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JOHN FOGERTY - CENTERFIELD (1985)


Le retour ...

Tiens, et si on causait de l’homme sans lequel il ne serait pas venu à l’idée à Neil Young, Bruce Springsteen et Kurt Cobain entre autres, de se fringuer avec des chemises de bûcheron à carreaux. John Fogerty himself. L’âme de Creedence Clearwater Revival, le plus grand groupe de pur rock’n’roll américain (et donc d’ailleurs).
John Fogerty, un type bien. Sorti de La Mecque des hippies, San Francisco, pour ramer à total contre-courant du Summer of Love. Enfin, ramer n’est pas exactement le terme qui convient, parce que Creedence, dont il était le guitariste, le chanteur et l’unique compositeur, a vendu des millions de singles et d’albums, publiés à une cadence infernale entre 68 et 72. Et puis, la brouille avec son frangin Tom, et plus encore les embrouilles avec le patron du label Fantasy, le futur producteur de films Saul Zaentz (Fogerty et Zaentz passeront des années devant les tribunaux, et Fogerty pendant des années ne jouera plus en public aucun titre de Creedence), mettront un terme à l’aventure Creedence. Fogerty publie un embarrassant disque de country sous l’intitulé « Blue Ridge Rangers » avant un premier album solo éponyme en 1975.
Ses démêlés juridiques le tiendront éloigné des studios d’enregistrement  pendant dix ans. Et alors que tout le monde commençait à l’oublier, il revient avec ce « Centerfield ». Un disque curieux, un 33T avec deux faces bien distinctes.
La première face, c’est un voyage dans la machine à remonter le temps, retour en 1970. Fogerty à lui tout seul (il joue de tous les instruments, guitare, basse, batterie, saxo) refait du Creedence et ces cinq titres valent ceux de son âge d’or, et remettent un certain nombre de pendules à l’heure. Oui, en ce mitan des années 80, on peut faire du strict rock’n’roll sans que ça sonne ringard, et on peut même glisser des titres dans le haut des charts (« The old man down the road », et le fantastique hymne revivaliste « Rock’n’roll girls »). On peut aussi cultiver la nostalgie lucidement avec « I saw it on TV », et son texte qui balaye plus de deux décennies de la vie américaine qui a vu tant de rêves idéalistes se briser depuis l’assassinat de Kennedy. On peut aller encore plus loin en arrière que le rock’n’roll, vers une country au son roots hallucinant (« Big train (from Memphis) ». Et puis, envisager cette parution de disque comme une autre façon de régler ses comptes avec Zaentz (le quasi hard-rock avec ses gros riffs « Mr Greed »).
Et Fogerty doit en avoir gros sur la patate, parce qu’il récidive au final du disque avec un des autres titres qui finiront dans les charts, « Zanz kant danz », allusion guère équivoque. Tellement limpide que, rebelote, nouvelles convocations au tribunal, pour ce titre, le Zanz devenant Vanz sur les rééditions, mais aussi pour « The old man … », que Zaents accuse Fogerty d’avoir plagié sur une chanson qu’il a écrite du temps de Creedence mais dont il n’a plus les droits, « Run through the jungle ». No comment …
Mais surtout, cette seconde face du vinyle met en avant … des synthés, joués ( ? ) aussi par Fogerty. Oui, oui, le représentant du rock le plus bouseux, le plus traditionaliste qui soit, a rempli quatre titres des maudites machines des années 80, avec leur affreux sons (notamment les batteries électroniques Simmons) instantanément reconnaissables. Et même si ces arrangements ne sont pas mis inconsidérément en avant, ils viennent un peu beaucoup parasiter trois compositions. Quant au « Zanz kant danz » dont au sujet duquel j’ai déjà parlé, la question ne se pose pas, il est entièrement « synthétique ». De ces morceaux qui ont malgré tout fait tiquer, ressort pour moi « Centerfield » le titre, dans lequel j’ai bien l’impression que Fogerty s’amuse à imiter Springsteen (alors que jusqu’à présent et dans les meilleurs moments du soi-disant Boss, c’était plutôt l’inverse).
Le succès de ce disque autant improbable qu’inespéré sera considérable, un successeur à la pochette encore plus moche (« Eye of the zombie ») le suivra de près. De trop près, peut-être, et ne marquera guère les esprits. Fogerty tourne maintenant quelque peu dans le circuit revival, ne reformera jamais Creedence, et ne retrouvera certainement plus le niveau de cet inattendu « Centerfield ».

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AC/DC - BACK IN BLACK (1980)


Live through this ...

Ce disque commence exactement de la même façon que le « Plastic Ono Band » de John Lennon. Par une volée de cloches. Et pour qui sonne le glas ? Pour Lennon, c’était un hommage à sa mère Julia. Pour AC/DC, c’est adressé à Bon Scott …
Putain, Bon Scott … ça avait été une secousse … le Hendrix, Joplin et Morrison de ma génération. Comment ça, les héros meurent aussi ? Et pas d’une façon flamboyante, étouffé un soir de cuite par son vomi (just like Hendrix). Et les autres, les AC/DC, ils allaient faire quoi, là ? Question cruciale, c’était quand même là, en 80, le plus grand groupe de rock du monde (qui a dit les Clash ? dans mes bras !).
Parce que Bon Scott, c’était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était l’aîné de la troupe, un peu beaucoup son âme aussi, l’ange gardien d’Angus en concert … Bon, ils ont hésité les quatre autres, savoir si ça valait le coup de continuer après ça, et puis finalement ils ont décidé : the show must go on … et ils se sont lancés dans la quête de leur Graal à eux, remplacer l’irremplaçable… Le type retenu, personne le connaissait, un certain Brian Johnson, chanteur d’un groupe de hard écossais de quinzième zone …
Et parce qu’il valait mieux faire tourner les riffs que les idées noires, moins de six mois après la mort de Bon Scott, arrivait dans les bacs ce 33T  tout noir, « Back in black » … et en plus du disque, celui qu’on attendait tous, c’était le nouveau chanteur, là, ce Brian Johnson. Qui se laisse désirer. Après les choches, et une longue intro musicale, on entend enfin sa voix sur « Hells Bells ». Ouais, ça va, ça gueule bien fort dans les aigus, terrain connu … et puis, même si on s’aperçoit qu’il n’y a pas l’étendue vocale de Bon Scott, et comme le reste a pas changé, on se dit que c’est bien …
Parce que musicalement, « Back in black », il est sur la lancée de « Let there be rock » et « Highway to hell », c’est-à-dire ce que les faux Australiens ont sorti de mieux. Un peu inférieur, peut-être, moins fou que « Let there … », plutôt un copier-coller de « Highway … », avec l’impression de déjà entendu. Mais bon, les gars compensent par une sorte de rage, de rancœur contre la camarde qui vient de leur piquer Bon. Le disque est contruit « à l’ancienne », comme un 33T qui se respecte et veut cartonner. Les trois meilleurs titres (même si c’est pas ceux-là qui sortiront initialement en single, ils arriveront après pour enfoncer le clou et faire s’affoler les compteurs de ventes) sont au début de chaque face (« Hells bells » sur la 1, « Back in black » et « You shook me all night long » sur la 2). Et même si les tempos d’AC/DC sont immuables (comme sur « Highway to hell », c’est « Mutt » Lange qui produit, on est de suite en terrain connu), chaque face a droit à son titre un peu plus frénétique que les autres (« Shoot to thrill » et « Shake a leg »), si le rythme décélère c’est pour un titre bluesy (« Have a drink on me »), et chaque face se termine par un morceau ralenti en forme d’hymne (« Let me put my love into you », et surtout « Rock’n’roll ain’t noise pollution »). Les textes, hormis une paire qui font allusion à Bon Scott, traduisent bien les préoccupations essentielles de Johnson (les meufs, les meufs, voire les meufs), guère éloignées de celles de son prédécesseur.
Un Johnson qui essaye de s’appliquer, quand bien même son manque de nuances vocales se fait de plus en sentir à mesure que défilent les titres. Comme s’il était en train de réaliser qu’il est le chanteur d’AC/DC, avec derrière lui quatre types qui dressent un mur de l’Atlantique de riffs. Avec un Angus Young aussi qui préfère maîtriser des solos rageurs plutôt que de se lancer dans des cavalcades de notes folles …
Avec ce disque très noir, assez inattendu (surtout si vite) et improbable, AC/DC va décupler son audience, essentiellement aux Etats-Unis où « Back in black » se vendra par millions, et où le groupe deviendra une institution. Dès lors, une fois qu’on a touché le jackpot des arenas américaines, on peut tout se permettre. Le disque suivant sera immonde (« For those about to rock »), et Brian Johnson, se sentant installé à vie derrière le micro, n’aura de cesse de brailler de plus en plus bêtement dans les aigus d’une façon insupportable…

