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MORRISSEY - VIVA HATE (1988)

L'héritier ?
Pas laisser les braises refroidir … c’est ce qui devait être le leitmotiv de Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servait de nom de scène en tant que chanteur des Smiths. Les Smiths, par ici, c’est quelque chose de totalement incompréhensible. Un groupe hors-norme en terme de succès entre 1984 et 1988. Un succès colossal mais qui n’a jamais dépassé le cadre de la perfide Albion. Anecdote archi-connue : une bande de fans révoltés par le silence et l’indifférence entourant en France leur groupe favori, se lance dans la publication d’un fanzine étoffé pour chanter ses louanges, et ainsi naîtront Les Inrocks …
Morrissey 1988
La séparation des Smiths en pleine gloire sera pour la jeunesse anglaise  un traumatisme comme celle des Beatles l’avait été pour leurs parents. Le premier à reparaître (six mois après la fin des Smiths) sera leur emblématique chanteur, icône plus ou moins cryptique (bien qu’il ne mâche parfois pas ses mots, voir plus bas) et équivoque (gay ? hétéro ? autre ? le mystère et les supputations iront bon train pendant des années).
Evidemment, la rupture est trop fraîche pour qu’il n’en reste pas des traces un peu partout sur ce « Viva hate ». Dans les paroles, peut-être, mais Morrissey n’a jamais été très « lisible ». Dans la musique aussi, il y a des traits qui ne se gomment pas facilement  (particulièrement flagrant sur les très smithiens « Bangali in platform » et « Late night, Mudlin Street »). Et puis, il y a cette voix, entre détachement et arrogance, brumeuse et claire à la fois, si facilement identifiable …
Pour son « émancipation », Morrissey a choisi une configuration réduite. Il laisse une grande place (des instruments, la co-écriture, et la production, rien que çà …) à Stephen Street, les deux hommes se connaissent, Street a produit les trois derniers disques des Smiths (avant d’être aux manettes de la plupart des galettes de Blur). Une collaboration qui est aussi une façon de marquer la « continuité » de la trademark Smiths. Mais les Smiths, c’était aussi la guitare « ligne claire » de Johnny Marr, et là Morrissey va partir dans une direction sonore très différente, en embauchant Viny Reilly, l’assez strident gratteux des Durutti Column. Assumer l’héritage et marquer sa différence (les bisbilles, les rancœurs et les haines s’avèreront multiples et tenaces entre les anciens Smiths), tel est le challenge de Morrissey.
Stephen Street & Morrissey
En partie réussi, parce que c’est malgré tout dans la continuité. En partie raté pour la même raison. Malgré deux hits (« Suedehead », qui deviendra un des surnoms de Morrissey, son plus connu demeurant quand même Mozz, et le très kinksien « Everyday is like Sunday »), il n’y a pas dans ce « Viva hate » de titres aussi fulgurants que ceux que l’on trouvait chez les Smiths. Les Smiths, difficile de faire plus anglais, et Morrissey en solo est foncièrement dans la même veine. Alors les brouillages de cartes du début du disque laissent une impression mitigée on n’y croit pas trop aux breaks de batterie, aux guitares plaintives et aux ambiances hindouisantes de l’inaugural « Alsatian cousin », pas plus qu’à la rythmique tournoyante et très psyché de « Little mann what now ? » qui a parfois des faux airs du « White rabbit » de l’Airplane.
Par contre, c’est quand Morrissey fait ce qu’on l’on attend de lui, et finalement ce qu’il sait faire le mieux, qu’il est le plus convaincant, toutes ces ballades brumeuses et automnales qui constituent l’ossature du disque et auxquelles son timbre vocal convient parfaitement. Et puis, comme un signe de la direction qu’il va prendre (il va s’acoquiner avec Mick Ronson, oui, oui, celui des Spiders de Bowie, et sortir avec lui une paire de disques de revival glam), un morceau envoie le bois tout en guitares rageuses et up-tempo (« I don’t mind … »). Mais c’est finalement le dernier titre du disque qui fera couler le plus d’encre, le très direct « Margaret on the guillotine ». Rappelons que la funeste Thatcher était encore Premier Ministre en 1988, et que ce titre n’a rien à voir avec le poétique « The Queen is dead » des Smiths. « Margaret … » c’est frontal, brut et sans fioritures sur un fond très dépouillé. Morrissey montre qu’il se souvient de ses origines populaires et que son public, cette jeunesse qui adule le chanteur des Smiths en a aussi pris plein la gueule pendant une décennie. Morrissey paiera cher ce titre, et quelques années plus tard, quand il se perdra dans une syntaxe équivoque (« National Front Disco »), la presse conservatrice le massacrera et brisera quasiment sa carrière …
La pochette de 1988
Il n’empêche que pendant quelques années, Morrissey récupèrera seul une partie de l’ancien succès des Smiths (Marr sera beaucoup plus discret et sa médiatisée collaboration avec Sumner de New Order dans Electronic sera un fiasco artistique et commercial, quand à Rourke et Joyce, ils seront encore plus discrets et oubliés).

Sur la réédition de 1997 (la pochette en haut, l’originale de 1988 est différente) huit morceaux ont été rajoutés en un vaste foutoir (des époques différentes, à dominante de ballades pas toujours transcendantes et malgré une paire de courts titres toutes guitares en avant produits par Ronson) et plutôt que de bonus, on pourrait les qualifier de titres malus …

Du même sur ce blog :


STEVIE WONDER - INNERVISIONS (1973)

Wonder Man ...
« Innervisions » est le troisième disque du quintet magique consécutif de Stevie Wonder (de « Music of my mind » à « Songs in the key of life »). Autant dire qu’on peut y aller … à l’aveugle (sorry Stevie…).
Plus que tous les autres dinosaures des 70’s (pas de noms, hein je suis un gentil moi, mais enfin j’ai dit tous …), Wonder est celui qui a le plus sombré artistiquement dans les décennies suivantes. Faut dire qu’il avait placé la barre tellement haut, pour moi c’est l’auteur black essentiel des années 70. Un touche-à-tout de génie, et pas un hasard s’il a été souvent comparé à un autre aveugle, Ray Charles, le Genius himself.
Stevie Wonder, sur ce « Innervisions », il se ballade littéralement, posant à chaque coup des jalons définitifs dans les styles qu’il aborde. Enfin, presque, il y a bien un maillon faible dans ce disque, la lente roucoulade amoureuse baveuse et molle, un genre dont il tartinera ses skeuds dans les décennies suivantes. Ici, c’est « Golden lady », on passe sans en dire tout le mal qu’elle mérite …

