifer Sam » et son riff de guitare d’anthologie. Barrett assure le chant et la guitare, a composé seul la quasi-totalité de l’album, Waters ne signant que « Take up thy stethoscope … », paradoxalement le titre le plus à l’Ouest, le plus barré du disque, et le groupe au complet n’est crédité que sur « Interstellar … » issu de jams sur scène. Barrett réussit à lier on ne sait trop comment des choses aussi éloignées et disparates que du rock down tempo comme « Matilda mother » avec des comptines (« The gnome »), faire cohabiter des sons qui fleurent bon l’encens et le séjour à l’ashram (« Matilda … » encore) avec des fanfares très Sergent Poivre (« Bike »). Ce dernier aspect sonore trouvant peut-être son explication dans le fait que Floyd et Beatles enregistraient en même temps aux studios Abbey Road. Et des gimmicks, notamment les bruits enregistrés et réinjectés sur les bandes qui seront une des marques de fabrique des disques du Floyd suivants, sont déjà présents (les horloges sur « Flaming », les mécaniques rouillées et les sonnettes de vélo sur « Bike »).
Le succès de « The piper … » sera tout relatif auprès du public, Pink Floyd a eu d’emblée l’étiquette de groupe branché, arty, élitiste. Et même en 67, année faste pour cerveaux en capilotade, Barrett et son oeuvre restaient assez insaisissables. La lente macération de ce disque dans les esprits et une large reconnaissance ne viendront que plus tard.
Le coup de génie de Barrett restera sans suite. Tout le problème des drogues, tu peux pas savoir l’effet qu’elles te feront avant d’en prendre. Barrett n’était pas Lemmy ou Keith Richards, il finira totalement électrocuté au LSD, et c’est un copain à lui, le guitariste Gilmour qui le remplacera au sein du Floyd … On connaît la suite.

« Piper … » est le disque d’un homme et d’une époque. Curieusement, il a beaucoup mieux vieilli que d’autres jalons sonores de cette époque. La dernière version mise sur le marché en 2011 à l’occasion de la énième remastérisation de la disco du Floyd propose en trois Cds la version stéréo, la version mono, les singles « Arnold … » et « Emily … », ainsi que quelques versions alternatives. Sur l’ensemble, la version stéréo (celle qui était sortie à l’origine) est à privilégier, même si logiquement les titres les plus rock comme « Lucifer Sam » sont plus directs en mono …

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THE LOVIN' SPOONFUL - THE ULTIMATE COLLECTION (1992)

A la louche ...
Bon, le Lovin’ Spoonful, y’a pas de quoi écrire une encyclopédie sur eux. Balancer leur nom à un dîner en ville va faire s’écarquiller les yeux des convives … What ? Le Lovin’ quoi ?
Faut reconnaître qu’ils n’ont eu que leur quart d’heure warholien de gloire dans les sixties. Enfin, leurs trois-quarts d’heure, ils ont eu trois hits certifiés. Et leur leader John B. Sebastian doit pas avoir de soucis de fin de mois, tant ces trois titres ont été repris et, allez savoir pourquoi, utilisés à maintes reprises dans des spots de pub.
C’est sur une de ces pubs télé que j’avais entendu un titre. Je crois bien que c’était « Summer in the city » pour une marque de jeans, mais depuis le temps, je suis plus sûr …
Toujours est-il que les types du label Flarenasch, boutiquiers de série Z spécialisés dans l’euro-dance très bas de gamme, et dans l’achat de licences pas chères pour sortir des compiles bas de gamme comme celle-ci, ont mis dans les bacs cette « Ultimate collection ». Visuel minable, fautes d’orthographe, livret recopiant des articles de presse anglo-saxonne, son plus que limite (j’irais pas jusqu’à affirmer qu’ils ont repiqué sur les vinyles, mais c’est sûr qu’ils ont pas remastérisé …). Coup de bol, parce qu’avec ce genre d’épiciers sonores tu peux te retrouver avec un tracliksting de morceaux inconnus sous un intitulé ronflant, les trois hits y sont.

« Do you believe in magic ? », « Daydream » et « Summer in the city », au milieu de plus d’une vingtaine d’autres que pour  être charitable on qualifiera de quelconques… Le Lovin’ Spoonful, c’était à partir du milieu des années 60 un de ces groupes américains qui aurait voulu être les Beatles par chez eux. On a donc en moins de trois minutes des mélodies, des chœurs à plusieurs voix, tout le tralala pop … Particularités des Lovin’ Spoonful : un compositeur quasi exclusif, le déjà cité Sebastian, pas de reprises (en tout cas sur cette compile), et une base sonore typiqueemnt américaine (country, folk, rock). Et jamais de mélange de ces genres. En fait, et dans le meilleur des cas, les Lovin’ Spoonful étaient de piètres ersatz des Byrds.
Même si John B. Sebastian est un bon songwriter (on n’écrit pas trois gros hits par hasard), c’est pas vraiment l’imagination au pouvoir. L’essentiel se traîne, donne une pop cotonneuse archi-prévisible dans son écriture et ses arrangements, et vocalement c’est loin d’être renversant, tant en voix lead (Sebastian) que dans les harmonies vocales. Il est même curieux de voir l’abîme qui existe entre leurs trois titres phares et le reste de leur production …
Le groupe, qui tire pourtant son nom d’une bribe de phrase dans un titre de Mississppi John Hurt, n’a semble t-il jamais touché au blues, a sorti une poignée d’albums dont une paire seraient paraît-il fréquentables (mais au vu de cette compile, j’ai quelques doutes, même si dans sa seconde partie – elle est chronologique – elle s’améliore un peu), avant que Sebastian s’en aille tenter l’aventure solo. Une paire ont continué un temps, sorti quelques titres assez calamiteux avant de sagement mettre la clef sous la porte. Sebastian de son côté n’a plus retrouvé le chemin des hits parades, et il fait même partie de ces complets oubliés de l’Histoire qui ont joué au festival de Woodstock.
Les hits du Lovin’ Spoonful sont de grands classiques de la reprise pour ceux qui veulent lancer (Mama Cass Elliott en solo après la débandade des Mamas & Papas avec « Daydream ») leur carrière ou effectuer un énième come-back (le plombier Joe Cocker avec « Summer in the city »).

