Affichage des articles dont le libellé est Années 2000. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Années 2000. Afficher tous les articles

ALEJANDRO GONZALES INARRITU - 21 GRAMMES (2004)


Talents à la tonne ...

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer son titre, « 21 grammes » n’est pas un film léger. C’est un film très noir, très sombre. « 21 grammes », selon l’accroche de la bande-annonce, c’est le poids que nous perdons tous à l’instant précis de notre mort. Et donc c’est bien évidemment la mort qui est au centre du film. Mais pas seulement.
Watts & Inarritu
Le scénario est superbe. Paul (Sean Penn), enseignant supérieur est dans une situation physique désespérée et son couple bat de l’aile. Seule une transplantation cardiaque peut le sauver. Jack (Benicio Del Toro), petit délinquant multirécidiviste, veut s’en sortir, en s’appuyant sur une foi et un mysticisme exacerbés. Christine, ex alcoolo et junkie, s’est sortie de ses addictions en fondant une famille avec un mari architecte et deux fillettes. Le destin va faire se rencontrer ces trois personnages qui ne se connaissent pas, et va les entraîner dans une terrible spirale.
Derrière la caméra, un quasi-débutant, le Mexicain Alejandro Gonzales Inarritu. Mais dont le premier film, l’extraordinaire « Amours chiennes » a suffisamment fait parler de lui, pour que les producteurs hollywoodiens lui confient un gros budget pour « 21 grammes ». Un bon scénario, un bon réalisateur, de bons acteurs, ça peut faire un bon film. « 21 grammes » a quelque chose en plus. C’est un film qu’on ne regarde pas distraitement. Un chef-d’œuvre de montage fait qu’il nécessite toute notre attention pour comprendre quelque chose. A titre d’exemple, la première scène est chronologiquement l’avant-dernière, et seule la dernière est vraiment à sa place. Durant la première demi-heure, on navigue dans le temps et l’espace autour des trois personnages principaux, au mépris de toute chronologie. Et puis, à partir de là, quand on a fini par saisir tous les tenants et aboutissants de l’histoire, on reconstitue tout le puzzle, aidé aussi par un récit qui devient « normal ». Enfin, presque, car sont menées en parallèle les histoires des protagonistes avant et après l’accident.
Del Toro
L’accident ? Oui, car comme dans « Amours chiennes », c’est un accident de voiture qui va nouer l’intrigue. Et dès lors comme dans les tragédies raciniennes ou cornéliennes, c’est le déterminisme des personnages qui va inexorablement guider leurs vies et leurs choix. Responsable de l’accident : Jack. Victimes : le mari et les deux filles de Christine. « Bénéficiaire » : Paul, qui y trouve un cœur pour sa transplantation.
Fondamentalement, et d’après Inarritu dans les (maigres) bonus du Dvd, « 21 grammes » est un film sur le pardon et la rédemption. Pas un hasard si c’est le personnage de Jack qui est le plus marquant, personnage rehaussé par une prestation hallucinante de Benicio Del Toro. Le seul des trois protagonistes principaux, d’une détermination mystique sans limite, et qui ne va pas varier d’un iota, malgré le monde qui se dérobe sous ses pieds après l’accident et dont la vie ne sera plus dès lors que quête de la rédemption. Cette quête du pardon, Jack et Christine (Penn et Watts également à leur meilleur niveau, le premier ayant suggéré la seconde à Inarritu) vont s’y trouver confrontés. Paul, parfait égoïste (notamment avec sa femme, bon second rôle pour Charlotte Gainsbourg), qui fait passer ses envies et ses quêtes au mépris des cataclysmes qu’ils peuvent engendrer va pourtant hésiter lorsqu’il se retrouve flingue au poing face à Jack. La plus ambiguë face à cette notion de pardon et de rédemption, c’est Christine, qui replonge dans la came, ne porte pas plainte après l’accident mais veut ensuite se venger, passe par des sentiments contradictoires vis-à-vis de Paul, et est perpétuellement déchirée entre faiblesses et déterminations.
Penn
Les personnages d’Inarritu ne sont pas des héros,  ce sont des gens « normaux »,  des gens auxquels on peut s’identifier, plutôt banals, même. Ils sont filmés crûment, souvent en gros plan et en lumière naturelle (ou alors c’est bien imité) dans leur milieu parfois sordide. Naomi Watts joue sans maquillage (ou alors là aussi, c’est plus que bien fait) et n’a rien de glamour avec ses survets informes …
Il y a dans « 21 grammes » des scènes très dures, sans aucune outrance « hollywoodienne », reposant entièrement sur le jeu des acteurs face aux événements que leurs personnages affrontent, avec mentions particulières à la scène de l’hôpital où se rend Christine après l’accident, à celles de Jack en prison ou lorsqu’il scarifie ses tatouages religieux devant le Dieu qui l’abandonne et qu’il veut abandonner …
Il n’y a dans « 21 grammes » rien de superflu, tous les personnages secondaires (notamment les enfants de Christine et Jack, quatre mini-comédiens très bien utilisés) et les intrigues mineures sont juste là pour permettre de cerner au plus près les rôles principaux et comprendre leurs réactions. Avec ce film, similaire par bien des points au « Amours chiennes » (trois personnages centraux, l’accident de voiture au cœur de l’histoire, le montage oubliant la chronologie), Inarritu confirme ô combien tous les espoirs (et les dollars) placés en lui, impose un style, une vision narrative de ses histoires, assez rare dans le milieu du cinéma actuel, et en tous cas assez unique et originale.
Autant d’éléments qui tourneront quelque peu au procédé sur le suivant (« Babel »), plus « facile », plus « grand public », qui sera juste un bon film … assez loin de ce « 21 grammes » qui risque fort d’être un chef-d’œuvre difficile à dépasser …
A noter que dans la musique, dûe à Joao Santaolalla, les synthés ont des sonorités proches de la guitare de Neil Young sur la B.O. du « Dead Man » de Jarmusch, autre grand film mystique sur la mort ...

Du même sur ce blog :


PEDRO ALMODOVAR - PARLE AVEC ELLE (2002)


La poésie selon Almodovar ...