Le reste, c’est juste parfait. On commence par « Too high », c’est du jazz-funk qui groove mille fois plus que Herbie Hancock (qui a dit Jamiroquai, tu te casses et vite, et pourquoi pas Gilbert Montagné tant qu’à faire, il est aveugle lui aussi, comme quoi ça suffit pas …), et Wonder ressort dans le final l’harmonica du Little Stevie qu’il fut chez Motown, dressant un pont entre son passé et le futur qu’il est en train d’écrire. Le jazz, Stevie Wonder connaît et apprécie (nobody’s perfect), mais chez lui, ça sert de garniture, c’est pas une obsession. Et surtout grâces lui soient rendues, il ne cherche pas à tout prix la fusion, ou pire, le fuckin’ jazz-rock. Par contre, quand ça peut apporter quelque chose à la musicalité d’une chanson, il n’hésite pas, quitte à oser les mariages les plus improbables, sur « Visions », où un fonds jazzy sert d’écrin à une ballade folk très dépouillée, tout juste agrémentée de quelques notes de guitare acoustique. L’occasion de souligner que Wonder arrive à faire des disques fabuleux en jouant de tous les instruments (à l’exception des guitares sous toutes leurs formes, mais il se débrouille pour s’en passer le plus souvent), et notamment d’une panoplie de synthés pour l’époque très high-tech (comme quoi, si dans les disques à synthé, ça déconne souvent, c’est pas la faute à l’instrument, mais à ceux qui en jouent …).
Le premier choc musical arrive en troisième position sur le disque, c’est « Living in the city » et ça sonne comme du … Creedence (le jeu de batterie, la voix), c’est un immense blues-rock (sans guitares, et non, c’est pas une hérésie …) dans lequel Stevie se fout les cordes vocales minables, dans un style très Fogerty, jusque dans le texte (le rêve du mirage citadin vu par les campagnards noirs). De la pulsation rock, il y en a, et pas qu’un peu, dans « Higher ground », c’est le meilleur titre des Red Hot Chili Peppers (alors que la bande à Kiedis était à la maternelle), avec les fameuses cocottes funky (jouées ici au synthé) des milliards de fois copiées. Pas un hasard si les RHCP le reprendront sur leur premier disque à avoir un certain succès (« Mother’s milk ») dont il sera bien évidemment le single extrait.
Sesame Street featuring Stevie Wonder, 1973
Et puis, il y a les choses dans l’air du temps, que Wonder arrive à transcender. Et il faut plus que du talent pour éviter le centrisme guimauve quand on s’attaque à des choses aussi éculées et entendues que le groove medium funky (« Jesus children of America »), la lentissime ballade soul (« All in love is fair »), ou le machin caraïbe chaloupé (« Don’t you worry ‘bout a thing »). On en connaît, et pas des foncièrement mauvais, qui se sont couverts de ridicule dans ce genre d’exercices …
Last but not least, au final, manière de montrer que s’il est aveugle, il n’est pas pour autant sourd à ce qui se passe dans la société où il vit, mine de rien, en se livrant à un pastiche-hommage de l’une de ses idoles (Beatle Paulo McCartney), il se lance dans un pamphlet vitriolé adressé à Richard Nixon (« He’s mistra know-it-all »), qui Watergate aidant, le méritait bien.

Au dos du disque, il y a écrit (comme sur ses autres disques des 70’s) « written, produced & arranged by Stevie Wonder ». Ce type, que l’on a trop facilement réduit dès les mauvais disques arrivés à un soulman neuneu, fleur bleue et variétoche, c’est quand même et avant tout un des plus grands artistes et génies de la musique populaire, tous genres confondus …

Du même sur ce blog :
Talking Book


MY MORNING JACKET - Z (2005)

Habillés pour l'hiver ?
My Morning Jacket (me dites pas que vous avez l’intégrale et écoutez ça tous les jours, faut faire les présentations) est un groupe démarré dans le Kentucky. Et non, ils donnent pas dans la country. D’ailleurs, ils donnent l’impression avec ce « Z » (m’étonnerait qu’il s’agisse d’une référence à Costa-Gavras) d’être plus anglais qu’américains. Faut dire qu’ils exploitent un sillon assez peu labouré outre-Atlantique, celui de la pop « à grand spectacle » lyrique (ou pompière, ça marche aussi). Pour situer, on dira qu’ils sont voisins de palier avec les productions de Fridman (Flaming Lips un peu, Mercury Rev davantage), et que la voix particulière de leur leader Jim James, genre Castafiore geignarde, leur a valu des comparaisons discutables avec Thom Yorke et sa bande de tristos… Et s’il fallait faire encore plus simple, je dirais que le groupe dont ils me paraissent le plus proche, c’est Arcade Fire (celui des débuts, de « Funeral », pas leur « Suburbs », gros loukhoum surchargé).

Ce genre de mélodies sophistiquées, ces titres très « écrits », ils étaient pas nombreux à faire ça au milieu des années 2000, et c’est pas le genre d’indie-rock le plus vendeur. Mais quelque part c’est le plus casse-gueule, il faut flirter avec toutes les limites au risque de basculer du mauvais côté de la farce. Et pour une poignée de disques réussis en quatre décennies, on compte plus les prétendants à la succession de Brian Wilson qui se sont perdus dans des titres et des skeuds surchargés. Les mélodies à tiroirs qui s’enchevêtrent, l’instrumentation lyrique, l’empilement des chœurs, faut beaucoup de chance et encore plus de talent pour que ça vire pas grotesque.
Les My Morning Jacket n’évitent pas les sorties de route. Il y a des choses (« Gideon », « Anytime ») qui sonnent comme les Simple Minds du milieu des années 80 (les grosses batteries réverbérées, les non moins grosses guitares, les chœurs virils), et c’est pas exactement une bonne idée. Idem, lorsque les MMJ sortent du cadre strictement pop, pour aller vers des choses plus « rock-rackabilly » (« Off the record »), on dirait notre Lio nationale quand elle était brune et qu’elle comptait pas pour des prunes, c’est quand même assez simplet même si ça se veut sophistiqué avec son final de titre jazzy-floydien. Pareil quand le groupe s’attaque à des choses du moment, les rythmiques electro-dance-machin (« It beats 4 U »), ça reste quand même bien scolaire, de la récitation sans beaucoup d’imagination.
A l’inverse, d’autres titres sont plus réussis tel le « What a wonderful man » (comme du Sparks du milieu des 70’s, à condition de supporter la voix suraiguë à la Russel Mael). Les meilleures choses sont à aller chercher à la fin du Cd (pas très long, dix titres et trois-quarts d’heure), un « Lay low » qu’on jurerait extrait du « Band on the run » de Sir Paul McCartney, un « Knot comes loose », une ballade toute en retenue (par rapport au reste, c’est pas vraiment dépouillé). Et bien sûr le titre sur lequel les fans ne tarissent pas d’éloges humides (et pour une fois les fans ont presque raison) ce « Dondante », épique tournerie de huit minutes, débutée comme une jam entre Jeff Buckley et Radiohead, et conclue par une accélération lyrique très floydienne (je me rends compte que ça fait deux fois que je cite le Floyd, alors que la référence des My Morning Jacket est le Velvet Underground, mais désolé, j’ai rien entendu qui ressemble à la bande à Cale et Reed, mais plutôt à son contraire sonore).

