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TIM BUCKLEY - GOODBYE AND HELLO (1967)


L'explorateur de l'inouï ...

Avec son premier album sans titre, Tim Buckley avait signé une œuvre profondément originale. « Goodbye and Hello » va encore plus loin dans l’inouï, au sens premier du terme.
Il y a tout d’abord la voix. Unique, exceptionnelle, elle suffirait à elle seule  à tirer n’importe quelle composition vers des sommets célestes. Mais il y a aussi la musique, totalement à contre-courant de ce qui se faisait à l’époque. Certes la base est du folk mélodique teinté de psychédélisme, mais se rajoutent surtout des touches classiques et jazzy. Assez proche dans l’esprit de ce que fera plus tard Robert Wyatt, avec Soft Machine ou en solo.
Comme un air de famille ... Tim Buckley 1967
D’entrée, « No man can find the war », fait penser à Love, de l’autre génial inclassable Arthur Lee (un peu le Mr Loyal du Los Angeles psychédélique, artiste choyé du label Elektra, qui a fait signer les Doors et le MC5 à son patron Jac Holzman ; Buckley est également chez Elektra, et l’ingé-son de tous les artistes du label Bruce Botnick est présent sur tous leurs disques, ceci expliquant les nombreuses similitudes sonores entre tous ces gens), et installe la voix irréelle de Tim Buckley. Et cette voix se balade littéralement avec une facilité écœurante sur un véritable patchwork sonore, chaque titre ouvrant son propre univers. « Carnival song » a des airs de fête foraine dévastée et triste, « Hallucinations laisse entrevoir un folk médiéval et arabisant. Une influence orientale que l’on retrouve sur « I never asked to be your mountain » (chanson adressée à son tout jeune fils Jeff alors qu’il vient de se séparer de sa mère, un Jeff qu’il ne verra pratiquement jamais), et qui pourrait être décrite comme le « Kashmir » psychédélique … « Phanstasmagoria in two » porte bien son nom, il s’agit d’une véritable fantasmagorie sonore et vocale, et last but not least « Goodbye and Hello » le morceau, laisse entrevoir avec un lustre d’avance ce qu’aurait pu être du rock progressif intéressant …
Ce disque est le premier chef-d’œuvre de Tim Buckley, et pour moi son plus facile d’accès, celui qui ne s’éloigne pas trop des chemins connus, qui laisse à l’auditeur des repères. Les suivants jusqu’à sa mort en 1975 seront aussi beaux, mais plus hermétiques, Buckley créant un univers sonore très personnel …

Du même sur ce blog : 
Tim Buckley

AMON DÜÜL II - YETI (1970)


Pas abominable ...
C’est le genre de disques pour lequel le contexte est au moins aussi important que la musique. La toute fin des années 60 et le début des années 70 vont placer l’Allemagne au premier plan sur le planisphère du rock. L’engagement social et politique est au cœur de la musique d’Amon Düül II, dans une période charnière qui voit se radicaliser les propos. Barre (très à) gauche toute, sous l’influence du printemps 68 français mais aussi de celui de Prague, qui montre les premières fissures d’un socialisme est-européen. Avec également l’apparition idéalisée dans la pensée politique des prétendus modèles chinois ou yougoslaves. Si l’on ajoute la libéralisation (morale, sociale, …) colportée par les utopies hippies venues de Californie, il y a de quoi faire bouillir la marmite sous le crâne des jeunes allemands, toujours à la pointe de l’actualité musicale gràce aux soldats américains des troupes d’occupation …
Amon Düül est à la fin des années 60 un groupe, un collectif, une communauté (au choix) de hippies allemands, qui se scinde en deux entités (I et II), la première plus portée sur l’activisme politique, et la seconde sur la musique.
Hippy allemand : une expression qui fleure bon l’encens, le fromage de chèvre et les soirées macramé où l’on rêve d’Ardèche et de Larzac, sur fond de musique planante. Problème avec Amon Düül II : de musique planante il n’est ici pas question et ceux qui attendent une version teutonne des pénibles Yes et Genesis seront déçus.
Ce Cd est un putain de truc électrique qui ne ressemble à pas grand-chose de ce qui se faisait à l’époque. Seul un violon strident vient rappeler le Velvet Underground furieusement agressif, genre « Sister Ray ». Pour le reste, on pense quelquefois au King Crimson bruitiste de « Red », et bruitisme oblige, aux dérapages guitaristiques d’Hawkwind, Television ou Sonic Youth des débuts, tous postérieurs à ce disque.
Même trois longues impros (et pourtant cet exercice casse-gueule est souvent pénible) en fin de disque sont intéressantes. Comme le suggère la pochette, ce disque est mortel.

JULIAN COPE - PEGGY SUICIDE (1991)


D'inspiration divine ?
Julian Cope était dans les années 80 le leader des Teardrop Explodes, sympathique groupe de seconde division à peu près oublié aujourd’hui. La carrière de Cope est à l’image du personnage : instable et erratique. Grand amateur de drogues psychédéliques et de la musique qui va avec (il a écrit une encyclopédie considérée par les spécialistes comme définitive sur le krautrock, le rock planant allemand du début des 70’s), Julian Cope alterne en solo le bon et l’anecdotique.
Coup de bol, ce « Peggy Suicide » de 1991 est un de ses meilleurs. Cd copieux (76 minutes), il offre des paysages musicaux variés. De la balade de crooner introductive (« Pristeen »), aux rocks à guitares saturées (« Double Vegetation », « Hanging out … »), en passant par l’intégration de boucles électroniques (« East Easy Rider »), le funky (« Soldier Blue »), la pop (« Beautiful Love »), … le spectre sonore visité est large.
Le côté halluciné de Cope se retrouve dans le concept même du Cd. Il a vu en rêve la divinité Mother Earth (celle représentée sur la pochette) que pour d’obscures raisons il rebaptise « Peggy Suicide ». Du coup, Cope s’est senti concerné par de « grands » problèmes de société (le Sida, la couche d’ozone, le nucléaire, l’écologie, la guerre, …) lui inspirant les morceaux du Cd.
Si l’on laisse de côté l’aspect prêcheur sous acide, les réussites musicales sont nombreuses, hormis le dernier quart du Cd quelque peu confus et pénible avec quelques titres de remplissage.
« Peggy Suicide » est un disque essentiel dans la carrière de Julian Cope, et pour l’auditeur un de ses plus accessibles et réussis.