Le genre d’objet à réserver aux maniaques des séries B de pop américaine tendance sixties. Si tant est que cette rondelle ait été rééditée, ce qui ne semble pas être le cas …

THE BEACH BOYS - PET SOUNDS (1966)

La vie de Brian ...
Malgré l’image policée, sympathique et festive donnée par les Beach Boys, elle devait pas être marrante tous les jours, la vie de Brian … Le plus doué du groupe familial Wilson  avec la pression qui va avec (des singles, des skeuds pour Noël, des inédits pour les 33T), bien entretenue par un père maquereau de sa progéniture dans la grande tradition show-bizz du « on achève bien les chevaux » …
Le fiston idéal, Brian, cependant pas très bien dans ses baskets, et qui commençait à (gentiment) se défoncer pour aller un peu mieux dans sa tête au milieu des années 60. Peut-être un peu à l’Ouest (non, je parle pas de la Californie), mais passionné par l’écriture de chansons, le travail en studio (la scène, pas son truc, il se faisait souvent porter pâle quand les Boys tournaient). Et aussi ambitieux, avec les oreilles grandes ouvertes sur le monde merveilleux ( ? ) de la pop, il voulait toujours faire mieux … que tous les autres en fait.
Seulement voilà, en cette fin 65, quatre types qu’il surveillait de près, issus des brumes de Liverpool, venaient de mettre dans les bacs un disque appelé « Rubber soul », et là, tout d’un coup, Brian se rendait compte que Lennon, McCartney, Harrison et Martin (oui, j’ai bien écrit Martin et pas Starr, si vous savez pas pourquoi, je peux plus rien pour vous …) étaient en train de placer la fuckin’ barre très haut. « Rubber soul » était pensé, construit, cohérent, d’un déroulement qui lui apparaissait logique, évident … fini les collages de bric et de broc de six titres disparates sur chaque face de plastique noir, fini le disque, place à l’album.
Les Beach Boys 1966 : bientôt, Brian va voir des éléphants roses
Et Brian Wilson, pour qui les Beatles étaient les seuls concurrents valables, se mit en tête de faire le disque parfait, celui qu’il imaginait devenir le plus grand disque de pop jamais réalisé. Il lui fallait non seulement écrire une douzaine de chansons parfaites, mais surtout les lier en un bloc, en faire un ensemble indissociable devant lequel le Monde se prosternerait. Et Brian Wilson, ce challenge un peu fou, il l’a réussi. Quand au mois de mai 1966 paraît « Pet sounds », rien de comparable n’existe …
« Pet sounds » n’est pas un album gai, d’ailleurs cette forme de tristesse, de mélancolie, ne quittera plus l’écriture de Brian Wilson. Fini le « Fun, fun, fun » des ados surfeurs, leur sunshine pop est quelque peu ombragée, voilée. Et l’entraînant « Wouldn’t it be nice » (le titre imparable qui ouvre « Pet sounds », les autres sommets seront placés tout à la fin avec « Caroline no » et pile au milieu avec « Sloop John B » / « God only knows ») n’est qu’un trompe-l’œil, la tonalité globale du disque est assez sombre, nettement moins enjouée que sur ceux du passé.
Alors que les Beatles sont de fait quatre pour créer leurs disques, Brian Wilson est lui à peu près seul. Inutile de compter sur les frangins, bringueurs peu concernés par l’écriture, et pas trop sur le cousin Mike Love, qui ne cherche qu’à placer une note ou trois mots de temps en temps, juste pour empocher des droits d’auteurs. Parenthèse : ce crétin ultra-républicain de Love intentera moult procès pour se faire créditer sur quantité de titres des Beach Boys, il réussira devant les tribunaux à récupérer le nom du groupe, et c’est maintenant ce pitoyable vieillard mesquin qui tourne avec quelques employés menés à la trique sous le nom de Beach Boys. S’ils donnent un concert près de chez vous, faites-vous plaisir, n’y allez pas … Fin de la parenthèse … De fait, le seul complice de Brian (uniquement pour les textes, lui se réserve toute la musique) sera le parolier Tony Asher.
Wilson s’aperçoit que les Beatles s’inspirent de la musique classique pour les mélodies et les arrangements. La musique classique, lui n’y connaît rien. Il va se tourner vers les maîtres américains de la comédie musicale (Bernstein, Gershwin, Berlin, …), et aussi vers ce génie de la pop qui dévastait les charts du début des années 60, Phil Spector. Comme d’habitude (Brian Wilson est au piano et divers claviers le seul des Beach Boys à jouer sur les disques, dans une moindre mesure frangin Dennis à la batterie), il va s’appuyer en studio sur le Wrecking Crew, le groupe attitré des sessions de Spector. Ce sont donc les Hal Blaine, Carol Kaye, Leon Russell, Steve Douglas et consorts que l’on entend sur « Pet sounds ». Brian Wilson pourra aller au bout de ses idées, car Spector est en train de devenir furieusement cinglé et son label Philles commence à prendre l’eau de toutes parts …
Il y a dans « Pet sounds » une unité sonore assez frappante. Il y a un rythme, une ambiance générale, des tics de construction, d’utilisation des voix (là, c’est vraiment la tribu Wilson qui est à l’œuvre pour les parties vocales, Brian se réservant souvent la voix lead) communs à tous les titres. On retrouve partout ces voix de cristal portées par des crescendos mathématiques (la leçon retenue de Spector), ces mélodies qui vont plus loin que le binaire du rock, qui font la jonction entre les grands musiciens américains du passé et la « variété » des années 60 …
Brian Wilson va devenir complètement chèvre ...
Même si les quatre titres évoqués plus haut se dégagent du lot et sortiront en single (aucun n’atteindra cependant la première place des charts), Brian Wilson a sorti avec « Pet sounds » une œuvre sans point faible (même pas les deux instrumentaux). Le disque se retrouve systématiquement listé dans les tous meilleurs jamais parus (malgré sa pochette, putain qu’elle est horrible …), McCartney déclarera que « God only knows » est la plus belle chanson jamais écrite. Quand paraît « Pet sounds », Brian Wilson oublie son surmenage et est sur un petit nuage (qu’il commence à parfumer au LSD).
Cette plénitude (ça y est, il l’a réussi, son immense grand disque) ne durera pas. Moins de deux mois après « Pet sounds », les Beatles lâchent « Revolver ». Wilson estime qu’ils ont fait mieux que lui, mais ne s’avoue pas vaincu. Il va s’attaquer à un projet pharaonique, que cette fois personne ne pourra égaler ou surpasser. L’entreprise « Smile » est mise en chantier. Brian Wilson commence à perdre pied mentalement, fait paraître ce qui est pour moi de très loin son meilleur morceau « Good vibrations ». Quand il entendra quelques semaines plus tard la « réponse » des Beatles, le 45T avec « Penny Lane » en face A et « Strawberry fields forever » en face B, Brian Wilson va craquer psychologiquement, il estime qu’encore une fois, qu’encore et toujours, les Beatles ont fait mieux que lui ... La parution de « Sgt Pepper’s » va finir de le détruire. Le « Smile » en chantier ne sortira jamais …