Bon, pour résumer, on dira que les My Morning Machin ont fait avec ce « Z » un disque assez bon malgré d’évidentes imperfections, dans un genre « difficile », quelques années avant que les Arcade Fire y songent. Pour être honnête (si, si, ça peut m’arriver en causant zique), il me semblait avant la réécoute bien mieux dans mes souvenirs et je crois bien avoir écrit un jour je sais plus où, que ce « Z » était un des meilleurs disques des années 2000… Mea culpa, mea culpa … Bon, remarquez, Neil Young soi-même a dit un jour que My Morning Jacket faisait partie de ses groupes préférés ...


THE BOO RADLEYS - GIANT STEPS (1993)

Furieusement 90's ...
Boo Radleys, c’est le groupe typiquement warholien … le quart d’heure de gloire et la disparition corps et biens ensuite …
Quarantième roue du carrosse Creation, le label de Manchester fondé par Alan McGee, et au catalogue comprenant tous ceux qui ont fait la hype – l’actualité (rayer la mention inutile) fin des 80’s-début des 90’s, à savoir les House Of Love, My Bloody Valentine, Primal Scream, … avant le gros « coup » Oasis. Les Boo Radleys, c’est une paire de disques anonymes, ce « Giant steps », une paire d’autres disques oubliés par tous, et la débandade à la fin de la décennie.
Robert Duvall, le Boo Radley du cinéma
Par habitude sémantique, je me méfie d’un disque ou d’un morceau avec le mot « giant » dans le titre. Généralement, on se retrouve avec un machin boursouflé (mètre-étalon, la rondelle « GIANT » des Woodentops), jouant des biscottos pour se faire remarquer et s’effilochant à mesure qu’on l’écoute. « Giant steps », c’est un peu pareil. Ça part dans tous les sens, multiplie les références à tout-va, cherche à se faire remarquer. De la musique qui a des lettres en somme.
Déjà, le nom du groupe vient de celui d’un personnage de film (Boo Radley un des premiers rôles de Robert Duvall, le mutique soupçonné de sordides histoires avec des gamins, dans le classique de Robert Mulligan « Du silence et des ombres », « To kill a mockinbird » en V.O.), on a de la culture dans le groupe. Même si la musique n’a rien à voir avec un pseudo-concept intello, c’est un digest de plein de choses déjà entendues. Et depuis longtemps, on remonte aux Beatles et aux Beach Boys (les mélodies, les harmonies vocales, tout ça …). Ce qui suffirait, pour peu que ce soit bien fait. Mais c’est pas tout, loin de là. Dans l’épicerie Boo Radleys, vous trouverez aussi du reggae, des machins lyriques avec des cordes et des cuivres, de la new wave 80’s, des guitares grabugeuses grungy ou mybloodyvalentinesques, des bandes passées à l’envers comme au bon vieux temps du psychédélisme, des rythmiques Madchester, ... Et bien souvent le tout dans le même morceau.
The Boo Radleys 1993
Résultat, des pièces montées impressionnantes, mais un peu creuses finalement. Une bonne intro, et on se demande dans quoi le groupe va aller se perdre pour épater la galerie, parce qu’il y a un peu de ça. Les types, avec à leur tête un certain Martin Carr fourmillent d’idées et essayent de toutes les caser (le disque dure plus d’une heure avec 17 morceaux, c’est bien long). C’est pas toujours imbuvable, certains assemblages sont bien vus, rehaussent un niveau d’écriture qui n’a rien d’exceptionnel (de la pop de base, assez loin des quasi contemporains XTC ou Squeeze, et à des lieues de Beatles ou Beach Boys), et, à la louche, une moitié des titres sont plaisants. J’aime bien des choses comme « Leaves and sand », et son alternance quiet-loud poussée au paroxysme, « Butterfly McQueen » sur le même registre et autre référence cinématographique, « Barney (…and me) », sympathique titre sautillant qui rappelle à la fois Cure et XTC, « If you want it, take it », qui avec ses gros riffs et malgré la voix efféminée préfigure Oasis, « Take the time around », qui semble un plagiat des Hüsker Dü de la fin période « Warehouse … », le petit hit « Lazarus », fortement inspiré par la pop à trompettes de Love ou des Pale Fountains, quelques autres sont pas trop mal.
Et puis, on trouve aussi quelques trucs assez risibles aujourd’hui, quelques assemblages sonores ubuesques, mais qui ravissaient la presse musicale toujours à l’affût de sensations (selon un fan, ce « Giant steps » aurait été désigné disque de l’année par le NME et les Inrocks, ce qui est fort possible, c’est le genre de patchwork dont les hebdos sont friands une semaine, avant de passer à autre chose la semaine suivante). Les brouillages trentreznoriens de « Spun around », c’est juste ridicule, des gros riffs nirvanesques sur l’interminable berceuse  « I’ve lost the reason », c’est juste une très mauvaise idée, « One is for » me fait penser aux Beatles, mais ceux inaudibles de « Revolution n°9 » … et grosso modo, pas mal de choses déjà entendues chez les groupes-phares de Creation ou dans l’indie-pop anglaise de l’époque.

« Giant steps » et les Boo Radleys sont un peu, et je suis très gentil, passés de mode aujourd’hui. Sans trop de regrets en ce qui me concerne …

THE BEATLES - THE BEATLES AGAIN (1970)

La bonne affaire ...
C’était pendant le premier règne de Chirac. Un coin de pochette de 33T aperçue dans une brocante entre  des 45T de Gilbert Bécaud et des 33T de Michèle Torr. Mais oui, c’était bien ça, un disque de Beatles que j’avais jamais vu. Je lâchais sans marchander dix francs, persuadé d’avoir fait une affaire, d’avoir récupéré à peu de frais une pièce rare, voire de collection.

Tu parles, aujourd’hui en état mint, ça vaut dix euros sur les sites d’occases, et le mien il craque de partout et est tout gondolé. « The Beatles again », c’est une compile sortie en 1970 partout dans le monde. Peu rééditée et jamais depuis 1973, année de parution du Rouge et du Bleu, nettement plus copieux et encore à ce jour définitifs résumés de l’œuvre du plus grand groupe etc … « The Beatles again » n’est pas sorti en Cd, mais comme tout ce qui touchait aux quatre garçons dans le vent se vendait comme des petits pains en plus avec cette foutue histoire de séparation, on doit la trouver dans plein de greniers.

