Tous les fans du perruqué frisé vous le diront, il y a
des dizaines d’années que Polnareff n’avait pas sorti un disque. Ce qui
n’empêchait pas le monde de tourner (plus ou moins rond, mais c’est un autre
débat …). Alors là, dans un timing mercantile parfait avant les fêtes il nous a sorti un disque qui sent le sapin pour mettre sous le sapin. Un disque de plus
d’une heure (quelqu’un lui a-t-il suggéré que pareille longueur n’est plus de
mise depuis plus de trente ans ?), un disque interminable. Et quasiment
minable tout court.
Polnareff 2018 |
Polnareff, je suis fan de ses débuts. Nettement moins des
bouillasses seventies (même si occasionnellement on pouvait y trouver des
tueries totales) depuis et y compris le prétentieux « Polnareff’s ».
Et je suis encore moins fan de l’homme Polnareff. Exilé fiscal (sous prétexte
qu’un génie comme lui n’avait pas à rendre des comptes au fisc, la belle
excuse). Pas pire que tous les Tapie, Ghosn, Cazeneuve ou Balkany le mafieux de
Levallois, le pire de tous peut-être … j’ai pas du tout aimé ses retours
hyper-médiatiques très chèrement monnayés (l’aubade du 14 Juillet sur les
Champs-Elysées financée par Sarko-Nabot Ier, donc par nos impôts, no comment
…). Pas plus que ses déclarations opportunistes d’un crétinisme pervers sur sa
sympathie pour les gilets jaunâtres, eux qui demandent entre autres le
rétablissement de l’ISF, alors que lui justement s’en exonérait en s’exilant
aux States … Fuck you Polnareff …
Et si on parlait musique, puisqu’à la limite on peut
faire abstraction de tout le reste ? Et tant qu’à évacuer le problème de
l’opportunisme, disons tout d’abord le mépris que m’inspire le titre
« Terre Happy », qui en plus d’un jeu de mots affligeant, nous montre
un Polnareff qui nous livre un machin larmoyant très pro-écolo (il a du
apprendre que le collectionneur de 4X4 Hulot était très populaire en Macronie,
faut ratisser le plus large possible quand on sort un disque tous les cent
ans …). Polnareff (74 ans au compteur, génération Dylan-McCartney-Jagger-etc.
pour situer) aurait pu la jouer profil bas, se contenter de sortir un disque
honnête, que de toutes façons ses vieux fans chauves auraient acheté les yeux
et les oreilles fermés. Le type a suffisamment de talent (le génie, il en a eu
aussi, mais le propre du génie, c’est qu’il est le plus souvent éphémère, et
celui de Polnareff l’a fui depuis longtemps) pour à l’instar des chenus ancêtres
de son âge, sortir un truc point trop désolant …
La grand-mère de Polnareff |
Las, il nous a pondu une rondelle d’une prétention
terminale, une démonstration musicale au forceps à grand renfort d’orchestres
classiques et/ou symphoniques. Des cohortes de violons, violoncelles, cuivres,
qui le plus souvent n’apportent rien ou peu de choses aux titres qu’ils
parasitent (les trois-quarts). On peut même se demander s’ils ne sont pas là
pour couvrir la déchéance vocale de Polnareff. On aurait parfaitement compris
(et pardonné) qu’à son âge, il ne puisse plus aller aussi haut dans les aigus,
tandis qu’ici ces couches d’instruments empilés donnent l’impression de n’être
que des cache-misères. Quand il se hasarde sans filet dans un titre piano-voix
(« Grandis pas »), y’a comme qui dirait un malaise, on attend quelque
chose qui ne peut plus venir, et on se retrouve devant un machin dont Obispo ne
voudrait pas comme bonus track …
« Enfin ! » s’ouvre et se ferme par deux
longs instrumentaux (10 minutes de moyenne) qui prouvent que quand on a tout
oublié, restent les années de Conservatoire. C’est « écrit », pensé,
réfléchi, d’une précision sonore diabolique (pas facile de mixer sur
l’introductif « Phantom » des violoncelles et la guitare hardos du
requin de studio Tony McAlpine), mais prodigieusement chiant, à un point qu’on
trouverait intéressant des horreurs comme le « Underture » des Who
sur « Tommy » … Le problème, c’est que quand la durée des titres se
réduit et qu’il y a des paroles, c’est pas plus captivant. Ambiances
funky-groovy-jazzy le plus souvent, qui dans le meilleur des cas semblent
marcher sur les pas du Stevie Wonder qui commençait à décliner, celui des
années 80 et suivantes.
Polnareff sans perruque ? |
Les années 80, on y est parfois en plein dedans, et à ce
titre le navrant « Sumi », gros riff hardos d’entrée pour un rock FM
à la Europe (non, pas l’Union, les tocards de « Final Countdown »),
avec paroles et jeux de mots d’une indigence stupéfiants. Le genre de truc qui
pourrait tourner en boucle sur les radios si quelqu’un pensait à les écouter …
Des lustres sans disques, mais pas du neuf pour autant. « Ophélie
flagrant des lits » (des titres comme ça te donnent envie d’acheter
l’Almanach Vermot), était d’après les fans jouée régulièrement en concert
depuis longtemps. Je veux bien croire que ça puisse fonctionner en live
tellement c’est crétin, un mix entre Dorothée (celle du Club du même nom, oui,
on en est là) et son propre « LNAHO », là aussi pas ce qu’il a fait
de mieux … Quand on sait que Polnareff a passé des décennies à baver sur
« Tous les bateaux tous les oiseaux », son plus gros succès, qu’il
trouvait d’une simplicité débile, faudrait qu’il réécoute à tête reposée ce
qu’il sort maintenant …
Qu’est-ce qu’il reste à sauver ? Pas grand-chose
certes, pourtant Polnareff est encore capable de chansons fulgurantes. Ici il y
en a deux. « Longtime » c’est du Polnareff éternel, la tuerie
mélodique, et des paroles pas trop cons (un titre sur le manque d’inspiration,
ceci explique cela). Mais le meilleur titre arrive vers la fin, ça s’appelle
« L’homme en rouge », ça parle du Père Noel que les enfants pauvres
attendent et qui ne vient pas, et ça cumule paroles pour une fois simples et
sensées et une partie musicale à classer dans le Top 10 de Polnareff …
Tout ceci ne fait pas un ratio qualitatif extraordinaire.
En fait c’est quand le disque est terminé qu’on dit « Enfin ! »
Du même sur ce blog :