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Live At River Plate




ROB REINER - QUAND HARRY RENCONTRE SALLY (1989)


Dirty Harry & Sally goes round ...

Dans sa carrière Rob Reiner, en plus de quelques films à succès (le gentillounet « Le Président et Miss Wade », le très bon « Stand by me »), peut se targuer d’avoir réalisé deux films « culte ». Le faux documentaire plus vrai que nature sur le monde du rock du début des 80’s « Spinal Tap », et une des comédies, si ce n’est la comédie qui restera des mêmes années 80, cet étonnant « When  Harry met Sally ».
Qui n’est pas une de ces comédies grasses de l’époque que l’on a un peu honte de regarder genre les séries « Flic de Beverly Hills », ou « Y’a t-il un flic … un pilote .. ? », mais un film tout en douceur, délicatesse, et surtout subtilité.
L’histoire est on ne peut plus simple : des tranches de la vie de deux personnages (Harry et Sally, comment ça, vous aviez deviné ?) qui se rencontrent lors d’un covoiturage de circonstance les amenant de Chicago à New York jusqu’aux fêtes du Nouvel An onze ans plus tard … Le scénario est sans surprise, le dénouement quasiment contenu dans le titre …
Billy Crystal, Bruno Kirby, Carrie Fisher, Meg Ryan
Et ça fonctionne pendant une heure et demie. Parce que le film est fait par des gens qui se connaissent, Rob Reiner, Billy Crystal (Harry) et Bruno Kirby (Jess, copain de Harry) sont potes et un rien déjantés dans la vraie vie, Reiner et la co-scénariste et co-productrice Nora Ephron sont également amis et ont mis beaucoup d’eux-mêmes dans les personnages et les caractères. Et c’est cette équipe, plutôt qu’un directeur de casting, qui a choisi les deux rôles féminins majeurs, Meg Ryan (Sally) et Carrie Fisher (la princesse Leia de « Stars Wars », déjà un peu tombée dans l’oubli et qui est ici Marie, la copine de Sally). Cette fine équipe a beaucoup écrit, mais a parfois laissé l’improvisation prendre le dessus (dans la scène du musée où Harry parle avec un drôle d’accent (asiatique ?), il se lance dans une tirade non écrite, et on peut voir Meg Ryan jeter furtivement un regard inquiet et interrogateur vers la caméra – la scène a été conservée – avant de suivre Billy Crystal dans son jeu). Le film est rempli de dialogues (la plupart lancés par Harry, cynique, odieux, dépressif et désabusé) et de scènes (la fameuse simulation d’orgasme de Sally en plein restaurant) qui sont devenus cultes.
Evidemment, les personnages (des bobos), leurs caractères (des dépressifs qui cherchent l’amour d’une nuit ou de leur vie) et le lieu du film (New York), ça fait clignoter un nom, celui de Woody Allen. Et « Quand Harry rencontre Sally » est en même temps un hommage et un pastiche. Et on n’aurait pas été surpris de voir dans une scène Sally et Harry filmés de dos discuter à l’aube sur un banc de Riverview Terrace, face au Queens. D’ailleurs Reiner avoue dans les bonus du Dvd qu’il a du renoncer  à quelques-uns de ses premiers choix de lieux de tournage, se rendant compte que Woody Allen y avait déjà tourné des scènes. « Harry & Sally », en plus d’être par bien des aspects le meilleur film que Allen a oublié de tourner, partage avec ceux du binoclard une bande-son jazzy (et pour moi très pénible, mais ça colle à peu près avec le côté branchouille chic des personnages). Ici, sera révélé (honte à toi, Reiner) l’insignifiant centriste Harry Connick Jr qui lancera sa carrière grâce aux bluettes geignardes de la B.O.
La fameuse scène au restaurant (au second plan, la mère de Rob Reiner qui va commander "la même chose" que Sally)
On sent qu’il y a de la part des protagonistes impliqués dans ce film un souci quasi-obsessionnel de soigner le détail, de renvoyer à d’autres comédies, à d’autres films (le « Casablanca » de Curtiz évidemment, sujet de discussions et dont on voit des extraits), de faire des personnages des répliques de « vraies » célébrités (le look de Meg Ryan au début, c’est un copier-coller de la Farah Fawcett de « Drôles de dames », cinq ans après dans la scène de l’avion, c’est la réplique d’une patineuse people). Le film repose essentiellement sur le contraste entre un Harry planqué derrière sa carapace de goujat désinvolte et une Sally très romantique. C’est l’évolution lente de leurs caractères respectifs au cours des années qui est disséquée dans le film avec une légèreté, un humour et une justesse de ton qui en font tout le charme. On ne rit pas à gorge déployée devant trois gags énormes, mais on garde en permanence un sourire en coin devant ce film qui fonctionne à plusieurs niveaux.
« Quand Harry rencontre Sally » sera un succès international considérable. Le film fera de ses deux têtes d’affiche Billy Crystal et Meg Ryan deux des acteurs les plus bankables d’Hollywood, le premier en polissant quand même pas mal son humour finira présentateur quasi attitré de la cérémonie des Oscars, la seconde en tenant le rôle principal dans des blockbusters des 90’s (notamment « Nuits blanches à Seattle » de … Nora Ephron, le monde est petit), avant de progressivement disparaître du haut de l’affiche. Pour Rob Reiner, ce film marquera la fin de sa meilleure période artistique. Alors qu’il était en plein divorce au début du projet du film, il fera comme son personnage d’Harry et rencontrera l’amour (et le mariage) pendant le tournage. Quand je vous disais que ce film sentait le vécu …

Du même sur ce blog :

BRUCE SPRINGSTEEN - LIVE / 1975-85 (1986)


Un bon chanteur et un mauvais groupe ...

