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DAFT PUNK - RANDOM ACCESS MEMORIES (2013)

Frenchy but so Chic ...
J’ai l’air de quoi moi, de me pointer avec ma chroniquette sur ce skeud moins d’une semaine après sa sortie, alors qu’il y a des gens qui depuis fort longtemps ont exprimé un avis définitif sur ce « Random … ». Au mieux en ayant écouté quelques extraits en streaming de chez Deezer (bouchers-charcutiers sonores du Net) sur leur smartphone dans le brouhaha d’un quai de métro. Même les ceusses qui de peur de se transformer en statue de sel n’en ont pas ouï la moindre note ont aussi leur opinion. Faut dire que la sortie ne s’est pas vraiment faite dans la discrétion, une campagne de pub, de presse, à faire passer le battage autour de la parution du dernier Bowie (toujours aussi mauvais, j’ai pas changé d’avis) pour un entrefilet dans un fanzine … « Random … » est un disque-événement, à ma connaissance le premier disque français (ouais, bon, presque, y’a pas que des frenchies dessus) à être numéro un mondial des ventes la semaine de sa sortie, comme n’importe quel Michael Jackson.
« Random access memories » je l’ai écouté plusieurs fois. Sur une chaîne hi-fi ou du moins vendue comme telle. Et je suis en mesure d’affirmer que c’est un disque qui va marquer l’époque, qui va compter. Peut-être parce qu’il va continuer à s’en vendre des camions, ça j’en sais rien et je m’en fous. Mais ce que je sais, c’est qu’en matière de son, il risque d’y avoir un avant et un après « Random … ». Comme il y a eu il y a quarante ans un avant et un après « Dark side of the Moon » de Pink Floyd. A côté de « Random … » toutes les productions high tech du moment font figure de lo-fi enregistré dans une cave-trou à rats … C’est d’une limpidité irréelle, d’une précision hallucinante.
Daft Punk, Pharell Williams & Nile Rodgers ... Alors, get lucky ?
Ça suffit pas, du bon son. Faut encore que toute cette matière de base formidable débouche sur des titres, des morceaux qui tiennent la route. Là, je subodore un gros malentendu. A force de campagne de pub martelée, on a essayé de faire croire que ce disque allait être une sorte de révolution, d’apogée, de référence insurpassable. Comme si tout n’avait pas été fait et refait des milliards de fois. D’autant plus que Homem-Christo et Bangalter ont essayé de calmer cette folie furieuse promotionnelle en disant que ce « Random … » était un disque-hommage. Ce qui est vrai, et Daft Punk sur le coup, loin d’être l’innovateur sensationnel qu’on essaye de nous refourguer, est plutôt un tribute-band. C’est même pas un disque du duo comme avait pu l’être en son temps « Homework », c’est un projet avec une liste d’invités et de participants longue comme le bras, dont les deux frenchies sont les instigateurs et les chefs d’orchestre.
Hommages multiples et annoncés à Chic, Giorgio Moroder et Paul Williams (le moins connu des trois, auteur notamment de la BO de « Phantom of paradise » de De Palma). Et donc, forcément, il y a beaucoup de choses qui ressemblent à ce que faisaient ces trois-là, d’autant plus qu’à des degrés divers, ils ont collaboré à ce disque, le plus présent étant Nile Rodgers de Chic, à la guitare sur plusieurs titres. Tiens, et en passant comme ça, pour donner un peu plus de grain de moudre à ceux qui ne voient que plagiat, la pochette est exactement identique, y compris le lettrage, à celle de « Legendary hearts », mauvais disque de Lou Reed des années 80.
Il y a aussi dans ce disque une trademark Daft Punk. La plus évidente, et pas la plus heureuse selon moi, est cette manie de passer toutes les voix dans un vocoder, et de façon encore plus marquée quand ce n’est pas un invité plus ou moins prestigieux au micro. Parce que niveau featuring, il y a du monde, Casablancas des Strokes, Pharell Williams des Neptunes, le Panda Bear des Animal Collective, … On espère que ces trois-là auront pris quelques leçons, parce que franchement, y’a pas photo, entre leurs disques à eux à synthés et ce qu’on entend ici …
Daft Punk. Brillants ?
La seule chose réellement connue avant la sortie de ce « RAM » (tiens, c’est aussi le titre d’un disque surestimé de McCartney des 70’s, « RAM », mais si c’est fait exprès cette similitude, là ça m’échappe totalement), c’était le single « Get lucky » avec le Pharell. Pas mal, même si relativement convenu et centriste, plus long et un peu différent sur l’album. Et le reste, qu’est-ce qu’il faut-il en penser, ma bonne dame ? Ben, avec les ingrédients de la recette, il y a des choses prévisibles, des titres qui sonnent comme du Chic 78-80, ou du Sister Sledge de cette époque, ce qui revient un peu au même (« Give life back to the music », « Lose yourself to dance »), c’est bien fait, même si on ne remplace pas facilement une rythmique comme Bernard Edwards et Tony Thompson par des requins de studio.
Le long titre (plus de 9 minutes) avec Moroder, met évidemment à l’honneur le « tchac-poum » enrobé de synthés du Giorgio qui est sa marque de fabrique et a fait le succès de ses « choses » comme Donna Summer, et le discours de Moroder (« prendre le meilleur du son des années 50-60-70 pour créer le son du futur ») en toile de fond du morceau résume bien la philosophie de ce « Random … ». Le titre avec Paul Williams (« Touch »), avec grand orchestre et grand(iloquent)s synthés, multiples changements de rythme, pourrait être qualifié d’electro-prog, et perso, ça me laisse assez froid, alors que certains y voient la pièce maîtresse du disque. Logiquement, dans les titres très typés fin des 70’s, on retrouve aussi des allusions plus ou moins fines à Kraftwerk (le traitement des voix, le son des machines), voire à Stevie Wonder (des passages de « Fragments of time », titre qui en plus cite en intro un gimmick entendu chez Prefab Sprout). « Instant crush » chanté par Casblancas doit être la meilleur titre auquel il a participé depuis des années, y compris son détestable album solo à synthés (« Phrazes for the young »).
Tout n’est pas à se pâmer de bonheur sur ce « Random … ». Qui n’évite pas le piège de la longueur (une heure et quart, des choses auraient gagné à être élaguées) et donc de la redondance et de la répétition. La fin du disque est plus « expérimentale », plus strictement « techno », mais ne convaincra certainement pas les puristes de la chose (« les Daft Punk ? juste des vendus »), et se termine par « Contact » qui me fait penser à du Jean-Michel Jarre (toujours cette obsession fin 70’s) en version big beat …
Certainement un disque quelque peu « facile », « grand public ». Mais Daft Punk, si on peut dire, avançaient à visage découvert, c’était le but recherché et donc l’objectif est atteint. Et pour une fois, ceux qui n’achètent qu’un disque par an, vont se retrouver avec sur leurs étagères une galette pas honteuse, et qui je pense pourra encore se réécouter dans les années qui viennent, tellement au point de vue sonore le « groupe » a pris une sérieuse avance sur toute la concurrence …

TÉLÉPHONE - CRACHE TON VENIN (1979)

My generation ...