MAGMA - MEKANIK DESTRUKTIW KOMMANDOH (1973)


En fusion ...
Magma, c’est tout d’abord un concept, certes, mais organisé autour de Christian Vander. Fils (adoptif) du compositeur Maurice Vander et se sentant fils (spirituel) de Coltrane. A la mort de celui-ci, et après avoir recherché comme son idole le suicide dans la drogue, il aura un jour l’illumination, décidera de faire revivre sa musique dans un groupe qu’il va monter, Magma.
Groupe peu commun, emmené par un Vander leader et batteur, influencé par Elvin Jones, croisé grâce à son père dans le milieu familial. Mais Magma sera plus qu’un groupe, ce sera surtout une « expérience » au sens hendrixien du terme. Un espace sonore sans frontières ni limites, accueillant en son sein au gré de multiples changements de line-up, tout le gotha des musiciens de studio français des seventies. Une illumination supplémentaire fait créer à Vander une langue nouvelle, le kobaïen, qui sera partie intégrante de tous les titres.
Magma 1973
Avec de telles bases d’une originalité assez unique, Magma ne pouvait être qu’un groupe hors-norme, insaisissable et inclassable. Il fera vite le bonheur des fans de prog qui se l’accapareront, ce qui les changera de la bouillasse à laquelle ils sont habitués. Même si Magma n’a rien à voir avec l’école de Canterbury … Magma sera le premier (de toutes façons, il n’y en a pas eu tant que ça depuis) groupe français à jouir d’une (petite) notoriété internationale.
« Mekanik Destruktiw Kommandoh », (M.D.K. pour les amis et sur certaines pochettes de réédition Cd), est le troisième disque de Magma et souvent cité comme leur pièce maîtresse. S’éloignant des relents parfois jazz des deux premiers, Vander oriente sa musique vers quelque chose de martial, limite para-militaire (on pense quelquefois à l’idéologiquement douteux Carl Orff et son « Carmina Burana »), souvent implacable… Il suffit de lire le texte (« Terrien, race maudite … ») du livret, en accord sur la musique. Ce genre de textes et d’ambiances sont évidemment à prendre au second degré, mais quelques bas du front y verront l’apologie des totalitarismes … Magma restera éternellement par ici un groupe qu’il sera de bon ton d’ignorer ou de mépriser.
« MDK » est un Cd à écouter d’une traite, d’ailleurs la plupart des titres sont enchaînés, basés sur la répétition et l’évolution d’une phrase musicale (un peu comme Dylan dans sa B.O. de Pat Garrett & Billy the Kid), alternant passages apaisés avant des explosions soniques accompagnées de chœurs lancinants. Beaucoup de choses, d’ambiances, traversent ce disque. Certes assez hermétiques pour le commun des … Terriens, mais difficile de rester insensible à ce maelström de sons et mots inouïs. Toujours grandiose, mais évitant l’écueil du pompiérisme dans lequel les groupes prog (entre autres) se sont copieusement vautrés dans ces mid-seventies.
« MDK » met en scène ceux que beaucoup considèrent comme la formation « royale » de Magma, dictature démocratique de Vander, entouré par des gens comme Jannick Top, Klaus Blasquiz, Claude Olmos, sa femme Stella Vander, … 

SPIRITUALIZED - LAZER GUIDED MELODIES (1992)


Enter The Void
Au commencement étaient les Spacemen 3, avec ses deux têtes pensantes et chercheuses, Jason Pierce et Peter « Sonic Boom » Kember. Trop d’egos au mètre carré et split du groupe.
Jason Pierce monte son propre projet, Spiritualized, en fait les Spacemen 3 moins Kember. Autant dire qu’on navigue en terrain déjà connu. Les tempo ralentis, les guitares bourdonnantes qui tournent en boucle sur quelques notes, les mélodies languides, l’influence du Velvet, des Jesus & Mary Chain, du shoegazing, les échafaudages sonores à la Brian Wilson, les relents de gospel halluciné …
« Lazer guided melodies » est le premier disque de Spiritualized. Qui sonne comme s’il avait été enregistré d’une traite, alors qu’il résulte de pratiquement deux ans de séances en studio. Un disque bizarre, déroutant, limite dérangeant. Conçu comme un trip sous hallucinogènes, et quand on connaît les antécédents de Pierce et ses rapports avec toutes sortes de substances chimiques, on sent le vécu …
Un début fait de morceaux courts, faciles d’accès, quasiment très radiophoniques. La lentissime et sublime ballade d’ouverture, « You know it’s true », descent en droite ligne du troisième Velvet. « I want you » n’a rien à voir avec Dylan, mais beaucoup avec Jesus & Mary Chain et Primal Scream, à un moment, on jurerait que The Edge est venu faire une pige à la gratte, avant que le titre s’abîme dans un fracas funhousien. « If I were with her now » , malgré son côté chanson, joue avec nos nerfs, son mid-tempo avec un seul accord de guitare sursaturée lui confère une violence latente …