« Parle avec elle » est un des films les plus subtils (le plus subtil ?) d’Almodovar. Un de ses plus basiques aussi. Un mélo de derrière les fagots, traité quasiment de façon « académique ».
Sauf un interlude en noir et blanc, film dans le film qui a fait débat, hommage au cinéma muet et aussi à « L’homme qui rétrécit » de Jack Arnold, avec notamment une scène qui voit un homme de quelques centimètres se glisser dans le sexe d’une femme. C’est pas choquant, de toutes façons mon degré de blasitude est tel qu’il en faut plus que çà pour m’émouvoir, c’est juste à mon sens un gros hors-sujet par rapport à l’histoire, et ça montre que c’est un fantasme récurent chez Almodovar (le plongeur-jouet qui explore l’entrejambe de Victoria Abril dans « Attache-moi »). Côté récurent et également hors-sujet par rapport à l’intrigue, un dialogue sur les curés (« si ce ne sont pas des violeurs, ce sont des pédophiles »), témoin d’une rancune-haine tenace que voue Almodovar au clergé, et qui trouvera son développement dans sa pelloche suivante « La mauvaise éducation ».
Les deux "couples" : Benigno & Alicia, Marco & Lydia
Pour le reste, ce film fut une bonne surprise pour beaucoup, Almodovar alignant à l’écran des personnages « vrais », qui ne surjouent pas (ce qu’il a souvent tendance à demander à ses acteurs), au service d’une histoire étonnante. Le choix du sujet est difficile, tout tourne autour de deux femmes qui à la suite d’accidents sont dans un état végétatif irréversible dans une clinique. Les deux personnages principaux sont deux hommes, l’un, Benigno est infirmier, l’autre, Marco est le compagnon d’une des deux femmes. La situation  est traitée avec beaucoup de justesse, en évitant tout misérabilisme lacrymal. En gros, c’est un film, pas un rallye télévisé genre Téléthon. Et quand par la suite, il sera question de viol sur une des deux femmes, là aussi, le ton adopté sera juste, en ne cherchant pas à jouer sur la facilité de gros effets provocateurs, et évitant d’instaurer l’atmosphère scabreuse dans laquelle beaucoup auraient fait sombrer leur histoire.
De nombreux flash-back, signalés par des intertitres à l’écran, nous montrent comment ces quatre personnages en sont arrivés là, et comment leurs destins vont se retrouver liés. Le personnage central, c’est Benigno, joué par un acteur peu connu, Javier Camara, venu du théâtre. D’ailleurs, les trois autres rôles principaux sont également tenus par des quasi-inconnus du grand public (Dario Grandinetti, Leonor Watling et Rosario Flores). C’est Benigno, infirmier a priori remarquable, mais personnage complexe, qui porte sur ses épaules tout le poids d’une existence secrète et renfermée. On pourrait craindre l’analyse psychologique tarabiscotée et plombante, mais Almodovar en montre ou en suggère juste assez pour que l’on puisse cerner le personnage, et « comprendre » ses actes.
En face de lui, les autres rôles sont sinon plus stéréotypés, du moins pas autant fouillés. Lydia, la femme torero détruite par son orgueil macho, son copain Marco, journaliste globe-trotter qui ne comprend pas que de toutes façons il allait la perdre, et Alicia, la danseuse fille de bonne famille. Il n’était pas utile de s’appesantir sur leur caractère, ils subissent tous plus ou moins (et les femmes par la force des choses, passant l’essentiel du film dans le coma) leur situation.
Evidemment, on peut à la fin se dire que cette histoire est trop folle pour être accrocheuse, beaucoup d’éléments du scénario apparaissant totalement invraisemblables. Mais Almodovar n’a pas voulu faire du Dickens ou du Zola revisité par Freud. Ce film n’est pas un fait divers sordide, c’est un long poème. Une poésie déconstruite et ce n’est pas un hasard que le film s’ouvre et se ferme sur deux extraits de ballet mis en scène par Pina Bausch, qui traite la danse comme Almodovar traite la poésie, en rompant pas mal de codes. C’est aussi une réflexion sur l’amour  qui peut faire perdre la raison. L’intrigue par son évolution est dérangeante, glauque, mais Almodovar a rendu une copie qui n’est pas oppressante, il se dégage une humanité, une empathie pour tous les personnages.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux …

A noter que ce film récent n’est pas disponible en Blu-Ray et que la version DVD est ultra-basique (quasiment aucun bonus). 

RYAN ADAMS - HEARTBREAKER (2000)


Suicide ...

Ryan (ne pas confondre avec Bryan, le Canadien vérolé et ses infâmes ballades FM) Adams était à la fin du siècle dernier un des noms promis à un bel avenir. D’indéniables talents d’auteur, jugés mal exploités dans un groupe de country alternative (Whiskeytown) réservé aux initiés.
Et quand il annonça son départ du Whiskeytown et le début d’une carrière solo, les rotatives s’emballèrent, et les rumeurs de disques merveilleux à venir se répandirent. « Heartbreaker », paru en 2000, est le premier d’une copieuse discographie solo d’Adams. Et là tout le monde (enfin ceux qui sont censés acheter les disques, vous et moi, quoi) déchanta.
Quoi, ce type, au lieu de caresser l’auditeur potentiel dans le sens du poil, de faire un joli disque d’americana à la Springsteen-Petty-Seger-etc …, balançait un truc rêche et austère. Tiens et puisqu’on parlait de Springsteen, « Heartbreaker », c’est un peu à Adams ce qu’est le « Nebraska » au prétendu Boss. Le genre de disques qui plomberait même une veillée funèbre… attention, j’ai pas dit qu’il était mauvais, d’ailleurs « Nebraska » est pour moi au moins dans le tiercé de tête du gars du New Jersey. Mais bon, pour lancer une carrière sur les chapeaux de roue avec passages radio, clips joyeux et tout plein colorés en heavy rotation, c’est pas vraiment l’idéal …
L’explication, y’en a une, vient du fait qu’Adams venait de se faire larguer par sa meuf (prénommée Amy, un titre porte son prénom), et que vite fait bien fait, il a torché ce disque tout plein de ses idées noires, de ses rancœurs, de son blues d’amoureux éconduit …
« Heartbreaker » n’est pas un disque acoustique, mais c’est tout comme. L’instrumentation est souvent minimale, et dans tous les cas toujours très discrète, on accompagne, on suit la mélodie, on cherche pas à se faire remarquer … En résultent quelques titres quand même bien plombants et austères (« Cal me on the way back home », « To the one », « Don’t ask for the water », …), que n’arrivent pas contrebalancer deux ruades électriques, « To be young » (imitation de Dylan circa 66 ?) et « Shakedown on 9th Street », rockabilly mutant et rageur. Le reste est du country-rock traînard de bon aloi, entendez par là, bien fait, pleurnichard mais pas gnan-gnan.
Parce que le sieur Adams sait écrire, c’est sûr. Tous les titres, quel que soit l’enrobage, sont assemblés à partir de mélodies first class, et bien que guère « bruyants », ont recours à tous les instruments du genre (guitares de toutes sortes, piano, Hammond, …) qui moulinent sobrement au fond du mix. Et quand par hasard la voix d’ange d’Emmylou Harris vient contrechanter sur un « Oh my sweet Carolina », c’est tout simplement magique, et on en arriverait à confondre Ryan Adams avec Gram Parsons …
Evidemment, pareille chose n’a pas affolé les compteurs des chiffres de vente, des disques comme celui-là, il en sortait à la pelle depuis une quarantaine d’années. Le résultat est dans la « ligne du parti », même si perce en filigrane des talents d’auteur et de mélodiste bien au-dessus de la moyenne. Le suivant « Gold », sera plus énergique, plus « consensuel », et sera la meilleure vente de Ryan Adams. Sa propension pour la dive bouteille et autres substances moins licites feront de son auteur un artiste assez ingérable commercialement parlant qui devra se contenter selon la formule consacrée de « succès d’estime » …

FATIH AKIN - HEAD-ON (2004)


Dans ta face ...