« The Beatles again » c’est dix titres. Un assemblage de bric et de broc, conçu pour rendre accessible aux fans quelques morceaux « rares », autour de la locomotive du disque censée être la (elle bien connue) scie de McCartney « Hey Jude » (« Hey Jude » était le titre du disque envisagé dans un premier temps par Apple et EMI). Aujourd’hui que tout est disponible, et pour rien, l’intérêt de cette rondelle noire est maigre. A mon sens, elle ne vaut que pour sa pochette, une photo devant une modeste demeure que venait de s’offrir Lennon (un Lennon à droite des autres, enfin plutôt à l’Ouest dans ce cas, accoutré qu’il est en Rabbi Jacob).
Parce que le tracklisting, bon, faut être honnête, c’est vraiment n’importe quoi. « Can’t buy me love » (le prototype des hits des quatre jeunes de Liverpool dans leur période costard-cravate) et « I should have known better » sont sur le 33T « A hard day’s night » et pas rares pour deux sous. « Paperback writer » qui suit, sorti uniquement en 45T, est signé Macca (à l’attention des fans de Maé, quand les titres sont signés Lennon-McCartney, celui qui a en fait écrit seul le morceau, c’est celui qui fait la voix lead), est autrement plus consistant, les Beatles ne donnent plus de concerts, passent énormément de temps en studio, y’a une trouvaille sonore toutes les cinq secondes. « Rain » (signé Lennon), la face B de « Paperback … » a longtemps fait figure de titre rare des Beatles (on le trouvait pas sur le Rouge), à la réputation exagérée. C’est un bon titre issu des sessions de « Revolver », avec là aussi plein d’expérimentations sonores de George Martin (les voix passées à l’envers entre autres), mais pour moi il est pas dans le Top 50 des Beatles, même si c’est un peu la tarte à la crème des pédants in Fab Four connoissance …
« Lady Madonna », c’est du Macca qui s’amuse, entre rag et Fats Domino style, avec une énorme pulsation de basse et une voix qui semble sortie d’un vieux phono des années 20. Titre archi-connu, un des 27 numéro un aux hit-parades des Beatles. Suit ensuite la chanson « politique » de Lennon « Revolution ». Il s’agit de la version dite « saturée » avec ses grosses guitares fuzz, sortie en 45T. L’autre face de ce 45T (les Beatles pouvaient se permettre de sortir des 45T avec deux faces A), c’est donc « Hey Jude », d’une simplicité et d’une facilité mélodique (une suite d'une poignée de notes répétées pendant cinq minutes) telles qu’on se demande pourquoi personne y avait pensé avant (réponse : c’est simple, tous les autres n’étaient pas les Beatles).
Les trois derniers titres sont les plus récents, issus des séances de « Let it be » et « Abbey Road ». On y trouve le « Old brown shoe » de Harrison, face B de la « Ballad of John & Yoko » de Macca, également présente, ainsi que « Dont let me down » signée Lennon et face B de « Get back ». Trois titres enregistrés alors que l’affaire Beatles commençait à sentir le sapin, et ma foi, ça s’entend, c’est juste le minimum syndical …

Bon, c’est les Beatles, ouais, mais finalement, même à dix balles, c’était pas une si bonne affaire que ça, ce « The Beatles again ».







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The Beatles 

MADNESS - COMPLETE MADNESS (1982)

Juste un petit grain de folie ...
Pour quasiment tout le monde, Madness se résume à un titre, « One step beyond ». Rabâché, et même encore de nos jours, jusqu’à l’écœurement. Symbole du ska dit festif, avec en filigrane la vision de ces horribles multitudes de groupes du genre qui squattent les après-midi de festivals provinciaux, aussi vite chiants que les fuckin’ bandas du Sud-Ouest …
Madness, c’est pas que « One step beyond ». Le groupe, après quelques années de mise en sommeil s’est reformé quasiment dans son line-up original et demeure une institution. En Angleterre uniquement. Parce que Madness est un groupe typiquement anglais, autant qu’avait pu l’être à la même époque de leurs débuts le trépassé Ian Dury et ses Blockheads. Madness viennent d’un quartier populaire de Londres (Camden Town), et ont savamment entretenu cet aspect cockney-potache-loufoque inné chez eux.

Madness, c’est en 79 la tête d’affiche commerciale du ska, ceux qui ont fait exploser la reconnaissance commerciale du mouvement (« One step … » donc, leur second 45T). Laissant aux Specials le meilleur disque du genre, mais entamant pour leur part à coups de singles malins la conquête régulière des charts. Au bout de deux ans, le ska revival aura fait long feu, faute de combattants (l’essentiel des groupes de la mouvance, y compris les Specials, ont disparu), et la mode est passée à autre chose (les gothiques, la synth-pop, le post-tout-ce-qu’on-veut, …). Madness vont perdurer, en gros une décennie, grâce à un virage pop. Sans se « vendre ». Le groupe a eu la chance de compter en son sein trois, voire quatre auteurs capables de pondre des rengaines putes juste ce qu’il faut pour avoir du succès, mais sacrément efficaces.
Ce « Complete Madness » est paru en 1982, soit trois ans et trois disques après leurs débuts. Ce qui est un timing rapide, mais il faut battre le fer etc …, n’est-ce pas Messieurs les comptables de chez Warner ? Pas de bol, mais personne pouvait savoir, juste avant leur meilleur disque « The rise and fall ». Pas malin non plus, le tracklisting, qui mêle les titres sans tenir compte de la chronologie, et vu que Madness est un groupe qui a évolué dans le bon sens du terme, c’est vraiment pas une bonne idée. Démago, le sous-titre d’origine « 16 hit tracks » (judicieusement supprimé des rééditions) est bien évidemment plus qu’optimiste par rapport à la réalité, d’ailleurs certains titres sont même pas sortis en single.
On trouve donc du ska. Plus exactement ce qu’on appelait du ska en Angleterre et par extension ailleurs dans le monde civilisé, à savoir des choses s’inspirant certes du ska jamaïcain fin 60’s – début 70’s, mais couplé à du reggae, du dub, du toasting, de l’accélération du tempo liée à l’énergie plus ou moins punk de l’époque, le tout dans un format concis (3 minutes maxi). Sont donc de la revue outre l’incontournable « One step beyond », des choses comme « Baggy trousers », « Night boat to Cairo », « The Prince », « Madness », ce qui permet de noter que les Madness sont vraiment des fans ultimes d’une des grandes figures du ska jamaïcain, Prince Buster, puisqu’un titre lui est dédié (« The Prince ») et qu’ils en reprennent deux autres ( « Madness », qui leur donnera leur nom de scène, et « One step beyond », ben oui, c’est pas d’eux).
Ensuite, c’est un peu tout, et aussi n’importe quoi. Du plus ou moins second degré (« The return of the Las Palmas 7 », improbable hybride instrumental entre merengue et calypso), de l’humour macabre (« Cardiac arrest », un des titres les plus enjoués, parle d’un type en train de claquer d’un infarctus), de la pochade fainéante (« In the city » est extrapolé à partir d’un jingle de pub qu’ils avaient écrit pour une bagnole japonaise), de l’hommage certainement sincère à un méconnu poète et musicien anglais d’origine nigériane Labbi Siffre à travers la reprise de son « It must be love » (bonne cover, truffée d’arrangements intéressants de classique et de big band jazz). Cette compile montre aussi la lucidité de gars qui se sentent enfermés dans un style qu’ils pressentent éphémères et qui se retournent vers les bases de la musique anglaise, la pop de qualité. Même si le propos est parfois encore un peu gauche quand ils créent eux-mêmes (« Embarassment », « Shut up »), les choses sont bien meilleures quand ils « s’inspirent » pour pas dire plus (ils sont honnêtes les gars de Madness, ils le reconnaissent dans les courtes mais intéressantes notes du livret) de choses existantes. Ainsi le meilleur titre du disque, « My girl » doit beaucoup au « Watching the detectives » d’Elvis Costello et « Grey day » au schéma rythmique du « Bogus man » de Roxy Music.

