Sur la pochette dans un exercice de lévitation, un
moustachu et sa greluche. Lee Hazlewood et Nancy Sinatra ? Euh, non … John
& Michelle Phillips ? Non plus, mais à la réflexion, il pourrait y avoir un
peu de ça … Et la couleur de pochette est d’un profond … pourpre (on y
reviendra). Les Dream Machine (y’en a deux autres, chevelus genre roadies de
Hawkwind dans les 70’s, tellement moches qu’ils sont pas sur le recto de la
pochette, d’ailleurs c’est pas sûr qu’ils fassent de vieux os dans cette
histoire), comme des milliards d’autres, regardent en arrière, seconde moitié
des années 60. Bâillements … Sauf qu’ils ont deux trucs pour se faire
remarquer.
Mr & Mrs Melton |
Premièrement, ils suscitent la controverse et la
polémique. En s’affichant ouvertement réacs, tenant des propos aussi cons que
ceux de Ted Nugent et Donald Ier réunis. A tel point qu’ils se sont fait
lourder par leur label, ce qui est peu commun. Un brin pervers aussi parce que
Castle Face, label en question, continue de vendre le disque. Qui se vent pas
trop mal aux States. Business is still business. D’où un déchaînement assez
peu commun sur les pages pourtant
consensuelles d’Amazon US, entre défenseurs et contempteurs de Dream Machine,
appels au boycott de Castle Face et au soutien via Bandcamp du groupe. (Mini)
évènement dans le Landernau du rock indé, une polémique verrait-elle le
jour ?
Faut dire que maintenant tout est bien huilé.
L’immense majorité des gugusses qui ont des chances de vendre plus de quatre
rondelles se voient illico briefés par des conseillers en communication, leurs
propos et leurs moindres faits et gestes sont surveillés par des multitudes
d’attachés de presse qui n’hésitent pas à faire connaître aux journalistes les
listes de questions qu’il ne faut surtout pas poser à leurs poulains. Alors
quand arrivent deux crétins qui livrent leurs réflexions simplistes cash, une
agitation s’empare du « milieu ». A l’attention de tous les anciens
étudiants d’école de commerce qui « gèrent » le rock aujourd’hui, il
convient de signaler que depuis les déhanchements censurés d’Elvis à la télé,
le rock n’a prospéré que sur des polémiques et des querelles d’Hernani sur fond
de trois accords. Et niveau déclarations plus ou moins imbéciles, les rockers
ou prétendus tels ont depuis six décennies placé la barre très haut (à quand
une anthologie des citations des frères Gallagher, Ozzy Osbourne ou du chanteur
des Eagles of Death Metal ?)
Dream Machine |
Et donc, quel crédit ou quel intérêt accorder au (on
y revient) couple leader de Dream Machine, Matthew et Doris Melton, quand ils
se lancent dans des tirades anti-immigration ? Surtout quand on sait que
Doris Melton est d’origine bosniaque, émigrée durant la guerre en
ex-Yougoslavie, passée par les pays scandinaves avant d’immigrer aux USA. Les
Dream Machine se revendiquent anti Facebook, ce qui au jour des réseaux sociaux
rois est un crime sans conteste abominable. Quel crédit (ou quel sérieux) leur
accorder quand ils se prétendent (sur la page d’accueil de leur site internet
officiel !!) opposés aux médias sociaux qui font ressortir le pire de la
nature humaine ? Et à la limite, même si les Melton pensent vraiment ce
qu’ils disent, combien de stars qu’on s’efforce de nous présenter bien sous
tous rapports sont capables (parfois sans l’aide d’alcool ou de poudres
blanches) de déclarations bien pires ? Maintenant, et dans l’autre sens,
faut pas aller crier à la conspiration, à la censure, où à je ne sais quel
complot destiné à empêcher l’humanité de profiter de leur musique … Parce qu’on
pourrait en causer des heures et regarder ce qu’on nous sert par ici au nom