Ne reste que « Pet sounds » comme preuve tangible du génie trop vite calciné de Brian Wilson… 

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MICHEL POLNAREFF - POLNAREFF'S (1971)

La folie des grandeurs ?
C’est quelquefois tout le malheur de ceux qui font de la « petite musique » ou de la musique pour « grand public » et que, par facilité sémantique, on qualifie trop vite de génies. Ils ont tendance à vouloir la prouver, cette qualification de génie.
Polnareff, avec son premier prix de Conservatoire, se balade littéralement pour écrire des chansons aux mélodies tuantes de simplicité et d’efficacité. Ses deux plus gros succès populaires, « Y’a qu’un cheveu » et « Tous les bateaux », il les déteste, trop de facilité vulgaire genre comique troupier pour le premier, trop fleur bleue pour le second. Lui veut faire mieux, marquer les esprits des « musiciens ».
Il va faire comme tous ses plus ou moins contemporains dans le même état d’esprit, rêver de concept albums, de couches innombrables d’instruments, d’écriture tarabiscotée et de sur-production. Avec en point de mire les évidents modèles américains (Chicago, Blood Sweat & Tears) ou anglais (Moody Blues, Procol Harum) de cette démarche, et le funeste prog qui commence à pointer le bout de son vilain museau.
Polnareff 1971
Direction Londres, les studios légendaires et high-tech d’Abbey Road, quelques requins de séance cotés (non mentionnés dans les crédits, à l’instar du disque quasi jumeau de Gainsbourg paru la même année, le plus réussi « Melody Nelson »), et un projet de concept album instrumental avec grand orchestre, sections de cordes et de cuivres, et armada des derniers joujoux synthétiques et électroniques (Moog, mellotron, …). Sauf qu’à moment donné, quelqu’un dans son entourage, son management ou sa maison de disques a dû lui dire, que certes, c’était bien joli tout ça, mais qu’il fallait aussi songer in fine à vendre du disque.
On se retrouve donc avec un skeud bancal, où subsistent des bribes du grand-œuvre avorté, quelques concessions à l’air du temps et du Polnareff que l’on aime (enfin que moi j’aime).
Trois instrumentaux chargés comme des coureurs cycliste avant une étape de montagne constituent les reliques du projet initial avorté. Le premier (« Voyages ») qui ouvre le disque est juste risible, empilage à prétention « classique » m’as-tu-vu de tous les instruments disponibles dans le studio. Les autres ne valent guère mieux, entre bouillasse psyché-jazzy-prog (« Computer’s dream ») ou pseudo rhythm’n’blues entre « Twist & shout » et … « La salsa du démon » (« Mais encore »).
1971 : Polnareff et un rocker belge
Le Polnareff des chansons et mélodies tuantes est quand même là, heureusement. On trouve deux de ses classiques, « Né dans un ice-cream » (pas mon préféré, avec son côté très jazzy bon marché, c’est la matrice du très pénible Jonaz), et la nostalgique ballade « Qui a tué Grand Maman » avec sa mélodie parfaite. Les moins connues « Nos mots d’amour » (Obispo tuerait père et mère pour l’avoir écrite) et le rhythm’n’blues gospélisant de « Hey you woman » sont les deux pépites oubliées du disque.
Le reste, c’est assez anodin, ce qui est un comble pour un disque censé en mettre plein les oreilles et dont se délectent les rockeurs mélomanes (oxymore). Il plane sur ce « Polnareff’s » un fort parfum des Moody Blues, le groupe tarte à la crème de l’intelligentsia musicale française des années Pompidou (ils seront cités dans des textes de Ferré et Gainsbourg vers cette époque-là). Moi, les Moody Blues, hormis l’extraordinaire accident « Nights in white satin », ils m’ont toujours gavé, mais gavé, vous pouvez pas savoir (enfin si, vous avez qu’à les écouter, et on en reparle), alors tous ces machins où Polnareff mélange orchestrations classiques, arrangements tarabiscotés, fait en gros de la musique « sérieuse », et bien ils me gavent aussi.
Et même les clins d’œil iconoclastes (les paroles sont signées Dabadie ou Delanoë, tu parles d’iconoclastes), rêve du mariage des prêtres (« Monsieur l’abbé », bonjour le « sujet de société »), où Polnareff s’auto-cite (« Petite, petite »), voire (c’est pas mieux) cite les Moody Blues et Aphrodite’s Child (« A minuit, à midi » emprunte autant à « Nights … » qu’à « Rain & tears », … et bien tout ça finit par lasser, fait exercice de style prétentieux …

Le malheur pour Polnareff, ce qu’il ne sait pas, c’est que ce « Polnareff’s » très nettement surcoté, sera quand même très supérieur à tout ce qu’il fera par la suite… Il y en a qui appellent ça le complexe d’Icare …

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MORRISSEY - VIVA HATE (1988)

L'héritier ?