On l’aura compris, cette compile d’époque n’a qu’un intérêt somme toute limité, présentant un bon point de vue de leurs premières années, qui sans être à renier ou à rejeter, ne sont pas forcément leurs meilleures. Leurs masterpieces sont encore à venir, même si leur discographie des années 80 est à envisager avec circonspection, beaucoup de choses étant sacrifiées à l’air sonore du temps pour pérenniser un succès qui ne se démentira pas chez leurs compatriotes …


Des mêmes sur ce blog : 



BUDDY HOLLY AND THE CRICKETS - THE VERY BEST OF (1999)

La meilleure compilation ?
Et évidemment, Universal l’ont pas rééditée depuis sa parution en 1999. Ils préfèrent sortir des machins re-remastérisés qui sonnent comme Metallica plutôt que de remettre celle-ci sur le marché …
Parce que Buddy Holly, qui en tout et pour tout, n’aura enregistré que pendant un an et demi, il n’y a pas de quoi remplir des coffrets de quinze Cds. Même si pendant ce court laps de temps, il a laissé un certain nombre de pépites inusables.
Buddy Holly
Toutes sont présentes ici, que ce soit sous son nom, ou au sein des Crickets … pas dans un ordre chronologique, ce qui au vu de la brièveté de la carrière, n’a cependant pas grande importance.
Buddy Holly, pour faire simple, on va dire qu’on s’en fout un peu aujourd’hui, qu’il fait partie de cette longue litanie d’anciennes gloires quelque peu oubliées. Et pourtant, il connut un succès phénoménal, bien aidé par Elvis parti se faire lobotomiser à l’armée, devint l’idole d’une jeunesse (blanche) américaine, et de pas mal de leurs parents…
Tout en faisant du rock’n’roll ce qu’il y a de plus irréprochable, mais en ayant soin de rechercher une profondeur mélodique restée à cette époque-là sans équivalent. Qui d’autre peut se prévaloir de (ré)concilier fans des Beatles (Lennon était son plus grand admirateur et baptisa ainsi son groupe à cause des Crickets) et des Stones (« Not fade away » était la face A de leur 1er 45T américain) ?
Il faut toujours avoir à portée d’oreille des merveilles d’insouciance pop comme « That’ll be the day », « Peggy Sue », « Rave on », « Look at me », « Everyday », « Wishing » (plus Beatles que ces deux-là, on peut pas), « It’s so easy » et « Maybe baby » (la quintessence du style Buddy Holly), l’incroyable « Fools paradise ». S’il faut être roots, Buddy Holly sait piocher dans le catalogue des classiques (« Blue suede shoes », « Shake, rattle & roll »), faire du rockabilly (« I’m gonna love you too »), du Diddley beat (« la reprise de « Bo Diddley », « Not fade away »). Il peut parfois, même s’il est beaucoup plus limité vocalement, donner dans le pathos romantique orbisonien (« Raining in my heart », « Valley of tears »)…
Buddy Holly & The Crickets
Comme Elvis, Buddy Holly a eu son Colonel Parker. Et son mentor, Norman Pettty, n’était pas un vulgaire escroc hollandais, mais un musicien, arrangeur et producteur, et co-auteur de la plupart des titres de son protégé. La mort dans un crash d’avion de Holly fut vécue comme un traumatisme par toute une génération de jeunes américains (voir la chanson, gros succès en son temps de Don McLean « American  pie » où la funeste date du 3 Février 1959 devient « the day the music died ») …
C’est bien connu, l’Histoire ne repasse jamais les plats, surtout quand la mort est au bout du chemin… mais Buddy Holly, s’il avait vécu, avait tous les atouts pour être au moins aussi grand qu’Elvis …
A perpétuellement redécouvrir …

Du même sur ce blog :
Buddy Holly


FRANZ FERDINAND - RIGHT THOUGHTS, RIGHT WORDS, RIGHT ACTION (2013)

Bientôt la rentrée, les premiers de la classe sont déjà là ...
Et ils exhibent fièrement leurs devoirs de vacances. Ben y’a pas de quoi, vous vous êtes pas trop foulés, les gars. Quatre ans et demi après le diversement accueilli « Tonight : Franz Ferdinand », la livraison est un peu chiche, dix titres pour 35 minutes, ça traduit pas vraiment une période de créativité intense. Bon, d’un autre côté, les triples Cds conceptuels, c’est pas non plus leur genre.
Même s’il a du y avoir du brainstorming dans les bureaux de leur (gros) label indé, Domino. Franz Ferdinand sont la vitrine commerciale de l’affaire, et donc faut assurer, résoudre tout un tas d’équations, genre faire pareil pour pas déstabiliser le public traditionnel, mais faire aussi un peu différent pour attirer de nouveaux clients, faire un disque qui se veut populaire, et montrer aussi qu’on est des gens qui comptent, qui ont les moyens, faire dans le cossu distingué, le bourgeois discret …

Les titres qui débutent chaque face (ben voilà, maintenant, à cause de la mode du retour au vinyle, on est obligé de repenser l’enchaînement des titres) sont les plus accrocheurs, les plus prévisibles, ceux qui doivent servir de locomotive pour amener le skeud vers le haut des charts. « Right action » et « Bullet » sont courts, nerveux et mélodiques (tellement d’ailleurs que sur « Right action » on dirait bien qu’il y a des bribes de « Norvegian wood » des Beatles, excusez du peu). Et puis, ils confirment l’arrivée en force des synthés, déjà présents sur « Tonight … ».
Des synthés qui sonnent très années 80 (les types de Franz Ferdinand, il sont tous autour de la quarantaine, ils ont commencé à écouter de la musique dans les 80’s, ça a apparemment laissé des traces), ce qui fait que mine de rien, le concept de départ (faire danser les filles avec du rock à guitares et des rythmiques martiales à la Gang of Four) a pris du plomb dans l’aile. Les Franz Ferdinand suivent une trajectoire à la Coldplay, on ralentit le tempo, et on donne dans le radio friendly centriste. Tout est à peu près dit (et entendu) dès le second titre (« Evil eye ») qui recycle le riff et la construction sonore de « Need you tonight » d’INXS. Et on pense souvent à des choses comme Depeche Mode ou Eurythmics, du consensuel pas trop putassier, mais du consensuel quand même.
En gros le début du disque est plus enlevé, plus « dansant », plus power-pop, plus franchement mélodique. Se paye même le luxe d’afficher un gros chiffon rouge avec un titre comme « Fresh strawberries » pour que soit évidemment évoqués en vrac, Beatles, Lennon, et « Strawberries fields for ever ». C’est bien tenté, avec le coup très Fab Four des harmonies vocales de Kapranos et McCarthy sur le refrain, mais on reste bien loin du modèle à demi-avoué.
Les derniers titres du disque sont plus lents, entretiennent une humeur plus mélancolique, allant jusqu’à taquiner les atmosphères gothiques des Cure et de la cold wave en général (« Treason ! Animals » ou « The universe expended »), le tout perclus d’arrangements chiadés mais bien convenus.
Malgré tout peu d’innovations (les Franz Ferdinand qu’on aime ou pas, ils ont un style, une patte sonore, on est en terrain connu, jusqu’à la pochette où le noir domine sur fond de slogans néo-réalistes soviétiques, la routine, quoi …), et un choix délibéré de se positionner en grand rassembleur musical centriste …

