Le sombre héros de l'amer ...
« Staring at the sea » est la première « vraie » compilation des Cure. Quand elle sort en 86, sont déjà parus un maxi 45T 4 titres (« The singles ») réservé au marché des Antipodes (Australie et Nouvelle-Zélande), qui coûte une blinde aujourd’hui et un mini 33T (« Japanese whispers ») reprenant les 45T et leurs faces B de fin 82 à fin 83 (une année où The Cure - Robert Smith ne faisait paraître que des singles, on y reviendra). Sans oublier la vraie – fausse compile « Boys don’t cry » destinée aux retardataires qui n’auraient pas acheté le premier disque et sur laquelle on retrouve la plupart des titres de « Three Imaginary Boys » ainsi que des machins sortis en 45 T.
1978 |
« Staring at the sea » (17 titres) est la version Cd de
la compilation, « Standing on the beach » la version vinyle (13 titres),
les deux titres reprenant les premiers vers de leur désormais mythique premier
single « Killing an Arab ». Pour les complétistes et pour en finir
avec cette intro encyclopédique, la version de « Standing on the
beach » en K7 double durée incluait une dizaine de faces B de 45T (je l’ai,
faire offre).
« Staring at the sea » est donc paru en 86. Autant être
clair, pas vraiment dans un but philanthropique. Contre toute attente, le
groupe venait de cartonner au niveau mondial avec la rondelle « The head
on the door » et Fiction (label) et Polydor (distributeur) vu l’histoire
du groupe et la personnalité euh … comment dire, instable de son leader, ont
jugé opportun de faire passer les fans à la caisse et de remplir les leurs, de
caisses … Parenthèse, plus de quarante-cinq après sa formation Cure existe
toujours (certes en pointillés) mais remplit vite fait les stades chaque fois
qu’il en prend le chemin, et y reste sur scène minimum trois heures …
« Staring at the sea » est une compilation. Classique, basique. Tous les titres (sous leur forme single) par ordre chronologique de parution, zéro inédit, live, remix … Le fan de base avait déjà tout ça, par contre pour le commun des mortels, et au vu du caractère assez chaotique du groupe, c’est une bonne entrée en matière. D’autant plus qu’à l’exception de rares bons titres parus plus tard (« Why can’t I be you », « Lullaby »), on a quasiment un best-of du groupe, aujourd’hui en route pour sa cinquième décennie d’existence.
1982 |
Même s’il a monté ses premiers groupes quand il était ado, Robert Smith est trop jeune pour être un des gars qui comptent dans le mouvement punk. Les choses sérieuses commencent en 1978, quand à la fin de l’année Cure enregistrent leur premier single, « Killing an Arab », typique du post-punk (ou de la new wave, appelez ça comme vous voudrez). Intro arabisante, batterie syncopée, striures de guitares, chant dans les aigus, musicalement on est beaucoup plus proche de Siouxsie & the Banshees ou Wire que des Pistols et du Clash. « Killing an Arab », dès sa sortie a fait le bonheur de quelques skinheads d’extrême-droite (pléonasme). Evidemment il ne serait pas venu à l’idée de ces incultes que le titre puisse être inspiré par « L’étranger » de Camus que Robert Smith avait lu en V.O., en français donc (Fat Bob apprécie la France et sa culture, le groupe y fera de longues et nombreuses tournées, y enregistrera parfois ses disques, et y en vendra beaucoup …). Le premier 33T (« Three imaginary boys », The Cure est un trio) suivra. Album juvénile, inégal, que le Roberto n’aime pas beaucoup à l’image de la reprise déconstruite du « Foxy Lady » d’Hendrix, qu’il dit détester (peut-être parce qu’exceptionnellement dans l’histoire des Cure, ce n’est pas lui qui la chante, mais le bassiste Michael Dempsey). Par contre on trouve sur « Staring … » un des titres emblématiques du groupe « 10 : 15 Saturday night », sorte de rockabilly mutant au ralenti (genre « Fever » de Presley), avec son solo de guitare (Smith est considéré comme un guitariste original et inventif, très souvent bien classé dans les listes de guitar-heroes, alors qu’il ne s’est jamais pris pour un virtuose de la six-cordes). Un single qui ne figure pas sur l’album paraît ensuite, « Boys don’t cry ». Bide retentissant, qui n’aura du succès que lors de sa réédition en 1986, surfant sur la vague de la Curemania. Pourtant, c’est un des meilleurs sinon le meilleur titre de Smith. Grand titre pop, mélodie imparable, superbe gimmick de batterie calée sur la ligne de basse, … un morceau qui reste quand même atypique du groupe.
1983 |
La suite immédiate verra Robert Smith partir dans tous
les sens, voire en vrille. Pour plusieurs raisons, son groupe n’a pas grand
succès, le Roberto qui a toujours aimé téter les bouteilles commence à
s’attaquer à des drogues moins légales et plus violentes, et puis il a envie
d’aller voir ailleurs. Il va finir par faire des piges chez Siouxsie & The
Banshees (il est très pote avec le bassiste Steve Severin et vénère le jeu de
leur guitariste John McGeoch) pour la seconde fois (chaque fois que le
guitariste se casse c’est lui qui le remplace), et pendant une paire d’années
est au moins autant membre des Banshees que de Cure.