« Head-on » (« Gegen die wand » en V.O.), c’est le film de la consécration pour Fatih Akin, tout juste la trentaine quand il le réalise. Akin est allemand et d’origine turque, et ses racines turques sont omniprésentes dans son cinéma, la plupart de ses films voyant d’ailleurs leurs scènes finales tournées en Turquie, après une histoire qui a débuté en Allemagne. Ce qui est tout sauf un hasard scénaristique, ses personnages, souvent immigrés ou descendants d’immigrés turcs à fleur de peau, allant se « ressourcer », se « retrouver » dans le pays de leurs ancêtres.
Fatih Akin
Akin est un cinéaste « classique » (pas de montage saccadé genre vidéo-clip), fan et connaisseur de rock (pour son personnage principal, quand il le décrit dans les bonus, il cite immédiatement Nick Cave et Iggy Pop), et peu enclin à tourner des films avec des stars bankables (le rôle principal féminin est tenu par une débutante, Sibel Kekilli). L’acteur quasi-fétiche de Akin (ils ont tourné trois films ensemble), c’est le turco-allemand Birol Ünel. Les deux sont souvent comparés à un autre duo mythique du cinéma allemand, Klaus Kinski et Werner Herzog, à cause du jeu affolant de Ünel (il ne joue pas, il devient et il est son personnage), et de leurs relations « particulières » sur le tournage (ils se sont paraît-il battus entre deux prises sur « Head-on »).
Birol Ünel
« Head-on » démarre à San Pauli, le quartier « chaud » et melting-pot de Hambourg, et raconte le destin qui va devenir commun de Cahit (Ünel), la quarantaine punk et destroy et de Sibil, la vingtaine écrasée par toutes les traditions rigoristes de sa famille turque. Après leurs respectives tentatives ratées de suicide (lui s’est jeté contre un mur en voiture, elle s’est ouvert les veines), ils se rencontrent dans le même hôpital. Et d’entrée, Sibil demande à Cahit de l’épouser. Mariage blanc, évidemment, mais juste pour qu’elle puisse quitter son milieu familial qui l’insupporte. Les deux n’ont rien en commun, lui est voie de clochardisation, elle est issue d’une famille plutôt middle-class, ils se jaugent pourtant.
La première partie du film tourne autour de Cahit. C’est lui qui fait évoluer la situation. Revenu de tout (on sait juste qu’il est veuf), entretenant une liaison en pointillé avec une coiffeuse du quartier, picole et coke au quotidien, sans aucun but ni avenir, il va sur un coup de tête accepter ce mariage blanc, peut-être juste pour faire une bonne action dans sa vie et aider un de ses semblables. A ce stade, tout le talent de Akin est d’éviter à ce film de sombrer dans l’étude psychologique à deux euros, ou dans le mélo larmoyant ultra-prévisible (non, les deux ne finiront pas leurs jours ensemble, et n’auront pas de beaux enfants …). « Head-on » est un film tendu, noir et glauque, même si quelques scènes plus légères, surtout dans sa première partie, viennent l’aérer (celles avec l’oncle bonasse de Cahit, celles avec la famille de Sibil, notamment la demande en mariage). Akin avait tourné d’autres scènes de « comédie », présentes dans les bonus du DVD, et qu’il a supprimées au montage, estimant à juste titre que son film y perdrait en puissance et en tension.
La tension entre les personnages est le moteur du film, surtout entre ses deux protagonistes principaux. Tout à fait logiquement quand on a déjà vu évoluer le personnage, Cahit jette Sibil à la rue le soir de leurs noces, et elle commence, c’est une des choses qu’elle revendiquait pour justifier sa fuite du cocon familial, par baiser avec ceux qui passent à sa portée. Mais dans le couple officieux (la plupart des connaissances de Cahit ignorent qu’il est marié) de « colocataires », chacun va finir par s’intéresser à l’autre, faire des efforts, se montrer attentionné, … mais sans consommer le mariage. Le premier à craquer sera Cahit, qui insensiblement va tomber amoureux de Sibil. Ces deux êtres à fleur de peau se « rapprochent » difficilement, maladroitement. Elles met de l’ordre dans le taudis commun qui devient un coquet studio, elle lui prépare de bons petits plats … Lui se conduit comme un grand frère, n’hésitant pas à faire le coup de poing, quand d’autres hommes la serrent de trop près.
Le mariage
Et puis, sur un instant, leur destin bascule. Grossièrement provoqué et insulté par un de ses copains amant de passage de Sibil, Cahit le frappe avec un cendrier … l’homme ne se relèvera pas. Cet accident dramatique est le cœur du film, et on pense beaucoup à Inarritu, qui articule ses chef-d’œuvres (« Amours chiennes », « 21 grammes ») autour de ces évènements accidentels (chez le Mexicain, c’est en bagnole que le destin bascule) autour de ces instants où la fatalité le dispute au hasard …
Cette bagarre mortelle intervient au milieu du film, c’est dire la densité, le sens du juste nécessaire à la dramaturgie qui caractérise « Head-on ». Une dimension dramatique renforcée par un groupe folklorique turc qui joue le rôle des chœurs du théâtre antique et qui intervient en chanson aux moments cruciaux de l’histoire. De même, l’oncle bonhomme de Cahit, qui agit comme son ange gardien et sa conscience, se trouvant toujours là pour l’aider quand son neveu assez imprévisible et caractériel se met dans des situations impossibles.
La seconde partie du film (je vais pas vous la raconter, faut le voir) est centrée sur Sibil qui retourne à Istanbul pour fuir l’opprobre de sa famille pendant que Cahit est en prison  … Avec en filigrane le destin de ce couple brisé, maintenant que chacun sait qu’il est aimé de l’autre.
Sibel Kekilli
Tout le talent d’Akin est de rester à mille lieues du mélo larmoyant, il n’y a pas non plus de happy end ou de spirale tragique inéluctable à la Zola. Outre l’histoire de ce couple improbable, ce qu’a surtout voulu montrer Akin, c’est le comportement de la communauté turque, loin de chez elle en Allemagne, ou « à la maison » à Istanbul. Il y a les déracinés (Cahit, zonard apatride qui a coupé tous les ponts avec ses origines ), Sibil qui rejette violemment tout le poids des rigorismes communautaires (la religion, la société patriarcale, le clan familial, avec père, mère, frère et belle-famille qui représentant tous les niveaux – ou pas – d’intégration dans un pays occidental), et en Turquie l’évolution des mentalités, certains cherchant l’occidentalisation (la cousine de Sibil, très carriériste dans son hôtel de luxe), d’autres perpétrant le difficile équilibre d’un pays en état de déliquescence, coincé entre Europe-mirage économique et traditions musulmanes.
« Head-on » est un film immense, qui évite tous les clichés liées à une histoire d’amour, ce n’est pas non plus un film social qui se perdrait dans une analyse sociologique vite torchée. C’est un film noir, dur, entrelardé de scènes de tendresse et d’humour, mais surtout un film plein de mouvement, de violence, de (beaucoup) de sang, de sexe, de dope, de musiques agressives ou gothiques, porté par deux acteurs excellents, avec mention particulière à Birol Ünel, effrayant de réalisme destroy.
Les mêmes thèmes (l’histoire d’amour, les instants tragiques où tout bascule, le retour au « pays ») seront au programme du quasi-gémeau de « Head-on », le plus apaisé mais également plus noir « De l’autre côté », tourné trois ans plus tard …

BILL CALLAHAN - SOMETIMES I WISH WE WERE AN EAGLE (2009)


New folk ...