De quelque côté qu’on l’envisage, ce live est un pavé. Et un pavé, que tu le prennes sur les pieds ou en pleine poire, ça fait mal …
Par où commencer ? Des chiffres ? 40 titres, 3 heures et demie … aujourd’hui trois Cds bien pleins. Lors de sa parution fin 86, cinq vinyles. Personne n’avait été aussi loin dans la démesure, les funestes live de Santana, Yes et Wings s’étaient arrêtés à trois rondelles de plastique noir, ce qui faisait déjà beaucoup (trop). Idem  en studio pour les Clash, George Harrison ou le Nitty Gritty Dirt Band (le Nitty qui ? ... pfff, c'est bon, laissez tomber ...). Argument entendu à l’époque : c’est pour être conforme à la durée des concerts du Boss. Soit …
Derrière tout ça, un plan marketing mégalo de Columbia-Sony, relayé par le management (l’ambitieux et omnipotent Landau), et in fine cautionné par un Springsteen pas très bien dans ses baskets à cette époque-là : un mariage qui part en vrille, et la sortie de sa période dents refaites – bodybuilding et look Rambo-Stallone-Rocky.
Objectif de ce « Live » : être vendu à au moins dix millions d’exemplaires sur la lancée du multiplatiné « Born in the USA ». Pour l’anecdote, il y eut un petit problème de timing. Un autre label distribué par Sony, Epic, voulait sortir à la même époque le nouveau disque de Michael Jackson (« Bad »), et comptait, en ces temps de show-biz triomphant en écouler cent millions de copies. Sollicitées, les usines de pressage américaines déclarèrent impossible de faire face à une telle demande, et l’enregistrement de Jackson fut décalé de plus de six mois. Pour la morale, aucun des deux disques n’atteint ces objectifs …
Par quoi continuer ? Springsteen ? Dont je ne suis pas fan. Que j’apprécie mais sans plus. Et dont l’essentiel de la discographie me passe par-dessus la tête. Bon, touchez pas (ou dites pas de mal) à « Nebraska » et aux deux « Born … », ces trois-là je les défendrai. Mais comment, entends-je, et …, sans parler de …, ou encore …, ils sont pas géniaux peut-être ? Si vous voulez, mais moi ils me gavent… Et l’homme Springsteen me gave aussi, ce centriste perclus de bonnes manières, de bons sentiments, de bons engagements, défenseur de toutes les causes validées par l’ONU, l’Unesco et Bono… Je veux bien le soupçonner d’être tout à fait sincère, mais il y a quand même un monde entre ce pur produit du music entertainment et le Chevalier Blanc du combat social que certains le voient incarner. Finalement aussi crédible qu’un diététicien qui mangerait matin et soir chez MacDo (reproche valable également pour l’immense majorité de ses semblables).
Son succès ? Ben, on peut ni le nier ni le lui retirer. Phénomène typiquement américain par de nombreux aspects (le fan de folk, de country, de old rock’n’roll, des films des années 40 en général et de John Ford en particulier, de Woody Guthrie, Dylan et Steinbeck, le troubadour des classes populaires, plus américain que tout ça, tu peux pas …) qui a réussi à s’exporter all around the world, tandis que des contemporains pas plus mauvais et guère différents par leurs références sont restés beaucoup plus confidentiels hors de chez eux (Seger, Petty, Southside Johnny, Graham Parker et tant d’autres …) A l’écoute de ce « Live », il m’est venu un questionnement : le public du Boss (tout a été enregistré aux States) comprend-il de quoi il retourne dans ses chansons ? Sans parler du « malentendu républicain » du morceau « Born in the USA », il y a dans ce « Live » un titre qui par l’écho qu’il reçoit fait froid dans le dos. C’est la reprise du classique de Woodie Guthrie « This land is your land ». Springsteen présente le morceau, sans citer ni le titre ni Guthrie. Silence glacial (alors qu’absolument tous les autres titres du shows sont couverts par les hurlements du public au début et à la fin). Version acoustique du titre. Personne ne réagit aux premiers vers. Timides chuchotements au début  du refrain. Fin du titre et applaudissements très très clairsemés. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut, mais il me semble qu’en France, où les trois-quarts de ses spectateurs ne comprennent pas les paroles, ils savent qui est Woody Guthrie et la filiation idéologique que représente Springsteen.
Et ce tas de skeuds ? T’en causeras un jour ? Enervez-vous pas, ça vient … Qui dit musique, dit musiciens. Et là, surprise … autant on sait que Springsteen bâcle pas le boulot en studio, que ses prestations live ravissent forcément les fans, autant un concert ou des bribes de shows différents accolées les unes aux autres comme c’est ici le cas, on est vite amené à se gratter l’occiput. Le son d’abord. Très correct, voire excellent, rien à dire, et l’on sait Springsteen particulièrement méticuleux de ce côté-là. Sauf que je subodore que tout a été remixé avec le fameux « Born in the USA  sound », à savoir claviers très présents et batterie très très en avant de Weinberg. Et là, comment dire, misère … Weinberg est un batteur d’une médiocrité étonnante, inattendue à ce niveau … et on n’entend que lui. Un autre qu’on est obligé d’entendre, c’est le « Big Man », le pote de base du Boss dans le groupe, Clarence Clemons. Qui ne joue pas du saxophone, mais souffle dedans, ce qui n’est pas exactement la même chose … Reste le cas Miami Steve Van Zandt. Auquel, plutôt que son look assez souvent consternant, on peut reprocher d’être un guitariste effacé, bon accompagnateur rythmique, mais manquant de « présence, d’attaque ». Pas un hasard si sur certaines tournées, Nils Lofgren, pourtant pas un guitar-hero au sens seventies du terme, vient renforcer le E-Street Band. Qui reste un gang soudé (les types jouent ensemble depuis des siècles), mais techniquement assez limité …
La grosse bonne surprise, elle vient de Springsteen … qui en tant que chanteur me laisse assez froid et sceptique en studio, où je trouve qu’il a souvent tendance à en faire trop, à « surchanter ». Là, dans le cadre de concerts de plus de trois heures, il peut pas se permettre de gueuler tout le temps, il faut tenir la distance, et donc y aller plus au feeling qu’au physique, suivre la mélodie et pas brailler. Les titres essentiellement acoustiques sont pour moi les meilleurs. « Thunder Road », juste piano guitare et voix en entrée est fabuleux, de même que le « Jersey girl » repris à Tom Waits qui conclue symétriquement le tracklisting. Et entre, tous les titres sur lesquels le E Street Band reste discret, (tous ceux issus de « Nebraska », plus « Racing in the streets », « Independence day », « I’m on fire », et mentions particulières à un excellent « My hometown » et un fantastique « No surrender »), surnagent nettement du reste.
Le reste, justement … il y a des classiques springsteeniens (je suis beau joueur, il en a quand même écrit queqlues uns) qui s’en sortent mieux que d’autres, comme «Hungry hearts » (grande chanson pop, une des rares du Boss dans ce domaine) ou « Born to run » pour moi à jamais son meilleur titre. A l’inverse, ça fait mal aux oreilles de voir successivement sabotés « Badlands » par une intro calamiteuse et des arrangements catastrophiques, « Because the night » par un solo de guitare affligeant, et sur la lancée « Candy’s room » malmenée par un E Street Band à la ramasse … Curieusement, alors qu’avec quarante titre son répertoire est largement balayé, on n’a pas droit à « Glory days », un de ses plus gros succès en simple et ... et ces sagouins ils ont aussi oublié « Jungleland », faut pas déconner, « Jungleland » quand même ...
On a par contre droit à tous ces twists étriqués et ces rocks centristes plus ou moins entraînants, tous ces « Paradise by the C », « Cadillac ranch », « You can look … », « Darlington County », « Working on the highway », mais qui manquent tellement de substance, de tripes, d’adrénaline … et j’aurais préféré que sur un « Rosalita » de dix minutes, au lieu de la présentation interminable du Band, on ait droit à un medley de classiques rock’n’roll ou de Mitch Ryder, comme en contenaient parfois certaines versions live de ce titre …
Ce « Live 1975 / 85 », c’est un peu une version DeLuxe d’un « Greatest hits live ». Et du côté des fans, on a pu lire plus souvent que prévu des réserves ou de la déception par rapport à ce pavé. Et quand on cause grands disques en public, peu de téméraires se hasardent à le citer. L’occasion était bonne, Springsteen était au sommet de sa popularité, encore plus au sommet au niveau artistique (il n’a pas sorti depuis cette date un disque qu’on puisse qualifier de majeur). Mais bon, là, pour le coup, c’est un peu trop … un truc beaucoup plus concis aurait certainement eu une autre allure ...