Au bout du troisième titre, les fêlures apparaissent, les psychotropes commencent à faire effet. « Run » est … je sais pas trop, un boogie techno peut-être, auquel viennent s’enchaîner une paire de titres irréels, cotonneux. Et puis, à partir de « Symphony space », c’est vraiment parti pour le trip mystique et halluciné. La durée des titres s’allonge sensiblement, les ambiances deviennent planantes, oniriques, et Jason Pierce se mue en un Jerry Garcia des nineties, pilotant son vaisseau vers quelque dark star que lui seul semble voir. Au fil des morceaux, le plus souvent enchaînés, les basses deviennent bourdon, les guitares moulinent métronomiquement le même accord qui devient mantra, la batterie n’est plus qu’une pulsation cardiaque, la voix quand elle est là, est toujours lointaine et brumeuse. Quelque mauvais karma fait parfois rugir les guitares (la fin de « Angel sigh ») avant qu’une sorte de gospel (une des marottes de Pierce) autiste, marque la fin du voyage (illumination, ou bien le dream est-il over ?). Retour sur Terre avec le final de « 200 Bars » qui renoue avec la pop entrevue au début du disque…
Il est certain que ce « Lazer … » , qu’on pourrait méchamment réduire à un disque de new age farineuse, a été conçu pour inciter au rêve, à la planerie, à la méditation. Il doit s’écouter d’une traite et pas en mode « lecture aléatoire », l’ordre des morceaux, leur enchaînement est primordial. Pendant que je l’écoutais, j’ai souvent pensé au film de Gaspar Noé, « Enter The Void », et à sa B.O. On retrouve dans le Cd de Spiritualized, cette langueur morbide, ces sons comme aquatiques, cette longue dérive de l’âme du trépassé Oscar au-dessus du Tokyo nocturne avant qu’elle se rematérialise … Et pourtant j’étais à jeun …
Quand même une réserve, et pas petite, la même d’ailleurs que pour le film de Noé. C’est extrêmement original, mais aussi hyper chiant. Spiritualized affinera son propos, toujours selon les mêmes ingrédients, avant de produire son chef-d’œuvre (« Ladies & Gentlemen, we are floating in space », … what else ?). Pour Noé, c’était déjà fait, ça s’appelait « Irréversible » …

Des mêmes sur ce blog :
Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space


Brian ENO & David BYRNE - MY LIFE IN THE BUSH OF GHOSTS (1981)


Tête Parlante et Tête Pensante ...

David Byrne (Talking Heads) et Brian Eno (Roxy Music, lui-même, production de la trilogie berlinoise de Bowie) avaient déjà travaillé ensemble (Eno produisant « Fear of Music » et « Remain in Light » pour les Talking Heads).
Eno & Byrne : pensez s'ils ont pensé ...
Ils poussent plus loin leur collaboration en 1981 avec ce disque en duo qui explore des sons qui deviendront quelques années plus tard des genres musicaux à part entière comme l’ambient, la world-music, la techno … et des techniques comme le collage de boucles, le sampling …
De là à dire qu’ils ont tout inventé … Les rythmiques hypnotiques de Can, les instrumentaux « berlinois » de Bowie, le minimalisme de Suicide, les boucles de La Monte Young ou Kraftwerk, les mix « ethniques » de Brian Jones et des marocains de Joujouka ou ceux de George Harrison et Ravi Shankar, sans parler des structures rythmiques « africaines » chez Sly & the Family Stone, les Meters ou (forcément) Fela, tout cela existait déjà.
« My life in the bush of ghosts » est beaucoup plus un mixage de genres « avant-gardistes » qu’une réelle invention, même s’il se révèle souvent intéressant et relativement agréable à écouter.
A titre perso, je préfère quand même nettement les Cds de Talking Heads ou les albums solo de Eno de la fin des 70’s que cette rondelle tout de même très typée « musique intello ».

FAUST - FAUST IV (1973)


Krautrock

Ils devaient commencer à avoir les boules, les Faust, de voir qualifier leur musique de « krautrock » (« rock de Boches ») par la presse anglaise, grande colleuse d’étiquettes. Et surtout de l’opposition entre leur musique et les bouses sonores du prog anglais auquel on les comparait.

D’un côté, les pénibles british fans de classique, et leurs purges racontant des histoires d’elfes, de donjons et de dragons, en gros toutes ces billevesées et calembredaines inspirées par l’univers médiéval de Tolkien. Tandis que les Faust, dans leur communauté bavaroise, le soir à la veillée, ils se racontaient pas les histoires de Bilbo le Hobbit, ils discutaient avec les gars et les filles qui faisaient ou allaient faire partie des Brigades Rouges, Bande à Baader, Fraction Armée Rouge, qu’ils hébergeaient (ou planquaient, c’est selon).

Prêts à partir dans tous les sens : Faust 1973
Les Faust étaient dans leur tête des révolutionnaires, à des lieues de l’image d’Epinal du hippy allemand avachi, s’apprêtant à envahir le Larzac ou l’Ardèche. Niveau musical, ils venaient de l’avant-garde, Stockhausen est souvent cité, en compagnie des Stooges, du Velvet Underground, des Mothers de Zappa. Alors forcément ça part un peu dans tous les sens, et quelquefois droit dans le mur. Les Faust sont capables de crétineries sonores absolues, comme de fulgurances électriques inouïes.

Ce « Faust IV », c’est le disque de « Krautrock », le titre. Un déluge de guitares et de claviers, sept minutes de stridences, à faire passer le Velvet de « Sister Ray » pour la Bande à Basile. Et puis, comme si ça ne suffisait pas avec ce mur de larsens et de feedback, y’a le batteur qui arrive et commence à enclumer cinq minutes de plus. Le genre de titre qui laisse vidé, lessivé, essoré par tant de jusqu’auboutisme…

Alors le reste de la rondelle, à côté de cette orgie de sons bouillonnants, elle fait triste figure. D’autant plus que se glissent quelques bêtises comme « Läuft … », qui malgré son titre en teuton est chanté dans un français incompréhensible (y’a un Français dans Faust), et nous sert un folk acoustique et psychédélique interminable juste bon à ravir quelque malentendant fan de Devendra Banhart. Rayon atroce, une sorte de reggae mutant (« The sad skinhead »), à faire passer Jahnick Noah pour Burning Spear. L’enchaînement « Just a second …» donne l’impression que dans leurs antiques synthés ce sont les circuits imprimés qui ont pris le pouvoir, et ça me paraît totalement inaudible.

Le reste, faut voir, car les types de Faust prennent un malin plaisir à déconstruire, à brouiller les pistes. « Giggy smile » est un rock psychédélique qui part dans tous les sens genre Zappa, c’est à dire en perpétuel équilibre entre génie et fumisterie ; « It’s a bit of a pain » serait une ballade captivante si elle n’était pas perturbée par des couinements (y’a pas d’autre mot) synthétiques genre kazoo échantillonné.

On a l’impression que les Faust ont quelque peu saboté le boulot (mais avaient-ils vraiment envie de le réussir ?). Ce disque assez incohérent, suivant l’encore plus ardu « Faust tapes », va faire voir rouge (enfin, façon de parler) à Richard Branson qui vient de les signer sur Virgin. Groupe totalement ingérable et imprévisible, Faust va cesser d’émettre pendant plus de vingt ans avant un retour au milieu des années 90, qui aura beaucoup moins de retentissement que la période conclue par ce « Faust IV ».


YOUNG MARBLE GIANTS - COLOSSAL YOUTH (1980)


Minimalisme colossal

Mais que diable font-ils sur cette galère ?
« Colossal Youth » est un disque qui ne ressemble à rien (de connu) : rachitique, minimaliste, étriqué, épuré, simplifié à l’extrême.

25 morceaux en moins d’une heure, soit quasiment toute la carrière du groupe (le 33 T « Colossal  Youth », plus quelques singles) est contenue dans ce Cd.

Une basse, une guitare économe de ses notes, une voix féminine opaque et voilée (mais pas sur tous les morceaux, 1/3 du Cd est instrumental), de temps en temps un orgue et une boîte à rythmes squelettiques. Mais il exsude cet assemblage minimaliste de comptines quasi enfantines et de ballades fragiles une émotion et une pureté uniques.

Par comparaison, un groupe comme les Violent Femmes des débuts ressemble à un orchestre symphonique, c’est dire le degré d’épure atteint par les Young Marble Giants, et il existe peu de choses à ma connaissance ressemblant à ce Cd.

« Colossal Youth » est un disque unique, rare et précieux . Une expérience en soi.

Indispensable.


NINE INCH NAILS - PRETTY HATE MACHINE (1989)


 Sound Machine

Nine Inch Nails, c’est Trent Reznor. Point Barre. C’est d’ailleurs écrit dans le livret de « Pretty Hate Machine », premier disque paru à la toute fin des 80’s. Un disque qui ne sera pas un gros succès, sorti sur un label indépendant… il faut dire que la musique proposée et les thèmes abordés avaient de quoi faire fuir les directeurs artistiques des majors.
Nine Inch Nails au grand complet
Reznor n’est pas un joyeux (drogues et dépressions semblent être ses seuls amis durables), son univers musical non plus. Tout est fait pour choquer, agresser, dérouter. Le matériau de base, c’est une techno industrielle (beaucoup de choses ressemblent aux Belges radicaux de Front 242) lacérée de gros riffs de guitare. Assez proche également de ce que produisent les héroïnomanes déjantés de Ministry, le côté rock’n’roll circus en moins. Nine Inch Nails est beaucoup plus sombre, plus glauque, sans la moindre trace d’humour ou de second degré qui caractérisent le « groupe » de Jourgensen …
Mais Reznor est très fort en studio. Il va mettre en place un design sonore qui va durablement marquer la décennie des 90’s et faire la fortune de son plus célèbre « disciple » Marylin Manson, dont il produira les premiers disques avant une série de brouilles, embrouilles, carambouilles et réconciliations …
Dans « Pretty Hate Machine », de l’électricité sale gicle de partout, lézardée d’interférences électriques, de sons distordus et parasités. Une masse sonore inquiétante, brouillonne en apparence, déstabilisante … La voix de Reznor, toute en plaintes, gémissements et hurlements contribue également pour beaucoup à la noirceur des titres. En fait, ce qui est le plus gênant dans ce premier disque, et d’ailleurs comme dans la plupart de ceux qui suivront, c’est l’absence ou du moins la rareté de titres construits. De chansons pour dire les choses simplement. On suppose que c’est un parti pris volontaire car « Head like a hole » (de la mélodie, des machines, des guitares, que demande le peuple ?) ici, « Closer » ou « We’re in this together » plus tard, montrent que Reznor est capable d’écrire de grands morceaux de structure classique.
Il y a d’autres bonnes choses dans ce disque, « Something I can never have » avec son piano triste et sa touche lyrique, « Sin », débuté comme du Depeche Mode avant de s’abîmer dans du metal chauffé à blanc, le noir « Sanctified » avec son passage bien trouvé de chant grégorien … Il y aussi pas mal de titres qui marquent moins les esprits, englués dans des effets sonores quelque peu foire à la ferraille et bugs électriques divers … Ce disque doit cependant être considéré comme un tout, et plutôt qu’une succession de « chansons »,  comme une porte d’entrée intéressante mais pas exceptionnelle pour l’univers très particulier de Nine Inch Nails …

Des mêmes sur ce blog : 
The Fragile

SPANK ROCK - YoYoYoYoYo (2006)


 Innovant mais "difficile" ...

Spank Rock 2006
Alors que le rap a fêté ses trois décennies, cette musique née de l’urgence et dans l’urgence n’a finalement évolué que lentement.
Spank Rock (Fesser le Rock ? la bonne blague …), duo américain, fait clairement avancer et évoluer le rap. Des rythmiques ultra-saccadées, infra-basses en avant, des relents de trip-hop, des morceaux courts et sobres, des recherches mélodiques … Rarement autant d’innovations ont été présentes sur un même disque.
Le problème c’est que tout cela aboutit à des titres crispants, robotiques et d’un accès ardu. Pas le genre de truc qui va squatter la bande FM.
L’idée de départ est excellente (dépoussiérer un genre musical ronronnant) et se rapproche de ce que faisaient à la même époque les Liars avec le rock ou TV On The Radio avec la pop.
Spank Rock possèdait les atouts pour être the “next Big Thing”, ou au minimum le truc branché du moment. Resté silencieux pendant cinq ans, le duo semble condamné à la confidentialité …





Ping pong | Myspace Music Videos

TOM WAITS - BAD AS ME (2011)


Time Waits for no one ...

