Quoi que … « San Francisco Nights » en
intitulé de cette notule, ça pourrait faire se retourner Eric Burdon dans sa
tombe. Hein, tu dis quoi, toi ? Qu’il est pas mort Burdon ? T’as
raison, mais on s’en fout du nabot qui braillait dans les Animals.
Le sujet aujourd’hui, c’est le sieur John Dwyer,
leader et homme à tout faire de Thee Oh Sees, mais aussi gourou et figure
tutélaire de toute la « nouvelle » scène de Frisco, dont les plus
illustres éléments sont Ty Segall et Mikal Cronin, responsables comme Dwyer de
multitudes de galettes sous de multiples intitulés et quelques fois sous leur
nom propre. Parce que maintenant, dans un monde musical aux modèles économiques
pulvérisés par le téléchargement et le streaming, le centre de gravité de la
musique américaine qui bouge, qui vit, qui cherche à avancer malgré tout, il
n’est plus à New York (trop arty, branchouille, m’as-tu-vu), ni à L.A.
(colonisé et lobotomisé par les pitres qui passent en boucle sur MTV et les
meufs kardashianesques).
Thee Oh Sees 2016 |
Comme il y a pile cinquante ans (putain cinquante
ans !) ça se passe à Frisco. Bon, il est peu probable que tous ces combos
qui aujourd’hui s’agitent dans l’anonymat sinon l’indifférence généraux
deviennent un jour aussi célèbres que l’Airplane, le Dead, Creedence,
Quicksilver, Big Brother, Country Joe et les autres qui ont fait éclore la
vague psychédélique 60’s. Même si de psychédélisme il en est encore question
avec les Thee Oh Sees. Comme chez tout le monde de nos jours. Chopez n’importe
quel groupe de minots avec guitares, et ils vous citent d’entrée comme un
sésame les mots de garage et de psychédélisme. Ça donne sinon le droit de
devenir riche et célèbre, mais ça permet de faire savoir qu’on existe, puisque
c’est « tendance ».
Sauf que les Thee Oh Sees et Dwyer en particulier,
c’est plutôt des quadras qui sont là depuis une éternité, ça leur confère une
sorte de légitimité. Mais on s’en cogne de la légitimité me dis-tu ? Que
ce qui compte c’est de sortir un disque écoutable, et que c’est pas parce tu
moulines sur ta gratte depuis vingt ans que tu vas faire de bons disques, hein,
voyez plutôt Status Quo … ou Coldplay. Vous saisissez où je veux en
viendre ? Non, bon tant pis, je recommence pas …
Non, ce qui est intéressant voire passionnant dans
le cas de Dwyer et de ses Thee Oh Sees, c’est que le type en a plus rien à
foutre des chiffres de vente si tant est qu’il en a eu quelque chose à cirer un
jour. Sa petite notoriété lui permet de survivre de son art, il est dans la
logique du do it yourself (et avec les outils informatiques aujourd’hui, tu
sors un disque « fini » pour le budget Kleenex d’une scène de porno),
fait en gros ce qu’il veut et vous emmerde … Parce que faut être un peu con
pour virer ce que certains considèrent déjà comme la formation
« royale » des Thee Oh Sees, celle de l’encensé (du moins dans ce
blog) « Floating coffin », et repartir à l’assaut avec un casting
tout neuf. Qu’il me soit permis de regretter la mimi Brigid Dawson (même si elle
traîne dans les backing vocaux sur un titre), dont les claviers et les chœurs
lumineux étaient pour beaucoup dans l’impact du précédent opus.
La nouvelle formation des Oh Sees (parce que tant
qu’à virer tout le monde, autant faire dans l’inédit) se compose ladies and
gentlemen, de deux (oui deux, un + un) batteurs. Comme dans l’Allman Brothers
Machin, s’écrie le pervers fan de rock sudiste ? Pff, non, t’as rien
compris, plutôt comme chez les Black Angels, si tu veux citer quelque chose d’à
peu près comparable. Mais à quoi ça sert deux putains de batteurs, quand t’as
un plug-in sur ton Mac qui peut te faire pareil que si t’avais les Tambours du
Bronx à la rythmique ? ben à foutre la pression sur les autres et à
pouvoir se balader dans des structures compliquées comme les affectionnaient
les groupes de kraut (eh, oh le fan des Allman, pourquoi tu pars en
courant ?). Car les Oh Sees ne cèdent à la facilité de ne contentent pas
du minimum binaire de base comme leur petite notoriété pourrait les y
autoriser, avec douze titres descendus dans les quarante foutues minutes ;
D’abord, des morceaux, dans « A weird
exists » il n’y en a que huit. Autrement dit, on n’a pas chez le sieur
Dwyer peur de s’installer dans la durée, de tirer toute la substantifique
moelle d’une composition. Et à ce jeu, les quasi huit minutes de « Crawl
out from the fall out » entamées par un cliquetis de cymbales, se
terminent en une sorte de boléro lysergique que n’aurait pas renié Jason Pierce
et ses Spiritualized. « Plastic plant » montre à quoi ça peut servir deux
batteries qui dévalent le titre genre avalanche de fûts, essaient de se tailler
une place au milieu de guitares hurlantes, et preuve que ce titre est également
excellent, tout ce raffut n’arrive pas à masquer une mélodie de derrière les
fagots.
John Dwyer se prend pour Angus Young (ou Chuck Berry) |
Dans « A weird exists », on cause et on fait de la musique. Et si y’a pas
besoin de paroles, et ben on s’en passe, ce qui arrive dans la moitié des cas, sans
que ça sonne une seule seconde comme un
revival electro ou un tentative de faire de l’ambient avec des guitares. On est
bien au-dessus de ces viles comparaisons. Et on se retrouve avec les deux
aspects extrêmes de ce genre de musique. D’un côté le ratatinage sonore obstiné
à la Hawkwind (« Ticklish warrior »), et à l’autre aspect du spectre
sonore une lente mélodie belle à pleurer (« The axis »), inspirée paraît-il
par un baba entendu dans une rue qui avec un Clavier tout pourri joué à la
Charlie Oleg reprenait pour les passants des titres de Hendrix. Un Voodoo Chile
évidemment méconnaissable, en dehors du titre de la rengaine.
« A weird exists » est le genre de disques
comme on n’hésitait pas à en faire au tournant des années 60-70, à une époque où
l’on n’avait rien à foutre de notions de chapelle et de normalité. On mettait sur
un disque une litanie de bons morceaux, et tant pis (ou tant mieux) s’ils ne se
ressemblaient pas tous. Allez, s’il fallait un maillon faible à cette rondelle,
je dirais que c’est « Jammed entrance » qui comme son nom le laisse supposer
est un peu trop en roue libre tendance free jazz pénible (pléonasme).
« A weird exists » est le genre de disque dont
Nagui risque pas de faire la promotion. Donc excellent.
Des mêmes sur ce blog :
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