Pas laisser les braises refroidir … c’est ce qui devait être le leitmotiv de Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servait de nom de scène en tant que chanteur des Smiths. Les Smiths, par ici, c’est quelque chose de totalement incompréhensible. Un groupe hors-norme en terme de succès entre 1984 et 1988. Un succès colossal mais qui n’a jamais dépassé le cadre de la perfide Albion. Anecdote archi-connue : une bande de fans révoltés par le silence et l’indifférence entourant en France leur groupe favori, se lance dans la publication d’un fanzine étoffé pour chanter ses louanges, et ainsi naîtront Les Inrocks …
Morrissey 1988
La séparation des Smiths en pleine gloire sera pour la jeunesse anglaise  un traumatisme comme celle des Beatles l’avait été pour leurs parents. Le premier à reparaître (six mois après la fin des Smiths) sera leur emblématique chanteur, icône plus ou moins cryptique (bien qu’il ne mâche parfois pas ses mots, voir plus bas) et équivoque (gay ? hétéro ? autre ? le mystère et les supputations iront bon train pendant des années).
Evidemment, la rupture est trop fraîche pour qu’il n’en reste pas des traces un peu partout sur ce « Viva hate ». Dans les paroles, peut-être, mais Morrissey n’a jamais été très « lisible ». Dans la musique aussi, il y a des traits qui ne se gomment pas facilement  (particulièrement flagrant sur les très smithiens « Bangali in platform » et « Late night, Mudlin Street »). Et puis, il y a cette voix, entre détachement et arrogance, brumeuse et claire à la fois, si facilement identifiable …
Pour son « émancipation », Morrissey a choisi une configuration réduite. Il laisse une grande place (des instruments, la co-écriture, et la production, rien que çà …) à Stephen Street, les deux hommes se connaissent, Street a produit les trois derniers disques des Smiths (avant d’être aux manettes de la plupart des galettes de Blur). Une collaboration qui est aussi une façon de marquer la « continuité » de la trademark Smiths. Mais les Smiths, c’était aussi la guitare « ligne claire » de Johnny Marr, et là Morrissey va partir dans une direction sonore très différente, en embauchant Viny Reilly, l’assez strident gratteux des Durutti Column. Assumer l’héritage et marquer sa différence (les bisbilles, les rancœurs et les haines s’avèreront multiples et tenaces entre les anciens Smiths), tel est le challenge de Morrissey.
Stephen Street & Morrissey
En partie réussi, parce que c’est malgré tout dans la continuité. En partie raté pour la même raison. Malgré deux hits (« Suedehead », qui deviendra un des surnoms de Morrissey, son plus connu demeurant quand même Mozz, et le très kinksien « Everyday is like Sunday »), il n’y a pas dans ce « Viva hate » de titres aussi fulgurants que ceux que l’on trouvait chez les Smiths. Les Smiths, difficile de faire plus anglais, et Morrissey en solo est foncièrement dans la même veine. Alors les brouillages de cartes du début du disque laissent une impression mitigée on n’y croit pas trop aux breaks de batterie, aux guitares plaintives et aux ambiances hindouisantes de l’inaugural « Alsatian cousin », pas plus qu’à la rythmique tournoyante et très psyché de « Little mann what now ? » qui a parfois des faux airs du « White rabbit » de l’Airplane.
Par contre, c’est quand Morrissey fait ce qu’on l’on attend de lui, et finalement ce qu’il sait faire le mieux, qu’il est le plus convaincant, toutes ces ballades brumeuses et automnales qui constituent l’ossature du disque et auxquelles son timbre vocal convient parfaitement. Et puis, comme un signe de la direction qu’il va prendre (il va s’acoquiner avec Mick Ronson, oui, oui, celui des Spiders de Bowie, et sortir avec lui une paire de disques de revival glam), un morceau envoie le bois tout en guitares rageuses et up-tempo (« I don’t mind … »). Mais c’est finalement le dernier titre du disque qui fera couler le plus d’encre, le très direct « Margaret on the guillotine ». Rappelons que la funeste Thatcher était encore Premier Ministre en 1988, et que ce titre n’a rien à voir avec le poétique « The Queen is dead » des Smiths. « Margaret … » c’est frontal, brut et sans fioritures sur un fond très dépouillé. Morrissey montre qu’il se souvient de ses origines populaires et que son public, cette jeunesse qui adule le chanteur des Smiths en a aussi pris plein la gueule pendant une décennie. Morrissey paiera cher ce titre, et quelques années plus tard, quand il se perdra dans une syntaxe équivoque (« National Front Disco »), la presse conservatrice le massacrera et brisera quasiment sa carrière …
La pochette de 1988
Il n’empêche que pendant quelques années, Morrissey récupèrera seul une partie de l’ancien succès des Smiths (Marr sera beaucoup plus discret et sa médiatisée collaboration avec Sumner de New Order dans Electronic sera un fiasco artistique et commercial, quand à Rourke et Joyce, ils seront encore plus discrets et oubliés).

