Ne surtout pas se fier à la pochette. On dirait
l’affreux Michael Youn en train de se la péter dans une décapotable vintage
ricaine. Ben non, ce type est une de ces légendes underground (entendez par là
qu’à part sa famille et quelques spécialistes du rock indé de la Côte Ouest des
USA, personne en a jamais entendu causer) dont les faits d’armes sont habituellement
commentés par ses maigres cohortes de fans.
Sonny Smith & Dan Auerbach |
La plupart du temps, il sévit en groupe, sous le nom
de Sonny & The Sunsets (et cette fois-ci, c’est bien avec ses Sunsets qui
l’accompagnent sur scène qu’il a enregistré, mais comme les paroles sont très
personnelles, « Rod for your love » paraît sous son seul nom). Son
plus haut fait d’armes à ce jour est d’avoir fait le pari (stupide ?) de
sortir cent (oui, vous avez bien lu) 45T sous autant de pseudos différents et
avec des comparses plus ou moins nouveaux à chaque fois. Sinon, il est
paraît-il pote avec Ty Segall et John Dwyer, et rien que pour ça, il a toute ma
sympathie, Smith.
Pour ce « Rod for your love », il s’est
acoquiné avec Dan Auerbach le chanteur guitariste des Black Keys, et s’en est
allé enregistrer dans le studio de ce dernier, à Nashville (le disque sort
d’ailleurs sur le label d’Auerbach, Easy Eye Sound). Vu la tournure de plus en
plus mainstream qu’a pris la carrière des Black Keys, il aurait été
présomptueux d’attendre un décape-oreilles radical de l’Auerbach.
On est fixé dès l’intro du premier titre
« Pictures of you » qui a comme un petit air de celle de « Mr
Tambourine Man » par les Byrds. Ce qui en soi est plutôt pas mal. La
mélodie est superbe, le chant de crooner désabusé du Smith soutenu par des
chœurs féminins discrets et des arrangements millimétrés, tout concourt à faire
de cette mise en bouche une réussite. Bon, des types capables d’un morceau
génial entouré de machins soporifiques, c’est pas ça qui manque.
Et bien, avec Sonny Smith, on a pas le temps de piquer
un somme. D’abord parce que le disque dure pas trois plombes (dix titres en 31
minutes), et ensuite parce que le niveau d’excellence se maintient d’un bout à
l’autre. Assez surprenant, parce que le Smith n’est pas un joyeux de nature,
plutôt un dépressif qui fait des efforts pour avoir juste l’air triste. Après
écoute de cette rondelle, il y a un nom qui clignote chez moi, celui d’Elvis.
Non, pas l’amateur de sandwiches au beurre de cacahuètes, mais le teigneux
binoclard Costello. Et plus précisément le Costello de « Imperial
bedroom » (1982), quand l’autre Elvis s’était mis en tête de sortir au
milieu de sa logorrhée vinylique, un disque de chansons comme on n’en avait pas
entendu depuis … Lee Hazlewood ? … Burt Bacharach ?
Sonny Smith |
« Rod for your love » est un disque de
sunshine pop triste, inspiré par les grandes chansons des années soixante, avec
le son des années quatre vingt. Vous situez ? Non ? Tant pis pour
vous … Que le grand cric me croque si certaines mélodies n’ont pas comme un air
de déjà entendu (attention, on ne parle pas copie ou plagiat, mais
réminiscences). Si l’intro de « Burnin’ up » n’évoque pas celle de
« Stand by me » ; si les paroles du ska ralenti « Live, love and be free » (sublime
meilleure chanson du disque, adressée à son fils) ne rappellent pas les
Specials (« A message to you my son » vs « A message to you
Rudy ») … Et tiens, ces Specials là étaient produits par … Elvis Costello,
je vois que vous suivez. Le Joe Jackson de la grande époque (celle de ses
débuts) pointe son museau (les lignes de basse de « Lost »), le Ray
Davies qui torchait plus souvent qu’à son tour des titres géniaux planqués sous
des mélodies désuètes est aussi de la revue (« More bad times »).
Sinon, on pense à la power pop du Dwight Twilley Band, à l’americana mainstream
de Petty (« Refugees », un titre pareil ne peut pas être une coïncidence).
Pour faire simple, on dira que sur dix morceaux, ils
y en a neuf de magnifiques. Le dixième (« Bores me to tears »), placé
à la fin du disque est le plus ambitieux, comme si Sonny Smith voulait donner
sa version de « Good vibrations ». Faut quelquefois savoir raison
garder, le résultat est plutôt médiocre, n’est pas Brian Wilson qui veut …
Disque totalement improbable et pourtant réussite
majeure… quand je vous disais qu’il a toute ma sympathie, Smith …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire