DREAM MACHINE - THE ILLUSION (2017)

Juste une illusion ?
Sur la pochette dans un exercice de lévitation, un moustachu et sa greluche. Lee Hazlewood et Nancy Sinatra ? Euh, non … John & Michelle Phillips ? Non plus, mais à la réflexion, il pourrait y avoir un peu de ça … Et la couleur de pochette est d’un profond … pourpre (on y reviendra). Les Dream Machine (y’en a deux autres, chevelus genre roadies de Hawkwind dans les 70’s, tellement moches qu’ils sont pas sur le recto de la pochette, d’ailleurs c’est pas sûr qu’ils fassent de vieux os dans cette histoire), comme des milliards d’autres, regardent en arrière, seconde moitié des années 60. Bâillements … Sauf qu’ils ont deux trucs pour se faire remarquer.
Mr & Mrs Melton
Premièrement, ils suscitent la controverse et la polémique. En s’affichant ouvertement réacs, tenant des propos aussi cons que ceux de Ted Nugent et Donald Ier réunis. A tel point qu’ils se sont fait lourder par leur label, ce qui est peu commun. Un brin pervers aussi parce que Castle Face, label en question, continue de vendre le disque. Qui se vent pas trop mal aux States. Business is still business. D’où un déchaînement assez peu  commun sur les pages pourtant consensuelles d’Amazon US, entre défenseurs et contempteurs de Dream Machine, appels au boycott de Castle Face et au soutien via Bandcamp du groupe. (Mini) évènement dans le Landernau du rock indé, une polémique verrait-elle le jour ?
Faut dire que maintenant tout est bien huilé. L’immense majorité des gugusses qui ont des chances de vendre plus de quatre rondelles se voient illico briefés par des conseillers en communication, leurs propos et leurs moindres faits et gestes sont surveillés par des multitudes d’attachés de presse qui n’hésitent pas à faire connaître aux journalistes les listes de questions qu’il ne faut surtout pas poser à leurs poulains. Alors quand arrivent deux crétins qui livrent leurs réflexions simplistes cash, une agitation s’empare du « milieu ». A l’attention de tous les anciens étudiants d’école de commerce qui « gèrent » le rock aujourd’hui, il convient de signaler que depuis les déhanchements censurés d’Elvis à la télé, le rock n’a prospéré que sur des polémiques et des querelles d’Hernani sur fond de trois accords. Et niveau déclarations plus ou moins imbéciles, les rockers ou prétendus tels ont depuis six décennies placé la barre très haut (à quand une anthologie des citations des frères Gallagher, Ozzy Osbourne ou du chanteur des Eagles of Death Metal ?)
Dream Machine
Et donc, quel crédit ou quel intérêt accorder au (on y revient) couple leader de Dream Machine, Matthew et Doris Melton, quand ils se lancent dans des tirades anti-immigration ? Surtout quand on sait que Doris Melton est d’origine bosniaque, émigrée durant la guerre en ex-Yougoslavie, passée par les pays scandinaves avant d’immigrer aux USA. Les Dream Machine se revendiquent anti Facebook, ce qui au jour des réseaux sociaux rois est un crime sans conteste abominable. Quel crédit (ou quel sérieux) leur accorder quand ils se prétendent (sur la page d’accueil de leur site internet officiel !!) opposés aux médias sociaux qui font ressortir le pire de la nature humaine ? Et à la limite, même si les Melton pensent vraiment ce qu’ils disent, combien de stars qu’on s’efforce de nous présenter bien sous tous rapports sont capables (parfois sans l’aide d’alcool ou de poudres blanches) de déclarations bien pires ? Maintenant, et dans l’autre sens, faut pas aller crier à la conspiration, à la censure, où à je ne sais quel complot destiné à empêcher l’humanité de profiter de leur musique … Parce qu’on pourrait en causer des heures et regarder ce qu’on nous sert par ici au nom d’une « droite décomplexée » ou d’une « extrême-droite dédiabolisée ». A côté de ça, les raisonnements à la con d’un couple de rednecks pas très fufutes dans un groupe de rock indé, hein …