Sur la réédition de 1997 (la pochette en haut, l’originale de 1988 est différente) huit morceaux ont été rajoutés en un vaste foutoir (des époques différentes, à dominante de ballades pas toujours transcendantes et malgré une paire de courts titres toutes guitares en avant produits par Ronson) et plutôt que de bonus, on pourrait les qualifier de titres malus …

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STEVIE WONDER - INNERVISIONS (1973)

Wonder Man ...
« Innervisions » est le troisième disque du quintet magique consécutif de Stevie Wonder (de « Music of my mind » à « Songs in the key of life »). Autant dire qu’on peut y aller … à l’aveugle (sorry Stevie…).
Plus que tous les autres dinosaures des 70’s (pas de noms, hein je suis un gentil moi, mais enfin j’ai dit tous …), Wonder est celui qui a le plus sombré artistiquement dans les décennies suivantes. Faut dire qu’il avait placé la barre tellement haut, pour moi c’est l’auteur black essentiel des années 70. Un touche-à-tout de génie, et pas un hasard s’il a été souvent comparé à un autre aveugle, Ray Charles, le Genius himself.
Stevie Wonder, sur ce « Innervisions », il se ballade littéralement, posant à chaque coup des jalons définitifs dans les styles qu’il aborde. Enfin, presque, il y a bien un maillon faible dans ce disque, la lente roucoulade amoureuse baveuse et molle, un genre dont il tartinera ses skeuds dans les décennies suivantes. Ici, c’est « Golden lady », on passe sans en dire tout le mal qu’elle mérite …

Le reste, c’est juste parfait. On commence par « Too high », c’est du jazz-funk qui groove mille fois plus que Herbie Hancock (qui a dit Jamiroquai, tu te casses et vite, et pourquoi pas Gilbert Montagné tant qu’à faire, il est aveugle lui aussi, comme quoi ça suffit pas …), et Wonder ressort dans le final l’harmonica du Little Stevie qu’il fut chez Motown, dressant un pont entre son passé et le futur qu’il est en train d’écrire. Le jazz, Stevie Wonder connaît et apprécie (nobody’s perfect), mais chez lui, ça sert de garniture, c’est pas une obsession. Et surtout grâces lui soient rendues, il ne cherche pas à tout prix la fusion, ou pire, le fuckin’ jazz-rock. Par contre, quand ça peut apporter quelque chose à la musicalité d’une chanson, il n’hésite pas, quitte à oser les mariages les plus improbables, sur « Visions », où un fonds jazzy sert d’écrin à une ballade folk très dépouillée, tout juste agrémentée de quelques notes de guitare acoustique. L’occasion de souligner que Wonder arrive à faire des disques fabuleux en jouant de tous les instruments (à l’exception des guitares sous toutes leurs formes, mais il se débrouille pour s’en passer le plus souvent), et notamment d’une panoplie de synthés pour l’époque très high-tech (comme quoi, si dans les disques à synthé, ça déconne souvent, c’est pas la faute à l’instrument, mais à ceux qui en jouent …).
Le premier choc musical arrive en troisième position sur le disque, c’est « Living in the city » et ça sonne comme du … Creedence (le jeu de batterie, la voix), c’est un immense blues-rock (sans guitares, et non, c’est pas une hérésie …) dans lequel Stevie se fout les cordes vocales minables, dans un style très Fogerty, jusque dans le texte (le rêve du mirage citadin vu par les campagnards noirs). De la pulsation rock, il y en a, et pas qu’un peu, dans « Higher ground », c’est le meilleur titre des Red Hot Chili Peppers (alors que la bande à Kiedis était à la maternelle), avec les fameuses cocottes funky (jouées ici au synthé) des milliards de fois copiées. Pas un hasard si les RHCP le reprendront sur leur premier disque à avoir un certain succès (« Mother’s milk ») dont il sera bien évidemment le single extrait.
Sesame Street featuring Stevie Wonder, 1973
Et puis, il y a les choses dans l’air du temps, que Wonder arrive à transcender. Et il faut plus que du talent pour éviter le centrisme guimauve quand on s’attaque à des choses aussi éculées et entendues que le groove medium funky (« Jesus children of America »), la lentissime ballade soul (« All in love is fair »), ou le machin caraïbe chaloupé (« Don’t you worry ‘bout a thing »). On en connaît, et pas des foncièrement mauvais, qui se sont couverts de ridicule dans ce genre d’exercices …
Last but not least, au final, manière de montrer que s’il est aveugle, il n’est pas pour autant sourd à ce qui se passe dans la société où il vit, mine de rien, en se livrant à un pastiche-hommage de l’une de ses idoles (Beatle Paulo McCartney), il se lance dans un pamphlet vitriolé adressé à Richard Nixon (« He’s mistra know-it-all »), qui Watergate aidant, le méritait bien.

Au dos du disque, il y a écrit (comme sur ses autres disques des 70’s) « written, produced & arranged by Stevie Wonder ». Ce type, que l’on a trop facilement réduit dès les mauvais disques arrivés à un soulman neuneu, fleur bleue et variétoche, c’est quand même et avant tout un des plus grands artistes et génies de la musique populaire, tous genres confondus …

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Talking Book


MY MORNING JACKET - Z (2005)

Habillés pour l'hiver ?
My Morning Jacket (me dites pas que vous avez l’intégrale et écoutez ça tous les jours, faut faire les présentations) est un groupe démarré dans le Kentucky. Et non, ils donnent pas dans la country. D’ailleurs, ils donnent l’impression avec ce « Z » (m’étonnerait qu’il s’agisse d’une référence à Costa-Gavras) d’être plus anglais qu’américains. Faut dire qu’ils exploitent un sillon assez peu labouré outre-Atlantique, celui de la pop « à grand spectacle » lyrique (ou pompière, ça marche aussi). Pour situer, on dira qu’ils sont voisins de palier avec les productions de Fridman (Flaming Lips un peu, Mercury Rev davantage), et que la voix particulière de leur leader Jim James, genre Castafiore geignarde, leur a valu des comparaisons discutables avec Thom Yorke et sa bande de tristos… Et s’il fallait faire encore plus simple, je dirais que le groupe dont ils me paraissent le plus proche, c’est Arcade Fire (celui des débuts, de « Funeral », pas leur « Suburbs », gros loukhoum surchargé).

Ce genre de mélodies sophistiquées, ces titres très « écrits », ils étaient pas nombreux à faire ça au milieu des années 2000, et c’est pas le genre d’indie-rock le plus vendeur. Mais quelque part c’est le plus casse-gueule, il faut flirter avec toutes les limites au risque de basculer du mauvais côté de la farce. Et pour une poignée de disques réussis en quatre décennies, on compte plus les prétendants à la succession de Brian Wilson qui se sont perdus dans des titres et des skeuds surchargés. Les mélodies à tiroirs qui s’enchevêtrent, l’instrumentation lyrique, l’empilement des chœurs, faut beaucoup de chance et encore plus de talent pour que ça vire pas grotesque.
Les My Morning Jacket n’évitent pas les sorties de route. Il y a des choses (« Gideon », « Anytime ») qui sonnent comme les Simple Minds du milieu des années 80 (les grosses batteries réverbérées, les non moins grosses guitares, les chœurs virils), et c’est pas exactement une bonne idée. Idem, lorsque les MMJ sortent du cadre strictement pop, pour aller vers des choses plus « rock-rackabilly » (« Off the record »), on dirait notre Lio nationale quand elle était brune et qu’elle comptait pas pour des prunes, c’est quand même assez simplet même si ça se veut sophistiqué avec son final de titre jazzy-floydien. Pareil quand le groupe s’attaque à des choses du moment, les rythmiques electro-dance-machin (« It beats 4 U »), ça reste quand même bien scolaire, de la récitation sans beaucoup d’imagination.
A l’inverse, d’autres titres sont plus réussis tel le « What a wonderful man » (comme du Sparks du milieu des 70’s, à condition de supporter la voix suraiguë à la Russel Mael). Les meilleures choses sont à aller chercher à la fin du Cd (pas très long, dix titres et trois-quarts d’heure), un « Lay low » qu’on jurerait extrait du « Band on the run » de Sir Paul McCartney, un « Knot comes loose », une ballade toute en retenue (par rapport au reste, c’est pas vraiment dépouillé). Et bien sûr le titre sur lequel les fans ne tarissent pas d’éloges humides (et pour une fois les fans ont presque raison) ce « Dondante », épique tournerie de huit minutes, débutée comme une jam entre Jeff Buckley et Radiohead, et conclue par une accélération lyrique très floydienne (je me rends compte que ça fait deux fois que je cite le Floyd, alors que la référence des My Morning Jacket est le Velvet Underground, mais désolé, j’ai rien entendu qui ressemble à la bande à Cale et Reed, mais plutôt à son contraire sonore).