Téléphone, faut avoir été lycéen quand ils sortaient leurs disques. Sinon, c’est un truc un peu surréaliste, incompréhensible, un phénomène que les moins de … peuvent pas saisir.
Avant Téléphone, le rock français, c’était … la misère. Pour situer l’ampleur des dégâts, il faut savoir qu’au milieu des seventies, la grosse affaire par ici, c’était le prog champêtre de Ange. Et puis, à partir de 76-77, des groupes jaillissent de partout, sous influence des vagues punks anglaises ou américaines. Peu franchiront l’étape du 33T. Quelques-uns (Little Bob Story, les Dogs) récupèreront un noyau de fans fidèles, s’installeront durablement, mais vendront des nèfles. Téléphone, c’est deux paires qui se rejoignent. Aubert et Kolinka d’un côté et à l’origine du groupe, Bertignac et Corine de l’autre, plus expérimentés (ils viennent tous les deux de Shakin’ Street, et Bertignac commence à être reconnu grâce à de multiples sessions, notamment pour Higelin, comme un des bons guitaristes locaux). Téléphone n’ont rien de punk (leurs détracteurs ont eu beau jeu de se gausser d’Aubert, fils de haut fonctionnaire) et vont d’entrée avec leur premier disque rencontrer un public jeune et nombreux, et aligner des chiffres de vente « intéressants ».

Leur label EMI France, met le paquet, subodore une possibilité de carrière internationale, et envoie le groupe enregistrer son second disque à Londres, sous la houlette de Martin Rushent (au long passé d’ingénieur du son et producteur du premier Stranglers). Et à la réécoute de ce « Crache ton venin » des décennies plus tard, c’est peut-être bien le disque de Téléphone qui a le mieux vieilli.
Téléphone, c’est du classic rock. sous grosse influence Stones et Who. Et très vite, quels que soient les disques, on distingue deux points forts. La technique très au-dessus de la moyenne de Bertignac à la guitare et de Kolinka à la batterie. « Crache ton venin » est un festival des deux, Bertignac y aligne riffs sauvages, chorus musclés et solos efficaces et pas démonstratifs. Kolinka booste sa troupe, et se hisse au niveau de pousse-au-cul de gens comme Ian Paice ou Keith Moon (il est tellement impressionnant qu’il signe même un titre, « Regarde moi »). Pour être honnête, il faut dire que Téléphone a deux points faibles, la voix d’Aubert, assez limitée et souvent à la limite de la justesse, pour ne pas dire fausse tout le temps ; et un jeu de basse assez transparent de Corine. Et puis, il faut quand même dire un mot des textes, lesquels feront la joie d’un public d’ados (alors qu’il n’y en a pas dans le groupe) mais qui, avec le recul, sont quand même très moyens, développant thèmes de société traités de façon quelque peu infantile, et allitérations et rimes assez moyennes, pour être gentil …
Mais avec « Crache ton venin », ce sont les compos qui tiennent la route. Du classic rock, certes, mais balancé avec une énergie alors inédite par ici. Des boogies stoniens qui valent bien à cette époque-là ceux de la bande à Jagger et Richards (« Je sais pas quoi faire », « Facile », « Crache ton venin » le morceau, « Je suis parti de chez mes parents », le plus speed du lot). Et à la fin du disque, les deux derniers titres tentent une percée vers des sonorités plus funky (« Un peu de ton amour », « Tu vas me manquer »), et s’ils sont pas vraiment à jeter, peuvent malgré tout laisser assez dubitatif.
Sous le calque ...
Si Téléphone a eu autant de succès (les ventes de ce disque vont quasiment décupler par rapport au premier, et atteindre des chiffres qui doivent laisser songeurs les rockeurs ou prétendus tels d’aujourd’hui), c’est parce que le groupe était excellent sur scène, ne s’économisant jamais pour un public de plus en plus nombreux au fil des tournées. Et qu’il pouvait s’appuyer sur des titres que faute de mieux on qualifiera d’hymnes générationnels. Ici, il y en a trois, « Crache ton venin », « Faits divers » (un des meilleurs riffs du groupe), et l’emblématique scie désenchantée « La bombe humaine », tellement entendu qu’on ne sait plus quoi en penser.
La plupart des titres sont signés Aubert, Bertignac collabore sur quelques-uns (signature Aubertignac), on entend Corine Marienneau chanter lead un couplet de « Ne me regarde pas », « Je sais pas quoi faire » est un hommage à Godard (le titre est dédié à Pierrot le Fou et Marianne), la pochette avec son calque transparent est signée d’un jeune qui va monter (Jean-Baptiste Mondino),…
Et comme tous les autres skeuds du groupe, celui-ci n’aura aucun impact hors de France. C’est d’ailleurs cette quête de la reconnaissance internationale (et plus encore quand Branson les signera sur Virgin), qui ne sera pas pour rien dans les tensions internes (euh, et la fouteuse de merde Corine aussi, un peu beaucoup) qui finiront par avoir la peau du groupe au sommet de sa gloire cinq ans plus tard …

DASHIELL HEDAYAT - OBSOLETE (1971)


Culte ...
«  Obsolète » est un objet sonore à peu près unique par chez nous. Peut-être bien le seul disque culte de France et de Navarre. Bonne question et merci de me l’avoir posée, c’est quoi un disque culte ? En gros un machin enregistré il y a très longtemps par des inconnus et qui fait le bonheur d’une poignée de maniaques qui le vénèrent, persuadés de tenir là l’œuvre géniale ignorée de tous. Sauf que nous on fait rien comme tout le monde avec le rock …
Dashiell Hedayat
« Obsolète », même s’il en traîne pas un exemplaire dans chaque grenier, s’est assez bien vendu à sa sortie, a été réédité à maintes reprises, et il continue bon an mal an, à s’en écouler des copies. Des inconnus derrière ce disque ? Pas vraiment. Dashiell Hedayat, c’est un pseudo (composé à partir des noms et prénoms de Dashiell Hammett, auteur américain de polars, et de Sadegh Hedayat, écrivain iranien) derrière lequel se cache une seule personne, mais hydre à plusieurs têtes essentiellement connu pour ses bouquins (Jack-Alain Léger, Melmoth, Paul Smail, Eve Saint-Roch sont ses autres pseudos). Et derrière Hedayat, également planqués sous des pseudos étranges, Gong au grand complet. Largement de quoi détaler ventre à terre pour tout être muni de raison et d’oreilles en état de marche… Pensez, la troupe de babas progressifs anglais accompagnant les délires littéraires d’un schizophrène. On peut difficilement imaginer pire …
Et pourtant il y a de bonnes, voire de très bonnes choses dans ce « Obsolète ». Et des trucs beaucoup plus pénibles aussi. En fait une œuvre typique de tous ces disques faits par des foncedés. Des fulgurances géniales qui se mélangent à un gloubiboulga psychédélique avachi, des délires écrits qui côtoient des impros datées. La balance penche du bon côté, essentiellement grâce au titre d’ouverture, le génial « Chrysler », hit underground de son temps, où sur un rock psyché, Hedayat décrit me semble t-il une sorte de déliquescence et d’effondrement du mythe américain, à travers la vision d’une épave de Chrysler dans le fond de son jardin.
Evidemment, il y a des efforts requis pour saisir les paroles. D’abord parce qu’elles sont un peu plus élaborées que chez Barbelivien, et ensuite parce que le disque est produit « à l’anglo-saxonne », et ne met pas, comme dans les productions françaises, la voix très en avant. Et puis, faut reconnaître aussi que Hedayat c’est pas Otis Redding, d’ailleurs il parle (ou aboie !) plus qu’il ne chante. Beaucoup de similitudes dans l’esprit avec le disque de Houellebecq accompagné par AS Dragon …
Gong 1971
« Fille de l’ombre » est un titre heureusement court qui n’intéressera que ceux qui ont trouvé géniaux les bruits domestiques d’« Alan’s psychedelic breakfast » du Floyd. « Long song for Zelda » commence très mélodique, évoque Polnareff, avant de tourner psyché sous l’influence d’un solo « cosmique » d’Allen et de se conclure par un talk-over et des aboiements d’Hedayat. Si j’ai bien saisi, il fantasme sur une fille (Zelda) qui a un chien, mais les interprétations de ce titre assez barré peuvent être différentes …
Dernier morceau (il n’y en a que quatre) qui occupait toute une face de vinyle, une tournerie entre prog et impro en roue libre (c’est l’impression que ça me fait, mais la conception du disque a pris une paire d’années, c’est pas si improvisé que ça …), commencée avec des accords de basse qui tournent en boucle, avant de finir en ballade planante.
En résumé, un disque qui mérite mieux que sa relative confidentialité (ça vaut bien les Triangle ou Zoo de l’époque, les Variations étant hors concours), un super titre (« Chrysler »), les autres assez loin voire très loin derrière … Certainement beaucoup plus efficace dans le contexte de l’époque, disque sous substances (y’a Burroughs qui vient marmonner sur un titre, c’est tout dire) à l’attention de gens sous substances … Un space cake, quelqu’un ?