Et lui encore moins … Soixante ans et quelque au compteur, intronisé au Rock’n’roll Hall of Fame (le musée Grévin du binaire), et des disques qui depuis sa paire d’as du début des années 80 (« Swordfishtrombones » et « Rain dogs »), se perdaient régulièrement entre auto-parodies et expérimentations cacophoniques. Tom Waits faisait pour moi partie des affaires classées, rubrique des bons vieux souvenirs, le type dont on n’attend plus grand-chose, et encore moins un bon disque … Et pour tout dire, il valait mieux le voir ou le revoir dans des films de Jarmusch ou Altman qu’écouter ses dernières productions.

Et bien, ce « Bad as me », il est très bon. Presque avant même de l’écouter, quand on voit au générique des crédits le vieux pirate Keith R., les vieux potes Ribot et Taylor, le plus tout jeune Hidalgo de feu Los Lobos … pas exactement des perdreaux de l’année, mais ça rappelle plein de bons souvenirs de ses grands disques passés. Et « Chicago », très rock avec riffs de Richards et un sax qui déraille ouvre on ne peut mieux les hostilités. On sent que là ça ne récite pas de la formule, ça ne ronronne pas, les vieux croûtons envoient d’entrée la sauce.

Qu'est-ce que tu dis, Lester ? Que j'ai fait un bon disque ?
Alors on oublie la présence de Flea, certes grand bassiste, mais depuis combien de temps il a pas fait de bon disque avec ses RHCP ? On zappe aussi la présence de Madame Tom Waits, sa Yoko Ono à lui Kathleen Brennan, créditée de la co-écriture de tous les titres (on aimerait vraiment connaître son niveau d’implication, elle nous avait pas habitué à tant de bonnes choses, plutôt marâtre veillant jalousement sur son époux et ses intérêts que grande songwriter, mais bon, passons, …). On oublie deux-trois titres complaisants de remplissage (« Hell broke Luce » ou Waits semble s’intéresser à quelque chose qui ressemble à du doom metal, ce qui lui va aussi bien qu’un bon scénario à Danny Boon, « Kiss me », où le Tom nous refait le coup du pochetron déglinguo de piano-bar qui avait lancé sa carrière dans les années 70 et dont on se fout aujourd’hui).

Mais pour le reste, hats off … ça rocke, ça rolle, ça bluese, ça rythm’n’bluese, ça ballade triste, rien que du bon … Et puis, chose pas entendue depuis … oh, plus que çà, même, Tom Waits chante. Enfin, c’est pas encore Pavarotti, et c’est heureusement tant mieux, mais là, sur ce « Bad as me », il ne se contente pas de marmonner et de bredouiller dans sa barbichette de sa voix tout dans les graves devenue un gimmick, non, il suit la mélodie, fait des efforts pour détacher les syllabes, il chante, tout simplement, et il s’assume me semble t-il comme jamais dans cet exercice… Et du coup, tous ces rocks décharnés, toutes ces ballades concassées de fin de cuite prennent une autre dimension … Et autant qu’un classique sens de la concision retrouvé dans les compositions, cet accompagnement vocal rend ces titres encore plus intéressants.

Des exemples ? « Face the highway », énorme titre d’americana traînante qui à lui seul rend obsolète l’intégrale de Giant Sand, « Bad as me » le morceau-titre, rythm’n’blues baroque et habité qui évoque le grand cintré Screamin’ Jay Hawkins, le méchamment rock « Satisfied » (clin d’œil à un fameux titre cosigné par Keith Richards ?), « Last leaf », la meilleure ballade du disque, très dépouillée et feeling à la tonne, « New Year’s Eve », complainte de fin de réveillon triste …

C’est Noël juste un peu avant l’heure, Tom Waits is alive and well …

Du même sur ce blog :
Closing Time
Nighthawks At The Diner
Asylum Years

MIKE OLDFIELD - TUBULAR BELLS (1973)


Un génie, pas d'associé, et des cloches (tubulaires)

Les gens qui très jeunes (Oldfield n’a pas vingt ans quand paraît « Tubular Bells ») enregistrent seuls des disques sont peu nombreux, ceux dans le lot qui ont du succès (critique et commercial) se comptent sur les doigts d’une main (Stevie Wonder, McCartney, Prince, Todd Rundgren). Mais seul Oldfield a réussi le carton planétaire d’entrée.

Mike Oldfield : The Man Machine ?
Faire paraître un disque composé de deux longues suites instrumentales en 1973 pouvait sembler dans l’air (progressif) du temps. Mais que plus de trente cinq ans plus tard, ces deux titres soient encore écoutables avec plaisir montre la qualité de la chose. A des lieues des sottises progressives des Yes, Genesis, ELP et consorts, « Tubular Bells » avec ses climats changeants, tantôt apaisés et bucoliques puis violemment électriques et bruyants quelques mesures plus tard va engendrer toute une cohorte de suiveurs, plus souvent pour le pire (JM Jarre) que pour le meilleur.

Et pour que le conte de fées soit complet, c’est un copain d’Oldfield, qui va créer sa propre compagnie de disques pour distribuer une œuvre dont les autres labels ne voulaient pas. Les disques Virgin étaient nés et Richard Branson en route pour sa « carrière » de milliardaire hippy.

Oldfield, lui, ne se remettra jamais du succès de « Tubular Bells », dont un passage sera utilisé par Friedkin dans « L’Exorciste », et sa carrière déclinera entre tentatives de donner une suite du même niveau à son chef-d’œuvre, et tentations de hit-parades avec des morceaux pop quelquefois réussis, mais qui ne s’approcheront jamais de la beauté inégalée de « Tubular Bells ».