Bon, pour résumer, on dira que les My Morning Machin ont fait avec ce « Z » un disque assez bon malgré d’évidentes imperfections, dans un genre « difficile », quelques années avant que les Arcade Fire y songent. Pour être honnête (si, si, ça peut m’arriver en causant zique), il me semblait avant la réécoute bien mieux dans mes souvenirs et je crois bien avoir écrit un jour je sais plus où, que ce « Z » était un des meilleurs disques des années 2000… Mea culpa, mea culpa … Bon, remarquez, Neil Young soi-même a dit un jour que My Morning Jacket faisait partie de ses groupes préférés ...


THE BOO RADLEYS - GIANT STEPS (1993)

Furieusement 90's ...
Boo Radleys, c’est le groupe typiquement warholien … le quart d’heure de gloire et la disparition corps et biens ensuite …
Quarantième roue du carrosse Creation, le label de Manchester fondé par Alan McGee, et au catalogue comprenant tous ceux qui ont fait la hype – l’actualité (rayer la mention inutile) fin des 80’s-début des 90’s, à savoir les House Of Love, My Bloody Valentine, Primal Scream, … avant le gros « coup » Oasis. Les Boo Radleys, c’est une paire de disques anonymes, ce « Giant steps », une paire d’autres disques oubliés par tous, et la débandade à la fin de la décennie.
Robert Duvall, le Boo Radley du cinéma
Par habitude sémantique, je me méfie d’un disque ou d’un morceau avec le mot « giant » dans le titre. Généralement, on se retrouve avec un machin boursouflé (mètre-étalon, la rondelle « GIANT » des Woodentops), jouant des biscottos pour se faire remarquer et s’effilochant à mesure qu’on l’écoute. « Giant steps », c’est un peu pareil. Ça part dans tous les sens, multiplie les références à tout-va, cherche à se faire remarquer. De la musique qui a des lettres en somme.
Déjà, le nom du groupe vient de celui d’un personnage de film (Boo Radley un des premiers rôles de Robert Duvall, le mutique soupçonné de sordides histoires avec des gamins, dans le classique de Robert Mulligan « Du silence et des ombres », « To kill a mockinbird » en V.O.), on a de la culture dans le groupe. Même si la musique n’a rien à voir avec un pseudo-concept intello, c’est un digest de plein de choses déjà entendues. Et depuis longtemps, on remonte aux Beatles et aux Beach Boys (les mélodies, les harmonies vocales, tout ça …). Ce qui suffirait, pour peu que ce soit bien fait. Mais c’est pas tout, loin de là. Dans l’épicerie Boo Radleys, vous trouverez aussi du reggae, des machins lyriques avec des cordes et des cuivres, de la new wave 80’s, des guitares grabugeuses grungy ou mybloodyvalentinesques, des bandes passées à l’envers comme au bon vieux temps du psychédélisme, des rythmiques Madchester, ... Et bien souvent le tout dans le même morceau.
The Boo Radleys 1993
Résultat, des pièces montées impressionnantes, mais un peu creuses finalement. Une bonne intro, et on se demande dans quoi le groupe va aller se perdre pour épater la galerie, parce qu’il y a un peu de ça. Les types, avec à leur tête un certain Martin Carr fourmillent d’idées et essayent de toutes les caser (le disque dure plus d’une heure avec 17 morceaux, c’est bien long). C’est pas toujours imbuvable, certains assemblages sont bien vus, rehaussent un niveau d’écriture qui n’a rien d’exceptionnel (de la pop de base, assez loin des quasi contemporains XTC ou Squeeze, et à des lieues de Beatles ou Beach Boys), et, à la louche, une moitié des titres sont plaisants. J’aime bien des choses comme « Leaves and sand », et son alternance quiet-loud poussée au paroxysme, « Butterfly McQueen » sur le même registre et autre référence cinématographique, « Barney (…and me) », sympathique titre sautillant qui rappelle à la fois Cure et XTC, « If you want it, take it », qui avec ses gros riffs et malgré la voix efféminée préfigure Oasis, « Take the time around », qui semble un plagiat des Hüsker Dü de la fin période « Warehouse … », le petit hit « Lazarus », fortement inspiré par la pop à trompettes de Love ou des Pale Fountains, quelques autres sont pas trop mal.
Et puis, on trouve aussi quelques trucs assez risibles aujourd’hui, quelques assemblages sonores ubuesques, mais qui ravissaient la presse musicale toujours à l’affût de sensations (selon un fan, ce « Giant steps » aurait été désigné disque de l’année par le NME et les Inrocks, ce qui est fort possible, c’est le genre de patchwork dont les hebdos sont friands une semaine, avant de passer à autre chose la semaine suivante). Les brouillages trentreznoriens de « Spun around », c’est juste ridicule, des gros riffs nirvanesques sur l’interminable berceuse  « I’ve lost the reason », c’est juste une très mauvaise idée, « One is for » me fait penser aux Beatles, mais ceux inaudibles de « Revolution n°9 » … et grosso modo, pas mal de choses déjà entendues chez les groupes-phares de Creation ou dans l’indie-pop anglaise de l’époque.