Du même sur ce blog :
Born To Run
Darkness On The Edge Of Town
Nebraska

 

THE EVERLY BROTHERS - EB 84 (1984)


Brothers in arms ...

Fin des années 50, début des années 60, Don et Phil Everly étaient des stars aux States. Deux voix célestes qui chantaient à l’unisson. Vocalement, Beatles et Beach Boys leur doivent beaucoup, Simon & Garfunkel leur doivent tout, pour ne citer que les plus célèbres et les plus évidents …
Et puis, comme ça arrive à tous, le sweet smell of success a fini par les fuir jusqu’à ce que les deux frangins s’embrouillent et se brouillent à mort au début des seventies. Le temps passant et l’acharnement de quelques fans (anglais principalement) à recoudre les plaies les feront se rabibocher. Et en 1983, les deux frères réconciliés donneront leur « Reunion concert » dans le cadre du prestigieux Albert Hall de Londres. Un tour de chant magique où les deux voix toujours intactes revisitent classiques de leur répertoire et classiques des 50’s tout court …
Et tant qu’à faire, le sorcier des manettes, l’ambulance des héros cabossés du vintage, le sieur Dave Edmunds va les traîner en studio pour donner une suite au « Reunion concert ». Et alors que toutes les vieilles gloires sont dans le meilleur des cas soit passables et le plus souvent pathétiques dans ces reformations nostalgiques, les frangins Everly ont sorti un bon disque. Qui certes ne fera pas oublier un de leurs bons « Best of ». Mais qui a obtenu beaucoup de louanges justifiées à sa sortie. Et qui pour un disque paru dans ces maudites années 80 au son si daté aujourd’hui, a plus que bien résisté à l’épreuve du temps. Bon, c’était pas un disque « à la mode » lors de sa sortie, ceci explique sans doute cela.
Parce que les briscards réunis par Edmunds, des vieux de la vieille biberonnés au classic rock, allaient pas se vautrer dans les empilages de synthés analogiques alors de mise. Même si des claviers high tech, il y en a, mais ils sont là pour accompagner, pas pour occuper le cœur de l’espace sonore. Le rappel des fans a été battu. Sir Paul McCartney a offert un de ses plus beaux titres des quarante dernières années, ça s’appelle « On the wings of a nightingale », c’est une sucrerie pop comme lui seul sait les écrire, et ça ouvre le disque. Le sieur Jeff Lynne (un des dix « cinquième Beatles ») a mis dans la corbeille « The story of me », c’est une ballade un peu gluante, mais Don et Phil la sauvent de la noyade dans la soupe. La bluette de Dylan et Johnny Cash sur « Nashville skyline » (« Lay Lady Lay ») subit un traitement bien poppisant et  retrouve une seconde jeunesse.
Tout n’est pas stratosphérique dans ce disque. Don Everly a même composé quelques titres que l’on est bien obligés de qualifier de remplissage avec par exemple un « You make it seem so easy », sorte de reggae qui laisse assez dubitatif, les deux frangins étant faits pour les rythmes jamaïcains comme David Douillet l’est pour la lecture de Kant … « Asleep » qui clôt le disque, c’est un peu la ballade de trop (même si l’ensemble ne dépasse guère la demi-heure), d’autres sont plus réussies (« The first on line »). Sinon on alterne gentiment titres lents (pas les meilleurs) et titres plus enlevés (le bon pop-rock de « Danger danger », le mignon rockabilly « I’m takin’ my time »).
« EB 84 » n’était de toutes façons pas fait pour disputer le sommet des hit-parades à Michael Jackson ou Bruce Springsteen. C’était l’œuvre d’un groupe de fans (remarquable - comme presque toujours - Albert Lee à la guitare) qui « payaient leurs dettes » à un couple de vieilles gloires (bon, c’était pas des croulants non plus, ils avaient pas cinquante ans) qui les avait fait rêver. Le résultat aurait pu être juste passable, le talent vocal intact des deux frangins emporte quand même l’adhésion …
Et puis, vous en connaissez beaucoup, au bout de trente années passées dans le pop-rock-machin-tout-ce-que-vous-voulez, capables de sortir un disque correct ?  … Parlez pas tous en même temps …

Des mêmes sur ce blog :
The Definitive Everly Brothers 

THE CARS - HEARTBEAT CITY (1984)


Dans ma Benz, Benz, Benz ...

Les Cars sont un groupe américain de Boston, et pas de Detroit comme certains analphabètes musicaux sévissant sur Net peuvent l'écrire (au passage, c'est dommage, ça aurait fait une bonne vanne, les Cars de Detroit) totalement atypique, qu’une fainéantise temporelle de certains encyclopédistes du binaire (ils ont commencé à faire parler d’eux vers 76-77) a rattaché à la vague punk, alors qu’ils ont beaucoup plus à voir avec le rock FM ou la new wave tendance synthé-pop anglaise.
« Heartbeat City » est le dernier disque de la formation « historique » des Cars (avant la séparation, les projets parallèles, les carrières solo, et la reformation des lustres plus tard), celui qui a eu le plus de succès. Un disque qui s’est trouvé au bon endroit au bon moment et a profité de la conjonction de talents (ceux internes au groupe, celui de « Mutt » Lange), et d’un timing favorable imprévu (les Cars ont été boostés par l’arrivée de MTV, et leurs clips malins sont passés en heavy rotation sur la toute nouvelle et omnipotente chaîne musicale).
Les Cars sont un faux groupe de variété, qui peut s’appuyer sur un trident majeur, Ric Ocasek (composition, guitare et chant), son pote Ben Orr (parfois également auteur et chant lead) et Greg Hawkes (sorcier des synthés). Les premiers albums, pleins de guitares, d’arrangements de synthés, de jolies mélodies et de chœurs alambiqués, leur ont déjà valu de jolis succès aux States. Rien cependant à côté de la déferlante « Hearbeat City ». Là, ils vont carrément chasser sur les mêmes terres que Foreigner, Toto, la Benatar, Van Halen, …, sortir des mélodies de derrière les fagots, qui s’appuient sur des riffs de guitare d’une fulgurance et d’une évidence peu communes. Faut dire que de ce côté ils ont mis le paquet, en recrutant le producteur sud-africain Robert John « Mutt » Lange. Qui a un sacré pedigree, « Highway to hell » et « Back in black » d’AC/DC, le « 4 » de Foreigner, « Pyromania » de Def Leppard. Lange est le maître des guitares hard qui passent en boucle à la radio.
« Heartbeat City » n’est pas un album, c’est une collection de titres appelés à devenir des hits. Six (sur dix, ça fait une sacrée moyenne) se hisseront vers le haut des charts.
Aujourd’hui, que reste t-il de tout ceci ? Un son tellement parfait et représentatif de son époque qu’il a quand même assez mal vieilli (ces funestes synthés très années 80) et prête à sourire, voire peut occasionner des rejets catégoriques chez certains plus les années passent. D’un autre côté, il y a dans « Heartbeat City » quelques riffs inoubliables (« Magic », « It’s not the night »), des compositions malines d’une structure tellement classique qu’elles en sont devenues intemporelles et n’ont pas pris une ride, une alternance de guitares hardos et de ballades faussement sucrées, les textes d’Ocasek sont assez vicieux, témoin « Drive » (… par les Cars, joke tordue) qui n’est pas une ode aux joies du bitume, mais raconte la tristesse et les idées noires d’un type largué par sa femme …
Les Cars, c’est du second degré tellement bien fait que ça peut paraître du premier (je sais pas si je me fais bien comprendre, là), ça a un côté malsain qui se planque derrière un aspect totalement inoffensif … La discographie entière du groupe est un exercice de style faussement naïf. A preuve la carrière hors Cars du leader Ric Ocasek, responsable d’un inaugural disque solo sombre et froid (« Beatitude »), pote du Presley radioactif Alan Vega (c’est Ocasek qui a produit le second disque de Suicide, et il a été très recherché dans cet exercice dans les années 80-90 par des gens qui faisaient pas vraiment dans la soupe FM, genre Bad Brains, D Generation, Bad Religion, …).

