Fallait pas ...
Oh non, fallait pas se pointer avec un disque aussi
bon chez les gros cigares de chez Reprise (le label) et de Warner (la
maison-mère). Parce que les comptables qui prétendent s’occuper de musique (et
accessoirement y connaître quelque chose), ils ont toussé quand Jeff Tweedy est
venu leur faire écouter les bandes de son nouveau disque « Yankee Hotel
Foxtrot ». Et les hommes de l’art(gent) n’ont pas voulu de pareille chose.
Quoi, ce Wilco, considéré par beaucoup comme le
meilleur groupe de classic rock étatsunien, auteur de choses comme « Being
there » ou « Summerteeth », qui faisaient tripper tous les
tenants d’une americana moderne, et promis s’il avait continué sur la lancée à
un grand avenir dans le rock pour stades, voilà t-il pas qu’il se pointe avec
un disque de … pop anglaise, et encore de la pop qui semble agencée par quelque
savant fou. Un disque qui a l’outrecuidance de commencer par le plus mauvais
titre (« I am trying to break … ») des onze, de quoi faire fuir le
client (euh, pardon, l’amateur de musique), qui sera quelque peu rebuté par une
intro désordonnée, une mélodie feignasse, la voix endormie de Jeff Tweedy, … du
n’importe quoi maîtrisé, mais un peu du n’importe quoi quand même … Le disque dans son ensemble se verra refusé
par la maison de disques, le contrat sera rendu à Wilco, qui malgré sa bonne
réputation, cherchera un label pendant des mois, avant d’être signé par
l’indépendant Nonesuch (distribué par ... Warner, comprenne qui pourra). Les ventes conséquentes de « Yankee … » et
des suivants fera que les deux parties auront tout lieu de se réjouir de cette
coopération, jusqu’à ce que Wilco crée sa propre structure (dBpm) pour son
dernier (et très excellent « The whole love »). Fin de la parenthèse
gros sous …
Car pour la musique, y’a pas débat. « Yankee
Hotel foxtrot » est un monument, pour moi le meilleur de Wilco et un des
tout meilleurs disques des années 2000. Il y a dans ces onze titres des
mélodies, des trouvailles que l’on croyait impossibles à entendre tant dans ce
qu’on appellera faute de mieux le classic rock, tout semblait déjà avoir été
fait et refait depuis des lustres. Le cœur du disque est monumental, de
« War on war » à « I’m the man loves you », un enchaînement
de cinq titres comme on n’en fait plus, je vous le dis ma bonne dame … Et on a
beau les passer en boucle, on n’arrive pas à savoir si on préfère l’énorme
nostalgia évoquée par l’autobiographique « Heavy metal drummer », la
folie de « I’m the man … » (ses « whouhou » à la
« Sympathy for the Devil », ses riffs rhythm’n’blues, ses sonorités
hendrixiennes, le genre de fusion après laquelle les laborieux Red Hot Chili
Peppers courent depuis vingt cinq ans), la merveilleuse ballade mid-tempo de
« Jesus, etc … », les gargouillis de guitares et la mélodie
sautillante de « War on war », ou le rock down tempo avec ses synthés
apocalyptiques au final de « Ashes of american flag ».
Et le restant, autour, est pas mal également. Malgré
l’assez ardu titre d’ouverture, (qui trouve son écho symétrique dans le final
de la dernière piste avec ses synthés rappelant ceux des plages instrumentales
de « Heroes » de Bowie), on en connaît beaucoup, en couverture de
mags musicaux, qui aimeraient bien avoir été capables de glisser ne serait-ce
qu’une des chansons « moyennes » de ce disque sur leurs rondelles à
eux.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur ce
disque. Notamment la surévaluation du rôle du frangin Bruitos, la mouche du
coche noisy Jim O’Rourke (le cinquième Sonic Youth d’avant la débandade), sous
prétexte que son nom figurait au générique de ce « Yankee Hotel
Foxtrot ». Il n’est crédité que du mixage (les Wilco sont à l’époque
quatre en studio et six sur scène, pas manchots, n’ont besoin de personne pour
jouer sur leurs disques, et celui-ci ils l’ont produit), et cet aspect parfois
noisy-bruitiste qu’on trouve dans les titres, le groupe l’a par la suite fait
sans lui. Ce côté sonore un peu bourdonnant, parasité, plus rarement abscons et
dissonant a valu à Wilco le qualificatif à cette époque de « Radiohead
américain », le parallèle étant fait entre l’évolution des uns et des
autres de « OK computer » à « Kid A » et de
« Summerteeth » à « Yankee … ». Qu’on puisse comparer les
endives blettes d’Oxford à Wilco relève d’une excellente performance à des
tests de surdité ou de mauvaise foi, voire des deux …
Des mêmes sur ce blog :
The Whole Love
Des mêmes sur ce blog :
The Whole Love
C'est vrai, c'est pas comparable... les endives blettes, c'est mieux...
RépondreSupprimerJe me doutais bien que tu étais au régime ...
SupprimerPourquoi faut toujours que tu dises du mal pour dire du bien.;)
RépondreSupprimerBon, Wilco, ça fait parti des groupes que je connais de très loin, entendu des extraits régulièrement à l'époque chez Lenoir. "Heavy Metal Drummer" tu sens aussi que Grandaddy était passé par là. Enfin c'est un de ces groupes sur ma liste de "à s'y mettre, ça va probablement te plaire". Au début c'était quand même largement plus centré sur un alt-rock-country, à l'époque de Uncle Tupelo. C'est au fur et à mesure qu'ils se sont "classicrockisé" je crois, jusqu'à donner dans le west-coast carrément sur leurs derniers albums.
West-coast ? Diable ... j'ai des doutes, en tout cas pas le dernier ...
SupprimerOui, en fait je voulais dire sur Sky Blue Sky, mais depuis je ne sais même pas combien d'albums ils ont sorti donc je suis out of the loop.
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