DOMINIQUE A - LA MUSIQUE (2009)


A part ?

Dominique A, je connais juste de nom … et un vieux hit mineur de ses débuts au siècle dernier (« Le Twenty-Two Bar »). Et comme la plupart de ses congénères (les ceusses qui chantent en français, qui font pas vraiment du rock mais plus tout à fait de la variété, les Bretons et les chauves), il m’inspire pas vraiment confiance a priori …
« La musique », se présente sous plusieurs formes (un Cd simple auquel je me suis prudemment tenu, un double dont le titre de l’autre volet est « La matière », un double avec un livre, …), comme souvent maintenant, dernier stratagème des maisons de disques pour faire acheter aux fans plusieurs fois la même chose … Un disque enregistré tout seul dans son home studio, comme l’avait paraît-il été son premier (« La fossette »). Le A tout seul avec des machines, c’est une occasion de voir ce qu’il a dans le ventre ce garçon …
Résultat des courses, je suis plutôt preneur, même s’il n’y a pas de quoi se relever la nuit pour se le passer en boucle. Il y a indéniablement un type qui sait écrire, de la musique (des mélodies bien foutues, assez variées), mais aussi des textes, personnels donc assez hermétiques, jouant bien sur la sonorité et la musicalité des mots, évitant les slogans et les effets de tribun … Le tout voguant la plupart du temps sur un registre mélancolique, désabusé. Dominique A sur ce disque en tout cas, n’est pas un joyeux, mais n’est pas non plus sinistre.
Il sait varier les effets de ses disquettes, quelques fois pas très loin du trip-hop (« Qui est-tu ? »), taquinant ailleurs l’indus-noisy (« Je suis parti avec toi »). Jouant aussi sur sa voix (c’est pas un grand chanteur, c’est le moins que l’on puisse dire, mais il passe du quasi talk-over au chant « normal ») pour multiplier les ambiances. Bon, perso, il y a des choses qui me gavent (« Le bruit blanc de l’été » naïf et franchement commercial bas de gamme, l’assez expérimental « Hotel Congress », « La fin d’un monde » chanson triste ringarde j’espère à prendre au second degré). D’autres m’accrochent beaucoup plus, « Nanortalik » qui a un je-ne-sais-quoi de Manset (compliment), « Des étendues », planante et funèbre, « Les garçons perdus » avec ses riffs ( ? ) de synthé, la chanson-titre, belle ballade triste. Et le reste, une bonne moitié du Cd, qui se laisse écouter …
Un disque forcément intimiste, assez consensuel, allez, un peu centriste, y’a longtemps que l’avais pas placé. Qui me donne pas forcément envie d’acquérir sur-le-champ l’intégrale, mais ne me dégoûtera pas d’en écouter d’autres si l’occasion se présente… ce qui est pas si mal …

PARABELLUM - IN VIVO VERITAS (1991)


Vous avez dit punk ?

Touchez à rien, vous êtes à la bonne adresse … Parce que plus « dans l’esprit » que ceux-là, y’a pas grand-monde par ici … en tous les cas jusqu’à ce disque, censé être leur dernier. Après, on peut ergoter sans fin sur le fait qu’il se soient réunis au tournant des années 2000, qu’ils tournent encore, que Géant Vert ne soit plus là pour les textes, …
La première décennie du groupe ressemble à un fantasme de purisme alternatif. Les Parabellum ne transigent sur rien, du label bordélique indépendant, en passant par un propos musical sans aucune concession (en gros, punk un jour, punk toujours), un engagement pour des causes qui risquaient pas de faire l’actu des JT, des textes rentre-dedans,... Durant les premières années du groupe, beaucoup de titres sortis sur des compilations plus ou moins underground, quelques 45T permettront de diffuser leurs premiers morceaux mythiques, « Saturnin », « Anarchie en Chiraquie ». Ce « In vivo veritas » n’est que leur troisième Cd, après une décennie de galères diverses.
Un groupe punk qui dure est un groupe qui finit par savoir jouer, et les Parabellum sont au fil des ans devenus une machine de guerre redoutable sur scène, capable de murs de boucan, mais aussi d’éclaircies sonores toutes en tension. Celui qui focalise l’attention, c’est Schultz, massif guitariste-chanteur du genre que s’il dit quelque chose, t’as envie d’être d’accord, mais à côté Sven sculpte des riffs infernaux dans le mur du son que dresse une rythmique aguerrie. Pas d’esbroufe, puissant et velu, musique d’homme quoi …
Avec une influence rockab-rock’n’roll (« Zig zag rock », le « You can catch me » de Chuck Berry) qui vient s’ajouter à la puissance punky brute et sans fioritures de base. Les Parabellum sont aussi à l’aise sur le mid-tempo viril (« La belle », « La blonde et moa ») que sur l’accélération limite hardcore (« Hommes torpilles »), donnent dans la chanson à boire hooliganesque (« Le dernier trocson »), revisitent la vieille chanson engagée (« Cayenne », chant traditionnel de bagnards avec son refrain « Mort aux vaches, mort aux condés »), et font un sort à un classique de Jacques Brel (« Amsterdam ») grâce à une adaptation iconoclaste de leur parolier Géant Vert.
Et on peut regretter que les textes soient le plus souvent incompréhensibles à cause d’un chant guttural et speedé de  Schultz, mais aussi d’un son qui n’a pas grand-chose à voir avec du Dire Straits live, ce qui n’est pas plus mal … Le concert est enregistré dans une petite salle parisienne (l’Espace Ornano), la moitié des titres retenus concernent les rappels, et les deux « classiques» historiques » (« Saturnin » et « Anarchie … ») sont absents. Malgré tout, ce live brut et sauvage tient plutôt bien la route, les Parabellum ne s’économisent pas.
Un témoignage pas forcément crucial, mais que l’on déconseillera toutefois aux auto-proclamés mélomanes … Bienvenue aux autres … Un, deux, un-deux-trois-quatre …

MELODY'S ECHO CHAMBER - MELODY'S ECHO CHAMBER (2012)


Plein d'échos favorables ...