« Giant steps » et les Boo Radleys sont un peu, et je suis très gentil, passés de mode aujourd’hui. Sans trop de regrets en ce qui me concerne …

THE BEATLES - THE BEATLES AGAIN (1970)

La bonne affaire ...
C’était pendant le premier règne de Chirac. Un coin de pochette de 33T aperçue dans une brocante entre  des 45T de Gilbert Bécaud et des 33T de Michèle Torr. Mais oui, c’était bien ça, un disque de Beatles que j’avais jamais vu. Je lâchais sans marchander dix francs, persuadé d’avoir fait une affaire, d’avoir récupéré à peu de frais une pièce rare, voire de collection.

Tu parles, aujourd’hui en état mint, ça vaut dix euros sur les sites d’occases, et le mien il craque de partout et est tout gondolé. « The Beatles again », c’est une compile sortie en 1970 partout dans le monde. Peu rééditée et jamais depuis 1973, année de parution du Rouge et du Bleu, nettement plus copieux et encore à ce jour définitifs résumés de l’œuvre du plus grand groupe etc … « The Beatles again » n’est pas sorti en Cd, mais comme tout ce qui touchait aux quatre garçons dans le vent se vendait comme des petits pains en plus avec cette foutue histoire de séparation, on doit la trouver dans plein de greniers.

« The Beatles again » c’est dix titres. Un assemblage de bric et de broc, conçu pour rendre accessible aux fans quelques morceaux « rares », autour de la locomotive du disque censée être la (elle bien connue) scie de McCartney « Hey Jude » (« Hey Jude » était le titre du disque envisagé dans un premier temps par Apple et EMI). Aujourd’hui que tout est disponible, et pour rien, l’intérêt de cette rondelle noire est maigre. A mon sens, elle ne vaut que pour sa pochette, une photo devant une modeste demeure que venait de s’offrir Lennon (un Lennon à droite des autres, enfin plutôt à l’Ouest dans ce cas, accoutré qu’il est en Rabbi Jacob).
Parce que le tracklisting, bon, faut être honnête, c’est vraiment n’importe quoi. « Can’t buy me love » (le prototype des hits des quatre jeunes de Liverpool dans leur période costard-cravate) et « I should have known better » sont sur le 33T « A hard day’s night » et pas rares pour deux sous. « Paperback writer » qui suit, sorti uniquement en 45T, est signé Macca (à l’attention des fans de Maé, quand les titres sont signés Lennon-McCartney, celui qui a en fait écrit seul le morceau, c’est celui qui fait la voix lead), est autrement plus consistant, les Beatles ne donnent plus de concerts, passent énormément de temps en studio, y’a une trouvaille sonore toutes les cinq secondes. « Rain » (signé Lennon), la face B de « Paperback … » a longtemps fait figure de titre rare des Beatles (on le trouvait pas sur le Rouge), à la réputation exagérée. C’est un bon titre issu des sessions de « Revolver », avec là aussi plein d’expérimentations sonores de George Martin (les voix passées à l’envers entre autres), mais pour moi il est pas dans le Top 50 des Beatles, même si c’est un peu la tarte à la crème des pédants in Fab Four connoissance …
« Lady Madonna », c’est du Macca qui s’amuse, entre rag et Fats Domino style, avec une énorme pulsation de basse et une voix qui semble sortie d’un vieux phono des années 20. Titre archi-connu, un des 27 numéro un aux hit-parades des Beatles. Suit ensuite la chanson « politique » de Lennon « Revolution ». Il s’agit de la version dite « saturée » avec ses grosses guitares fuzz, sortie en 45T. L’autre face de ce 45T (les Beatles pouvaient se permettre de sortir des 45T avec deux faces A), c’est donc « Hey Jude », d’une simplicité et d’une facilité mélodique (une suite d'une poignée de notes répétées pendant cinq minutes) telles qu’on se demande pourquoi personne y avait pensé avant (réponse : c’est simple, tous les autres n’étaient pas les Beatles).
Les trois derniers titres sont les plus récents, issus des séances de « Let it be » et « Abbey Road ». On y trouve le « Old brown shoe » de Harrison, face B de la « Ballad of John & Yoko » de Macca, également présente, ainsi que « Dont let me down » signée Lennon et face B de « Get back ». Trois titres enregistrés alors que l’affaire Beatles commençait à sentir le sapin, et ma foi, ça s’entend, c’est juste le minimum syndical …

Bon, c’est les Beatles, ouais, mais finalement, même à dix balles, c’était pas une si bonne affaire que ça, ce « The Beatles again ».







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