On va pas jouer les fins inspecteurs (Harry, … et ceux qui n’ont pas compris gagnent l’intégrale de Don Siegel), mais il y a des indices qui ne trompent pas. Voilà enfin un disque récent (même si son auteur n’est pas de la dernière pluie) où je comprends quelque chose, où il y a une démarche qui me parle …
Et ça commence par la pochette, animalière, champêtre et rustique, avec immédiatement, une pavlovienne association d’idées qui amène à citer des noms comme Neil Young ou le Buffalo Springfield, ce qui on en conviendra, revient à peu près au même. Et naturellement, on n’est pas surpris quand dès la premier titre, on entend les arpèges de guitares en bois accompagnant la voix mâle, welcome autour du feu de camp et en piste pour la séance folk et country-rock de derrière les fagots … Sauf que dans ce genre roots, j’attends strictement plus rien (les bons skeuds, je les connais, ils sont du siècle dernier), et qu’il en faut plus qu’un énième revival baba cool acoustique pour m’attendrir.
Bill Callahan était le leader du groupe Smog que je connais juste de nom, et ceux qui l’accompagnent sur ce disque dont je ne savais également rien, semblent issus d’une scène lo-fi alternative-roots-machin pour moi énigmatique (Daniel Johnston, Okkervil River, …). Il n’empêche que ce « Sometimes … », il est très bien, voire plus.
S’il se réfère à des choses elles parfaitement identifiées, il se dégage une impression rafraîchissante qu’on ne retrouve que chez ces quelques très rares qui savent faire du neuf avec du vieux. Le son est d’une limpidité et d’une clarté remarquables, enjolivé amoureusement par des arrangements de cordes, plus rarement de cuivres, le tout avec un sens de la retenue, de la parcimonie et du bon goût trop facilement oubliés dans les productions à tendance m’as-tu-vu qui semblent aujourd’hui la norme. Ou comment préférer l’utile au futile …
On pense quelques fois à un Bonnie Prince Billy qui se serait levé d’humeur triste et non plus sinistre, parfois à Leonard Cohen à cause de similitudes vocales troublantes (« Rococo Zephyr », « Eid Ma Clack Shaw »), à un Velvet qui aurait quitté les trottoirs new-yorkais pour les collines de Virginie … Grisaille, langueur et monotonie sont au programme, et pourtant on est à mille lieues d’un indigeste pensum avachi …
« Sometimes … » est un disque parfaitement invendable de nos jours, les grabataires qui s’intéressent au genre se contentent juste d’acheter les dernières daubes de Dylan ou Cohen, et ceux qui ont moins de cent ans écoutent des daubes d’un autre genre. Et d’ailleurs de ce « Sometimes … » il s’en est vendu des clopinettes… Pourtant il s’agit d’un disque rare, précieux, d’une intelligence musicale peu commune. Un disque qui n’a pas peur de prendre des risques, s’éloignant de tous les stéréotypes d’une americana consensuelle, pour explorer des contre-temps où la rythmique se fait bourdonnante (« My friend »), sautillante (celle de « Jim Cain » ressemble à celle du « Psychokiller » des Talking Heads). Rarement on a entendu des instruments de la musique classique se mêler avec autant de bonheur à du old folk (et non, les titres « symphoniques » d’ « Harvest » ne constituent pas la référence, ils sont globalement assez moches), ou des titres de dix minutes (« Faith / Void ») s’avérer captivants, combinant mantra des paroles, ambiance à « Song for Drella » de Lou Reed – John Cale, et arrangements merveilleux …
Et vous ai-je déjà dit que ce disque de choses antédiluviennes sonne mo-der-ne, et pas comme s’il était sorti en 1971 ? Oui, je vous l’ai déjà dit …
C’est bon, pouvez aller fumer …

SANTOGOLD - SANTOGOLD (2008)


Un petit tour et puis s'en va ?

Ce serait en tout cas un concept à redécouvrir, comme dans les sixties où les one-hits wonders se succédaient, surfant un jour en haut de la vague des sons nouveaux et puis disparaissant à jamais dès que la mode changeait … Maintenant, l’insouciance matérielle c’est fini, on veut faire « carrière » dans le monde de la variété et on s’entête, s’entête à perdurer …
Santogold : Fashion victim ?
Santogold (aujourd’hui, je sais pas pourquoi et je m’en contrefous, elle se fait appeler Santigold, sûrement quelque procès, matérialisme quand tu nous tiens …) a fait parler d’elle il y a quatre-cinq ans, planquée derrière un titre qu’on entendait partout, une bluette maligne avec couplets, refrains et arrangements bien foutus, ça s’appelait « L.E.S. Artistes ». L.E.S pour Lower East Side, Santi White (son vrai nom) est avant autre chose, new-yorkaise. Fille de bonne famille, un boulot dans la com musicale, pote avec ceux qui sont touchés par leur quart d’heure warholien de célébrité, genre Mark Ronson, Spank Rock, ou la très pénible M.I.A. (à laquelle on l’a souvent comparée, faudrait d’ailleurs qu’on m’explique pourquoi).
Ce « Santogold » s’ouvre bien sûr par « L.E.S. Artistes » et se veut un disque à la pointe de la tendance, de la branchitude. On y trouve bien sûr les habituelles saletés genre course au son inaudible high-tech et à la chanson la plus destructurée possible, la palme revenant dans cet exercice au malheureusement bien nommé « Unstoppable », mais des choses comme « Creator » ou « My Superman » méritent un accessit tant elles sont pénibles.
En fait, elle a de la chance, Santomachin, elle aime bien le reggae-dub-ragga, et moi aussi. Et je suis prêt à pardonner beaucoup de choses à quelqu’un qui sort des titres comme « Say Aha » (le genre de ska-dub que ferait un Linton Kwesi Johnson très en colère rythmiquement), « You’ll find a way » (du punk-dub ? comme si les Pixies s’étaient fait produire par Lee Perry ?), ou encore un dub (« Shove it ») dans la lignée de ceux des Clash sur « Black Market Clash ».
Si l’on rajoute une chansonnette pop sympa (« Lights out »), et un morceau , « Starstruck » qui pique pas mal de choses à un joli hit underground oublié des 90’s, « Paraffin » de l’également oubliée Ruby, on a avec ce « Santogold » un de ces mignons disques futiles de son temps, amusants mais un peu vains, et donc furieusement démodé aujourd’hui.
La dame semble avoir voulu refaire parler d’elle ces derniers mois, elle a sorti un nouveau skeud totalement ignoré … One hit wonder je vous disais …