TODD RUNDGREN - SOMETHING / ANYTHING (1972)


Tout seul ... comme un grand

Depuis le temps, on l’a quelque peu oublié, Rundgren, même s’il compte encore des bataillons de fans fidèles. Mais au début des seventies, il avait fait fort, avec ce disque et son suivant (« A wizard, a true star »), souvent considérés comme les pièces maîtresses d’une discographie hétéroclite et longue comme un jour de trader sans plus-values.

Justement, Rundgren se traîne une sale réputation de type près de ses sous, plus prompt à parler pognon et bizness que musique, distant et arrogant, ce qui lui vaut une certaine forme d’ostracisme de la part des médias spécialisés, peu séduits par le bonhomme. Un peu comme Prince, qui l’a souvent cité, et partage avec lui certains traits de caractère désagréables …

Todd Rundgren 1973
Rundgren a débuté avec Nazz, groupe quelque peu anecdotique de rock garage, réhabilité avec d’autres par Lenny Kaye sur sa compilation « Nuggets », avant de démarrer une carrière en solo au début des années 70. Ce « Something / Anything » est une œuvre considérable. A l’origine double 33 T plus ou moins conceptuel (chaque face vinyle est censée représenter un thème), à la durée démesurée (une heure et demie), c’est aussi pour l’essentiel (les trois premières faces) un disque où tout est écrit, joué, arrangé et produit par le seul Rundgren. Qui rejoint pour l’occasion des gens comme Stevie Wonder ou Paul McCartney, adeptes de ce genre d’exercice solitaire.

Il faut être fan au dernier degré pour prétendre que tout est bon dans ce pavé. Qui souffre de tous les défauts inhérents à ce genre de mausolées égocentriques, l’auto complaisance qui empêche de trier le superflu de l’essentiel, et les lacunes techniques pour certains instruments qui finissent par devenir trop voyantes (ici les parties de batterie, réduites à leur plus simpliste expression). Mais la balance est largement favorable, et Rundgren se révèle un auteur inspiré et un musicien doué (avec notamment de superbes parties de guitare sur la première face du second disque). Et personnellement, je n’échangerais pas ce « Something / Anything » contre les deux premiers McCartney. Un McCartney dont l’influence et l’ombre mélodique planent sur pas mal de titres, à commencer par le hit introductif « I saw the light », mais également des choses comme « Saving grace », « Marlene », « Cold morning light »,… Et comme le Paulo de Liverpool, Rundgren sombre quelquefois dans la mièvrerie (« It wouldn’t have … » comme du Chicago de la fin des 70’s).

Il y a aussi de la ballade à tendance soul classico-pompière qui ravira les amateurs de Procol Harum, « Sweeter memories », « Torch song », « Dust in the wind », cette dernière n’ayant que le titre de commun avec la scie sirupeuse de Kansas, … quelque titre qu’on croirait sorti d’un bastringue rétro (« The night the carousel … »), un hommage au rythm’n’blues de la fin des 50’s (« Wolfman Jack », référence au légendaire DJ blanc dont Lucas fera un des personnages centraux de son « American graffiti » l’année suivante), un hommage également (enfin rien qu’au titre je suppose) à Hendrix (« Litle red lights ») sur lequel le Todd se multiplie à la guitare. Car Rundgren, souvent présenté à tort comme un musicien « à machines » est un excellent guitariste, qui n’hésite pas à envoyer le bois grave sur le hard blues « Black Maria », sortir bien avant l’invention du terme des titres de power pop (« Couldn’t I just tell you »), et attendre quasiment la fin du disque pour placer son titre le plus connu, la somptueuse ballade « Hello it’s me ».
Alors certes sur cette somme il y a parfois l’impression de redites et une poignée de titres guère marquants, mais on aimerait trouver autant de qualité d’écriture chez les prétendus génies actuels (au hasard, le quelconque Sufjan Stevens) qu’il y en a sur ce disque.

Assez étrangement, « Something / Anything », disque pourtant très « anglais » par bien des aspects, sera un best seller à peu près sans lendemain aux Etats-Unis seulement.



PERE UBU - DUB HOUSING (1978)


 Mondo Bizarro

Ce « Dub housing » est le second volet de la doublette de référence de Pere Ubu, paru quelques mois après leur célébrissime (sourires narquois dans l’assistance) « Modern dance ». Avec lequel il partage une réalisation a minima (quelques jours en studio avec un budget famélique) et cette apparence surréaliste et novatrice, la surprise en moins. On pourrait aussi le qualifier de plus accessible, avec des titres mieux construits (entendre par là qu’on peut déceler des structures couplets-refrains à peu près mémorisables). Rien cependant qui puisse attirer le « grand public », Pere Ubu restant synonyme d’avant-garde, « compliqué », « branché », quelquefois qualifié de post-punk (alors que quand ce disque est paru le punk battait son plein), ou de post-rock (ce qui ne veut rien dire) …

Même leurs photos filent mal au casque ...
Des morceaux étranges, plutôt bruitistes et expérimentaux, il en reste encore : le morceau-titre « Dub housing », « Thriller » (rien avoir avec Michou Jackson évidemment, plutôt un collage genre « Revolution n° 9 » de Lennon, c’est dire s’il n’est pas le meilleur du Cd), « Blow Daddy-O » …

Malgré l’étrangeté sonore souvent déconcertante, ce qui fait la liaison chez Pere Ubu, c’est la voix de David Thomas, poussée par son quintal et quelque vers les aigus les plus affolants. Immédiatement reconnaissable, et beaucoup plus « placée », beaucoup moins hystérique et saccadée que sur « Modern dance ». Dès lors, entre efforts d’écriture et modulation vocale, les titres sont beaucoup plus abordables … « Navvy », c’est un rock basique en pointillés, « On the surface », un titre pop et sautillant, tout en brisures de rythme … « Caligari’s mirror », référence au film baroque allemand, (les références cinématographiques « antiques » sont nombreuses sur ce disque), alterne ambiances planantes et refrain très power-pop, « Ubu dance party » est un reggae autiste, « I will wait » du free-jazz psychiatrique … Le dernier titre, « Codex » ressemble à une B.O. de film, dont le thème aurait été composé par un Nino Rota sous acide …

Pere Ubu, comme ses « cousins » Residents, ont été des groupes ayant influencé pas mal de gens se réclamant post-quelque-chose … Pas assez glamour, très peu vendeurs, et seulement cités du bout des lèvres par des groupes leur ayant emprunté pas mal de choses, ils continuent depuis plus de trente ans leur bonhomme de chemin loin des sentiers de la gloire.