Et même un Top 20 dans les meilleurs disques 2012 du NME. Et quand on sait à quel point les mags musicaux anglais goûtent ce qui ne vient pas de chez eux (Melody’s Echo Chamber s’appelle Melody Prochet, elle est frenchie, cocorico !), on se dit que ce disque est vraiment excellent, ou que les Anglais sont vraiment putain de mal barrés …
Donc Melody est de l’ancien pays de Gérard Depardieu, pays qui également ne tarit pas d’éloge sur ce premier disque (en fait son second, son vrai premier sous un autre pseudo étant passé inaperçu). Elle donne, pour faire simple, dans la chanson sixties française, yéyé pour faire encore plus court. Et surtout elle a dans sa manche, ou plutôt en studio, l’atout maître du moment, Kevin Parker, alias le leader maximo de Tame Impala.
Melody Prochet. Dans l'attente de l'ami Ricoré ?
« Melody’s … » est un joli disque, c’est sûr. Qui a quand même tendance à tourner un peu en rond. Il y a un parti pris systématique de noyer la voix dans des tonnes d’effets (d’où le titre ?), la rendant quasi-incompréhensible. Egalement un parti pris de construire tous les morceaux sur à peu près les mêmes mid-tempo. Egalement un parti pris de les noyer sous des arrangements de synthés rétro tournoyants…
La voix de Melody Prochet évoque fortement celle de la disparue chanteuse de Broadcast, on lit ça partout. Soit, j’ai jamais écouté le moindre disque de ce foutu groupe. Moi, ce que cette galette m’évoque, c’est le shoegazing, cette impression d’écouter de la musique la tête sous l’eau, ces vagues de synthés analogiques « liquides » tournoyantes, comme les guitares « liquides » de la bande à Kevin Shields. Ça m’évoque aussi les tableaux impressionnistes, on voit de quoi il retourne, mais les contours restent flous, toutes les touches de couleur se mélangent …
« Melody’s … » n’est pas un disque d’électro, c’est à la base constitué de chansons « classiques » couplets-refrains. D’ailleurs les guitares peuvent rugir comme sur l’intro de « Some time alone », les parties de batterie sont au départ certainement bien réelles, mais sont recrachées et émulées par des machines. Ce qui amène à dire un mot sur le travail de production de Kevin Parker. Qui n’a pas le talent de David Fridman, le metteur en sons de Tame Impala. Même si les leçons ont bien été retenues, Parker a manifestement pris quelques notes durant les sessions de « Lonerism ».
Des choses se distinguent quand même, l’évident single « I follow you », le bon cescendo de « Quand tu vas rentrer » (un des deux seuls titres en français), la comptine-berceuse « Be proud of your kids » (tiens, par association d’idées, je pense à « Kids » ou « Kill your sons » de Lou Reed, le « rock » ou ce qu’il en reste est bien rentré dans la norme …).
Alors peut-être que Melody Prochet qui déjà se situe au cœur de la « tendance » et de l’actualité aura les moyens (elle a étudié des années la musique classique, joue il me semble du violon alto comme John Cale) d’écrire de grands titres (ici, c’est quand même un peu léger, dans tous les sens du terme). Et le résultat, finalement, n’est guère éloigné de ce que faisait un Daho dans les années 80-90, comme quoi rien ne se perd jamais vraiment.
Et ça reste à mon sens très en deçà de Vanessa & the O’s pour le côté sixties yéyé, ou des productions de Burgalat, vrai esthète de la chose pop française rétro avec son label Tricatel, et ses masterpieces comme le « Chrominance decoder » d’April March.
Là, maintenant, Melody Prochet, m’évoque furieusement, même si la musique n’a rien à voir, les débuts d’Emilie Simon. J’espère pour elle qu’elle s’en sortira mieux par la suite et ne finira pas à l’IRCAM …

De la même sur ce blog : 


JEAN-MICHEL JARRE - LES CONCERTS EN CHINE (1982)


Nuits de Chine, nuits câlines ?

Jarre, c’est un peu le Guetta du siècle dernier… le type qui fait de la musique électronique et que tout le monde connaît. Même s’il y a une nuance, et pas petite. L’un des deux est un musicien.
Même si perso, ce que je préfère de l’œuvre de Jarre, c’est les textes qu’il écrivait pour Christophe à l’époque des « Paradis perdus » et des « Mots bleus ». Et qu’il ait eu du succès avec sa musique électronique de supermarché n’est pas honteux, il était impliqué depuis des années tant dans l’avant-garde musicale que dans celle des technologies électroniques. Il sera en plus assez malin pour se différencier des autres sur le circuit pop-rock , s’orientant dès ses premiers succès vers des concerts événementiels devant des foules considérables plutôt que de banales tournées de promotion dans les salles de spectacle traditionnelles.
Et puis, fin 1981, il franchira encore un pas dans la célébrité en donnant cinq concerts dans la très rigide et fermée République Populaire de Chine. Générant une campagne de com assez irréelle, genre « le premier artiste à donner un concert de rock en Chine ». Bon, Jarre a autant à voir avec le rock qu’un Burger King avec la gastronomie, et les Chinois, déjà à l’époque pas plus cons que d’autres lorsqu’il s’agit de donner dans la dialectique de propagande faisaient preuve « d’ouverture » à bon marché.
En embauchant Jarre, ils risquaient pas une « yellow riot » à la Clash, ni le risque pour la population d’être subvertie par des paroles engagées, puisque Jarre, c’est uniquement instrumental. Ces concerts avaient été une grosse affaire, tractations diplomatiques interminables commencées sous Giscard et conclues sous Mitterand, et avaient tout de l’aventure totale. Les très rares journalistes français autorisés à couvrir l’événement faisant état de conditions techniques locales très précaires, d’encadrement militaire de l’équipe de la tournée et de la presse, d’un public trié sur le volet autour des incontournables dignitaires locaux du PC, lequel public n’était pas autorisé à se lever pendant le spectacle, et devant par des applaudissements polis et dosés au décibel près (des rumeurs faisaient état avant les concerts du public répétant ses applaudissements), destinés à marquer sa déférence pour l’artiste étranger invité, mais aussi sa distance pour cette forme de divertissement toute capitaliste et donc quelque part diabolique.
L’intérêt musical de ces deux Cds, compilation des cinq concerts donnés à Pékin et Shangaï est assez anecdotique, pour plusieurs raisons. Les concerts de Ian Missé Iarre (comme l’annonce la speakrine locale) sont des spectacles son et lumière dont la musique n’est qu’un des aspects, et donc le format DVD est à privilégier au support Cd (ce concert n’existe pas en DVD, ne pas le confondre avec ceux donnés en 2004). Les conditions techniques locales, avec leurs coupures de courant, leurs orages (non, les Chinois n’ont pas entonné « No rain, no rain » comme à Woodstock alors que des trombes d’eau tombaient sur Shangaï) ont fait que les pistes son ont été très largement remaniées en studio, certains titres étant paraît-il même entièrement refaits.
Reste le témoignage d’un événement pseudo-historique, très loin des choses pharaoniques que Jarre donnera par la suite (ils ne sont que quatre sur scène en Chine), passant en revue les titres les plus faciles et accessibles de son répertoire tirés essentiellement de « Equinoxe » et des « Chants magnétiques », intégrant des sonorités locales (« Jonques de pêcheurs au crépuscule »), taquinant des décollages floydiens (« Ouverture », « Souvenir de Chine »), la jouant un peu facilement « rétro » (« La dernière rumba »), singeant le rock à grand renfort de guitare-synthé et batteries Simmons (« Orient Express », finalement pas plus mauvais que ce que faisait Genesis à la même époque).
Les Chinois ont particulièrement apprécié, à tel point que Jarre s’est vu offrir par les autorités de Pékin ... un side-car.