THE RAKES - CAPTURE / RELEASE (2005)


Franz Ferdinand II

Bon, pour une fois je vais faire court (« Ouf ! C’était pas trop tôt ! » entends-je).
Parce que hein, y’a pas grand-chose à dire sur ces gars. The Rakes, groupe anglais, seconde moitié des années 2000, vomi du néant dans lequel il est retourné après trois disques dont ce « Capture / Release », son premier, considéré par les fans ( ? ) comme son meilleur, c’est dire le niveau supposé des deux autres.
Les Rakes, c’est quasiment du copier-coller de Franz Ferdinand, mêmes influences post-punk revendiquées (Magazine, Gang of Four, Buzzcocks, plus ici Talking Heads pour le côté rigide et martial ), mêmes chansons hymnes dansantes, la qualité, l’évidence et les arrangements en moins.
Poussant le vice du décalque jusqu’à partager l’affiche avec leurs modèles, ce qui s’est évidemment retourné contre eux, ils sont juste passés pour des suiveurs sans originalité, ce qui n’est pas faux. Autant Franz Ferdinand sont à peu près supportables sur un album (leur premier au hasard), autant les Rakes deviennent pénibles au bout de deux titres.
Bon, j’exagère … il y a au moins deux différences avec Franz Ferdinand, le chanteur des Rakes n’est pas beau gosse, il a un peu la même gestuelle désossée que Ian Curtis de Joy Division, et ils ont glissé dans la demi-heure que dure ce disque un morceau de ska (même pas mauvais, d’ailleurs).
Ah, et puis, ils sont bien anglais, les paroles de « Strasbourg », leur « hit », me laissent supposer qu’ils croient que l’Alsace est en Allemagne …

GOSSIP - MUSIC FOR MEN (2009)


Pour nous les hommes ?

Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, faudrait qu’ils arrêtent bientôt. Parce que là, hum, comment dire, c’est un peu … gros leur truc. Ou doit-on dire son truc, tant il n’y en a que pour la Beth Ditto dans cet ersatz de groupe de rock. Et la pauvre batteuse (très moche, il va de soi) en gros plan sur la pochette doit se demander ce qu’elle fout là, elle dont absolument tout le monde ignore le nom.
Ce « Music for men », c’est du vide bien orchestré. Très bien, même. Il y a un son d’enfer, des petits arrangements roboratifs de partout (peuvent dire merci à Rick Rubin, sans qui ce disque serait une horreur absolue) au service de ce qu’on appellera charitablement des morceaux misérables. Tous construits de la même façon. Couplets mid tempo, et gros riffs de guitare sur le refrain up tempo. Deux exceptions, le premier titre (« Dimestore diamond »), tout en tension larvée et qui laisse à tort augurer de bonnes choses qui n’arrivent pas, et le dernier (« The breakdown »), exécrable ballade gluante, bruit de bidet final de cette sanisette sonore.
Ce qui sauvait quelque peu le précédent (« Standing in the way … »), c’était la voix de Ditto, qui sans pouvoir être comparée aux grandes shouteuses (Joplin), ou aux grandes abîmées (Holyday), se baladait avec une facilité assez déconcertante et bluffante sur les morceaux. Là, quelqu’un dans sa maison de disques a dû lui dire qu’il fallait assurer, qu’elle avait en charge une petite entreprise qui tournait bien, ce genre de plan marketing rance visant le plus grand nombre … Finies les extravagances castafioresques, on pose bien comme il faut et bien gentiment sa voix, et on chante tous les titres de la même façon. Le résultat, on a l’impression d’entendre la fatale Pat Benatar d’il y a trente ans. La Ditto aligne ses petits rocks gentils-mous teintés de disco sans aucune once d’imagination vocale, sans aucune prise de risque. Du formatage pour le « grand public » dans tout ce qu’il a de tragique.
Alors ça fonctionne le temps d’une paire de titres qui ont fait des hits passables (« Heavy cross », « Love long distance »), et puis ça lasse, mais lasse … Et il y avait finalement quelque chose de pathétique à voir la Ditto venir faire dans les shows télé son numéro de diva transgressive (enfin, transgressive tu parles, tout est « on control », on est quand même loin de Divine, l’égérie de John Waters), maquillée comme un semi-remorque volé, pour être sûre qu’on la remarque bien … Cette fille a certainement du talent, elle le gâche pour son warholien quart d’heure de gloire. Il semble d’ailleurs que la supercherie a assez duré, le dernier pensum de la Gossip girl s’est fait descendre par à peu près tous les médias dits ou prétendus spécialisés …
Pour faire bonne mesure, comme d’hab, quelqu’un dans la maison de disques s’est cru malin en rajoutant à la fin du Cd trois remixes d’une insondable crétinerie …

Des mêmes sur ce blog :
Standing In The Way Of Control 

THE LAST SHADOW PUPPETS - THE AGE OF UNDERSTATEMENT (2008)


Puppets on the strings ...