Des mêmes sur ce blog :
The Cars


THE GUN CLUB - MIAMI (1982)


Racines hantées ...

Le Gun Club, c’est tellement invraisemblable, toute l’histoire, et surtout les débuts du groupe, ça tient de la mythologie du binaire. Au départ c’est une histoire de fans, et même de fan-clubs. Le Gun Club fut fondé par le président du fan-club des Ramones, Kid Congo (Powers),  et par celui du fan-club de Blondie, Jeffrey Lee Pierce. Bizarrement, le Gun Club (nom choisi parce que lors de son arrivée à Los Angeles, Pierce avait été surpris du foisonnement de ces clubs d’entraînement au maniement des armes, vivier intarissable de sympathisants de la sinistre NRA, d’électeurs républicains, et d’apprentis serial-killers dans les centres commerciaux, les églises ou les écoles – fin de la parenthèse), n’a que peu à voir avec Blondie ou les Ramones.
The Gun Club 1982
C’est avant tout un groupe nostalgique, composé d’éboueurs sonores, passant leur vie à fouiller dans les poubelles du blues, de la country, du rock’n’roll, … afin d’y dénicher quelques pépites un peu bizarres, faites par des gens un peu cinglés, tout cela constituant les alluvions qui vont servir à sédimenter le son du Gun Club.
En se focalisant sur l’aspect sordide, noirâtre, de cette musique. Ceux qui suivent sont en train de hurler le nom des Cramps. Oui, mes petits chéris, mais les Cramps s’arrêtaient au côté rockab et ’n’roll et pour Lux et Ivy tout disque paru après 1960 était suspect de modernité trop mise en avant. Et dans leur genre, les Cramps étaient les meilleurs. Le Gun Club lui ratisse plus large au niveau palette sonore, les deux groupes étant à leurs débuts rigoureusement indispensables.
« Miami » est un des meilleurs disques des 30 derniers siècles. Et pour accoucher d’un Cd comme ça, il faut être « différent ». Or Jeffrey Lee Pierce, le leader du Gun Club est « différent ». Il est hanté, possédé, envoûté par sa musique et cela s’entend. Et désormais, même si « Miami » n’est que le second disque du Gun Club, seul maître à bord (Kid Congo a quitté le groupe avant la parution de « Fire of love », l’également incontournable premier disque, pour aller rejoindre les « rivaux » des Cramps). Pierce est un auteur assez étonnant, remplissant ses titres d’un minimalisme épique. Pour faire simple, c’est de l’ultra basique, mais la puissance conférée à ces titres leur donne des allures de super production. Une super production pas en Technicolor scintillant, ici la palette explorée serait dans un nuancier de gris sombre et de noir. Tiens, puisqu’on parle de production, elle est signée Chris Stein, guiatariste et co-leader de Blondie (Debbie Harry apparaît dans les chœurs sur un titre), et c’est le couple Stein-Harry qui a permis au Gun Club d’être distribué par Chrysalis, et qui a mis quelques dollars dans la marmite pour que ce disque puisse voir le jour.
Jeffrey Lee Pierce
Ce disque, plus encore que le précédent du Club, a fait l’effet d’une bombe. Avec un Jeffey Lee Pierce en Adonis peroxydé et déglinguo, encore beau et tout juste un peu enveloppé, multipliant attitudes chamaniques et poses langoureuses sur scène. Récoltant au passage des comparaisons avec Jim Morrison et le Brando d’« Un tramway nommé Désir ». Des comparaisons qui seront longtemps valables, avant que les quantités industrielles de boissons pour hommes et de poudres blanches consommées par Pierce le fassent également s’épaissir physiquement. Et puisqu’on parlait de Désir (elle est pas grosse, la ficelle ?), on rappellera aux plus jeunes que Noir Désir a à peu près tout pompé sur le Gun Club, ce qu’ils ont d’ailleurs toujours reconnu, allant même jusqu’à faire un « Song for JLP » qui se passe de commentaires …
Il est question avec « Miami » d’exploration des racines de la musique populaire américaine : blues, country et leur progéniture illégitime, le rock’n’roll. Et dans sa démarche, ce disque se rapproche du « L.A. Woman » des Doors (vous ai-je déjà dit le parallèle qui avait été fait entre Pierce et Jimbo ? … c’était pour voir si tout le monde suivait). Jeffrey Lee Pierce part des des transes épileptiques au moindre prétexte, atteignant en intensité certaines prestations bien allumées d’Iggy Pop.
La reprise de « Run through the jungle » de Creedence (peut-être le plus grand groupe de rock’n’roll américain) est à la hauteur de l’original et le transcende par sa noirceur tragique et désespérée. Le lancinant « Texas serenade » et le « crampsien » « The fire of love », se détachent à peine d’un disque dense et compact qui est à aborder dans son intégralité, c’est une œuvre homogène, épaisse, lourde, parfois tragique et désespérée, et pas un assortiment de bric et de broc de titres mis les uns à la suite des autres pour arriver à garnir 40 minutes de plastique noir …
Les fans (peu nombreux, de quelque côté de l’Atlantique qu’on se situe) s’entêteront à trouver des œuvres majeures dans les disques qui suivront (pas beaucoup du Gun Club, quelques-uns de Pierce en solo, le compte est pas facile à faire, beaucoup de matériel étant plus ou moins « non officiel »). Les fans (par définition) ne sont pas lucides. La quintessence du Gun Club, le seul incontournable du groupe, c’est « Miami » …

THE BIRTHDAY PARTY - JUNKYARD (1982)


Fine party ...