PERE UBU - THE MODERN DANCE (1978)


Déconstructivisme et pataphysique

Pere Ubu ont souvent été rangés dans le même sac que les Residents, Devo, voire Suicide… Un sac bien lesté et jeté au fond d’un puits par le public qui n’a guère suivi les méandres musicaux de ces groupes atypiques.
Cubistes ? Pere Ubu 1978
Evidemment, Pere Ubu, avec un nom pareil, auraient été volontiers classés dans la catégorie rock pataphysique, si celle-ci n’avait pas déjà existé, regroupant la queue de la comète Soft Machine ainsi que les 1ères parutions du « frère ennemi » Robert Wyatt, en solo ou avec Matching Mole …
Quelques paresseux ont décidé de classer Pere Ubu dans le post-punk. Sauf que … quand ils ont commencé à enregistrer « Modern dance » en 1976, il n’y avait pas encore la moindre crête orange à l’horizon, et que quand il est sorti en 1978, rien ne ressemblait à ça …
Ça, justement, ce sont ces guitares aigrelettes qui balancent des riffs très Chuck Berry retravaillés par Robert Fripp (King Crimson) avant de disparaître on ne sait où, une section rythmique qui pousse très fort mais que les autres s’entêtent souvent à ne pas suivre, des synthés fantomatiques qui ont beaucoup plus à voir avec le free jazz qu’avec ELP ou Genesis… Et par-dessus ce vacarme minimaliste, un (très) gros type, David Thomas, qui s’acharne à poser une voix dans un registre très proche de David Byrne des Talking Heads sur ce qui finit par ressembler à des funks cryogénisés.
Tous ces titres en lambeaux, donnant toujours l’impression d’être prêts à se désintégrer, se dressent tout démantibulés comme des immeubles éventrés après un bombardement nucléaire (et cette ère nucléaire est un des thèmes développés dans ce disque) constituent l’œuvre majeure de Pere Ubu, et ne peuvent pas laisser indifférent. « Modern dance » est un Cd difficile, tortueux, que tous les gens qui font du post-quelque chose essayent de copier et d’égaler.
Souvent en vain …



JOHN MARTYN - SOLID AIR (1973)


Son plus connu ...

John Martyn faisait du folk. Mais pas comme tout le monde. Ou pas seulement comme tous les autres. Lui mettait en plus une partie de son âme dans chaque morceau. Et s’investissait totalement dans sa musique, dans la Musique. Aucune barrière, aucun assemblage a priori disparate ne le rebutaient.

Son folk se teintait de jazz (« Solid Air » le morceau-titre, « Don’t want to know » que n’aurait pas renié son ami Nick Drake), de relectures toutes personnelles de standards du blues (« I’d rather be the Devil »). Les sonorités celtiques « zeppeliniennes » sont aussi là (« Over the hill »).

Ajoutez à cela un jeu de guitare inventif et une voix malléable capable de passer en quelques secondes du murmure au hurlement, et vous obtenez un des meilleurs artistes anglais du début des 70’s.

Malgré la qualité de ses disques (tous des échecs commerciaux), John Martyn est un des « oubliés » de l’Histoire du rock.

Mort début 2009 dans l’indifférence quasi-générale, y compris de la plupart des médias dits « spécialisés ».







FAUST - SO FAR (1973)



Pacte de velours

Ce n’est certes pas très original quand on se retrouve face à un disque bruitiste et bruyant à la pochette entièrement noire de le comparer au second du Velvet Underground. Et pour une fois, miracle, la comparaison tient à peu près la route. Pourtant un monde semble à priori séparer le groupe urbain new-yorkais de la communauté de babas allemands. Le point commun s’appelle Stockhausen, influence principale de John Cale et de la plupart des membres de Faust.

Enfer et damnation, Faust 1973
Et de fait, le premier titre de ce Cd, « It’s a rainy day … » démarré avec sa batterie simplissime martelée, sa guitare loureedienne, sa voix plus parlée que chantée, et qui évolue vite vers un magma sonore qui vrille les tympans, constitue une version acceptable de « Sister Ray ». La comparaison s’arrête à ce seul titre, mais ce genre de démarche musicale suicidaire était à l’époque (le début des 70’s) assez peu courant pour être signalé.

Même si du « bruit », les Faust aiment bien ça, témoin « Mamie is blue » (rien à voir avec Nicoletta), avec ses percussions industrielles, claviers stridents et sax free, le titre le plus barré du Cd. Toujours au rayon bricolage, « No harm » évoque (la voix, les nappes électroniques, le côté noisy) les compatriotes de Can époque « Tago Mago ». Le morceau-titre « So far », débuté par des fréquences aiguës de bandes magnétiques accélérées puis par une rythmique country-rock, se voit parasité par des bruitages sinistres genre films d’horreur et fait penser aux Italiens de Goblin, auteurs des bandes-son de Argento …

Le reste part dans tous les sens, les types de Faust étant, comme d’ailleurs la plupart de leurs contemporains  teutons (Can, Neu, Amon Düül, …) peu préoccupés par une quelconque homogénéité sonore ou une réussite commerciale. D’ailleurs quand on a commencé à parler d’eux après la parution d’une poignée d’albums, ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de dissoudre le groupe.