Comme quoi, faut se lâcher des fois … ce disque bâclé en deux semaines va se révéler être un de ceux dont il était de bon ton de causer en l’an de grâce 2008. Deux copains se lancent dans une jam plus ou moins informelle, loin des calculs de rentabilité et des schémas du show-business musical, torchent un titre par jour en studio, gardent les douze meilleurs pour le Cd, les autres agrémentant les faces B de singles.
Faut pas rêver non plus, c’est pas exactement un scénario à la Disney. Ce disque n’a été possible que parce que l’un des deux lascars est hautement bankable, c’est Alex Turner, leader des Arctic Monkeys, big thing en terme de ventes dans l’Angleterre des années 2000. L’autre, c’est Miles Kane, leader des plus obscurs Rascals, dont il ne tardera pas d’ailleurs à s’émanciper.
Et là, comme des enfants gâtés enfermés dans le magasin de jouets, les deux potes se laissent aller à des exercices de haute voltige, récitant dans leurs chansons les gammes de quarante et quelques années de pop anglaise. Parce que plus anglais que l’ossature de ces chansons, y’a pas. Mais là où l’affaire prend une tournure curieuse, c’est lorsque les deux gaillards « embauchent » le très sérieux London Metroplitan Orchestra, et font arranger les empilages de cordes par un type (Owen Pallett) venu de la galaxie Arcade Fire. Du coup, rajoutées à une forme de maniérisme ampoulé très Scott Walker dans le chant, beaucoup de choses sonnent comme les productions sixties de Lee Hazlewood, songwriter américain certes, mais un des plus influencés par la musique (surtout classique) européenne.
La boucle est bouclée. Surtout que quand on parle de Scott Walker, son plus fidèle disciple David Bowie n’est pas loin. Un de ses vieux titres pré-Space Oddity (c’est dire si ça ne rajeunit personne, et surtout pas lui) « In the heat of the morning » sera enregistré par Turner et Kane mais ne sera pas retenu dans le tracklisting du Cd.
Bon, j’ai comme l’impression d’être un peu confus là … mais ce disque l’est aussi. Il part un peu dans tous les sens, multipliant clins d’œils et références, comme si Turner et Kane, libérés des contraintes de leurs groupes respectifs, étaient allés fureter vers des sentiers jusqu’alors interdits. « The age of understatement », le morceau, est une cavalcade contry-western, thème d’un film imaginaire. Niveau cinématographique, les génériques des James Bond sont en filigrane derrière « In my room ». « Standing next to me », c’est une plongée nostalgique dans les bluettes pop du Swingin’ London circa 66, « Separate » renvoie aux Smiths des débuts.
Tout n’est pas parfait, quelques titres font un peu « léger », « Only the truth », sorte de « Paint it black » cafardeux et dépouillé, « Meeting place », musique de plage caraïbe dans lequel les deux lads se la jouent un peu trop facilement Harry Belafonte, « Calm like you », exercice quelconque à la Scott Walker.
D’une façon globale, les morceaux avec les cordes sont très bons, en évitant le piège de la grandiloquence et du pompiérisme dans lequel tant de Moody Blues et Procol Harum se sont perdus. « The age of understatement » n’est pas un disque crucial, c’est juste un exercice de style brillant, la réunion dilettante de deux des auteurs anglais les plus intéressants de la dernière décennie…



MIOSSEC - L'ETREINTE (2006)


Miossec se mouille ...

J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans « l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues (« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort, Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais la chose », « La grande marée », « L’imbécile », « L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse « Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …

Du même sur ce blog :
Boire

JULIAN CASABLANCAS - PHRAZES FOR THE YOUNG (2009)


La grosse tête ?

Ce doit être sympa d’être Julien Maisonblanches. Un papa fondateur de l’agence Elite, du fric plein les poches, un physique à lever toutes les top models de l’agence paternelle, le chanteur d’un groupe à la mode, c’est pas vraiment la biographie d’un bluesman du Delta.
Alors forcément, à lui moins qu’un autre, on va rien pardonner. Faut dire qu’il traîne pas mal de casseroles depuis qu’il s’est fait un prénom. Un caractère de cochon, et une fâcheuse tendance à vouloir que tout tourne autour de sa personne qu’il croit auguste. Alors là, en cette fin des années 2000, il sort un disque solo. Au mauvais moment, parce que tout le monde en attend un des Strokes, et sous le prétexte vaseux que ses acolytes en ont aussi sorti. Comme un enfant gâté qui n’en fait qu’a sa tête …
Ce disque est globalement assez vilain, pue l’argent facile gâché en studio et l’auto complaisance. Il donne l’illusion sur le premier titre, « Out of the blue », parce qu’on y retrouve des ingrédients connus, la voix nonchalante, la rythmique sautillante strokienne. Mais déjà, il y a tous ces synthés qui sonnent faux, qui font toc. Et toutes ces choses (les chœurs brumeux, les mélopées tristes) qui semblent des copier-coller venues de chez REM. « Out of the blue » donne la direction du disque, pratiquement tout est fait avec des machines, en empilant des couches de synthés datés, renvoyant plus que de raison à des choses anodines des funestes années 80 (le single « 11th dimension », c’est le retour des fantomatiques Visage, Human League et Spandau Ballet, et c’est juste ridicule, refaire ça vingt cinq ans après, où est l’intérêt ?), piquant sans vergogne les bonnes idées du Beck (le scientologue, pas Jeff) des débuts qui mélangeait country et electro (« Ludlow St »), plagiant quasiment des vieux tubes sixties certifiés (« Stand by me » et « Time is on my side » dans « 4 chords of the Apocalypse »), …
Si l’on ajoute à cette litanie oubliable, une ballade sans intérêt (« Glass »), et une autre tout juste à peu près avenante (« Tourist », rien que le titre très radioheadien, fait penser à du Thom Yorke enjoué, certes, mais du fuckin’ pénible Thom Yorke quand même), et quand on aura précisé que ce « Phrazes … » ne contient que huit titres, le compte des morceaux acceptables sera vite fait.
« Out of the blue » donc, plus « Left to right », jolie mélodie même si on n’y sent pas vraiment un Casablancas concerné. Meilleur du lot d’assez loin pour moi, « River of brakelights », le plus ouvertement electro du lot avec chanteur pour une fois « dedans », impliqué, morceau réminiscent de ce que faisait le King Crimson « reformé » des années 80.
L’on sait depuis que ce disque et l’attitude dilettante de Casablancas ont hypothéqué forcément longtemps la parution du quatrième Cd des Strokes, et la survie même du groupe qui l’a révélé.
Tout ces caprices de gosse (de) riche pour çà ? No way …

FRANZ FERDINAND - YOU COULD HAVE IT SO MUCH BETTER (2005)


Status Quo ...