Birthday Party, c’est le groupe de Nick Cave. Et de la plupart des futurs Bad Seeds. Un groupe de jeunesse donc. Assez hors-norme et terrifiant. En un mot extrémiste.
Avec ses potes, l’indéfectible Mick Harvey, Phil Calvert, Howard S. Howard, Tracy Pew, Nick Cave végète en Australie, pays-continent où succès d’AC/DC oblige, le hard-rock bluesy et sauvage écrase tout. Un genre qui n’est pas exactement la tasse de thé des Birthday Party, troupe punky d’amateurs de ce rock qu’on appelait « décadent » (le glam pour faire simple), et de leurs pères à tous, Lou Reed et Iggy Pop. Du premier, Cave retiendra l’aspect littéraire sombre et torturé des lyrics, du second un jeu de scène outrancier et apocalyptique.
Birthday Party 1982
Les Birthday Party (et la copine-muse de Cave Anita Lane) quitteront l’Australie pour l’Angleterre. Une Angleterre quelque peu fantasmée, qu’ils imaginent tout entière sous la coupe de groupes punks ou post-punk. Quand ils arrivent fin 80 à Londres, c’est pour s’apercevoir que Spandau Ballet, Human League et Orchestral Manœuvres sont en haut des charts, que leurs groupes punks fétiches ont pris du plomb dans l’aile ou n’existent plus et que la scène post-tout ce qu’on veut (rock, punk, …), a une audience famélique. Gros coup de blues pour les Birthday Party, qui vont se jeter à corps perdu dans la dope, et pousser au paroxysme un genre qui commence à sortir de l’underground, le rock dit « gothique », issu de la scène batcave. Un genre musical à la base austère et tourmenté, servi par des officiants tout de noir vêtus.
Birthday Party pousseront les curseurs nettement plus loin que la plupart des poseurs issus de ce mouvement. Les messes noires deviendront avec Birthday Party des cérémonies sabbatiques. S’appuyant sur une batterie plus percussive que rythmique, des guitares qui découpent la masse sonore façon scalpel, et un Cave possédé, hurlant, grondant, menaçant, jurant, … au chant. Des prestations dangereuses, voire choquantes, en tout cas très agressives…
Birthday Party est plus ou moins une démocratie dirigée par Cave, chacun apporte sa contribution. A l’écoute de ce disque, on a l’impression que c’est souvent en ordre dispersé, que les gens jouent leur truc sans trop s’occuper de ce que joue le voisin. D’où un son assez unique, hyper sauvage et déstructuré, sur lequel Cave vient déclamer et hurler ses histoires malsaines, glauques et tordues. Une performance d’allumé intégral, bien loin des ballades de crooner déglingo qui feront son succès, voire sa fortune, à partir du milieu des années 80. En d’autres termes, on ne risquait pas d’entendre dans un disque de Birthday Party des duos avec Kylie Kylie Minogue ou PJ Harvey …
Nick Cave dans une imitation d'Iggy Pop
Le disque, enrobé dans une pochette comics madmaxienne (que perso je trouve à chier), œuvre d’un dessinateur underground pote de Cave, renfermait à l’origine 10 titres. Dans l’édition Cd qui maintenant fait foi, on en trouve trois de supplémentaires, l’inaugural « Blast off » (qui porte bien son nom, et évoque effectivement un blast sonore, tout en syncope et hurlements), et nichés en fin de Cd, une version notablement différente de « Dead Joe » et le 45 T sorti en éclaireur « Release the bats », encore plus sauvage que les titres « officiels » et qui on s’en doute, n’a pas grimpé à la cime des hit-parades.
Le disque original est un gros pavé d’agression sonore, manifeste de déglingue rock’n’roll, textes noirs, musique crissante et crispante. Guère de nuances, tout au plus peut-on distinguer deux familles de titres, ceux à base d’incantations lancinantes (« She’s hit »,  « The dim locator », « Hamlet … », « 6’’ gold blade », « Junkyard »,…), et quelques agressions soniques citant des racines rockabilly ou rock’n’roll (« Dead Joe », « Big Jesus trash can », « Kiss me black », …). Le reste oscillant entre noir et sombre, boucan et bruit blanc au service de la prestation vocale théâtralisée de Nick Cave.
« Junkyard » n’est pas un disque « facile », cherche à marquer les esprits par son extrémisme, tente de définir une nouvelle frontière jusqu’auboutiste à la manière d’un « Fun house » ou d’un « Raw power », modèles évidents. L’accueil en Angleterre (et ailleurs) fut tellement enthousiaste (sourire) que des dissensions entre les musiciens entraînèrent la fin du groupe, et le départ de Nick Cave et de celui qui lui resta fidèle (Mick Harvey) vers Berlin, où là les choses seraient claires, exit le « groupe » et place à Nick Cave & The Bad Seeds …

JEAN-MICHEL JARRE - LES CONCERTS EN CHINE (1982)


Nuits de Chine, nuits câlines ?

Jarre, c’est un peu le Guetta du siècle dernier… le type qui fait de la musique électronique et que tout le monde connaît. Même s’il y a une nuance, et pas petite. L’un des deux est un musicien.
Même si perso, ce que je préfère de l’œuvre de Jarre, c’est les textes qu’il écrivait pour Christophe à l’époque des « Paradis perdus » et des « Mots bleus ». Et qu’il ait eu du succès avec sa musique électronique de supermarché n’est pas honteux, il était impliqué depuis des années tant dans l’avant-garde musicale que dans celle des technologies électroniques. Il sera en plus assez malin pour se différencier des autres sur le circuit pop-rock , s’orientant dès ses premiers succès vers des concerts événementiels devant des foules considérables plutôt que de banales tournées de promotion dans les salles de spectacle traditionnelles.
Et puis, fin 1981, il franchira encore un pas dans la célébrité en donnant cinq concerts dans la très rigide et fermée République Populaire de Chine. Générant une campagne de com assez irréelle, genre « le premier artiste à donner un concert de rock en Chine ». Bon, Jarre a autant à voir avec le rock qu’un Burger King avec la gastronomie, et les Chinois, déjà à l’époque pas plus cons que d’autres lorsqu’il s’agit de donner dans la dialectique de propagande faisaient preuve « d’ouverture » à bon marché.
En embauchant Jarre, ils risquaient pas une « yellow riot » à la Clash, ni le risque pour la population d’être subvertie par des paroles engagées, puisque Jarre, c’est uniquement instrumental. Ces concerts avaient été une grosse affaire, tractations diplomatiques interminables commencées sous Giscard et conclues sous Mitterand, et avaient tout de l’aventure totale. Les très rares journalistes français autorisés à couvrir l’événement faisant état de conditions techniques locales très précaires, d’encadrement militaire de l’équipe de la tournée et de la presse, d’un public trié sur le volet autour des incontournables dignitaires locaux du PC, lequel public n’était pas autorisé à se lever pendant le spectacle, et devant par des applaudissements polis et dosés au décibel près (des rumeurs faisaient état avant les concerts du public répétant ses applaudissements), destinés à marquer sa déférence pour l’artiste étranger invité, mais aussi sa distance pour cette forme de divertissement toute capitaliste et donc quelque part diabolique.
L’intérêt musical de ces deux Cds, compilation des cinq concerts donnés à Pékin et Shangaï est assez anecdotique, pour plusieurs raisons. Les concerts de Ian Missé Iarre (comme l’annonce la speakrine locale) sont des spectacles son et lumière dont la musique n’est qu’un des aspects, et donc le format DVD est à privilégier au support Cd (ce concert n’existe pas en DVD, ne pas le confondre avec ceux donnés en 2004). Les conditions techniques locales, avec leurs coupures de courant, leurs orages (non, les Chinois n’ont pas entonné « No rain, no rain » comme à Woodstock alors que des trombes d’eau tombaient sur Shangaï) ont fait que les pistes son ont été très largement remaniées en studio, certains titres étant paraît-il même entièrement refaits.
Reste le témoignage d’un événement pseudo-historique, très loin des choses pharaoniques que Jarre donnera par la suite (ils ne sont que quatre sur scène en Chine), passant en revue les titres les plus faciles et accessibles de son répertoire tirés essentiellement de « Equinoxe » et des « Chants magnétiques », intégrant des sonorités locales (« Jonques de pêcheurs au crépuscule »), taquinant des décollages floydiens (« Ouverture », « Souvenir de Chine »), la jouant un peu facilement « rétro » (« La dernière rumba »), singeant le rock à grand renfort de guitare-synthé et batteries Simmons (« Orient Express », finalement pas plus mauvais que ce que faisait Genesis à la même époque).
Les Chinois ont particulièrement apprécié, à tel point que Jarre s’est vu offrir par les autorités de Pékin ... un side-car.