Ce « Faust so far » empeste aussi le buvard d’acide avec ses titres psychédéliques barrés, comme « I’ve got my car and my TV » qui lui semble surgi des comptines pop des Mothers de Zappa période « Freak out ! », une finale « In the picnic » genre fanfare jazz New-Orleans, un intermède dispensable à la guitare sèche (« On the way to Abamae »), entre « Jeux interdits » et un pensum démonstratif de Steve Howe (de mon groupe favori Yes).

« Faust so far » est un disque qui accumule les références pour les passer dans son shaker musical et livrer in fine quelque chose d’inédit, aussi loin des diktats sonores d’aujourd’hui qu’il l’était il y a presque quarante ans …



PENGUIN CAFE ORCHESTRA - MUSIC FROM THE PENGUIN CAFE (1976)


Classique et punk ?

Penguin Café Orchestra, avec son nom zarbi et ses pochettes surréalistes a de quoi intriguer, voire inquiéter de prime abord. Projet-concept emmené par Simon Jeffes, musicien venant du classique avec tout le background qui va avec. Un type qui se retrouve au milieu des années 70 en rupture avec les codes rigidifiés du classique, et consterné par la vacuité prétentieuse de ceux qui s’en inspirent dans le rock, à savoir les besogneux du prog …

Penguin Cafe Orchestra veut autant proposer une forme musicale que se moquer des existantes. Adoubé par Brian Eno (référence lourde à supporter tant l’ex Roxy Music est capable du meilleur comme du pire), qui signe Jeffes sur son label Obscura, le groupe publie en 1976 ce premier disque.

Qui tient autant de la musique de chambre, que du baroque ou de la pop. Piano, clavecin, cordes, dominent tous les titres. Mais plutôt que de se livrer à une démonstration virtuose, Jeffes place la simplicité au centre de sa musique. Des mélodies très belles, d’une évidence désarmante, montrent que le gars sait composer. Par principe résolument loin de tout effet ou considération commerciale, ce disque est infiniment accessible.

Assez déconcertant cependant si on l’écoute en faisant abstraction du contexte de sa réalisation. Essentiellement instrumental, tendant quelquefois vers l’expérimental pur et dur (« Pigtail » et sa guitare folle), ne fonctionnant pas toujours au premier degré (le seul court titre chanté l’est faux, on suppose volontairement), ce « Music … » s’articule autour d’une longue pièce centrale « The sound of someone … », à la force mélodique qui a dû rendre jaloux Vangelis et faire pleurer de dépit Jarre ou Wakeman …

Ce grand coup de pied dans tout un tas de fourmilières musicales s’apparente d’évidence à ce qu’allaient faire à la même époque les punks, avec des arguments de base diamétralement opposés. Les uns revendiquant leur non-technique pour s’exprimer, les autres se servant d’une technique très au-dessus de la moyenne pour dénoncer les tenants d’un certain conformisme musical …

Le reproche que l’on peut faire à Jeffes et son Penguin Cafe Orchestra, c’est de parfois ressembler d’assez près à ce dont il tient à se démarquer. Le « groupe » existera avec une audience très confidentielle jusqu’à la mort de Jeffes au début des années 2000. Groupe culte par excellence …



BJÖRK - MEDULLA (2004)



Voyage au bout de l'inuit
Björk a sans conteste été l’artiste féminine majeure des années 90 (c’était pas difficile, y’avait pas trop de concurrence), grâce à son triplé « Debut » - « Post » - « Homogenic ». Sa pop explosée, mêlée à toutes les tendances électroniques, ses étranges tenues vestimentaires bariolées, l’hyper charisme soigneusement mis en scène du personnage, ont laissé peu de gens indifférents, et tous les bobos prompts à s’enticher du dernier cataplasme branchouille se sont extasiés devant cette Kate Bush pour malentendants…
Avoir du talent est une chose, s’en servir à bon escient en est une autre. Les choix artistiques de Björk depuis la fin des années 90, montrent une artiste en perte de vitesse. Ce « Medulla » en est l’exemple.
Des morceaux a capella, un accompagnement musical très réduit (quelques boucles rythmiques, quelques lignes de synthé). Le concept est intéressant, se servir de la voix (la Castafjörd ?) comme d’un instrument de musique (voix lead, chœurs, human beat box, …), mais a déjà été entendu à longueur d’interviews de chanteurs. Et de toute façon poussé au zénith par des gens comme Liza Fraser dans les Cocteau Twins.
Alors il est certes facile de crier au génie de ce « Medulla », s’extasier de la précision des arrangements, des chants traditionnels islandais ou inuits. Mais ne subsiste rapidement qu’un sentiment de répétition tout au long du Cd et une impression que ces 45 minutes s’éternisent.

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Post



TANGERINE DREAM - RICOCHET (1975)



Pas seulement des ronds dans l'eau

En principe et par principe (il faut des principes dans la vie), je n’apprécie pas les longs morceaux ou les instrumentaux planants. Alors là, du coup, avec deux instrus planants de 20 minutes chacun, c’était plutôt mal parti pour le « Ricochet » de Tangerine Dream.
Et pourtant, il faudra bien un jour réhabiliter le rock allemand des années 70. Ce ne sont pas les étiquettes qui lui manquent (progressif, planant, krautrock), mais plutôt la reconnaissance par un public un peu plus large.
Car il y a plus d’inventivité, de recherches (et de trouvailles) rythmiques et sonores dans « Ricochet » que dans les discographies entières de Yes, Genesis, ELP et autres navrants anglais progressifs.
Avec leurs cousins forcément germains Can, Neu, Amon Düül, voire Kraftwerk, Tangerine Dream a ouvert une brèche dans la musique où continuent de s’engouffrer encore aujourd’hui nombre de groupes généralement électroniques.
« Ricochet » est un bon exemple de réussite de ces précurseurs novateurs.

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Atem