Tout ça finira peut-être à Wembley ou au Stade de France. Evidemment sans moi. Quand je voudrai écouter un bon disque de Franz Ferdinand, je me repasserai leur premier …

Des mêmes sur ce blog :

OF MONTREAL - HISSING FAUNA, ARE YOU THE DESTROYER ? (2007)

Mérite le détour ...
Of Montreal est le pseudo de Kevin Barnes, solitaire américain très prolifique, bricolant des titres dans son home studio. Il en fait des disques sous le pseudo de Of Montreal mais peu se retrouvent largement distribués. Un vrai « indépendant » en somme, un geek musical entouré de ses bécanes, s’essayant aux dires des très rares qui l’ont écouté à une sorte de pop synthétique lo-fi. Une bonne dizaine de disques sortis depuis le milieu des années 90.
Kevin Barnes 
Et puis, sans rien changer à sa façon de bosser, arrive ce « Hissing fauna … ». Et là, merci le Net, un buzz se répand, relayant l’info que ce type inconnu vient de faire un disque fabuleux. Rumeur évidemment exagérée, mais Cd intéressant, pour le moins. Apparemment, « Hissing Fauna … » est une œuvre inspirée par une rupture amoureuse, avec des morceaux aux titres à rallonge mystérieux. Mais effectivement il y a un truc. C’est réfléchi, pesé, construit, pas un assemblage de bric et de broc de titres jetés à la va-vite et au hasard sur une rondelle argentée.
Ce Cd est articulé autour d’un long morceau central « The past is a grotesque animal », avec ses synthés qui pulsent très rock (si, si c’est possible), instaurant une ambiance genre new wave gothique, ça bastonne inexorablement et hypnotiquement sans débander pendant douze minutes. Rien ne laissait pourtant présager pareille avalanche sonique. Le début du disque, même si le propos semble morose, est constitué de ritournelles sautillantes, souvent assez barges. Remontent du fond du cerveau des noms d’hurluberlus des 70’s, remarqués pour leur côté bariolé. Les Sparks en premier lieu, sur l’inaugural « Suffer for fashion » baroque, mélodique et déjanté. Aussi le protéiforme bidouilleur pop Todd Rundgren sur le titre suivant, le court « Sink the Seine » « Heimdalsgate … », comptine façon electro-pop 80’s fera même une apparition dans les charts indie US. « Gronlandic edit » mélange bas(s)es funky dansantes et électronique martiale, comme si Chic jammait avec Kraftwerk, et ça sonne à peu près avec un lustre d’avance comme le dernier Daft Punk. Y’a aussi des ratés dans cette belle mécanique d’ouverture (« Cato as a punk », « A sentence of sorts… », rien d’original, on oublie …). Le tout porté par une voix qui semble le plus souvent gonflée à l’hélium, et ceux qui pensent à Mika (le côté boule à facettes et racoleur de minettes en moins) n’ont pas tout à fait tort.
Changement de ton après « The past … ». C’est plus sérieux, et donc forcément moins drôle. Ça devient plus musical, plus réfléchi, et donc plus ennuyeux. On est pas très loin des encombrants disques de jazz-funk de Prince (ceux qu’il s’entête à sortir depuis 20 ans), particulièrement flagrant sur « Faberge … », sur lequel Barnes pousse la similitude jusqu’à retrouver les intonations du Nain Pourpre. Et on sent l’essoufflement sur la fin, « She’s a rejecter » », son gimmick de guitare hard FM sur un beat disco, le genre de plan entendu mille fois depuis le « I was made for lovin’ you » des clowns de Kiss trente ans plus tôt. Le final (« We were born … ») par son côté faussement léger, dansant et hypnotique semble une raclure des fonds de tiroir du New Order des 80’s.
Of Montreal ne va pas tarder à prendre l'eau ...

Grosso modo, on sent quand même un potentiel, plein de qualités, de trouvailles et d’idées souvent bonnes, et un disque ma foi réfléchi, intelligent, cohérent, le type qui malgré son audience a priori famélique va au bout de son truc. Le succès sera d’estime (même les stars soutenues par les majors ne vendent plus rien dans les années 2000, alors pensez l’inconnu auto-produit), mais affectera profondément la suite de Of Montréal. Qui deviendra un vrai groupe d’une demi-douzaine de personnes sous la direction de Barnes, lequel se prendra à la fois pour Brian Wilson et Arcade Fire. Le disque suivant, « Skeletal lamping », pensum de pop rococo surchargée, sera affreux. Ceux qui sont parus après, j’ai oublié de les écouter …

Du même sur ce blog :

PAUL McCARTNEY - McCARTNEY (1970)