Parallèlement à ses piges guitaristiques, Cure va évoluer.
La formation va se stabiliser en trio (avec Dempsey à la basse et Tolhurst à la
batterie, la formation dite « royale »), le look « Robert Smith »
(cheveux crêpés, fond de teint blanc, rouge à lèvres, fringues généralement
noires deux tailles au-dessus, baskets délacés) va s’affiner, et un son Cure va
se mettre en place (dense, bruyant, oppressant, voix hurlée dans les aigus) et
des thématiques (noires, sombres, cold, glaciales, gothiques, appelez ça comme
vous voulez) monopoliser les textes. Les trois albums
consécutifs (Seventeen seconds » - « Faith » -
« Pornography ») seront considérés par beaucoup (mais pas par Robert
Smith) comme la trilogie « glaciale » du groupe. Radicalité sonore et
des textes, et radicalisation des fans qui commencent à copier le look de
Smith. Il y a aura bien des singles extraits de ces disques (un ou deux max
pour chacun) qui auront bien du mal à trouver leur public, pour employer la gentille
métaphore de rigueur.
Smith, toujours au moins bourré, est quand même tout sauf
un dilettante. Il se rend compte qu’il va vers l’impasse psychologique et
artistique (selon ses dires, pas forcément à prendre au sérieux, l’enregistrement
de « Pornography » était une alternative à son suicide) et va faire
bouger les lignes de façon une nouvelle fois radicale, au grand désespoir de
ses premiers fans corbacs.
Un single, « Charlotte sometimes », enregistré avant « Pornography » remet en avant la mélodie et les notions de couplets-refrains qui avaient tendance à disparaître au profit d’un magma sonore uniforme. Cure va devenir un duo (Smith, Tolhurst) et s’engager dans des horizons sonores beaucoup plus dégagés, bien souvent à base de mélodies aux synthés.
1986 |
Tout devient beaucoup plus « léger » tant sur
le fond que la forme, les parutions ne se font plus qu’en 45T, et de nouveaux
fans aident ces titres à grimper dans les charts. Ces morceaux sans lien
conducteur permettent à Smith de se « lâcher », passant de la pop bubble-gum
(« Let’s go to bed »), à l’eurodance à machines (« The
Walk »), à la facilité guillerette (« The Lovecats »), jusqu’à
l’expérimental mélodique (« The Caterpillar » et son piano pompé sur les
parties de Garson avec Bowie). Cette période « singles » occupera la
fin de 82 et l’année 83.
Et puis, nouveau changement de cap avec succès cette fois
mondial à la clef. Ce sera l’album « The head on the door », étonnant
patchwork de tout ce qu’à fait Cure jusque là. Deux titres pour les charts
noyés dans un retour aux atmosphères très dark. Le sautillant « In between
days » et le minimaliste « Close to me » (malheureusement ici
dans sa version la plus commerciale, c’est-à-dire avec section de cuivres
festifs sur la fin), seront les locomotives du 33T. Dès lors, la Curemania
version 2.0 est en marche …
Conclusion : le titre n’est pas trompeur, cependant même
si elles n’ont pas été exemptes de revirements sonores, les premières années de
Cure ont tout de même été plus homogènes que ce que ce disque laisse entendre …
Des mêmes sur ce blog :
On avait déjà évoqué The Cure ici, j'étais passé à côté à l'époque (mais mon frère les avait tous ou presque), pas assez rock, pas assez blues, et puis je suis allé les voir à Rock en Seine il y a quelques années, pour m'y préparer j'avais écouté en boucle des albums live, et je me suis surpris à aimer ! J'avais été épaté par le voix de Smith, intacte malgré son hygiène de vie, et son jeu de guitare, comme tu le dis, atypique, original, sensible, totalement raccord avec l'ambiance du groupe, qui se laisse aller parfois dans de longues plages instrumentales limite psychédéliques.
RépondreSupprimerSi tu aimes les longs titres de Cure à majorité instrumentaux, je te conseille "Desintegration", pour moi d'assez loin leur meilleur disque (avis non partagé par le fan-club, mais je me fous de l'avis des fans)
SupprimerRien à voir avec The Cure... La cinémathèque de Paris va projeter la version restaurée et longue (dite "apollo" ?) du Napoléon d'Abel Gance, d'une durée de 7 heures... Je me tâte... Ca fait deux fois la durée du dernier Scorsese, tout de même.
RépondreSupprimerJ'ai la version Coppola des studios Zoetrope qui ne fait "que" 4 heures.
SupprimerLaisse-toi tenter, c'est un film totalement unique, toi qui aimes bien la technique de l'image tu vas en prendre plein les yeux, y'a des trouvailles de fou, d'ailleurs Gance y a plus ou moins laissé sa santé mentale, il a passé des années à refilmer des scènes et à remonter le film, quasiment jusqu'à sa mort... et pas du délayage (bégaiement ?) comme dans les derniers Scorsese (je mets le Netflix avec Pacino et deNiro dans le même sac que Killers of the flower moon, pas mal mais trop long)