d’une « droite décomplexée » ou d’une « extrême-droite
dédiabolisée ». A côté de ça, les raisonnements à la con d’un couple de
rednecks pas très fufutes dans un groupe de rock indé, hein …
Et la musique de ces guignols, tu vas en causer un
jour ? Voilà, voilà, ça vient…
Leur musique, figurez-vous, elle me plaît bien. Mais
avis, y’a au moins un pré-requis. Figurez-vous que j’ai mis leur Cd dans le
lecteur, et que je l’ai arrêté au second titre pour aller écouter les morceaux
sur le Net, tant ce que j’entendais au niveau son me paraissait provenir d’un
Cd foireux, d’une erreur de pressage. Non, pas du tout, ce qui était sur mon Cd
était bien ce qu’ils avaient voulu faire. Le son des Dream Machin(e) est plutôt
déstabilisant. Une rythmique de bourrin (les deux chevelus), des claviers et de
l’orgue qui dégueulent de partout, des voix tellement chargées d’échos et
saturées qu’elles deviennent incompréhensibles et qu’on a parfois du mal à
distinguer si c’est le mec ou la nana qui chante (ils se partagent à peu près
les titres). Un son qui ferait passer les Sonics pour Pink Floyd (ou Rihanna).
Est-ce que ça vient du fait que la fréquence d’enregistrement (c’est écrit en
gros sur la pochette du skeud) est de 432 hz au lieu des 440 habituels ?
J’y entrave que dalle à cette histoire, mais pour les curieux que ça intéresse,
le couple s’en explique dans une (longue) vidéo. En tout cas, à l’heure du
sonore agréable à l’oreille triomphant, les Dream Machine dépotent. Et on
finit par s’y faire à leur son caverneux …
Surtout parce que ces couillons ont écrit de grands
morceaux. Notez bien que j’ai dit grands et pas longs (y’en a la moitié des
douze qui dure moins de deux minutes et aucun qui arrive à quatre), ce qui est
assez paradoxal parce qu’on les sent très inspirés par le prog et les longs
titres psyché des sixties seventies. A la fin du disque, y’a deux noms qui
clignotent très fort : les Doors et Deep Purple. A cause de la Doris, de son
Vox et de son B3, qui sont utilisés de la même façon que lorsque Manzarek et
Lord les martyrisaient. Ajoutez-y quelques riffs sinueux à la King Crimson, une
rythmique échevelée et vous obtenez une sorte de garage – power pop – prog
relativement inédite, curieuse et le plus souvent très intéressante et réussie.
La Belle et les Bêtes ... |
L’aspect garage, c’est ce son brut de décoffrage,
ces méchants riffs fuzzy sixties (« Eye for an eye » et « Back
to you » se distinguent dans cette catégorie). Le côté power pop, c’est
cette urgence mélodique derrière la carapace hardos (on pense à un esprit Cheap
Trick, comme sur « Torn from the hands … »). Mais ce qui domine, ce
sont ces emprunts au prog (les mini breaks tarabiscotés un peu partout, les
riffs crimsoniens du morceau-titre) et surtout ces claviers Doors-Purple (y’en
a qui citent aussi Electric Prunes, dont j’ai un skeud qui traîne sur une
étagère mais que j’ai pas écouté depuis des siècles, donc je m’avancerais pas
sur ce terrain-là). C’est joué par la nénette Melton (mignonne bien que facho,
comme quoi moi aussi je suis capable d’écrire des trucs réacs) qui s’avère
assez douée et bluffante pour ces exercices « à la manière de … » (flagrant sur « Lose my place on time », « Nothing left » ou
l’instrumental « Diamond on the rough »). Les deux tourtereaux qui se partagent aussi l’écriture
étant capables de grands titres qui ne doivent leur réussite qu’à leur talent
(« Buried alive »), même s’ils sonnent comme une chanson yé-yé
« All for a chance », ou citent des bribes du « Sud » de
Nino Ferrer (le refrain de « Caught in a trap »).
Conclusion : on peut dire plein de conneries et
faire un bon disque …
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