JULOS BEAUCARNE - JULOS CHANTE POUR VOUS (1970)


Mignonne, allons voir si la rose ...

M’en souviens … c’était vers le milieu des seventies, on finissait quelques fois les soirées chez des babas cools, assis-écroulés par terre, plafond tapissé de fumées aromatiques, et vinyles qui tournaient sur des stéréo pourries … et avant les trucs qui déchiraient leur race (chez ces gens-là, c’était Gong ou Yes, ceci expliquant de vieilles haines tenaces pour ces guignols), on avait droit à tous ces fuckin’ poètes « engagés » sur la platine, les Ferré, Ferrat, Béranger et consorts … et dans le lot, ce zigoto au blaze improbable, Julos Beaucarne.
Un nom pareil, ça s’invente pas. Faut dire qu’il est Belge, ça n’explique pas tout, mais ça donne des circonstances atténuantes. Il paraît qu’au fil du temps, ce gonzo est devenu une institution dans son plat pays, une sorte de gourou écolo-rustique. Et même si nous on est putain de mal barrés, faut être sport et reconnaître que les Belges ont vraiment pas de chance avec leurs chanteurs …
Cet illuminé a enregistré une palanquée de disques, dont ce « Julos chante pour vous », très prisé chez les babs suscités. Même avec les précautions d’usage (gaffe aux incidents diplomatiques, y’a des Flamands et des Wallons qui me lisent parfois), il faut dire les choses, ce type est un ringard perpétuel total. Un gus obnubilé par les poètes de la Pléiade  (Ronsard, Du Balai, tous ces types morts y’a presque 500 ans), et la littérature courtoise (fin du paléolithique supérieur, XIIIème siècle).
C’est tellement cliché dans le genre guitare en bois et vocabulaire désuet que ça ferait passer ses semblables Guy Béart et Yves Duteil pour de dangereux punks. Il y a dans ces odes à sa douce mie (prononcez comme Julos « mi-euh », tous les « e » sont accentués chez les poètes ringardos) plein de mots que même le fan-club de Julien Lepers (ou de Sexxion d’Assaut) ne doit pas connaître.
D’ailleurs, à titre didactique, et pour épater ceux qui dans le temps sont allés voir sur le Larousse ce que signifiait « désinvolte » de Noir Désir ou « obsolète » de MC Solaar, voici, piochée dans la poésie rance de ce skeud, un florilège de mots à éviter sur vos prochains SMS : ingénu, déplaise, embruns, chanteur mécanique (pour juke-box !), cahote, gavotte, barde, troubadour, mandoline, écu, mijaurée, minauderie, ambroisie, enchanteresse, sollicitude, majordome, patriarcale, électrolyse, ostensoir, sire, tromblon, gélatineux, picote, frimas, zéphyr, mirer, … quant aux douces et tendres qu’il courtise, elles se prénomment Aldegonde, Rose, Gertrude, Elyse …
Logiquement, à côté de pareilles choses, le premier Le Forestier a fait figure de disque de folk révolutionnaire …

THE BEWITCHED HANDS - VAMPIRIC WAY (2012)


Ensorcelant ...

Une fois terminée l’écoute de ce « Vampiric way », on se dit que, tiens, Arcade Fire a finalement simplifié son propos et sorti un très bon disque. Parce qu’ils vont pas y couper, les Bewitched Hands, avec cette comparaison. Mêmes genres musicaux abordés (en gros de la pop à tendance lyrique), et même enchevêtrement de voix masculine-féminine.
Sauf que là où les Canadiens et leurs plus ou moins semblables (Of Montreal, MGMT, Sufjan Stevens, …) se complaisent dans un m’as-tu-vu sonore, essayant de faire de chaque titre un autre « Good vibrations » (jusqu’à présent, il n’y en a qu’un, et il est signé Brian Wilson, un type d’un calibre quand même nettement supérieur à tous les chérubins suscités), les Bewitched Hands se contentent à chaque fois d’un morceau simple, mais qu’ils poussent dans ses derniers retranchements. Avec eux, pas de mélodies à tiroirs et en cascade, pas de changement de rythme tous les trois accords. Juste une intro, des couplets, un pont, un refrain, travaillés avec une précision d’orfèvre. Et des harmonies vocales (à peu près tous chantent ou font les chœurs) sans équivalent en Hexagonie (qui a dit Les Compagnons de la Chanson ou les Frères Jacques ? tu sors, et vite …)
Les Bewitched Hands dans un champ (de fraises pour toujours ?)
Pour leur malheur, les Bewitched Hands sont Français, et pire, même pas Parisiens. Circonstance aggravante, ils chantent en anglais (demandez aux Dogs ou à Little Bob s’ils ont fait fortune en s’exprimant dans la langue de Lily Allen). Et ils sont une demi-douzaine les Bewitched Hands … j’ai comme l’impression que pour distribuer les royalties, il va pas y avoir beaucoup pour chacun … et j’allais oublier la pochette, tellement moche qu’on dirait une version fluo d’une des Têtes Raides …
Plus suicidaire comme démarche, ça va être dur de faire mieux. Et pourtant, tous ceux qui n’achèteront pas, n’écouteront pas, ne téléchargeront pas (rayer la mention inutile, un indice, c’est la première), auront, une fois de plus, tort.
Le public potentiel est pourtant énorme. En dehors des pompiers évoqués plus haut, tous les amateurs des Beatles, Beach Boys, Zombies, Left Banke, Mamas & Papas, voire Madness, Sparks, Carpenters, ABBA, Flaming Lips, Undertones, …, en gros tous ceux qui ont produit de la pop de qualité depuis cinquante ans, se retrouveront quelque part sur ce disque. « Vampiric way » n’est pas un vulgaire plagiat (enfin, si les Madness envoient pas leurs avocats pour « Boss » qui ressemble étrangement à « Our house », ils auront de la chance), leur disque fonctionne davantage comme la proverbiale madeleine proustienne (le dernier titre, « The laws of wall », pour moi ça sonne exactement comme du ABBA, mais je connais pas un titre des Suédois qui ressemble à çà, et … oh putain, que je me suis mis dans de sales draps, là …) que comme un vulgaire copier-coller.
Il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce « Vampiric way », douze morceaux hyper travaillés (bon allez, « Let me », « Hard love » et « Vampiric way » le morceau, je les trouve un peu inférieurs au restant, mais ils sont pas honteux pour autant).
Mention particulière à l’inaugural « Westminster », cathédrale pop baroque, « Ah ! Ah ! Ah ! Ah !» (que j’ai lu quelque part comme ressemblant à du Flaming Lips, et ça m’a l’air d’être vrai), « Words can let you down », ballade romantique très seventies à la Carpenters – Il Etait Une Fois (putain, j’ai comme l’impression de m’enfoncer, mais j’y peux rien, les seconds copiaient éhontément les premiers).
Bon voilà, le meilleur disque français de l’année est sorti il y a quelques semaines. Il s’appelle « Vampiric way » et c’est les Bewitched Hands de Reims qui l’ont fait …

MIOSSEC - L'ETREINTE (2006)


Miossec se mouille ...