JANE'S ADDICTION - NOTHING'S SHOCKING (1988)


Addictif

A sa sortie, ce disque est passé relativement inaperçu. Faut dire qu’il tombait assez mal. Dans le grand supermarché du rock, au rayon heavy, les Guns’n’Roses vendaient des disques par millions, écrasant toute velléité de concurrence. Même si Jane’s Addiction et les Gunners ne sont pas vraiment concurrents.
Certes ils viennent tous les deux de Los Angeles et du hard-rock des seventies, mais les similitudes s’arrêtent là. Ils deviendront même incompatibles parmi ceux qui les citent comme références. Autant les Guns ne sont finalement que le dernier stade de dégénérescence d’un show-biz à l’américaine ultra-prévisible, autant Jane’s Addiction va devenir, sans l’avoir vraiment cherché ou provoqué, le porte-drapeau de tous ceux qui veulent faire du rock fort en gueule, mais rejettent tout son côté strass et paillettes. Autant les premiers seront débinés par les tenants du tsunami grunge et du rock indie en général (qui ont oublié au passage que « Appetite for destruction » est un disque colossal), autant le groupe de Perry Farrell deviendra le symbole d’un rock dur intransigeant et intègre.
Un peu à leur corps défendant, ils n’avaient rien au départ de porte-drapeaux de quoi que ce soit. Il s’est toujours dégagé de ce groupe des vibrations malsaines, dérangeantes. Ils ont toujours fait se côtoyer des agressions frontales classiques, basiques, avec des titres plus sournois, plus retors, et ont toujours préféré le choc des mots et des photos au boucan des Marshall.
Jane’s Addiction, c’est pourtant nettement la famille hard. Mais la section rythmique s’éloigne souvent des sentiers battus et des chemins balisés du genre. Perry Farrell est un chanteur atypique, il n’a pas la voix des ténors chevelus qui ont fait la légende du rock lourd, et cultive un aspect physique androgyne loin des clichés machos de mise. Quant à Dave Navarro, c’est tout simplement le dernier guitar-hero, caractériel misanthrope et défoncé, débiné par beaucoup (et notamment les fans des souvent pénibles Red Hot Chili Peppers), mais qui laisse une trace définitive sur tous les titres … une sorte de Ritchie Blackmore version années 90 …
Tout ce côté atypique de Jane’s Addiction, on le découvre d’entrée. Alors que n’importe qui essaie avec le premier titre d’accrocher l’oreille de l’auditeur, on a ici un quasi instrumental tendu comme un string de bimbo, la voix de Farrell est filtrée, et Navarro se signale déjà à l’attention de ses contemporains par quelques descentes de manche tarabiscotées. Par la suite, ça s’arrange pour ceux qui aiment le boucan, « Ocean size » et « Had a Dad » (le premier zeppelinien en diable, le second heavy bien saignant), ont de quoi contenter le headbanger de base. Et de nouveau les Jane’s Addiction surprennent leur monde, embrayant sur le titre le plus long du disque, « Ted, just admit it … », sorte de planerie psyché et mystique, adressée à un serial-killer, avec un Farrell qui se pose en conscience des victimes. On est quand même assez loin des odes célébrant les gonzesses, les bagnoles et la picole de la plupart des concurrents.
Ce sont d’ailleurs ces digressions sonores, et ces écarts aux « fondamentaux » littéraires du hard qui font de Jane’s Addiction un groupe totalement à part dans son époque. Attention, ils ne font pas n’importe quoi pour autant (enfin, si, il y a un titre heureusement très court de swing jazz vers la fin), on sent bien qu’ils ont écouté et pas qu’une fois l’intégrale de Led Zeppelin, et à ce titre « Standing in the shower … » est le « Stairway du heaven » de ce disque, du moins par sa construction. Musicalement aussi, on s’éloigne des sentiers archi-battus du genre, un morceau comme « Janes says », tant par son titre que par son côté acoustique, faisant inévitablement penser au Velvet Underground. Une seule réserve, « Idiots rule », funk-rock (avec même des cuivres) à la Red Hot Chili Peppers n’est pas réellement convaincant.
Transgressif, Jane’s Addiction ne l’est pas seulement par son approche toute particulière du hard-rock, le groupe l’est aussi par des visuels glauques ou dérangeants, comme cette photo de pochette avec ses deux siamoises nues et en flammes, plus encore avec la peinture du suivant (Farrell en train de peloter deux femmes nues), le successful « Ritual de lo habitual ».
Le groupe sera somme toute éphémère, et aura une existence en pointillés avec épisodiquement des reformations (le dernière en date cette année ne semble pas faire l’unanimité). Il faut dire qu’entre-temps Farrell sera très occupé avec le festival indie, crossover et itinérant qu’il a monté (Lollapalooza), tandis que de son côté Navarro, entre disques solos inégaux et participations diverses (l’excellent « One hot minute », disque et tournée avec les RHCP, étant la plus connue et allez savoir pourquoi, également la plus controversée), fera beaucoup parler, pas toujours en bien …


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DEATH - FATE / THE BEST OF DEATH (1992)


Killed by Death

Aujourd’hui, jour des Morts, plutôt que le sempiternel vase de chrysanthèmes sur la tombe des aïeux, déposez sur le marbre cette compile de Death, c’est de circonstance … sait-on jamais, ça pourra peut-être les réveiller (les morts).
Amateurs d’ambient en général et de Brian Eno en particulier, passez votre chemin, cette rondelle n’est pas faite pour vos oreilles habituées à la musique d’aéroports. Ou alors la musique d’aéroports au décollage d’une escadrille d’Airbus. Parce que Death, comment dire … c’est bête comme chou (plus con que ce genre de musique, malgré les efforts louables de quelques-uns, y’a pas), mais ça déménage.
Les gentils à l’air tout méchant qui écoutent ce genre de choses avancent même que cette bande de chevelus floridiens seraient les pionniers du death metal (vu leur blaze, ça semble logique) et du grindcore (ah bon, moi à l’école on m’avait dit que le grindcore c’était Napalm Death). Foin de ces considérations paléontologiques …
L’âme (morte ? comme dirait Gogol, non pas celui de La Horde, le Russe, l’écrivain) du band, c’est un certain Chuck Schuldiner, guitariste, chanteur, auteur ou co-auteur de tous les titres, et même responsable (c’est le mot) du logo du groupe. Le genre de gars qui a du écouter les 33T de Black Sabbath en 78T et qui a essayé de faire pareil. Ça joue vite, très vite (trop vite, d’ailleurs, ils sont obligés de faire des breaks, pour que le batteur ait le temps de se reposer les avant-bras), ça chante ( ? ) avec la voix d’un type en train de se faire étrangler, et les textes sanguinolents sont pas inspirés par la Comtesse de Ségur (« Zombie ritual », « Suicide machine », « Baptized in blood », « Left to die »).
Bizarrement, on trouve plein de guitares surf au milieu du baston sonique, et puis, horreur malheur, quand ils ont commencé à devenir « techniques », des ponts venus en droite ligne des funestes Yes (flagrant sur « Suicide machine »), ou des repiquages de riffs de hard FM (celui de « Eye of the tyger » à la fin de « Baptized in blood »).
Apparus sur la mauvaise côte américaine (ce sont les trashers de la Bay Area californienne qui allaient toucher le jackpot), la notoriété toute relative de Death a eu du mal à s’exporter, le groupe s’engluant dans des changements incessants de personnel, et la mort de Schuldiner il y a une dizaine d’années mettant un terme à l’aventure. 