Battre le fer pendant qu’il est encore chaud … c’est ce qu’ont du se dire les Franz Ferdinand et leurs conseillers financiers (pardon, les gens de leur maison de disques). Parce qu’avec leur première galette, ils avaient fait fort, devenant par la magie de quelques hits assez bien troussés un groupe qui comptait, dont les chiffres de vente se chiffraient en millions, chose prodigieuse en ces années 2000 où une connexion ADSL et MegaUpload suffisaient pour avoir de la musique.
Alors, pas téméraires pour deux sous, les Franz Ferdinand se sont appliqués à sortir fissa un skeud qui passerait comme lettre à la poste chez leurs fans. Comme y’avait les moyens, ils ont truffé leurs morceaux de petits gris-gris sonores gentiment centristes, mais sans prendre le moindre risque. Un follow-up, on appelle çà, à tel point qu’il faudrait être bien malin (ou bien fan) pour reconnaître lors d’un blindtest de quel disque provient le titre qu’on écoute. Alors c’est plutôt sympa, totalement dans l’air du temps consensuel, il n’y a plus aucun effet de surprise, tout est under control, totalement prévisible. Tout ce que les jeunes filles qui avaient acheté en masse le premier devaient attendre.
Bon, moi je suis plutôt client, avec toute ma blasitude et toute ma mauvaise foi. En fait, ce doit être mon côté pédo-pervers qui ressort, je trouverais toujours plus intéressant de voir un concert de Franz Ferdinand à la O2 Arena avec aux premiers rangs de jeunes nymphettes hurlantes miniskirtées que des hordes de graisseux fortement houblonnés index et auriculaire dressés ovationnant la reformation de Manowar ou Accept à une quelconque Hellfest …
Quelques titres surnagent du lot « The fallen », « Walk away » (comme si les Smiths avaient enregistré sous amphets), la gentiment mélodique « You’re the reason », le morceau-titre, le plus franchement rock du Cd … Il y a pas mal d’auto-citations (« Well that was easy », « Outsiders », « I’m your villain »), ce qui à force laisse à croire à un certain manque de renouvellement, de fraîcheur et d’inspiration … Quelques trucs piqués chez les autres : du piano en avant genre Coldplay (« Elanor … », « Fade together »), des choses qui tentent de sonner comme les Beatles en 65 repris par le Knack de « My Sharona » (« Do you want to »), une sorte de ska centriste énervé à la No Doubt (« This boy »), et aussi une poignée de titres aussi vite oubliés qu’écoutés …
Résultat des courses : un disque tellement prévisible que ça en devient embarrassant, plus arrangé que le premier, mais sans aucune surprise, sans la moindre trace d’évolution, sans le moindre risque. Le noyau dur des fans a adoré, ceux qui n’aimaient pas ont détesté, la routine quoi …
Il aurait tout de même peut-être fallu dire à ces jeunes gens qu’ils sont certes bien gentils, mais que bon, il serait temps de passer à autre chose. Apparemment, personne n’y a songé, leur troisième disque était comme les deux premiers, il a fini par lasser quelque peu et a pas très bien vendu. Bien fait …

Des mêmes sur ce blog : 
Franz Ferdinand
Right Thoughts, Right Words, Right Action

MICKEY 3D - TU VAS PAS MOURIR DE RIRE ... (2003)


Quoique ...

J’ai du rater un épisode, une mode, quelque chose … parce que là, je comprends pas trop …
Comment des choses aussi quelconques que ce disque, peuvent être perçues comme des révélations, des jalons qui comptent dans cette décennie ? Certes, il m’arrive parfois aux oreilles, voire plus souvent que ça encore, des choses infiniment plus mauvaises que Mickey 3D.
Mais comment se fait-il que ce machin, plein de « bons sentiments » à deux euros, d’une qualité musicale famélique, avec un type qui chante à faire passer Gainsbourg pour Placido Domingo ses textes écolos-centristes pour collégiens concernés, comment se fait-il donc qu’il s’en soit vendu des camions ?
Comme tout le monde, j’avais entendu cette scie « Respire », appris que le gars qui avait écrit ça, c’était celui de la semblable scie « J’ai demandé à la Lune » des vieux ados gothiques Indochine (les Cure bleu-blanc-rouge, les bonnes chansons et les bons disques en moins). J’avais trouvé « Respire » aussi vite fatigant que les machins  de Louise Attaque, le putain de violon en moins, et les synthés façon electro en plus, ce qui n’est pas forcément mieux.
Et bien, après écoute plus ou moins attentive du skeud, je suis en mesure d’affirmer que « Respire » est de loin le meilleur titre de cet album, c’est dire si avec tout le reste on s’emmerde ferme. Le gars derrière tout çà (Mickael Furnon, c’est en fait quasiment Mickey 3D à lui tout seul), ne sait effectivement pas chanter (bonjour la monotonie), et en gros écrit toujours la même chanson accompagnée des mêmes textes de flippé désabusé. Il n’y a rien ici d’original, on a même quelques fois l’impression, au gré des arrangements (c’est le seul truc qui différencie les morceaux, selon que ça donne dans l’ethnique-world, l’acoustique, l’électrique, l’électronique) que l’on a entendu tout ça en beaucoup mieux chez d’autres.
Chez Louise Attaque, et donc chez leurs pères électriques Noir Désir, particulièrement flagrant sur le titre caché (« Avance » ?), chez Miossec aussi (qui même à jeun pulvériserait le pauvre Mickey niveau textes), voire au détour de quelque sonorité arabisante chez les Négresses Vertes.
Niveau écoutable si on a vraiment rien de mieux à foutre, j’ai noté « Ca ne m’étonne pas », chanson yéyé avec chanteuse à voix acidulée, « La mort n’existe pas » malgré des paroles putain de simplettes, et « Beauseigne » avec ses arpèges à la Byrds-REM …
Il semblerait que le groupe n’existe plus … C’est con, j’avais oublié d’en écraser une larme …



GUILLERMO DEL TORO - LE LABYRINTHE DE PAN (2006)