Et la musique de ces guignols, tu vas en causer un jour ? Voilà, voilà, ça vient…
Leur musique, figurez-vous, elle me plaît bien. Mais avis, y’a au moins un pré-requis. Figurez-vous que j’ai mis leur Cd dans le lecteur, et que je l’ai arrêté au second titre pour aller écouter les morceaux sur le Net, tant ce que j’entendais au niveau son me paraissait provenir d’un Cd foireux, d’une erreur de pressage. Non, pas du tout, ce qui était sur mon Cd était bien ce qu’ils avaient voulu faire. Le son des Dream Machin(e) est plutôt déstabilisant. Une rythmique de bourrin (les deux chevelus), des claviers et de l’orgue qui dégueulent de partout, des voix tellement chargées d’échos et saturées qu’elles deviennent incompréhensibles et qu’on a parfois du mal à distinguer si c’est le mec ou la nana qui chante (ils se partagent à peu près les titres). Un son qui ferait passer les Sonics pour Pink Floyd (ou Rihanna). Est-ce que ça vient du fait que la fréquence d’enregistrement (c’est écrit en gros sur la pochette du skeud) est de 432 hz au lieu des 440 habituels ? J’y entrave que dalle à cette histoire, mais pour les curieux que ça intéresse, le couple s’en explique dans une (longue) vidéo. En tout cas, à l’heure du sonore agréable à l’oreille triomphant, les Dream Machine dépotent. Et on finit par s’y faire à leur son caverneux …
Surtout parce que ces couillons ont écrit de grands morceaux. Notez bien que j’ai dit grands et pas longs (y’en a la moitié des douze qui dure moins de deux minutes et aucun qui arrive à quatre), ce qui est assez paradoxal parce qu’on les sent très inspirés par le prog et les longs titres psyché des sixties seventies. A la fin du disque, y’a deux noms qui clignotent très fort : les Doors et Deep Purple. A cause de la Doris, de son Vox et de son B3, qui sont utilisés de la même façon que lorsque Manzarek et Lord les martyrisaient. Ajoutez-y quelques riffs sinueux à la King Crimson, une rythmique échevelée et vous obtenez une sorte de garage – power pop – prog relativement inédite, curieuse et le plus souvent très intéressante et réussie.
La Belle et les Bêtes ...
L’aspect garage, c’est ce son brut de décoffrage, ces méchants riffs fuzzy sixties (« Eye for an eye » et « Back to you » se distinguent dans cette catégorie). Le côté power pop, c’est cette urgence mélodique derrière la carapace hardos (on pense à un esprit Cheap Trick, comme sur « Torn from the hands … »). Mais ce qui domine, ce sont ces emprunts au prog (les mini breaks tarabiscotés un peu partout, les riffs crimsoniens du morceau-titre) et surtout ces claviers Doors-Purple (y’en a qui citent aussi Electric Prunes, dont j’ai un skeud qui traîne sur une étagère mais que j’ai pas écouté depuis des siècles, donc je m’avancerais pas sur ce terrain-là). C’est joué par la nénette Melton (mignonne bien que facho, comme quoi moi aussi je suis capable d’écrire des trucs réacs) qui s’avère assez douée et bluffante pour ces exercices « à la manière de … » (flagrant sur « Lose my place on time », « Nothing left » ou l’instrumental « Diamond on the rough »). Les deux tourtereaux qui se partagent aussi l’écriture étant capables de grands titres qui ne doivent leur réussite qu’à leur talent (« Buried alive »), même s’ils sonnent comme une chanson yé-yé « All for a chance », ou citent des bribes du « Sud » de Nino Ferrer (le refrain de « Caught in a trap »).

Conclusion : on peut dire plein de conneries et faire un bon disque …



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