J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans « l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues (« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort, Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais la chose », « La grande marée », « L’imbécile », « L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse « Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …

Du même sur ce blog :
Boire

JOHNNY HALLYDAY - JOHNNY, REVIENS ! LES ROCKS LES PLUS TERRIBLES (1964)


Ah que oui !

Il serait trop facile de dézinguer la vieille idole. Sauf que plein de gens talentueux avec des arguments solides comme ça l’ont déjà fait, depuis plus de cinquante ans. Tout le monde les a oubliés et Jean-Philippe Smet est toujours là, Statue du Commandeur inébranlable du rock français. Du rock français ? J’en vois qui rient aux éclats, que le rock français ça existe même pas, et que l’autre là, le Johnny, déjà il est pas Français il est Belge ou Suisse, allez savoir, et il est encore plus con en vrai que sa marionnette des Guignols … Ben z’avez tort … enfin pas sur tout, mais z’avez tort quand même.
D'où viens-tu Johnny ?
Je m’explique. La concurrence, Johnny les a tous enterrés. Au propre, souvent, et encore plus au figuré, suffisait pour ça qu’il monte sur les planches, aujourd’hui comme il y a cinquante ans, que ce soit devant cent personnes ou cent mille, et là, tous, même Didier Wampas, ils sont tout petits. Tous ceux qui dans la musique ou la chansonnette ou les deux en France ont eu leur quart d’heure ou leur décennie de gloriole sont venus en rampant lui apporter une chanson (généralement très mauvaise, mais c’est pas, ou c’est plus le problème) qu’il leur avait demandée. Et ceux qui n’ont pas encore eu ce privilège seraient prêts à bouffer les varices de leur grand-mère et feraient sous eux de joie si une voix au téléphone leur disait : « C’est le management de Johnny, il aimerait bien bosser sur un truc avec vous … ».
Parce que Hallyday est une légende. Surévaluée comme toutes les légendes. Au moins les trois-quarts de ses disques sont des daubes infectes. Mais il y a très longtemps, au siècle dernier, dans les années 60, et malgré quelques bêtises sonores retentissantes, il a sorti des disques qui ont forcé le respect de tous et généré des hordes d’admirateurs béats. Des disques en public, certes le plus souvent (les séries à l’Olympia, au Palais des Sports), mais aussi quelques sacrées rondelles en studio avec Mick Jones et Tommy Brown. Jones et Brown … deux Anglais. Parce que très vite Johnny (ou ceux qui géraient sa carrière) a voulu avoir les meilleurs musiciens pour l’accompagner. Et il valait mieux laisser de côté la plupart des Français, soit baltringues incompétents, soit requins de studio ultra-techniques ne rêvant que de jazz-fusion. Totalement incompatibles avec le rock’n’roll que voulait faire Hallyday.
Les zicos qui l’accompagnent sur ce disque, baptisés Joey & the Showmen constituent un assemblage cosmopolite (frenchies, ricains, british), mais envoient le bois grave, et c’est ce qui importe. Le concept du disque est simple, voire simplet : adapter en français des standards du rock’n’roll américain. Comme d’hab et comme toujours, Johnny ne fait que suivre ce qui a déjà été fait. Notamment l’année précédente par son rival mais néanmoins ami Eddy Mitchell (« Eddy in London »). Bon, on peut comparer les deux, trouver Schmoll plus subtil, plus cultivé, plus drôle, plus tout ce qu’on veut, mais dès qu’il s’agit de chanter le rock’n’roll, y’a plus photo, victoire par KO de Jojo …
Joey (Greco) & the Showmen
Ce « Johnny, reviens ! » compte quatorze titres, quatorze standards des pionniers du rock, aujourd’hui connus et célébrés de tous mais à l’époque (1964), seuls quelques rares maniaques en France causaient Elvis, Chuck Berry, Little Richard, ou Gene Vincent. Les adaptations (la plupart dues à Manou Roblin), mêmes si elles ne visent pas le Nobel de littérature, ne sont pas plus neuneues que les versions originales. Musicalement, c’est exécuté pied au plancher en 2’30, produit en stricte mono (il existe évidemment et malheureusement des rééditions stéréo à fuir) pour que tu  prennes ça droit dans ta face, et ça s’embarrasse évidemment pas de solos de xylophone ou de violoncelle. Guitares, basse, batterie, un peu de piano, quelques cuivres au fond du mix, et roulez petits bolides … Hallyday, quiconque doté d’une paire d’oreilles en état de marche s’en est aperçu, est un grand chanteur, et là, dans un registre hyper-basique, il est impressionnant.
Joey Greco, Claude Djaoui, et un joueur de air guitar ...
Il suffit d’écouter ses versions de « O Carol ! » ou « Suzie Q » qui valent bien celles des Stones sorties à peu près simultanément, et Jagger qui n’est ni sourd ni sot, a souvent clamé haut et fort son respect pour Hallyday le chanteur. Les versions de Johnny n’ont rien à envier aux interprétations de Chuck Berry (plus doué à la guitare et à la composition qu’au chant), ni même à celles de Presley, qui lui est quand même un sacré client derrière le micro, c’est le moins que l’on puisse dire. D’autant plus qu’en jouant quelquefois malignement sur le tempo, Hallyday parvient à ne pas faire des copies conformes, il apporte sa propre patte à des titres entendus des milliards de fois. La seule réserve concerne les quatre morceaux correspondant aux titres popularisés par Little Richard. On ne touche pas impunément au répertoire de Petit Richard sans prendre le risque de se couvrir de ridicule. Ici, seule « Belle », adaptation de « Ready Teddy » soutient le choc de la comparaison, les trois autres (« Lucille », « Long tall Sally » et « Good Golly Miss Molly ») sont nettement inférieures aux versions originales. C’est pas honteux pour autant, McCartney et John Fogerty sont les deux seuls au monde à pouvoir reprendre le curé gay, tous les autres faisant rire ou pitié dans cet exercice (j'entends les cris d'orfraie de mon fan club féminin, oui, les filles, d'accord, y'avait aussi Wanda Jackson qui s'en sortait plus que bien) …
Le résultat, il est simple. « Johnny, reviens ! » est un Himalaya du rock français (allez, je me mouille, je vois guère que « Tostaky » de Noir Dèz ou « No comprendo » des Rita de ce calibre-là). Et dans le même genre de disques axé sur des reprises de standards de old rock, ce skeud de Jojo voisine sans problème des choses comme le « Back in the USA » du MC5 ou le « Teenage head » des Flamin’ Groovies … Du lourd, du très lourd, je vous dis …

GOGOL - LE RETOUR DE LA HORDE (1986)


Un peu de poésie ...

