Ben ouais, quoi … quand on a réussi à se faire un (petit) nom dans le
music business, qu’on a son (petit) public, quand son patronyme est
immédiatement assimilé à une forme d’expression musicale, faut pas chercher à
comprendre, faut passer sa vie à refaire le même disque sous peine de retomber
dans l’anonymat.
Mais voilà, Richard Hawley n’est pas – au hasard –
Chris Isaak. Il aurait pu être ad vitam aeternam un crooner anglais triste,
torchant des rondelles dont chacune serait la photocopie de la précédente ou de
la suivante, avec comme seul point de différenciation un état de grâce dans la
composition qu’on atteint parfois. Ses états de grâce à Hawley s’appelaient
« Cole’s corner » qui lui valut le Mercury Prize (sorte de prix
Goncourt british du rock-pop-machin) et « Truelove’s gutter » sur
lequel sa recette patiemment mise en place touchait au sublime.
En train de raconter une histoire un peu Hawley Hawley ? |
« Truelove’s gutter » est le disque
précédant ce « Standing … ». Et Hawley qui ne doit être ni sourd ni
con a dû se dire qu’il avait placé la barre tellement haut qu’il serait vain de
vouloir la dépasser. Et des évènements extérieurs lui ont collé une sorte de
rage, contenue, mais la rage quand même. Selon lui, ces idées noires lui
seraient venues de la mort d’un ami proche et de l’exercice du pouvoir
calamiteux (what else ?) des conservateurs revenus aux affaires en
Angleterre. Parce que Hawley est Anglais, peut-être pas autant musicalement que
Ray Davies, mais Anglais quand même, est originaire de Sheffield, vieux bastion
industriel du Labour Party, à l’activité saccagée par les années Thatcher …
Hawley s’est aussi souvenu qu’il avait été guitariste en
tournée et parfois en studio du Pulp de Jarvis Cocker et que ce dernier venait
de le rappeler quelques mois plus tôt pour remonter une énième mouture de son
groupe. Parce que Hawley, c’est un de ces guitar heroes anglais, reconnus par
leur pairs (comme tous ces Chris Spedding, Albert Lee, Richard Thompson, Bert
Jansch, liste infinie) mais condamnés à passer leur vie dans l’obscurité qu’ont
posé sur leurs successeurs la Sainte Trinité des 60’s des Beck, Clapton et
Page. Et Hawley oubliant sa trademark et sa petite notoriété publique, a fait
un disque de guitariste. Pas même besoin d’écouter la rondelle, suffit de voir l’intérieur
du (maigre) livret rempli de gros plans sur des détails de guitares qu’on
suppose prestigieuses et vintage …
La plupart des habitués de la maison Hawley furent
déçus par ce « Standing … » de rupture. Ils ont dû l’écouter en
travers, cette rondelle. Qui si effectivement n’a que peu à voir avec les
précédentes, vaut plus que largement le coup d’oreille. D’abord parce que
Hawley n’est pas un guitariste brise burnes reléguant les autres musicos au
fond du mix pour placer plein centre de la stéréo un solo que l’on imagine
toutes grimaces en avant de douze mille milliards de notes à la seconde. Non,
Hawley mixe sa guitare à un volume tout à fait déraisonnable tout le temps, et
ne se hasarde que très rarement à des solos égomaniaques (les deux sur le
premier titre « She brings the sunlight » étant l’exception qui
confirme la règle), qui de toute façon misent tout sur le rendu sonore plutôt
que sur l’agilité des doigts le long du manche. En gros, si vous aimez le Neil
Young énervé et grand-père du grunge de la fin des 80’s, ce disque est pour
vous. Dans un registre de chansons tout à fait différent de celles du canadien
…
Je vous avais dit qu'il était guitariste ? |
Le domaine de prédilection de Hawley, c’est la
ballade down ou mid tempo. Dont il s’éloigne parfois pour faire des machins
beaucoup plus rentre dedans. Ainsi « Down in the woods » dont le riff
rappelle le « 1969 » des Stooges (pas besoin d’en dire davantage, le
seul nom des Stooges vaut plus que de longs discours). Ou « Leave your
body behind you », qui avec son gros riff qui dépote et sa voix aérienne
ramène au shoegazing (Angleterre, quelques mois vers la fin du XXème siècle,
avec My Bloody Valentine et Ride en tête de gondole, mais que sont ces gens
devenus ?). On pense aussi de loin aux Jesus & Mary Chain pour ces
mélodies pur sucre noyées sous des guitares toutes en reverb, feedback et
larsens …
Ce qui nous amène à parler du chanteur Richard
Hawley. On sent qu’il chante parce qu’il en faut bien un qui s’y colle et comme
c’est son disque, c’est tombé sur lui. Faut être clair, dans le genre ballade
triste, il se situe à des années lumière de l’expressivité d’un Roy Orbison, si
vous voyez ce que je veux dire … Et quand les titres s’emballent, Hawley n’a
pas le coffre pour accompagner la musique. C’est le seul gros reproche qu’on
peut faire à cette rondelle, avec la faiblesse relative par rapport au reste du
morceau « The wood collier’s grave ».
Parce que il y a dans « Standing … » de la matière. Hawley
compose bien, évite le monolithisme donnant parfois dans l’ambiance floydienne
(le crescendo de « Don’t stare at the sun » même si son jeu de
guitare n’a rien à voir avec celui de Gilmour), l’alternance du quiet / loud
sur le même tempo (la somptueuse ballade terminale « Before »), la
prière incantatoire rageuse du titre d’ouverture (« She brings the
sunlight »), quelques intros (longues et très travaillées chez Hawley) qui
évoquent les ambiances sombres des Doors …
Tout à fait « logiquement », malgré de
louables efforts de sa nouvelle maison de disques (Parlophone) qui a sorti quatre
titres en singles, « Standing … » a été une gamelle commerciale …
Juste un nuage...Pas le temps de tout lire mais bravo pour le titre!
RépondreSupprimerOui, excellent !
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