Et la lumière fut avec les Mystery Lights … Ouais, je
sais, c’est pas rien de commencer une chroniquette en paraphrasant Dieu, mais
pour une fois y’a de quoi sortir la brouette à superlatifs.
Et d’abord, c’est qui, les Mystery Machins, se demandent
mes armées de lecteurs. Euh, à vrai dire, j’en sais rien, et là, à
brûle-pourpoint, sans copier sur le livret, je suis bien incapable de vous dire
comment ils s’appellent ces gugusses et de quel bled des Zétazunis ils
viennent.
Ce que je sais, c’est qu’ils sont tout jeunes, que cette
rondelle est leur première et qu’ils l’ont enregistrée au studio Daptone, du
label du même nom. Bon, pour ceux qui ont tout juste le niveau maternelle
supérieure en classic soul, Tonton Lester vous explique, et ouvrez grand vos
orifices (mais non, pas tous, rien que les oreilles, z’êtes pénibles, les
filles …), y’aura interro là-dessus un de ces quatre. Daptone, c’est une bande
d’azimutés revivalistes qui entendent balancer aujourd’hui des disques de soul
comme on faisait chez, au hasard, Stax, y’a cinquante ans. Entendre par là,
qu’il y a des chanteurs ou chanteuses dignes de ce nom au micro, des vrais
types qui les accompagnent en jouant de vrais instruments, le tout enregistré
avec un soin maniaque sur des consoles analogiques d’époque. Autrement dit, les
artistes Daptone (figure de proue Sharon Jones, bien 70 balais), ils ont le
putain de son qui te fait frissonner, on n’est pas exactement dans le registre
de la pétasse ondulant du croupion, avec Cubase, Bandcamp, ProTools et AutoTune
qui moulinent les octets derrière…
Ceci posé, les Mystery Lights sont une erreur de casting
totale, une aberration au pays des revivalistes soul maison. Ces cinq
corniauds, ils sont à peu près aussi soul que Bruno Lemaire (vous savez, le mec
à tronche de bedeau premier de la classe, qui pense avoir des idées jeunes
parce qu’il fait du Sarko light ou du Juppé version ado, et qui s’imagine être
le Obama ou le Kennedy normand que nous attendons tous, si tu savais la gamelle
que tu vas prendre face au vieux briscards, tu retournerais sous les jupes de ta
cousine pour avoir une idée de l’origine du monde, mais bon, je pars en vrille
là, on va se calmer …). J’en étais où là ? Ah ouais, la soul et les
Mystery Truc.
Ben hormis par moments la voix du chanteur (ils ont pas
dû le laisser partir comme çà, deux prises et c’est bon c’est dans la boîte,
ils ont du le torturer longtemps) qui fait « passer des choses » dans
son gosier, même s’il se cantonne au registre du shouter un peu limité, les
Mystery Chose, ils sont pas soul pour deux sous.
Je vous parie la vertu d’une congrégation de bénédictines
que leur disque de chevet, c’est la compile Nuggets assemblée par Lenny Kaye en
… 1972, et qui repiquait tous ses morceaux entre 65 et 67, dans un genre devenu
plus tard dans les livres le rock garage. Entendez par là tous ces boutonneux
américains, traumatisés par tout ce qui venait d’Angleterre (les Beatles
d’abord, ensuite tous les Stones, Who, Kinks, Pretty Things, Them and so on …)
et qui s’escrimaient à les imiter, le plus souvent assez gauchement (suffit de
fouiller un peu dans les multiples compilations parues depuis pour s’apercevoir
qu’il n’y avait pas que des cadors du binaire énervé) tous ces crazy rhythms
britons. Quelques-uns avaient des hits locaux (les Seeds avec « Pushin’
too hard », d’autres ont écrit un de ces titres devenus mythiques des
lustres plus tard (le « Psychotic reaction » du Count Five), d’autres
n’ont été célébrés que plus tard (les meilleurs de tous, les Sonics, ne sont
pas sur le double vinyle original), et constante pour tous, aucun de ces
groupes n’est devenu riche et célèbre.
C’est un peu ce qui pend au nez des Mystery Lights. Parce
que parmi tous ceux qui donnent dans le « Nuggets style », j’ai
rarement entendu un truc aussi cohérent, méticuleux, maniaque. Du travail
d’orfèvre, à mon avis nettement mieux que tout ce que les groupes originaux ont
sorti en vinyle. Un peu comme ces moines copistes du début du Moyen-âge qui retranscrivaient
des bouquins religieux en les enjolivant, faisant de récits plan plan des
œuvres d’art. Les Mystery Lights livrent quelque chose d’entendu trois milliards
de fois et pourtant avec ce petit plus qui fait la différence, les fait sortir
du troupeau (merci Daptone …). En à peine plus de demi-heure et onze titres, la
messe sixties est dite. De la courte intro instrumentale fuzzy en accélération
permanente à la rave-up finale de « What happens … », y’a pour moi
rien à jeter. Avec même peut-être bien un futur classique des compiles garage
des années (20)50. Ça s’appelle « Melt », ça dure deux minutes et
trente neuf secondes, c’est un dragster sonore surpuissant, basé sur un riff
copié-décalqué sur celui de « The witch » des Sonics, ça s’achève
avec des faux grésillements de vinyle en bout de piste et ça sonne
instantanément comme un classique … que vous entendrez certainement jamais sur les
ondes de radio, trop occupées à passer en boucle les derniers remugles sonores
de … pff, y’en a tellement de ces tocards insupportables qu’on entend partout …
Les Mystery Lights revisitent avec un talent, une grâce
et une énergie peu communs tout le catéchisme des sixties underground. Pas de
baisse de régime, même pas un titre juste quelconque. Ils ont décidé d’être
excellents, et ma foi, pourvu que ça dure. Du « classique »
« Follow me home » et sa pédale fuzz sur onze, à la pop (très rock)
de « Whitout me », à l’hymne pour les stades dans lesquels ils ne
joueront très certainement jamais (« 21 and counting »), au Iron
Butterfly style (le côté crétin balourd ravi en moins) « Too tough to
bear », on se surprend à taper du pied pour battre la mesure et avoir
envie après chaque titre d’appuyer sur « replay »…
Bon, allez, je vous laisse, je vais me le remettre ce
Mystery Lights …
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