S’il y a bien un retour que pas grand-monde attendait, ou au choix, dont tout le monde se foutait, c’est bien celui du Sire Gogol Ier et de sa Horde. Gogol (Jacques Dezandre pour l’état-civil) n’a jamais vraiment mobilisé les foules derrière son auguste personne et sa musique. La musique, c’est du primaire, peu ou prou un gros bordel punky. Le personnage suscitait au début des années 80 des réactions diverses, entretenues par des shows destroy, porno-scato et provocateurs. Gogol Ier ne laissait pas indifférent, mais était loin de faire l’unanimité, surtout si l’on ne dépassait pas l’approche au premier degré… Auto-proclamé gourou-pape de son propre culte, Gogol se présentait sur scène en soutane, portée comme les Ecossais portent le kilt, offrant donc à ses fidèles ouailles la contemplation de sa virilité…
Gogol et la Horde, c’est pas vraiment l’imagination élégante au pouvoir, c’est violent, vulgaire, bête et méchant. Dans le style Hara-Kiri – Charlie Hebdo, version binaire. Farouchement indépendant, forcément loin de tout « pacte » avec une major, à tel point que les disques de Gogol ne sont aujourd’hui trouvables (tout de même au prix fort) que sur le site du groupe, et témoignent d’une « carrière » en pointillés mais qui semble t-il perdure encore.
Ce « Retour de la Horde » comme son nom l’indique succédait à une période plutôt silencieuse au début des années 80. Le titre éponyme est une introduction martiale à grosses guitares tendance Hendrix (à la place du « Star spangled banner », il y a quelques notes saturées de « La Marseillaise »). On « pénètre » dans le vif du sujet (hum …) avec « Voilà des paroles faciles à comprendre », porte d'entrée sur fond de punk-rock primaire à chœurs hooliganesques, à l’univers tout en rimes riches de Gogol.
Ensuite, ça part un peu dans tous les sens, on quitte souvent le domaine musical pour de courts spoken words tout en délicatesse, « Je pisse » et son bruit de bidet final, « Dernière prière du soir » imprécation de prêtre pédophile, le confus règlement de compte « Vengeance anonyme ». Musicalement, ça casse pas toujours des briques (« Je bois et je suis le Roi » rock lent et lourd plutôt commun, « Moi » pénible electro-punk comme en faisait le B.A.D. de Mick Jones ), il y a vers le final un parti pris de punk crétin, « On se calme », ou « Mais qui va nous faire marrer » en hommage à Coluche fraîchement encamionné. En gros, Gogol délire bien, et se fout totalement de ce qu’on peut bien en penser.
Parfois ce délire égomaniaque frappe juste et fort, comme le rageur « J’encule » sur fond de piano-bar Rive Gauche ou encore le disco-punk pétainiste « Travail Famille Patrie » qui aurait été encore plus amusant s’il avait réussi à faire un hit.
Evidemment, tous les moralisateurs (ou les mélomanes) qui prennent tout çà au premier degré vont être offusqués par tant de vulgarité. Les autres souriront souvent devant cette rabelaisienne crétinerie, qui s’avèrera sans limite quand Gogol, à l’instar de Coluche annoncera sa candidature à une élection présidentielle (en 1988 il me semble). Il n’ira pas plus loin que la déclaration d’intention …
Bonne vanne pour la pochette qui pastiche la première page du Libé de l’époque avec édito de « Philippe Grandes Manœuvres » que Gogol n’a pas vraiment l’air d’apprécier …

MICKEY 3D - TU VAS PAS MOURIR DE RIRE ... (2003)


Quoique ...

J’ai du rater un épisode, une mode, quelque chose … parce que là, je comprends pas trop …
Comment des choses aussi quelconques que ce disque, peuvent être perçues comme des révélations, des jalons qui comptent dans cette décennie ? Certes, il m’arrive parfois aux oreilles, voire plus souvent que ça encore, des choses infiniment plus mauvaises que Mickey 3D.
Mais comment se fait-il que ce machin, plein de « bons sentiments » à deux euros, d’une qualité musicale famélique, avec un type qui chante à faire passer Gainsbourg pour Placido Domingo ses textes écolos-centristes pour collégiens concernés, comment se fait-il donc qu’il s’en soit vendu des camions ?
Comme tout le monde, j’avais entendu cette scie « Respire », appris que le gars qui avait écrit ça, c’était celui de la semblable scie « J’ai demandé à la Lune » des vieux ados gothiques Indochine (les Cure bleu-blanc-rouge, les bonnes chansons et les bons disques en moins). J’avais trouvé « Respire » aussi vite fatigant que les machins  de Louise Attaque, le putain de violon en moins, et les synthés façon electro en plus, ce qui n’est pas forcément mieux.
Et bien, après écoute plus ou moins attentive du skeud, je suis en mesure d’affirmer que « Respire » est de loin le meilleur titre de cet album, c’est dire si avec tout le reste on s’emmerde ferme. Le gars derrière tout çà (Mickael Furnon, c’est en fait quasiment Mickey 3D à lui tout seul), ne sait effectivement pas chanter (bonjour la monotonie), et en gros écrit toujours la même chanson accompagnée des mêmes textes de flippé désabusé. Il n’y a rien ici d’original, on a même quelques fois l’impression, au gré des arrangements (c’est le seul truc qui différencie les morceaux, selon que ça donne dans l’ethnique-world, l’acoustique, l’électrique, l’électronique) que l’on a entendu tout ça en beaucoup mieux chez d’autres.
Chez Louise Attaque, et donc chez leurs pères électriques Noir Désir, particulièrement flagrant sur le titre caché (« Avance » ?), chez Miossec aussi (qui même à jeun pulvériserait le pauvre Mickey niveau textes), voire au détour de quelque sonorité arabisante chez les Négresses Vertes.
Niveau écoutable si on a vraiment rien de mieux à foutre, j’ai noté « Ca ne m’étonne pas », chanson yéyé avec chanteuse à voix acidulée, « La mort n’existe pas » malgré des paroles putain de simplettes, et « Beauseigne » avec ses arpèges à la Byrds-REM …
Il semblerait que le groupe n’existe plus … C’est con, j’avais oublié d’en écraser une larme …



CORONADOS - UN LUSTRE (1989)