NEW ORDER - SUBSTANCE (1987)


Je dirais en substance ceci ...

Que presque deux heures et demie pour un Best of des cinq premières années du groupe, c’est juste … un peu beaucoup. L’on me dira que les cinq premières années du groupe sont les meilleures et l’on aura raison. L’on me rétorquera aussi qu’il s’agit là de documents sonores essentiels, puisque la plupart des choses présentes sur ces deux rondelles ne figurent pas sur les albums officiels du groupe. Oui, mais voilà, New Order est-il un groupe essentiel ? A mon humble avis, …
J’en sais rien, et de toutes façons, je m’en tape de New Order. Ces types-là, personne aurait misé un kopeck sur eux. Charisme d’endives blettes, joyeux comme un discours de Jean-Marc Ayrault. Et ceux qui avaient suivi (ils avaient pas perdu trop de temps, l’aventure avait été brève) Joy Division, savaient que Summer, Hook et Morris, n’étaient que des comparse sans intérêt. Joy Div, c’était les nerfs à fleur de peau de Curtis,  le son d’Hannet et la débrouille de Wilson. Point barre …
D’ailleurs New Order n’en a pas rajouté sur la « filiation », se contentant juste de s’approprier à leurs débuts quelques titres non finalisés de Joy Div comme « Ceremony », leur premier single qui ouvre cette compile (et même si maintenant ils ne se privent pas, en bons rentiers de la chose pop, de reprendre du Joy Div au rappel, si j’en crois le live report d’un de leurs fans marseillais). Et bizarrement, New Order, qui s’est très vite tourné vers un genre passablement encombré et encombrant (l’electro-pop), a réussi à traverser les décennies sans que l’évocation de son nom provoque quolibets et franche hilarité (quoique …).
Et dans ce genre-là, des gens comme Depeche Mode ou les Pet Shop Boys sont infiniment plus talentueux, Bronski Beat ou les Communards beaucoup plus concernés, et Frankie Goes to Hollywood et Culture Club nettement plus rigolos. Mais aucun de ceux-là ne s’est trouvé dans l’œil du cyclone. Les New Order si. Plus ou moins accidentellement d’ailleurs, ayant investi leurs royalties dans la co-propriété d’un club, l’Hacienda à Manchester, duquel allait à peu près surgir tout le rock indie anglais des 90’s. New Order ont laissé traîner les oreilles, et fait leurs tous les sons des white labels que l’élite des DJ’s mondiaux poussait sur les platines de l’Hacienda …
Avec plus ou moins de bonheur, cette compilation est là pour le rappeler. Passons sur le second Cd, qui contient les faces B des singles ou maxis du premier. Chacun sait qu’une face B de 45T n’a aucun intérêt (tout le monde peut sortir un double blanc – la preuve – mais pas un single « Penny Lane » / « Strawberry fields forever », la preuve ici aussi). Passons aussi sur les claviers à un doigt de la transparente Gillian Gilbert. Passons sur le pénible Hook et ses tentatives de revival du bass-hero, comme si ça n’avait pas suffi avec les funestes Jack Bruce, Chris Squire et Jannick Top. A titre perso, je passe aussi sur « Blue Monday », un titre que j’ai toujours trouvé pénible (c’est le maxi anglais le plus vendu de tous les temps, en France c’est celui de Début de Soirée, cherchez pas l’erreur, y’en a pas …), et je zappe le final du premier Cd (à partir du grossier « Subculture ») …
Reste une demi-douzaine de titres qui, il faut le reconnaître sont meilleurs que ceux d’OMD ou Human League. Qui nous montrent l’évolution de New Order, de la new wave martiale de « Ceremony » à la pop discoïde de « Perfect kiss ». Et même si je sais bien que c’est pas dans l’«esprit » du groupe, qui raisonnait en termes de singles beaucoup plus que d’albums, plutôt que ce pavé de « Substance », je conseillerais bien volontiers la réédition 2008 de « Power, corruption & lies », qui avec ses nombreux bonus, est pour moi d’assez loin le disque de New Order le plus intéressant…

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Power, Corruption & Lies

GOGOL - LE RETOUR DE LA HORDE (1986)


Un peu de poésie ...

S’il y a bien un retour que pas grand-monde attendait, ou au choix, dont tout le monde se foutait, c’est bien celui du Sire Gogol Ier et de sa Horde. Gogol (Jacques Dezandre pour l’état-civil) n’a jamais vraiment mobilisé les foules derrière son auguste personne et sa musique. La musique, c’est du primaire, peu ou prou un gros bordel punky. Le personnage suscitait au début des années 80 des réactions diverses, entretenues par des shows destroy, porno-scato et provocateurs. Gogol Ier ne laissait pas indifférent, mais était loin de faire l’unanimité, surtout si l’on ne dépassait pas l’approche au premier degré… Auto-proclamé gourou-pape de son propre culte, Gogol se présentait sur scène en soutane, portée comme les Ecossais portent le kilt, offrant donc à ses fidèles ouailles la contemplation de sa virilité…
Gogol et la Horde, c’est pas vraiment l’imagination élégante au pouvoir, c’est violent, vulgaire, bête et méchant. Dans le style Hara-Kiri – Charlie Hebdo, version binaire. Farouchement indépendant, forcément loin de tout « pacte » avec une major, à tel point que les disques de Gogol ne sont aujourd’hui trouvables (tout de même au prix fort) que sur le site du groupe, et témoignent d’une « carrière » en pointillés mais qui semble t-il perdure encore.
Ce « Retour de la Horde » comme son nom l’indique succédait à une période plutôt silencieuse au début des années 80. Le titre éponyme est une introduction martiale à grosses guitares tendance Hendrix (à la place du « Star spangled banner », il y a quelques notes saturées de « La Marseillaise »). On « pénètre » dans le vif du sujet (hum …) avec « Voilà des paroles faciles à comprendre », porte d'entrée sur fond de punk-rock primaire à chœurs hooliganesques, à l’univers tout en rimes riches de Gogol.
Ensuite, ça part un peu dans tous les sens, on quitte souvent le domaine musical pour de courts spoken words tout en délicatesse, « Je pisse » et son bruit de bidet final, « Dernière prière du soir » imprécation de prêtre pédophile, le confus règlement de compte « Vengeance anonyme ». Musicalement, ça casse pas toujours des briques (« Je bois et je suis le Roi » rock lent et lourd plutôt commun, « Moi » pénible electro-punk comme en faisait le B.A.D. de Mick Jones ), il y a vers le final un parti pris de punk crétin, « On se calme », ou « Mais qui va nous faire marrer » en hommage à Coluche fraîchement encamionné. En gros, Gogol délire bien, et se fout totalement de ce qu’on peut bien en penser.
Parfois ce délire égomaniaque frappe juste et fort, comme le rageur « J’encule » sur fond de piano-bar Rive Gauche ou encore le disco-punk pétainiste « Travail Famille Patrie » qui aurait été encore plus amusant s’il avait réussi à faire un hit.
Evidemment, tous les moralisateurs (ou les mélomanes) qui prennent tout çà au premier degré vont être offusqués par tant de vulgarité. Les autres souriront souvent devant cette rabelaisienne crétinerie, qui s’avèrera sans limite quand Gogol, à l’instar de Coluche annoncera sa candidature à une élection présidentielle (en 1988 il me semble). Il n’ira pas plus loin que la déclaration d’intention …
Bonne vanne pour la pochette qui pastiche la première page du Libé de l’époque avec édito de « Philippe Grandes Manœuvres » que Gogol n’a pas vraiment l’air d’apprécier …