« Cette sacrée
vérité » (« The awful truth » en VO), c’est une comédie. Une
vraie, c’est-à-dire pas un de ces machins poussifs où les gags éculés (de ta
mère), tu les vois arriver cinq minutes avant avec leurs gros sabots, dopés aux
effets numériques et aux motion captures.
« Cette sacrée
vérité » date de l’avant-guerre (putain, laquelle, il s’en déclenche une
tous les trois jours, s’interroge le type cultivé aux programmes de
LCI ?), à une époque où tu plantais une caméra devant des acteurs, tu leur
filais un texte, et ils faisaient le taf … Après, le reste, à savoir si c’était
plus ou moins marrant, ça dépendait du type derrière la caméra, de celui ou
ceux qui avaient écrit le scénar, et des types ou des meufs qu’étaient filmés.
Les choses étaient simples…
Dunne, McCarey & Grant |
Derrière la caméra, Leo
McCarey. Un de ces antiques touche-à-tout, réalisateur et producteur ici,
parfois même également scénariste, un des hommes de base de la Columbia. Pas le
type le plus doué du monde, plutôt laborieux, pas d’images virevoltantes, non,
le genre à souder une caméra au sol et à faire passer les acteurs devant, si
vous voyez ce que je veux dire. Mais le Leo, avec sa filmo de stakhanoviste,
assure l’essentiel. Sans plus … Même si sur celui-là, il s’y est pas mal
investi, soi-disant parce que l’histoire à l’écran ressemblait en bien des
points à la sienne … Le film ayant été un gros succès au box-office, McCarey a
même gagné la statuette du meilleur réalisateur en 1938. Ma foi …
Le scénario est issu d’une
pièce de théâtre, ce qui est assez flagrant au vu du film. Œuvre de l’à-peu-près
inconnu Arthur Richman, retravaillée par les scribes de la Columbia, en l’occurrence
Vina Delmar et Sydney Buchman, elle a déjà été tournée deux fois sans que ça
déplace les foules au temps du muet, et le succès de la version de McCarey la
verra à nouveau adaptée à moultes reprises, y compris en version comédie
musicale … L’histoire de « Cette sacrée vérité » n’est pas vraiment
un sommet d’étude psychologique, dans ce couple Warriner qui bat de l’aile, à
tel point que le divorce est demandé et sera juridiquement effectif trois mois plus tard. Le film nous montre
alors les étranges pas de deux à la « Je t’aime moi non plus » des
futurs divorcés le temps de la période probatoire. Un amusant jeu de séduction
sur le tard alors que tout semble dit, au prix de situations rocambolesques, de
quiproquos et subterfuges divers, entrecoupés de gens plaqués derrière des
portes. Du théâtre de boulevard tout ce qu’il y de classique, avec un final
évident (c’est aussi la partie la plus bâclée, en roue libre au niveau
écriture) que tout le monde devine au bout de dix minutes … Mais pendant plus d’une
heure, les bonnes répliques fusent et s’enchaînent sans aucun temps mort,
toutes empreintes de cet humour et de cette finesse so british, bien que le
film soit totalement américain …
Mr & Mrs Warriner ... & Mr Smith (le chien) |
Bon, y’en a bien un de British dans
le lot … Et pas le moindre. Cary Grant, star en devenir (il a déjà cartonné au
box office) livre ici une de ces performances d’acteur qui font date. Absolument
irrésistible tout en étant d’une économie de jeu remarquable (on n’est pas chez
De Funès, if you know what I mean …), enchaînant répliques et postures
loufoques sans se départir un instant de son flegme de grand bourgeois (le
couple Warriner fait partie de la haute société new-yorkaise), sa présence est
un ravissement de tous les instants et une leçon à méditer pour tous les
acteurs prétendus comiques.
Ralph Bellamy, Cary Grant & Irene Dunne au restaurant |
Une performance qui tire tout
le casting vers le haut. Son ex (Irene Dunne), également coureuse et volage, partage
avec lui les gros caractères en haut de l’affiche, est un peu en retrait dans
les strictes scènes de comédie, mais se rattrape lors de courtes séances de
danse ou de chant mémorables. Les seconds rôles, galerie de personnages
pittoresques, reprennent toute la galerie de portraits classiques de la comédie
de boulevard. Défilent tour à tour les maîtresses de Grant (de la nunuche
chanteuse de restaurant, à la très coincée héritière de grande famille), les
amoureux de Dunne (le mondain transparent, le riche plouc de l’Oklahoma
chaperonné par sa désagréable mère) … Sans oublier la vieille tante bringueuse de
Dunne ou le chien du couple, principal objet de querelle du divorce et dont ils
obtiennent la garde alternée …
Il y a des scènes où pas une
seconde n’est à jeter, les deux plus mémorables étant une rencontre au
restaurant entre les deux « divorcés » accompagnés de leur prétendant
du moment, l’autre quand Irene Dunne s’invite chez la future belle-famille de
son futur ex-mari en se faisant passer pour sa sœur …
Un bon vieux film comme on
aimerait en voir plus souvent …
Du même sur ce blog :
Du même sur ce blog :
J'ai une petite tendance à les confondre tout ces films, faut dire, quand une formule fonctionnait, on hésitait pas à faire marcher la photocopieuse. Cary Grant en a tournées des pelletées à cette époque. Et on se souvient davantage des Cukor, des Hawks, des Capra... J'ai le souvenir d'un film avec Grant, où il s'installe à la campagne avec sa femme, mais il bosse en ville, il y a une sombre histoire d'adultère, en fait un qui-pro quo... Léo Mc Carey, il a supervisé des centaines de bobines de Laurel et Hardy, il a été à bonne école...
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