Epitaphe

Ils auraient pu être … le groupe français d’une génération, ou quelque chose comme ça. Ils ont été les Coronados, pour deux tours de piste, « N’importe quoi » en 1984 et ce « Un lustre », forcément cinq ans plus tard.
Les Coronados avaient tout pour eux. Une crédibilité sans faille, eux les provinciaux de Limoges montés à Paris pour matraquer d’abord, puis peaufiner ensuite leur rock garage. Ils pouvaient compter sur le soutien indéfectible des fanzines, de la presse rock, avaient des fans chez les chroniqueurs de la presse dite sérieuse, tout un buzz patiemment fomenté.
Parce que si leurs prestations étaient violentes et chaotiques, c’étaient des bosseurs. Acharnés, même, d’après ceux qui les ont côtoyé, remettant inlassablement sur l’ouvrage leurs morceaux, fignolant avec un soin maniaque leurs compositions.
Les Coronados, début des années 80
« Un lustre », dans sa version originale, comporte dix titres dont deux reprises et dure demi-heure. Mais chaque seconde compte, on n’est pas dans une configuration d’enregistrement où l’on passe deux heures à régler le matos, et puis on balance les morceaux sans rien toucher et on garde la première prise. Il y a un qualificatif à manier avec précaution que j’ose lâcher, c’est spectorien. Non pas dans le résultat, c’est pas le Wall of Sound ici, mais il y a mille trouvailles, mille gris-gris sonores dans ce disque. Responsables, le groupe et l’ingé-son Didier Le  Marchand, au pedigree impressionnant, qui a traîné en studio avec foultitude de gens, de la scène rock et alterno française (Little Bob, Road Runners, Stinky Toys, Pigalle, …), jusqu’au gotha du rock mondial (Prince, Dylan, Michael Jackson, Miles Davis, Patti Smith, Peter Tosh, Kraftwerk, …). Chaque titre est conçu indépendamment des autres, il n’y a pas d’unité sonore dans le mix, les arrangements très nombreux sont chaque fois différents, les textes alternent français (le plus souvent) et anglais, la voix n’est jamais utilisée de la même façon. Et miracle, ce disque ne sonne pas comme un patchwork, un collage contre nature de bric et de broc, il y a derrière tout cela une impression d’homogénéité qui se dégage.
Il y a un choix délibéré de mettre les mélodies en avant, au détriment du mur de guitares crasseuses qu’on serait en droit d’attendre, certains titres n’évoquent en rien le rock garage, c’est de la pop first class (« Un lustre », « Encore », « Inutile de dire », « Pas de raison de se plaindre », …). Il y a aussi cette envie d’afficher des racines, de montrer d’où l’on vient musicalement (le tex-mex de « Collectionneur maniaque », le rock hardcore de « Chienne de retour », le garage psyché de « Comment croire … »). Les reprises, on sent aussi qu’elles ne sont pas là par hasard, soigneusement choisies, un titre de Muddy Waters – Willie Dixon (« I live the life I love ») traité façon Cramps, un shot de rock’n’roll brut et sauvage signé Gerry Roslie, le furieux chanteur des Sonics (« I’m gonna dance ») …
Dès la sortie du disque, tout le « réseau » se mit en branle, les articles dithyrambiques fleurirent et … le disque se ramassa. La « faute » à une parution sur un tout petit label indépendant, qui n’avait pas les moyens d’affronter la concurrence des majors derrière des Rita Mitsouko ou des Mano Negra alors au sommet de leur popularité, en attendant le raz-de-marée imminent des « Sombres héros de la mer » de Noir Désir. Les jours des Coronados étaient dès lors comptés, le groupe se sépara l’année suivante.
« Un lustre » a été réédité avec un bonus (« Un lustre … et plus »), tout comme leur premier (« N’importe quoi », plus rock, plus garage, plus basique), et les deux Cds présentent à peu près l’intégrale des enregistrements des Coronados. En bonus sur « Un lustre », on trouve notamment une superbe ballade (« La disparition des possibles ») et deux versions live ultra sauvages et destroy de classiques de la Tamla (« Money ») et Screamin’ Jay Hawkins (« I put un spell on you »), avec le renfort au chant (enfin, façon de parler, c’est chanté atrocement faux comme d’hab) de Patrick Eudeline.

JACQUES DUTRONC - JACQUES DUTRONC (1967)


On nous cache tout, on nous dit rien ...

Tout le monde aime Jacques Dutronc. Généralement pour de mauvaises raisons. Dutronc est pour certains au Panthéon de la chanson française de qualité. Faut pas déconner, il a pas écrit les paroles d’un seul de ses bons titres. Et des bons titres, justement, hormis peut-être le scato-punk-rockab « Merde in France », il en a pas sorti un depuis presque 45 ans.
Alors, faute de bonnes chansons depuis des siècles, on se gargarise du personnage Dutronc. Le gentil poivrot à l’humour tongue-in-cheek, le dandy feignasse, le timide qui cache ses complexes derrière ses Ray-Ban, l’amoureux des chats et de la Corse, que sais-je encore … Et le mari de Françoise Hardy. Françoise Hardy ? Qui a dit ça ? Ah, ben là, fallait pas, ça va tomber comme à Gravelotte. Cette vieille mémère bobo diseuse de bonne aventure me gonfle grave, surtout quand elle parle. Ce qu’elle raconte est du même tonneau que ce que raconte sa quasi contemporaine Brigitte Bardot, une piquette verbale plus qu’idéologiquement douteuse. Mais voilà, celle qui buvait des drinks dans les boîtes londoniennes avec Mick Jagger, Keith Richard et Brian Jones, qui avait Bob Dylan à ses pieds dans un hôtel parisien, a fini par croire que ces gens-là la trouvaient intéressante et cultivée. Ben non, ils voulaient juste te sauter, parce que tu représentais un fantasme, l’image de la fille idéale des sixties avec ton look longiligne, tes grands yeux tristes et tes mini-jupes Paco Rabanne. Ils en avaient rien à cirer de ce que tu pouvais raconter, faudrait comprendre ça un jour, et la fermer maintenant … Voilà, voilà … Les inconvénients du direct …
Revenons donc à Dutronc. Très surestimé selon moi depuis ce disque, aucun de ceux qui ont suivi n’atteindra le niveau de ce premier effort. C’est bien simple, au  moins la moitié de ses meilleurs titres est sur ce « Jacques Dutronc » de 1967. Même pas un « vrai » disque, puisque la réunion de 3 Eps parus un peu plus tôt dans l’année, mais qu’importe. Un Dutronc qu’il faut replacer dans le contexte de l’époque, la France de De Gaulle, en pleine vague yé-yé retombante. Dutronc est grouillot chez les disques Vogue, guitariste dilettante d’un groupe de quatrième zone, El Toro et les Cyclones. Son patron chez Vogue, Jacques Wolfsohn cherche un concurrent à Antoine. Dutronc amène des chansons qu’il a composées, aux textes signés Jacques Lanzmann, écrivain « engagé » (en gros, proche des idées communistes). Pour ne pas rater le train contestataire mis sur les rails par Antoine, et faute d’avoir mieux sous la main, Wolfsohn poussera Dutronc derrière le micro … on connaît la suite…
Dutronc est un amateur de rock. Ça se voit rien que sur la pochette, tenue vestimentaire mod classique, le même genre de fringues que portaient Steve Marriott, Pete Townsend, Roger Daltrey et les frangins Davis sur leurs photos en 1966. Et dès qu’il y a un titre « rock » chez Dutronc, on retrouve tous les tics sonores repérés chez Small Faces, Who ou Kinks, mélodies énergiques  et guitares fuzz (« Sur une nappe de restaurant », « J’ai mis un tigre … », le quasi Sonics « Les gens sont fous … », le très méchamment rock’n’roll « Mini-mini-mini »).
Il y a dans ce premier disque les titres mythiques de Dutronc, le sarcastique doo-wop « Les Playboys », le sautillant et syncopé « Et moi et moi et moi », qui forgera l’image de Dutronc, gentiment cynique et j’menfoutiste, le rhytmn’n’blues cuivré « On nous cache tout, on nous dit rien », l’incontournable rock garage primaire « Les Cactus ».
Et surtout le chef-d’œuvre absolu « La fille du Père Noel ». Au moins dans le Top 5 des meilleurs titres de rock publiés par des Français. Même si Dutronc s’est pas foulé, il a pompé le riff de « I’m a man » de Bo Diddley (lequel l’avait déjà emprunté au « Hoochie Coochie Man » de Willie Dixon et Muddy Waters) … On va pas lui jeter la pierre pour ça, d’autant que quelques années plus tard, un certain David Bowie recyclera le même riff pour son « Jean Genie », l’histoire du rock n’étant en définitive faite que de pillages et « emprunts ».
Il y a aussi d’autres titres sur ce disque. Malheureusement, est-on tenté d’écrire. Des pochades bâclées (Dutronc ne joue pas les fainéants, c’en est un) qui préfigurent  les funestes titres qui ne tarderont pas à inonder son répertoire (« L’opération », sans intérêt, les arpèges byrdsiens de « L’espace d’une fille » jetés sans conviction). Ou le terrifiant « La compapade », grotesque morceau qui fleure bon les slogans « Y’a bon Banania », et annonciateur des horreurs genre « L’hôtesse de l’air » qui ravissent toujours aujourd’hui les beaufs en goguette…
Malgré tout, vers 66-67, Dutronc est globalement excellent. Ça  ne durera guère