Passer de l'essentiel à l'accessoire ...
10 Avril 1970. Les fans attendent le prochain disque des Beatles en espérant que toutes ces rumeurs de climat délétère à l’intérieur du groupe ne soient justement que des rumeurs, et que le plus grand groupe pop du siècle va revenir avec une tuerie sous forme de 33T pour encore une fois mettre tout le monde d’accord. Il arrivera ce fameux disque (« Let it be »), mais sous forme de testament. Car ce 10 Avril, un communiqué lapidaire envoyé à la presse annonce que Paul McCartney quitte les Beatles. Lennon était déjà parti mais sans l’ébruiter, Harrison n’est plus vraiment là de toute façon, et Ringo … Ringo, comme d’hab, personne lui a demandé son avis, de toute manière il était au bar... Ce communiqué de Macca précise également qu’une semaine plus tard, paraîtra son premier disque solo.
Paul & Linda McCartney 1970
Un disque sans titre, une moche pochette énigmatique, 13 titres écrits, joués, chantés, arrangés et produits par le seul Paulo. Pour le timing, on est dans les normes « Abbey Road » (au moins aux deux tiers l’œuvre de Paul, dont la plus grande partie de la seconde face, avec ses courtes vignettes musicales), les treize titres dépassent un peu la demi-heure, c’est du succinct …
Et ça commence mal, 43 secondes d’aubade à sa Linda de femme. Ah, les femmes des Beatles, qu’on a accusé de tous les maux (le plus souvent à juste titre) et qui n’ont pas été pour rien dans la … euh, débandade du groupe. On l’entend d’ailleurs un peu (et c’est déjà trop) la Linda pousser quelques vagissements (les fans appellent ça des chœurs, les fans sont très tolérants) sur une paire de titres … bâillements…
McCartney qui joue de tout (guitare, basse, batterie, piano et claviers), ça se remarque. Il a beau être doué le Paulo, on se rend vite compte qu’il a certaines limites vite atteintes, et l’ensemble sonne assez souvent simplet (ces solos de guitare où on a le temps d’aller boire un café entre deux notes, à l’époque d’un Alvin Lee triomphant, ça fait désordre …). Techniquement, ce disque est au niveau d’une maquette, y’a des bribes de morceaux, d’idées, et même trois instrumentaux dont l’intérêt est, pour rester poli, limité …
Les vacances de Monsieur Paulo
Le reste, oh, ça dépayse pas vraiment. Cette voix tellement entendue tout du long de la décennie est toujours là, de même que les titres « sucrés », ces ballades la larme à l’œil dont n’ont pas fini de se gausser ses détracteurs. Mais c’est une partie du personnage, toute en douceur sonore et caresse musicale, et ici ce sont des morceaux comme « Junk », « Every night », « Man we was lonely », « Teddy boy ». Et si tout le monde ( ? ) ne connaissait pas les 224 titres des Beatles, certains de cet album solo pourraient sembler sortis de la discographie des Fab Four, parce que ce premier disque n’a rien de révolutionnaire, tout se situe en terrain connu. Tout au plus peut-on remarquer que Macca se laisse aller à taper quelques blues-rock, exercice auparavant le plus souvent dévolu à Lennon.
Tiens, Lennon, justement, il est gentiment taquiné dans un de ces blues-rock (« Oo you »). Mais voilà, même (surtout ?) si on s’appelle McCartney, c’est pas le moment d’égratigner la Statue du Commandeur. Le binoclard va très mal prendre ce titre et répondre méchamment sur son « Imagine » l’année suivante (« How do you sleep ? »). Il y a des gens qui ont l’ego susceptible, même s’ils se prétendent les plus cools de la Terre …
Ce « McCartney » n’est pas bon, bâclé et approximatif, à mille lieues des fulgurances à tous les niveaux de Beatle Paul. Mais même à la ramasse, le Paulo est capable de se fendre d’une ballade soul (pour Linda, of course), assez proche de ce que faisait Winwood avec Traffic, ça s’appelle « Maybe I’m amazed », ça va très logiquement cartonner dans les charts, et ça dépasse de la tête et des épaules tout le reste du disque.

Un disque malgré tout en équilibre instable au bord de la poubelle, très nettement inférieur aux livraisons des « rivaux » George (« All things must pass ») et John (« Plastic Ono Band »). Et Ringo me demande t-on ? Euh … il était au bar …


Du même sur ce blog : 


THE BEACH BOYS - SUMMER DAYS (AND SUMMER NIGHTS !!) (1965)

... And summer girls ...
Les Beach Boys, c’est une trentaine de disques studio et dix fois plus de compilations. Mais c’est pas très difficile de s’y retrouver dans ce labyrinthe. Les compiles, elles reprennent les hits, car les Beach Boys en ont eu un gros paquet, et c’est assez compliqué de mal tomber. Les albums studio, hormis l’incontournable « Pet sounds », on peut quasiment tous les oublier. D’ailleurs, pour un groupe ayant vendu des dizaines de millions de disques, il a fallu attendre des années (2001 pour être précis) avant que la plupart soient réédités en Cd.
Des premiers communiants ? Non, les Beach Boys 
Si après cette intro à faire fuir le chaland, il reste encore quelqu’un, le skeud dont au sujet de lui que je vais causer « Summer days … », il est paru un an avant « Pet sounds », et fait donc partie de ces 33T qui sortaient à un rythme effréné (deux à trois par an, sans compter les compiles) depuis les débuts du groupe. Un disque fidèle aux canons de l’époque et à l’exploitation tous azimuts qui était faite des groupes bankables. Deux-trois hits, quelques titres corrects, et du remplissage à base de fonds de tiroir. « Summer days … » ne déroge pas à la règle. Ça sent le truc assemblé vite fait, l’ensemble des douze titres dure 26 minutes. Et malgré tout, faut faire le tri.
Le final du disque est calamiteux. Un instrumental (rappelons quand même que ce qui a contribué à la légende des Boys, ce sont leurs harmonies vocales, les meilleures du bon côté ( ? ) du Rideau de Fer), un titre de doo-wop (« I’m bugged at my ol’ man ») qui n’est vraiment pas le genre de prédilection du groupe, et pour finir un court machin a capella totalement sans intérêt.
Le cœur du disque est construit autour d’une thématique plus que prévisible (la plage, l’été, les meufs), toute la philosophie un peu simplette des Beach Boys depuis toujours (maintenant, à 70 balais, ça le fait encore moins pour eux). Et bizarrement, comme un signe prémonitoire de ce que seront les dix premières années du groupe (après, vaut mieux laisser tomber), on trouve tout ce qui a caractérisé le groupe dans les années 60.
Alors forcément, y’a des trucs qui ressemblent à Chuck Berry (toute première source d’inspiration de Brian Wilson), et ils sont placés au début (« The girl from New York City » et « Amusement Parks USA »). Ensuite le travail sur les harmonies vocales, symbolisé à l’époque par tous les girl-groups, qu’ils soient chez Spector ou la Tamla. Le « Then I kissed her » des Crystals de Spector est la reprise qui s’imposait. Ensuite les Beatles, qui ont traumatisé à jamais Brian Wilson. La compétition se met en place avec « Girl don’t tell me » qu’on pourrait prendre pour un inédit des Fab Four. A noter pour l’anecdote que c’est le seul titre du disque entièrement joué par les Beach Boys, sans doute pour présenter le côté « groupe » et imiter au mieux la technique précaire des Beatles des débuts (en principe, ce sont des requins de studio à la manœuvre, en particulier les habitués des sessions de Spector, Hal Blaine, Carol Kaye, Leon Russell et toute la clique …). Au tournant des 60’s, un regain d’inspiration du groupe (et surtout le retour en son sein de Brian Wilson) donneront quelques disques intéressants (le superbe « Surf’s up » notamment) et seront marqués par une certaine tristesse des mélodies. On en a les prémisses sur ce « Summer days … », avec la quelque peu désabusée et traînante « Let him run wild ».
Séance photo avec Al Jardine
Et puis et surtout, les Beach Boys sont dans cette première moitié des 60’s un groupe à singles. Issus de ce disque, deux ont grimpé en haut des charts. « Help me Rhonda », déjà présent dans le précédent album (« Beach Boys today ! ») l’est ici dans sa version « radiophonique ». Pas grand-chose à dire, c’est un Beach Boys classic, qui reprend toutes les formules (le gentil rock’n’roll, les changements de rythme, les chœurs, le refrain en pièce montée) ayant déjà fait leurs preuves. D’un tout autre calibre est « California girls ». Brian Wilson a dit qu’il s’agissait là du meilleur titre qu’il ait écrit. Bon, il est peu cinglé, le Brian, il doit plus se souvenir qu’il a écrit « Good vibrations » … N’empêche, il a pas tout à fait tort, « California girls » est un des meilleurs titres du groupe, et peut-être celui qui le symbolise le mieux à ses débuts. Musicalement, il domine sans peine cet album, et son thème contenu dans le titre (ça vole pas très haut les textes des Beach Boys), il est récurent dans ce disque et lui aussi contenu dans le titre, les « summer days », c’est fait pour draguer, en espérant que ça débouche sur des « summer nights » torrides. Le tout très fleur bleue, dicté par l’époque et l’image romantique que tient à cultiver le groupe.