Alice in Francoland

« Le Labyrinthe de Pan » est à juste titre un des films les plus marquants et les plus célébrés des années 2000 et sera certainement le film de sa vie pour Guillermo Del Toro. Un projet fou que le gros Mexicain avait dans sa tête depuis vingt ans, avant même d’avoir tourné quoi que ce soit.
Quand il commence le tournage au milieu des années 2000, Del Toro est un réalisateur devenu bankable qui a commencé par des films fantastiques « d’auteur » (entendez par là des petits budgets et des demi-succès) culminant avec « L’échine du Diable », avant d’aller à Hollywood mettre en scène des pelloches à gros budget et gros succès (un « Blade », le premier « Hellboy »). Une carrière qui présente bien des similitudes avec celle de Sam Raimi, parti lui des loufoqueries gore des « Evil dead » pour finir avec la série des « Spider Man ».
« Le Labyrinthe de Pan » (mauvaise traduction du titre original espagnol, « Le Labyrinthe du Faune », beaucoup plus adéquat au scénario) raconte deux histoires, l’une se déroulant dans un monde réel, l’autre dans un monde imaginaire. L’histoire réelle se déroule en 1944 dans le Nord de l’Espagne, où la garnison du capitaine Vidal combat au nom du franquisme les derniers bastions de résistance communiste. L’histoire imaginaire est celle de sa belle-fille Ofelia, et de sa quête pour retrouver son statut de princesse d’un royaume parallèle et disparu. Ces deux mondes vont lentement s’interpénétrer et finalement s’affronter lors d’un final cataclysmique.
Même s’il est en partie inspiré par des films comme « Le Magicien d’Oz » ou « Alice au pays des Merveilles », « Le Labyrinthe … » n’est pas vraiment un film pour enfants … ou alors des enfants (très) avertis, il y a certaines scènes bien gore (le défonçage de tête à coups de bouteille du braconnier, la torture du bègue, l’auto-suturation de la joue de Vidal, …) bien nauséeuses, qui risquent de traumatiser le fan de base de Dumbo …
Il y a dans ce film une abondance de détails, de symboles, qui en font une œuvre dont on découvre toujours quelque chose de nouveau à chaque visionnage. Et puis, au cas où l’on n’aurait pas tout compris, parmi les plus de 6 heures ( ! ) de bonus de la version BluRay, moultes explications de Del Toro, dont une version intégrale du film qu’il commente.
Ce film est un patchwork entre monde réel et monde imaginaire, c’en est aussi un entre « cinéma à l’ancienne » et effets spéciaux numériques. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le monde féérico-cauchemardesque repose beaucoup plus sur des décors pharaoniques construits par des artisans locaux espagnols, certains n’étant utilisés que pour une seule scène (la cité en ruines du début, le train). Le moulin, lieu de l’action « réelle » est un décor. Le numérique n’est utilisé qu’additionnellement pour certains trucages. Le résultat est spectaculaire, et Del Toro n’y est pas pour rien, utilisant une armée de caméras toujours en perpétuel mouvement. Des mouvements lents et ondoyants qui enveloppent les personnages, à l’opposé des montages saccadés et épileptiques trop souvent de mise dans le cinéma d’aujourd’hui. Il y a du Kubrick chez Del Toro, mais un Kubrick qui abandonnerait les grands espaces pour filmer au plus près des acteurs, dans un langoureux ballet qui rend l’atmosphère encore plus oppressante.
Les acteurs livrent de grandes performances, alors qu’ils viennent pour la plupart d’autres genres cinématographiques. Mention particulière à Sergi Lopez, glaçant capitaine Vidal et à la froideur déterminée de Maribel Verdu (Mercedes) , plutôt habituée aux rôles sexy de comédie. Concernant la jeune Ivana Baquero qui joue le rôle principal, celui d’Ofelia, Del Toro a la lucidité de ne pas trop lui en demander, de ne pas faire reposer l’essentiel sur sa seule prestation, et elle se tire des scènes difficiles avec quelques sympathiques mimiques. L’essentiel du casting est espagnol (Del Toro a refusé le tournage dans les studios hollywoodiens), à l’exception de l’américain Doug Jones, spécialiste des rôles très « costumés » et maquillés, c’est lui qui joue ici le Faune et aussi le Pale Man.
L’histoire « imaginaire » explore toutes les symboliques du conte pour enfants. La petite fille qui devient princesse, les épreuves qu’elle doit affronter représentées par les monstres récurrents (l’animal hors-norme, ici un crapaud géant, malgré tout peut-être le passage le plus faible et téléphoné du film, l’ogre, avec la superbe création du personnage du Pale Man un des plus « beaux » monstres des derniers lustres), les soutiens qu’elle reçoit (le Faune qui la guide, les fées-phasmes qui l’escortent), les éléments de pure magie (le livre qui s’écrit quand on l’ouvre, la craie qui trace des portes pour accéder ou s’échapper du monde imaginaire, la mandragore qui soulage les douleurs de la pénible grossesse de la mère d’Ofelia, … ).
Le monde réel est austère, tout en couleurs froides et lignes droites, réglé par des mécaniques inéluctables (les engrenages du moulin, ceux de la montre que Vidal répare et entretient avec un soin maniaque), le monde imaginaire est tout en courbes, « utérin » dit plusieurs fois Del Toro dans ses commentaires (le puits du labyrinthe, la caverne du crapaud, le couloir voûté qui conduit à la salle à manger du Pale Man, la salle du trône du Roi, …), les couleurs sont beaucoup plus chaudes, pour devenir vives (avec un jaune orangé qui domine vers la fin, lors des explosions pendant l’attaque du moulin, ou dans la salle du Trône). Insidieusement les deux mondes se pénètrent, parfois les méchants évoluent dans le même cadre (la parfaite similitude entre la pièce et la table où siège Vidal lors du banquet avec les notables, et la pièce où est installé le Pale Man). Del Toro a même glissé dans le monde réel des éléments qui suggèrent le monde imaginaire, mais bon faut avoir un sacré don de l’observation pour distinguer que les incrustations dans la tête du lit de la mère d’Ofelia et le pommeau de la rampe d’escalier dans le moulin reprennent la forme des cornes du faune, alors que c’est beaucoup plus évident dans la forme de l’arbre mort où se terre le crapaud géant.
Parce que dans ce film Del Toro joue avec les détails d’une façon maniaque (par exemple en rajeunissant et embellissant imperceptiblement le faune à chacune de ses apparitions, à mesure qu’Ofelia progresse dans ses épreuves), et multiplie les allusions lourdement symboliques, notamment religieuses. Quoi de plus normal dans la très croyante Espagne que de multiplier les trinités (trois fées, trois serrures chez le Pale Man, trois épreuves pour Ofelia, …), que le Pale Man (trouvaille absolument géniale) utilise les stigmates de ses mains pour y ficher ses yeux et voir …
Bizarrement, car il s’agit véritablement d’une œuvre majeure à tiroirs, l’aspect historique et politique a été zappé, surtout dans les explications et l’exploitation qui a été faite des thématiques du film. Del Toro lui-même, alors que les allusions sont évidentes, passe très vite (pour ne pas dire qu’il l’occulte carrément) sur cet aspect dans ses heures de commentaires, alors que d’autres sont exposés à plusieurs reprises. Dès les premières images du film, s’incruste sur l’écran « Espagne 1944 », les maquisards dans la grotte lisent un journal annonçant le débarquement des alliés en Normandie. Le lieu et l’époque sont bien définis. Le personnage d’Ofelia (l’innocence, la pureté) ne salue pas (elle tend la main gauche) son beau-père Vidal, le militaire franquiste, ils vont s’opposer tout le film, et elle finira abattue par lui. La scène du banquet donné par Vidal n’a que peu d’importance dans l’histoire du film, mais elle permet de montrer les classes sociales (les notables locaux, l’Eglise) qui soutenaient le franquisme, et leurs représentants sont vraiment traités par Del Toro qui connaît bien l’histoire de l’Espagne de la façon caricaturale qui convient. Et comment ne pas voir dans le personnage et l’environnement du Pale Man (réplique « imaginaire » de Vidal), les allusions criantes au nazisme (la cheminée en forme de four qui brûle derrière lui, l’amoncellement des ossements et des chaussures d’enfants qu’il a dévorés qui rappellent les mêmes amoncellements vus dans les films-documentaires sur les camps de concentration comme « Shoah » ou « Nuit et brouillard »). Le film ayant très vite connu un gros succès en Espagne, il semblerait que Del Toro et tout le staff aient renoncé à mettre en avant cet aspect-là, pour ne pas froisser et raviver quelques susceptibilités dans un pays encore traumatisé de nos jours par plus de trente ans de dictature militaire …
Tiens, comme ça en passant, qu’on ne me dise pas que Tarantino, qui n’a pas les yeux dans sa poche quand il s’agit de piquer les bonnes idées aux autres, ne s’est pas un peu inspiré du personnage de Vidal pour le rôle qu’il a donné à Christoph Waltz dans « Inglorious Basterds ».
Ah et puis pour finir, il y a dans « Le Labyrinthe de Pan » une mélodie inoubliable qui revient plusieurs fois dans le film. La meilleure dans un film espagnol depuis celle de « Porque te vas » dans « Cria cuervos » de Carlos Saura…