Le groupe … il serait temps d’en parler. Les Beach Boys sont une affaire familiale (les trois frangins Wilson, le cousin Love, le pote Jardine, et l’autre pote Johnston, dont on sait pas trop s’il en fait vraiment partie). Affaire chapeauté par papa Wilson, qui en bon Thénardier du rock, envoie ses enfants au turbin et prend la monnaie. Ce qui n’empêche pas certaines curiosités « stratégiques ». Pourquoi Jardine (Johnston, il y est jamais) ne figure pas sur la pochette (il est sur des photos de la séance, et « signe » comme les quatre autres, un texte sur la pochette du 33T ?). la réponse est selon moi à chercher dans le fait que les Beach Boys ne sont pas vraiment un « groupe » au sens rock du terme, mais plutôt une trademark au son immédiatement reconnaissable, et les accompagnateurs du plus doué du lot, Brian Wilson, qui signe toute la partie musicale de l’affaire, ne laissant que les paroles à cousin Mike Love … Déjà le germe de tout un tas de rancunes tenaces, qui donneront lieu à partir des 70’s à des pitreries procédurières tout du long de l’interminable saga du groupe …

Des mêmes sur ce blog :


KATE BUSH - THE KICK INSIDE (1978)

Seule au monde ...
Kate Bush, c’est impossible à ne pas reconnaître. Ne serait-ce qu’à cause de la voix (quatre octaves, tout en haut des aigus). A cause de la musique aussi, un peu, parce qu’elle œuvre dans un domaine assez original. Et ce dès son premier disque, « The kick inside ».
Kate Bush, c’est un peu l’anti-star du rock’n’roll circus. La fille de bonne famille, des années de danse classique, des cours de piano.  Et elle écrit des chansons. A dix-sept ans, elle en aurait écrit plus de cinquante. Certaines sont mises sur des cassettes que ses parents font circuler auprès d’amis musiciens. L’une de ces cassettes échouera chez David Gilmour, obscur guitariste d’un groupe pas très connu, Pink Floyd … On peut tomber plus mal d’entrée. Et donc Gilmour a les moyens dès 1975 d’envoyer la gamine en studio enregistrer trois titres, dont deux (« The man with the child … » et « Strange phenomena ») se retrouveront sur « The kick inside ». Gilmour fait signer Kate Bush chez EMI (ça n’a pas dû être trop difficile, ce sont eux qui vendent les disques du Floyd), délègue un de ses amis, Andrew Powell, aux fins de recruter des musiciens, et produire le premier disque de sa protégée.

Ce premier disque n’est pas là juste parce que c’est une tocade de milliardaire du rock à qui sa maison de disques ne peut pas refuser un petit service. Le Kate Bush Group se rode sur scène pendant deux ans avant d’entrer en studio (où là ce seraient des requins de studio qui les remplaceraient, prétend la rumeur). C’est à peu près la seule période de la carrière de Kate Bush qui va ressembler au parcours de n’importe qui dans le music-business. Après la sortie de ce disque, elle  va à peu près jouer « le jeu » une paire d’années (un peu de promo, quelques interviews, un disque par an, une tournée). Et puis basta … Finies les interviews, les tournées, et en tout et pour tout neuf « vrais » disques en trente cinq ans de carrière (un peu comme Manset, elle retravaille à l’occasion ses titres pour des compilations).
« The kick inside ». Le premier donc. Mais pas le meilleur. Même si on y trouve déjà tout ce qui fera le Kate Bush style. La voix et le piano, les éléments de base chez elle. Qui n’ont besoin de rien ni personne d’autre sur trois titres (« The man with the child in his eyes », « Feel it », « The kick inside »). Ensuite, pour le reste, un univers sonore original et unique pour l’époque. Pour lequel on a souvent vu citer l’adjectif de « féerique ». Où se mêlent des rythmes de comptine, de la musique classique ou baroque, mais produits par une instrumentation « rock » de base (guitare, basse, batterie, claviers), sur laquelle ne se greffent que très rarement d’autres instruments. Allez savoir pourquoi (enfin, si, je sais, à cause de quelques strates de musique classique ou planante, et la connexion Gilmour-Floyd), les vilains progueux ont été nombreux à s’enticher de la Kate. Ils ne furent pas les seuls, heureusement. Son premier 45T, l’a priori totalement improbable « Wuthering heights » (d’après le bouquin du même titre d’Emily Brontë) resta plusieurs semaines en haut des charts anglais (et aussi d’ailleurs), alors qu’il échappe totalement à tous les standards et formats de l’époque. Il écrase quand même un peu tout le restant de ce premier disque. Beaucoup de titres sont construits de la même façon, et passé l’effet de surprise, donnent un peu l’impression d’une formule trop systématiquement appliquée (ces mélodies très cinétiques, témoin du passé dans la danse de la Bush, cette ambiance elfique et pastorale, …) Les textes sont parfois assez cryptiques (certains fins analystes ayant même décelé en « The saxophone song » une ode à la masturbation et dans « Strange phenomena » une allusion aux cycles menstruels), souvent des mots choisis plus par leur musicalité que pour leur sens.
La pochette refusée par Kate Bush
On sent tout de même dans « The kick inside » une volonté (certainement la pression d’EMI, ils veulent bien faire plaisir à Gilmour, mais surtout vendre du vinyle) de coller à l’air du temps. Deux titres vaguement reggae (« Them heavy people » et « Kite ») font un peu beaucoup aguicheurs pour coller à l’air du temps, seront sans suite dans l’œuvre de Kate Bush et lui vont à peu près aussi bien qu’un jean slim à Beth Ditto … Mais bon, bien que jeune et débutante, Kate Bush ne s’en laissait pas toujours conter, elle a refusé la pochette initialement prévue pour une très « orientalisante »  (certainement un clin d’œil à son frère, karateka de haut niveau et fan de culture asiatique, un frère dont elle était très proche)

Toutes ces menues réserves ne sont valables que parce qu’aujourd’hui on connaît la suite et les disques qui vont en permanence s’améliorer jusqu’à son chef-d’œuvre « Hounds of love » en 1985. On aimerait que toutes celles qui l’ont copié sans vergogne (je balance pas, tout le monde le sait, la liste est même sur Wikipédia) aient pondu beaucoup de choses du niveau de ce « The kick inside » …


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